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Chapitre 4.1








Les songes de Nurh étaient peuplés d'yeux jaunes et brillants, du bec acéré d'un oiseau qui le déchirait sans pitié.

" Je mangerais ton cœur. "

Le guerrier hurla de peur quand une grande aile blanche le frôla. Il recula mais fut immédiatement acculé contre un mur noir, immense, interminable qui se dressait derrière-lui.

La Bête se rapprocha. Implacable, sauvage.

Elle baissa la tête et le lorgna d'un œil impérial.

" Aide le petit frère, Guerrier du temple. Car ton cœur est Nôtre, et Nôtre est ton destin."

Puis elle fondit sur lui. Instinctivement, il leva le bras pour se protéger, un cri d'horreur aux lèvres. Mais contre toute attente, il n'y eut pas de bec acéré pour lui ouvrir la poitrine, seulement une main.

Une main posée sur ses lèvres.

Le guerrier ouvrit les yeux.

*

- Nurh, moins fort ! siffla Cyl dont le visage occupait tout le champ de vision du guerrier.

Les lourdes mèches brunes de la prêtresse chatouillèrent le visage de Nurh et le ramenèrent peu à peu à la réalité. Ses grands yeux noirs étaient posés sur lui, brillants d'appréhension.

- Ça va ? demanda son amie en retirant sa main qui avait tant servit à le réduire au silence qu'à le réveiller. Tu hurlais comme un Perdu, tu m'as fichu une des ces frousses !

Le guerrier papillonna des paupières puis écarta les mèches de la prêtresse d'un bras, tout en constatant que les traits de celle-ci étaient tirés et inquiets.

- Quelle heure est-il...? murmura-t-il d'une voix rendue rêche par ses cris.

Son étrange rêve couplé à son réveil brutal le laissait totalement déboussolé, il avait du mal à se situer dans le temps. Autour de lui, une légère brise hivernale soufflait, charriant dans son sillage un froid poignant. Il frissonna.

- La neuvième heure n'est pas encore passée, répondit la prêtresse. Comment va ta tête ?

Le guerrier jura quand la prêtresse se pencha en arrière, dévoilant les rayons du soleil qui l'éblouirent. Il se sentait perdu, presque hagard et encore profondément perturbé par son rêve qui lui revenait en morceaux épars. Il revoyait les ailes, le bec menaçant, les yeux jaunes et les cris râpeux. « Ton cœur est Nôtre ». Le souvenir, comme un murmure à son oreille, lui arracha un frisson désagréable. Il referma les yeux, tâchant d'évacuer les dernières bribes du rêve. Jusqu'ici, il n'avait jamais eu à craindre Fenned en tant que Bête-Divine. Le corbeau s'était toujours montré amical avec lui, et ce depuis sa plus tendre enfance. Amical au point que souvent, le guerrier en oubliait la nature de l'oiseau. Il oubliait ses pouvoirs incommensurables, son âge ancestral, la puissance intrinsèque à sa nature. Tout cela venait de lui revenir avec violence, sous la forme d'une torture mentale particulièrement efficace. Et il savait que l'oiseau avait été gentil. Si Fenned avait décidé qu'un avertissement n'était pas suffisant, le guerrier serait fou à l'heure qu'il est. Ou mort.

Le cas devait être sérieux.

- Ta tête, insista son amie, le détournant de ses pensées.

Inquiète, elle posa sa main fraîche sur le crâne du guerrier et poussa un soupir. Il avait une légère fièvre mais rien d'inquiétant, aussi pouvait-elle se permettre de ne pas perdre de temps à le soigner.

- C'est douloureux.

- Douloureux, hein ? répéta-t-elle doucement. Tu vas devoir faire avec, il faut que tu te lève.

Un grommellement derrière le guerrier alerta la prêtresse. Elle releva les yeux, puis poussa un râle désabusé.

- Non, idiot ! Ce n'est pas comme ça que l'on met un turban !

Elle ôta sa main du front de Nurh, se releva et s'avança vers la source du bruit.

