CHAPITRE 6 : Récupération
Depuis près de deux heures, le Charon naviguait dans l'espace intersidéral, à la recherche d'une station abandonnée. Deux heures pendant lesquelles Tooms, toujours derrière sa console, vociférait – dans un langage tout particulièrement grossier – à l'encontre de la technologie qui, selon lui, laissait à désirer. Deux heures durant lesquelles Tiana avait dû supporter ses cris tout en tentant de lire un roman. Levant les yeux de son livre pendant un instant, elle soupira :
— Qu'est-ce qui se passe encore ?
— Ça me saoule ! Les senseurs, ils arrêtent pas de se couper !
Pourtant, ce n'était pas faute de lui avoir expliqué à de nombreuses reprises que cela risquait de se produire.
— Ash Tooms, je t'ai déjà dit que c'était normal. Laisse faire la petite et sois un peu patient.
— Être patient ? Alors qu'on risque d'y passer ? Et puis quoi encore ?
Fry le comprenait. Mourir n'était pas à l'ordre du jour. Et la patience non plus, apparemment. Il écrasa brutalement le bouton de l'intercom et sa voix résonna dans le transporteur :
— Putain, Mei ! Elle arrive cette puissance, oui ou merde ? J'ai pas envie de crever, moi ! Magne-toi !
Sentant le regard sombre de sa Capitaine dans son dos, le timonier réalisa qu'il était allé trop loin. Après tout ce qu'ils avaient déjà vécu ensemble, il savait que s'il y avait bien quelqu'un pour prendre soin des entrailles mécaniques du Charon, c'était Mei. Elle s'était toujours donnée corps et âme pour faire du transporteur le vaisseau qu'il était à présent. La rabrouer comme il venait de le faire était totalement injuste.
— Désolé, Boss. Je...-
— Attends, parce que tu crois que c'est à moi que tu dois dire ça ? le coupa Fry. C'est pas sur moi que tu viens de gueuler.
Penaud, le pilote se retourna vers sa console et pressa de nouveau le bouton de l'intercom. D'une voix bien plus calme, il bredouilla :
— Excuse-moi, gamine. Je pensais pas à mal...
Voir son second chercher ainsi le pardon de l'ingénieure fit sourire Tiana. Elle était secrètement ravie de l'existence d'un tel rapport de force entre eux. Chacun d'eux reconnaissait la valeur de l'autre. Toutefois, la seule réponse que le timonier obtint fut le silence de l'Azrienne. Il était peut-être allé bien trop loin cette fois-ci. Soudain, une ribambelle de voyants illuminèrent le cockpit et la voix puissante – d'habitude si fluette – de la mécanicienne résonna :
— La voilà, ta puissance ! Recommence à me parler sur ce ton, je te jure que je te mords !
L'ancienne militaire étouffa un rire en entendant la menace en l'air que proférait l'Azrienne. Bien qu'elle en ait été capable, Mei aimait bien trop Tooms pour lui faire le moindre mal.
— Bon, les gamins, intervint Tiana en posant son roman de côté. On arrête les chamailleries et on se remet au travail. Tooms, ça donne quoi ?
— Euh... Ouais, attends... Encore quelques instants et on devrait avoir une première réponse, répondit l'intéressé en pressant plusieurs boutons de sa console.
L'hologramme du secteur s'afficha de nouveau, sur lequel clignotait un point rouge indiquant leur prochaine destination.
— Voilà ! Il y en a une tout près. Une station de type 7 avec une puissance minimale, énuméra-t-il en effectuant une analyse plus détaillée. Systèmes de survie non fonctionnels, aucune trace de tirs récents, ni d'un quelconque système de sécurité. À croire qu'il a été mis en pièces.
— Aucun ? Elle appartenait à qui alors ? À l'Alliance ?
— Merde ! Tu le croiras jamais ! répondit le timonier, effaré. C'était l'une des nôtres pendant la Guerre !
Fry avait du mal à croire l'annonce de son pilote. L'une des rares stations indépendantistes à ne pas avoir été récupérée par l'Alliance après le conflit allait leur sauver la mise. Une ironie du sort inespérée.
— Distance ?
— Trente mille secondes-lumières. Ce qui nous prendra une dizaine de minutes à vitesse maximale. Si la rustine de Mei tient jusque là.
— Aie confiance, Tooms.
Les lèvres de Tiana se tordirent en un sourire sans joie : l'inquiétude de la Capitaine reprenait de nouveau le dessus. Leur survie dépendait uniquement du génie de Mei. Et même si elle n'avait jamais eu la moindre occasion de douter de ses compétences, la Capitaine ne pouvait pas laisser peser une telle responsabilité sur les seules épaules de la mécanicienne. Le temps leur était compté...
