Il faisait nuit noire sur Luxar. En même temps, c'était assez normal quand on considérait qu'il s'agissait de la cité-anneau en orbite géostationnaire au-dessus de Galerion 6, l'une des planètes les plus industrialisées de l'Alliance et le siège social de la Corporation Lux.

Dans l'un des bureaux du bloc administratif, une lumière s'alluma et on y vit un homme y pénétrer : cheveux courts bien lissés, costume sombre taillé sur-mesure. Un véritable ponte s'il en était un. Prestement, il se dirigea vers son poste de travail et activa les écrans qui se trouvaient derrière où défilaient les dernières nouvelles des marchés galactiques. Un sourire carnassier s'étala sur son visage blafard quand il constata que le cours des actions de la compagnie était encore monté d'un demi-point. Tout se déroulait exactement comme prévu.

Satisfait par ce qu'il voyait, il se dirigea alors vers le bar d'où il sortit une bouteille en verre remplie d'un liquide rouge sombre. Mais il s'arrêta brusquement avant de se mettre à humer l'air ambiant. Pas de doute, dans l'ombre, quelqu'un l'épiait.

— C'est pas vraiment recommandé pour un humain, cette boisson-là ! Du sang, c'est plutôt digne d'un Zarklan ! s'exclama une voix féminine.

L'homme se tourna vers l'origine de la voix et riva ses yeux jaunes sur l'ombre de la femme qui venait de s'adresser à lui. Quelques instants plus tard, elle se dévoila enfin : mate de peau, de longs cheveux bruns et bouclés. Se rappelant les rapports sur les actions nuisibles de cette femme, l'homme d'affaires émit un petit ricanement tandis qu'il notait le blaster pointé sur lui :

— Tiana Fry, dit-il, confiant.

— C'est bien moi, Vlad. Si tu savais depuis combien de temps j'attends ce moment.

— Le jour où vous seriez sur le point de me tuer ?

La jeune femme s'esclaffa. C'était un rire mêlant sarcasme et tristesse.

— J'aurais bien voulu. Mais non, je vais pas te tuer. Enfin, pas ce soir. Tu serais considéré comme un martyr et les Indépendantistes ont vraiment pas besoin de ça...

On pouvait sentir la peine et le dégoût que lui inspirait l'idée même qu'on fasse de la mort de Vlad Stokes un symbole contre ses anciens camarades indépendantistes. Le chef d'entreprise, quant à lui, était particulièrement satisfait de la situation.

— Que voulez-vous dans ce cas ?

— Le mandat d'arrêt que l'Alliance a déposé contre mon équipage et moi, tu vas le faire sauter.

Le dirigeant de la Lux se versa un verre de sang et vint s'asseoir en face de Fry. Il semblait d'un seul coup plus détendu. Trop détendu au goût de la Capitaine qui raffermit sa prise sur la crosse de son arme.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis disposé ou même capable de faire une chose pareille ? Après tout, le mandat a été délivré par les Forces Militaires de l'Alliance. Pas par la Corporation Lux.

Entendant de telles inepties, la Capitaine commença à perdre son calme :

— Me prends pas pour une conne, Vlad ! On sait très bien tous les deux que tu es derrière les grandes décisions de l'Alliance ! Révoquer un mandat, c'est en ton pouvoir !

Tel le négociateur qu'il était, Stokes prit une profonde inspiration et, tout en gardant son calme, contre-attaqua :

— Admettons que ça le soit. Pourquoi le ferais-je ?

— Tu sais très bien qu'on sait ce que tu as fait sur Terra. La copie de plusieurs centaines de citoyens de l'Alliance et leur remplacement au fur et à mesure... Combien de temps crois-tu qu'il m'a fallu pour retirer toutes ces informations du cerveau mécanique de Sarina Rem et les transmettre à mes amis ? bluffa la Capitaine, ne pouvant réprimer un sourire. Révoque le mandat d'arrêt à l'encontre de mon équipage et tu entendras jamais plus parler de cette histoire. Mais dans le cas contraire...

Le chef d'entreprise attendit quelques secondes pour analyser la situation. Si cet enregistrement existait bel et bien, il prenait le risque de le voir rendu public et les projets de la Lux compromis. Dans le cas contraire, il pourrait simplement se débarrasser de Fry et son équipage d'une manière détournée, pour ne pas éveiller les soupçons. Mais, le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? Non. Après la débâcle sur Terra, la sécurité était de mise. Sans piper mot, Stokes soupira avant d'acquiescer. À cet instant, il était battu.

— Il y a aussi le fait que le plus grand xénophobe de la galaxie, qui soumet les autres races aux humains, est lui-même un alien. Je me demande vraiment ce que les autres actionnaires penseraient s'ils le découvraient... ajouta Tiana Fry en se levant du fauteuil qu'elle occupait depuis le début de la conversation.

Le PDG de la Lux s'étrangla de surprise, ses yeux dorés reflétant la lumière de la lune de Galerion 6. D'un geste vif, il se précipita vers la table basse à proximité pour y ramasser l'une de ses armes. Mais déjà, Fry avait disparu.

Pensant qu'il avait peut-être rêvé, Stokes inspecta la pièce de fond en comble, avant de retourner à son bureau. Bureau où il trouva un mot sur lequel était écrit une simple phrase.

"Le Mal a un prix".