- De quoi tu...? marmonna le guerrier, de plus en plus déconcerté.

- Oh, par la grâce de la Mère Miséricordieuse, il faut l'enrouler ! Nurh, debout, maintenant ! ordonna-t-elle sèchement.

Le guerrier poussa un juron et se redressa maladroitement. Aussitôt, il fut pris d'une envie de vomir, bien que son estomac soit désespérément vide. Un peu de bile lui monta à la bouche, qu'il cracha sans regret. Il eut la brève et désagréable sensation qu'on lui plantait des épines dans le crâne.

Le corps secoué de haut-le-cœur, il parvint tout de même à s'asseoir et prit un instant pour se calmer.

- Byhlirc ! Ao më le malnéthyen ! s'écria la prêtresse dans son dos.

" Crétin ! laisse-moi le faire ! " Il se retourna en grognant.

- Je peux me relever tout...

Les mots moururent sur ses lèvres. À quelques mètres de lui, installée au milieu de leur campement de fortune, la prêtresse s'évertuait à coiffer le garçon-loup d'un turban qui ressemblait à s'y méprendre à celui que le guerrier gardait dans son sac, souvenir d'un voyage dans les terres du nord.

La scène était incongrue, presque incroyable : le garçon était assis, le dos raide comme une lame, les lèvres plissées en un pli farouche tandis que la jeune femme virevoltait tout autour de lui, le grand pan de tissu entre les mains.

- Mais enfin... murmura le guerrier, incrédule.

" Ça me fait mal " résonna une voix dans sa tête. " Il n'y a vraiment pas d'autres solutions ? " La voix, jeune mais indubitablement masculine, ne pouvait appartenir qu'au garçon. Le guerrier fut plus étonné encore quand il constata qu'il s'était exprimé en Sirdh.

- Non. Fais avec, répondit la prêtresse dans la même langue. Rimrin, ne reste pas à bailler aux corneilles et aide moi à ranger, le temps presse !

Prenant conscience que le guerrier les observait, le garçon-loup toisa l'homme de son inquiétant regard ambré. La teinte de ses étranges prunelles s'assombrit en même temps que son visage se ferma. Tout dans son langage corporel criait " Ne t'approche pas. "

Nurh se releva maladroitement, sentant l'écho de sa colère de la soirée dernière envahir le creux de son ventre alors qu'il fit un premier pas. Le garçon se crispa et laissa échapper un grognement sauvage.

- Ne t'avise même pas de toucher ton épée, Nurh, gronda la prêtresse en délaissant le garçon et son turban.

Elle plaça ses deux mains sur les hanches et le défia silencieusement d'attraper son arme.

- Aurais-tu déjà oublié ce que Fenned t'a dit hier ? insista-t-elle après quelques secondes d'une joute silencieuse.

Un souvenir fugace. Les serres et les yeux jaunes.

Nurh les dévisagea elle et le garçon, luttant contre son instinct qui lui criait d'éliminer le danger. C'était dans sa nature de Guerrier des temples : Protéger et défendre envers et contre tout les Dieux, les Bêtes-Divines et leurs serviteurs. Il avait prêté le serment de donner sa vie pour les sauver si il le devait, et l'enchantement qui le liait à son serment pesait fortement dans son jugement actuel de la situation. Pour lui, cette créature était un danger non négligeable.

" Protège le petit frère. " La voix du corbeau lui revint comme un murmure éthéré teinté de menace. Le guerrier serra les poings.

De son côté, le loup n'en menait pas large non plus. Le traumatisme qu'avait provoqué l'attaque du guerrier, la marque violette sur son cou qui pulsait douloureusement au rythme frénétique de ses battements de cœur le rongeaient et l'emplissaient de haine. Il s'était senti mourir et pire, il avait abandonné la lutte. Le responsable de cette agonie se tenait à quelques mètres de lui seulement, près à renouveler l'attaque.