— Alors on y va. Et en vitesse.
— Alors, qui c'est qui est pas patient maintenant, hein ? s'esclaffa le timonier.
— Tooms, commence pas.
Se retournant silencieusement vers sa console, le timonier leva les yeux au ciel, laissant sa supérieure quitter la passerelle afin de se préparer dans sa cabine. Enfin, se préparer était un bien grand mot sachant que la seule chose dont elle avait besoin était sa cartouchière.
Sitôt arrivée dans le nid d'amour désordonné qu'elle partageait avec sa compagne, la Capitaine soupira en voyant un tel capharnaüm. Mais même si c'était une nécessité absolue de ranger, cela restait secondaire par rapport à tout le reste. Il s'agissait là encore d'une bonne raison de procrastiner.
Il lui fallut quelques minutes avant de récupérer ce qu'elle était venue chercher. Quelques minutes au bout desquelles la voix de Tooms lui parvint.
— Boss ! On arrive bientôt !
— OK. Daniels, Mei, rejoignez-moi dans la salle de chargement.
Remontant à l'échelle, elle vit à travers l'ouverture au-dessus d'elle se découper le visage souriant d'Alistair. Toutefois, vu les circonstances, Fry doutait fortement qu'il s'agît d'une simple visite de courtoisie. Elle était certaine qu'il avait quelque chose à lui demander.
— Oui, Docteur ? Qu'est-ce qu'il y a ? anticipa-t-elle.
— En effet, ma chère. J'ai une requête à vous présenter. Et j'ose espérer que votre réponse sera des plus favorables.
Cette manie qu'avait le scientifique à mettre trois plombes pour poser une question commençait à exaspérer Tiana. Une irritation qu'elle avait bien du mal à masquer. Si bien qu'Alistair poursuivit sans plus tarder :
— Si j'ai bien compris, nous allons faire une halte imprévue et je souhaiterais me joindre à votre expédition.
L'ancien Sergent ne put retenir un ricanement tant la proposition du médecin lui semblait incongrue. Comment pourrait-il les aider de quelque manière que ce soit ? Aussi elle lui demanda :
— Vous êtes au courant qu'on va juste aborder une station abandonnée pour y récupérer des pièces mécaniques, n'est-ce pas ? On est pas là pour faire du tourisme.
— J'en ai bien conscience. C'est justement pour ça que je suis venu vous voir directement. En discutant avec votre compagne, j'ai pu constater à quel point vous manquiez drastiquement de kits médicaux et d'autres denrées indispensables. Et sans le moindre apport financier pour vous en procurer, je crains que ce soit fatal pour l'un de nous d'ici peu.
Décidément, le médecin avait bien potassé son sujet avant de venir la voir et lui demander de les accompagner. Le pire, c'est qu'il n'avait pas tort. Dans le cas d'une attaque, il serait préférable d'avoir tout le matériel nécessaire à portée de main. Matériel dont ils ne disposaient pas. Malgré ses arguments imparables, Fry ne voulait pas montrer au bon Docteur Gun qu'il était si facile de la raisonner et préféra le laisser mijoter un peu.
— Et s'il y a une situation dangereuse ? Je pourrai pas garantir votre sécurité, Doc.
— Croyez-moi : vous n'aurez pas à vous en occuper. Je sais très bien me défendre, assura-t-il avec un grand sourire, tandis qu'il sortait un fusil de derrière son dos.
Alistair semblant avoir réponse à tout, Tiana se vit dans l'obligation de céder.
— Bon, rendez-vous dans la salle de chargement. Je vous y rejoins dès qu'on sera amarré.
Laissant le médecin se rendre vers l'arrière du vaisseau, la Capitaine pénétra dans le cockpit au moment précis où le moteur supraluminique se coupait. De l'autre côté de la verrière apparut la station abandonnée. Ainsi que le champ d'astéroïdes qui l'entourait. Une véritable barrière rocheuse qui ne pourrait être franchie que grâce aux seuls talents de Tooms.
— Vous avez intérêt à vous accrocher, annonça-t-il en faisant rouler le vaisseau dans tous les sens afin d'éviter toute collision.
Secouée de long en large, Tiana se jucha avec une grande difficulté sur son fauteuil, avant d'attacher sa ceinture. Elle savait pertinemment qu'avec Tooms aux commandes, une chute bête était vite arrivée...
— Bordel, fais gaffe quand même !
— Si tu veux, je te laisse faire, hein ?
— Non merci, sans façon...