La deux-pattes, que la Bête-Divine avait chaudement recommandée au loup en même temps qu'il soignait son esprit brisé, lui assurant qu'elle était digne de confiance, se retourna vers lui et leva les mains en signe d'apaisement. Le loup avait décidé de ne pas remettre ouvertement en doute la parole de la divinité mais ne lui accordait pas non plus un crédit total. Le guerrier, lui, n'en avait aucun. C'était un tueur de loups, un tueur de frère-de-cœur, une menace qu'il ne pouvait pas écarter.

- Doucement, lui dit avec douceur la deux-pattes dans sa langue. Nurh est autant digne de confiance que moi. Il ne te fera rien.

Elle tourna la tête vers le guerrier et lui jeta un regard sombre.

- N'est-ce pas, Nurh ? dit-elle avant de reprendre leur dialecte natal, le delnien commun. N'oublie pas ton serment envers Fenned, Nurh. Il t'a dit de protéger le garçon et tu te dois de lui obéir.

Le jointures du guerrier devinrent aussi blanches que la neige à ses pieds tant il serra les poings.

- Ce qui s'est passé hier n'est dû qu'à une terrible et malheureuse incompréhension de la situation, poursuivit la prêtresse en sirdh, afin que le garçon la comprenne également. Nurh ne voulait que protéger Fenned, car il pensait que tu étais en train de l'attaquer.

Les traits du garçon-loup se changèrent en un masque de stupeur, mêlé à du dégoût.

- Jamais je ne ferais de mal à un frère de la Mère-Lune ! s'insurgea-t-il.

- Je le sais, désormais, répondit Cyl avec apaisement ( elle n'avait aucune idée de qui était la Mère-Lune, mais devina qu'il s'agissait certainement du titre d'une Divinité ) . Mais hier nous ne le savions pas, et je te prie de nous en excuser.

Elle porta la main gauche sur le cœur et lui fit un profond salut, une façon adéquate et civilisée de reconnaître une grave erreur.

- Nurh... menaça-t-elle entre ses dents serrées.

Celui-ci, le visage fermé, menait visiblement un rude combat intérieur. Sa bouche n'était plus qu'un pli, ses poings, deux étaux tremblants. Il réfléchissait, calculait à toute vitesse, mesurait le pour et le contre.

Enfin, l'homme secoua la tête et poussa un râle.

- Par les bourses molles de la dernière ombre! lâcha-t-il avant d'imiter son amie et de porter la main sur le cœur. Ao ö vynia asathes il'chet. Ao no yasicanir veth'nete at Marym y sarn o saabi.

" Je me repend de mes erreurs. Même si j'attends que la vérité sur les faits me soit partagée. " Cyl s'autorisa un soupir de soulagement, et envoya une prière de remerciement silencieuse à la Divinité qui avait eu la bonne idée de mettre un peu de plomb dans le crâne du guerrier à la naissance.

Ils se redressèrent et attendirent la réponse du garçon.

La prudence et la crainte se lisaient toujours sur le visage de ce dernier, mais mêlées à une grande part de curiosité. C'était la première fois qu'il voyait un deux-patte ployer l'échine devant un animal, et il devait reconnaître que la sensation était plaisante. Recevoir des excuses était une sensation plaisante. Cela n'avait pas le goût inégalable de la soumission d'un autre loup face à lui, mais ça n'était pas désagréable. Bien au contraire.

Avec un dernier regard mauvais pour le mâle, il lâcha un bref grognement.

- J'accepte vos excuses.

- À la bonne heure, s'exclama Cyl en frappant dans ses mains, soulagée. Le temps joue contre nous, je suis heureuse de ne pas avoir à ramasser les lambeaux de corps que vous vous serez mutuellement arraché.

Elle s'avança vers le loup et reprit son tressage du turban.

- « Le temps joue contre nous ? » Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda la guerrier.

Il venait d'enjamber le tas de fourrure où reposait la Bête-Divine qui n'avait pas bougé d'un pouce depuis la soirée précédente. La petite masse blanche semblait bien inoffensive vue-d'ici, mais il savait qu'il n'en était rien.

- Je suis allée chasser, ce matin, répondit la prêtresse. Oh non, ne m'interrompt pas ! Je sais ce que tu t'apprêtes à dire, mais vu l'état dans lequel vous vous trouviez, je doute fortement que vous auriez pu vous faire le moindre mal.

Nurh referma la bouche et secoua la tête.

-Je me suis enfoncée dans la forêt, vers l'ouest. Je savais qu'il y avait des proies faciles dans les clairières de ce côté-ci, car j'en avais déjà attrapé lors de mon dernier voyage.

Elle fit un dernier nœud sur le turban, puis testa la solidité de son ouvrage en tirant dessus. Le couvre-chef ne bougea pas d'un pli. Satisfaite, elle se recula pour admirer le jeune homme. Même si il semblait profondément mal à l'aise avec, le turban cachait parfaitement ses étranges oreilles. Quelques mèches éparses de ses longs cheveux sombres tombaient sur son visage, mais cela ne gâchait pas le déguisement que préparait Cyl.

- J'étais à moins d'une dizaine de kilomètres du camp - les clairières étaient un peu plus loin que dans mes souvenirs -, quand j'ai entendu des bruits de sabots et des éclats de voix, poursuivit-elle en croisant les bras sur la poitrine. Je me suis approchée en silence et j'y ai découvert une caravane de marchands. Pour ce que j'ai pu entendre, ils parlaient en grande majorité le Pavelois et je pense qu'ils revenaient de l'ouest où ils ont dû commercer. Et ils faisant route vers...

- L'est, soupira le guerrier, complétant sa phrase. Nos chemins vont se croiser.

- C'est ce que je me suis dit. En courant, j'étais plus rapide qu'eux et j'ai donc pu vous rejoindre avant qu'ils n'arrivent. Mais avec tout notre équipement sur le dos, à pied, Fenned que nous allons devoir porter et vous deux mal en point, ils vont forcément nous rattraper.

- Ils font route vers le temple ?

Cyl hocha la tête.

- C'est mon impression.

- En cette période l'année ? C'est insensé !

- Je me suis dit exactement la même chose, mais ils sont là, c'est un fait, dit-elle en retournant fouiller dans la besace du guerrier d'où elle tira une paire de bottes montantes, des braies ajustées et une longue chemise en lin brodé. Tu permets que je t'emprunte ça ?

Le guerrier hocha la tête, et un petit sourire sarcastique s'invita sur ses lèvres.

- Mais par la grâce de la Créatrice, tu t'es vraiment adoucie ! Aurais-tu peur que ton protégé prenne froid ?

- Oui, crétin. C'est déjà un miracle qu'il n'ait pas d'engelures, répondit-t-elle sèchement. Mais ce n'est pas tout.

Elle désigna le garçon du doigt en faisant un long mouvement circulaire.

- Comment comptes-tu expliquer ça - pardon, jeune homme, mais ton apparence n'est pas commune - aux marchands ?

- Oh.

La prêtresse se dérida un peu devant la mine déconfite du guerrier.

- Oh en effet, reprit-il, mais penses-tu que cela va marcher ?

- Je compte le faire passer pour un marchand venu du nord que nous avons croisé en chemin et avec qui nous nous rendons au temple. Cela me permettrait d'expliquer sa peau pâle et ses cheveux sombres. Pour ses yeux, il n'y a rien à faire, je ne peux pas les cacher, mais qui n'a jamais vu d'excentricité au sein d'un peuple, hein ? De plus, les nordiens sont plutôt mystérieux. Ça pourrait marcher, si on y met un peu de conviction.

- Et comment expliquer qu'il parle le Sirdh ? Et seulement par la pensée ?

Cyl pinça les lèvres, vexée qu'il ait si rapidement trouvé une faille dans son plan certes brinquebalant.

- Nous pouvons... dire qu'il est muet ?

Un ricanement moqueur s'échappa des lèvres de son ami.

- Un marchand muet, Cyl ? Sincèrement ? répondit-il, cynique. En plus, les paveliens sont des marchands. Les plus grands marchands d'Amaërys, rien que ça. Nous serions démasqués dans la seconde.