Après quelques minutes passées à éluder la moindre collision, Tiana put enfin voir clairement la station. Elle était composée d'une immense base cylindrique supplantée par deux anneaux à partir desquels étaient déployés de gigantesques panneaux solaires troués par endroits. Certainement par les astéroïdes avoisinants qui les avaient percutés.
Le timonier afficha les relevés holographiques de l'installation spatiale en ruines et trouva rapidement ce qu'il cherchait : un sas d'amarrage encore en assez bon état. De son côté, Fry se précipita vers la soute du Charon où elle retrouva le reste de l'équipe qui l'accompagnerait. Ceux-ci s'évertuaient à revêtir les lourdes combinaisons de sortie extra-véhiculaire. Et ce, malgré les efforts non-négligeables de Seilah qui semblaient pourtant vains tant certains gesticulaient dans tous les sens en exprimant leur frustration aussi bruyamment que possible. Seul Alistair paraissait s'en être sorti sans problème et patientait, assis sur une caisse de stockage.
Un tel manège avait attiré la curiosité des deux autres passagers du Charon : Aiden et Sarina Rem surplombaient la scène depuis la galerie métallique qui encadrait le dernier étage. Depuis leur perchoir, ils captaient la discussion particulièrement animée entre Daniels et Mei, au milieu de laquelle l'alien cornue semblait coincée.
— Je comprends pas vraiment pourquoi faut toujours mettre ces combinaisons ! râlait le mercenaire tandis que la compagne de Fry fixait son casque au reste de son accoutrement.
— Aucune idée... Certainement parce que sinon tu finirais complètement raide ? ironisa la mécanicienne, apparemment à bout de nerfs.
— Oh c'est bon ! Me prend pas pour un con, non plus... C'est juste que c'est tout sauf pratique. Et en plus, on transpire là-dedans et ça pue.
— Déjà, ça sentirait certainement meilleur si tu te lavais ! répliqua férocement l'Azrienne en testant sa radio.
Se raclant la gorge bruyamment, Fry signala sa présence.
— Bien. Je pense pas avoir besoin d'expliquer à chacun de vous à quel point notre mission ici est importante...-
— Ouais, ouais. On sait, la coupa Daniels en levant les yeux. Le sort de ce vaisseau et de ses occupants, blah, blah, blah. On le connaît par coeur, ton discours. C'est pas comme si on avait pas l'habitude.
Un silence s'abattit, laissant place à une stupéfaction de la part de tous. Stupéfaction à laquelle, dans le cas de Tiana, s'ajoutait une brutale aigreur qui ne tarderait pas à se transformer en une colère noire.
— Pardon ? Tu as quelque chose à dire peut-être ? demanda sèchement la Capitaine.
Sentant l'excès de rage difficilement contenu et prêt à déborder des lèvres de sa supérieure, Jack se contenta de secouer la tête. Bien qu'il se soit encore une fois noyé dans l'alcool, l'ancien mercenaire semblait malgré tout avoir gardé un minimum de bon sens.
— Bien, reprit-elle. Comme je disais, on a pas le droit à l'erreur. Notre survie en dépend.
— Et donc, pourquoi Alistair vient avec nous ? demanda Mei, d'une petite voix, tandis que sa supérieure retirait ses chaussures.
— Le bon Docteur Gun pense qu'on pourrait trouver d'autres trucs utiles sur la station. Et je pense qu'il a raison. Jack, tu iras avec lui. Mei, tu viendras avec moi. Compris ?
Les deux membres de l'équipage acquiescèrent sans dire un mot jusqu'à ce que Fry fût équipée de la lourde combinaison. Une tâche compliquée mais qui se termina juste à temps : avec un timing presque parfait, un claquement sourd et mécanique retentit dans toute la soute, signe que Tooms avait réussi à amarrer le Charon à la station.
— Allez ! C'est parti !
L'équipe d'exploration approcha de la porte du sas, en franchit le seuil avant de se verrouiller dedans et le dépressuriser. Sitôt la procédure terminée, Tiana et Jack avancèrent lentement vers l'autre extrémité. Chacun d'eux empoigna le lourd verrou de l'écoutille qui la maintenait hermétiquement fermée et commencèrent à le faire tourner. Jusqu'à ce qu'il se bloque, signalant que l'épaisse porte pouvait enfin être poussée. Ce que Tiana fit. Le battant s'ouvrit silencieusement, laissant apparaître les restes de l'un des ponts de la station. Il était parsemé de poussière en lévitation ainsi que d'objets et de débris en tout genre. Alors qu'elle venait de poser un premier pied à l'intérieur de l'installation spatiale, Fry se sentit décoller : évidemment, la gravité artificielle était – tout comme toute trace d'électricité – inexistante.
— Merde ! Activez vos semelles magnétiques ! ordonna-t-elle.