Le loup, qui s'accommodait peu à peu au turban sur sa tête leur jeta un regard curieux.

- Qu'est-ce qu'un marchand ?

- Un humain qui distribue ce que les hommes produisent, répondit la prêtresse avec empressement tout en enlevant les fourrures qui pesaient sur les épaules du garçon pour lui passer un bras dans la chemise. Je ne vois pas quoi dire d'autre, Rimrin.

- Combien nous reste-t-il de temps avant qu'ils n'arrivent ? demanda l'homme qui réfléchissait à une autre solution, une main posée sur le menton.

- Ils ne doivent plus être très loin. Vous réveiller m'a pris pas mal de temps.

- Ne pouvons-nous pas simplement dévier notre route ? Prendre un itinéraire un peu plus long pour rentrer au temple mais éviter de croiser la caravane ? tenta le guerrier.

Cyl refusa.

- Avec vous deux et Fenned mal en point ? C'est un risque que je ne prendrais pas. De plus, nos réserves en nourriture sont bientôt épuisées. Non, il faut rentrer au temple le plus rapidement possible.

Elle replia les manches trop longues de la chemise qu'elle avait finie de faire enfiler au garçon puis lui tendit le pantalon. Celui regarda le vêtement d'un œil circonspect, ne sachant visiblement pas ce qu'il devait faire avec.

Cyl soupira.

- Tu passes une jambe ici, puis l'autre là, d'accord ? À croire qu'il n'a jamais porté de vêtement, marmotta-t-elle en delnien.

Le loup lui lança un regard mauvais, mais ne dit rien.

- Et si nous leur disions simplement la vérité ? avisa-t-elle à son tour. Avec Fenned comme preuve, ils nous aideraient, c'est certain.

- Impossible ! s'exclama le guerrier. Tu as dis qu'ils étaient paveliens, n'est-ce pas ? ( Cyl hocha la tête. ) Les paveliens sont certainement le peuple le plus dévoué au culte d'Itte'Naere dans toute l'Amaë. C'est en grande majorité un peuple de marchands, de nomades. Des enfants des routes. Les enfants de la Déesse par définition, Cyl. Que crois-tu qu'ils nous feront si ils découvrent la Bête-Divine qu'ils chérissent et adorent tant dans cet état, Rimrin ? Malgré toute notre habilité à la magie et aux armes, je crois que nous ne ferons pas long feu.

- Par Aksha la putain ! jura Cyl. Qu'est-ce que l'on peut faire, alors ?

Nurh ferma les yeux et se concentra. La prêtresse l'observa avec appréhension, alors que le loup contemplait la scène d'un œil méfiant, captant dans leur attitude la gravité du moment. Après un long moment qui semblait durer des heures à Cyl, son ami se retourna vers elle.

- Nous allons faire comme tu l'as dit. Nous allons nous faire passer pour des voyageurs. Pas des marchands, car les paveliens remarqueront immédiatement que nous n'en sommes pas, mais nous pouvons toujours nous faire passer pour des fidèles qui nous rendons au temple pour rendre hommage à la Déesse.

- En plein cœur de l'hiver ? Sans chevaux ?

- Nous pourrions avoir été attaqué par des bandits ? Nos blessures jouent en notre faveur. Le garçon serait notre ami muet, et nous serions des musiciens.

Son visage s'animait sous l'effet de l'état de concentration extrême dans lequel il se trouvait tandis qu'il élaborait leur plan au fil de ses pensées. Ses yeux verts brillaient d'excitation, rappelant à Cyl une époque pas si lointaine où ce genre de situation leur arrivait souvent, et où ils arrivaient toujours à se sortir. Une époque où Arden était encore en vie, où Nurh ne s'était pas encore volatilisé dans la nature sans donner de nouvelles, une époque où Cyl avait encore une grande part d'innocence à chérir.

Elle chassa vite cet instant de nostalgie de ses pensées, et se concentra sur la situation actuelle.

- Des bardes ? Je ne pense pas que notre jeune ami muet ici présent sache jouer d'un instrument.

- Nous pouvons trouver des excuses, broder, Rimrin. Il suffit juste d'avoir la trame générale pour créer une fausse bonne identité. Un barde muet est toujours plus crédible qu'un faux marchand pour des paveliens.

- " Une fausse bonne identité " hein ? répéta la prêtresse, amusée par la tournure de phrase. Mais Fenned alors, qu'en faisons nous ?

- C'est là que les choses se compliquent. Je pensais l'envelopper dans les couvertures et le mettre dans l'une de nos besaces. Personne ne le verrait, il suffirait de l'installer de telle façon à ce qu'il puisse respi...

- Tu veux... mettre... Fenned.. Fenned ! Dans un sac ? s'écria Cyl en lui attrapant les épaules.

L'air ahuri de Cyl manqua de faire s'étouffer le guerrier, qui réfréna son envie d'éclater de rire.

- Par la grâce de toute l'Elémentale ! Aidez-moi, éructa Cyl en le secouant comme un prunier, Admée et Itte'Naere vont me tuer ! Elles vont m'écorcher vive !

- De grâce, Rimrin, lâcha le guerrier en attrapant les mains de la prêtresse sous l'œil circonspect du loup qui ne comprenait définitivement rien aux humains. Reprend-toi ! Il suffira de ne jamais le dire.

- Tu veux mentir à Itte'Naere ? s'égosilla Cyl dont la voix monta dans les aigus.

Le sourire malicieux que lui offrit Nurh acheva ses doutes.

- Omettre, ce n'est pas mentir, n'est-ce pas ? lui dit le guerrier d'une voix tranquille. Et puis Fenned est inconscient, il n'en saura lui même jamais rien. Nous n'avons pas d'autres choix, Cyl.

Celle-ci l'observa un bref instant sans rien dire, avant de lâcher un râle désespéré.

- Très bien. Fenned ira dans le sac.

Elle regrettait déjà cette décision. Une Bête-Divine, fourrée dans une besace telle un vulgaire lot de patate !

- Alors nous faisons comme ça ? lâcha Nurh, dont la voix enjouée lui donnait un air enfantin.

Il avait toujours aimé relever des défis du genre. Son cerveau fonctionnait à l'adrénaline, usant de toutes ses ressources, de toutes ses ruses pour trouver des solutions et réussir à s'en sortir sans - trop - de dégâts. Tromper les gens, revêtir des apparences à peine crédibles à la dernière minute mais tenir son rôle malgré tout, et s'en sortir vivant. Cyl avait appris à aimer cette part de sa personnalité qui leur avait parfois attiré quelques problèmes, surtout quand il se mettait lui même en quête de défis à relever, mais qui leur avait le plus souvent sauvé la vie. La joie qui se lisait sur son visage réchauffa le cœur de la prêtresse, et à ce moment précis, elle prit définitivement conscience qu'elle avait retrouvé un compagnon de route, un ami cher.

- Nous faisons comme ça, Rimrin, dit-elle en se laissant gagner malgré elle par l'enthousiasme du guerrier.

Elle lui attrapa la main et la pressa dans la sienne.

- Des bardes donc ? La dernière fois remonte à quand ?

Le guerrier pouffa.

- Tu sais, hier je te parlais de la chevauchée à dos d'ours... répondit-il en laissant sa phrase en suspens, sachant que l'évocation parlerait d'elle-même.

Ils éclatèrent de rire. Un rire salvateur et bienvenu, un rire de retrouvailles, comme si les quatre années passées loin l'un de l'autre n'avait pas réussi à entamer leur amitié. Le cœur de Cyl lui sembla un peu plus léger.

Un grognement derrière elle rompit la magie de l'instant, la faisant presque sursauter.

- Qu'est-ce qu'un barde ? demanda enfin le loup dont la patience était sérieusement entamée.

Nurh et Cyl le dévisagèrent avec des yeux ronds, puis se retournèrent l'un vers l'autre.

- Oh, Mihil, lâcha Cyl qui laissa échapper un rire nerveux. Cette fois-ci, je crois que nous touchons le fond.

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