Tout comme les autres membres de son équipe, la Capitaine pressa un bouton sur le boîtier de contrôle fixé à son poignet et se retrouva bientôt collé au sol métallique. Un soupir lui échappa :
— Bordel, j'aurais dû m'en douter...- commença-t-elle, avant d'être coupée par Jack, apparemment peu ravi d'être là.
— Bref, on va où ? C'est pas comme si on connaissait ce genre de station par coeur.
Maintenant qu'ils étaient à bord, Tiana serra les dents, tentant par tous les moyens de se calmer et de ne pas réprimander son subordonné. La situation était déjà compliquée, pas nécessaire donc de l'envenimer.
Elle réfléchit un moment, essayant de se remémorer l'architecture des stations comme celles-ci : les "Type 7" étaient vouées principalement à la communication et avaient été aménagées de façon à pouvoir être utilisées comme avant-postes temporaires.
— Les quartiers d'habitation et les baies médicales sont quelques niveaux au-dessus. De notre côté, on va devoir descendre, déclara-t-elle en lorgnant vers Mei.
— Bien compris, répondit Alistair en hochant la tête. Monsieur Daniels, je passe la radio sur le canal 2, ajouta-t-il en appuyant sur un bouton du boîtier de sa combinaison – ce que fit Jack avant de tourner les talons et de suivre le médecin.
En voyant les deux hommes se retirer, Mei se rapprocha de sa Capitaine. Cette dernière entendait la respiration saccadée de l'Azrienne dans sa radio.
— Mei, ça va aller. Je suis là, assura Fry, essayant de la réconforter.
Cependant, la mécanicienne était irrémédiablement terrifiée. Pourtant, ce n'était pas l'état délabré de la majorité de la station qui la terrorisait. Du moins, ce n'était pas la raison principale. Si les Azriens utilisaient sons et odeurs pour se guider depuis leur naissance, là, il n'y avait rien. Que les ombres projetées par les torches frontales des combinaisons et le vacarme presque oppressant de leurs respirations. Rien à quoi se raccrocher. Une peur rationnelle du vide intersidéral.
— Ça va aller, déclara la jeune alien en reprenant difficilement son souffle. J'ai juste besoin d'un instant. Mais ça va passer.
Malgré cette crise de panique, Tiana était fière de voir comment sa mécanicienne gérait la situation. Elle affrontait sa peur, repoussait ses limites pour le bien de l'équipage. Une attitude mature qui – bien qu'habituelle chez elle – fascinait toujours autant la Capitaine.
L'ancienne militaire lui fit signe de la suivre et avança prudemment sur le sol traître du pont. Chaque pas se devait d'être maîtrisé, chaque mouvement calculé. Pourtant, malgré tous ses efforts pour gérer sa terreur, la jeune alien hésitait toujours plus à chacune de ses avancées. Sa bouche était devenue sèche. Son souffle toujours plus haletant. Combattre son angoisse lui prenait tant d'énergie qu'elle se sentit presque défaillir.
Consciente de la détresse dans laquelle Mei se trouvait, Tiana s'arrêta et se tourna vers l'ingénieure avant de mettre un genou à terre pour être certaine qu'elle serait autant vue qu'entendue.
— Écoute, si tu préfères remonter à bord, tu pourras me guider depuis le vaisseau. Je veux pas que tu...-
— Non. Je dois prendre sur moi. Tout le monde compte sur moi. Et je... Je ne suis pas un vulgaire déchet qui ne vaut rien !
Même si Mei était connue pour être entêtée, sa volonté de dominer sa peur était désormais des plus compréhensibles. Après ce qu'il s'était passé sur Fair Heaven, l'Azrienne souhaitait démontrer son utilité. Une attitude que Tiana comprenait parfaitement. Pourtant, elle était réticente à laisser sa subordonnée continuer ainsi. Aussi, tenta-t-elle de l'encourager.
— T'as rien à me prouver. Je sais de quoi tu es capable et, bordel, sans toi on serait certainement plus en vie à l'heure qu'il est. Mais je peux pas te laisser faire ça. Pas si tu contrôles pas ta peur. Imagine un peu que t'aies une absence ou que tu te figes... Je peux pas risquer de te perdre.
L'ingénieure déglutit difficilement et sa respiration saccadée se fit plus profonde. Plus lente aussi. Elle commençait à reprendre la mainmise sur son corps.
— Ne t'inquiète pas, Tiana Fry. Tu peux compter sur moi, répliqua-t-elle avec aplomb.
Les deux femmes se redressèrent lentement et la Capitaine tendit sa main vers l'Azrienne, qui la saisit fermement. Puis, elles reprirent leur avancée vers le fond du couloir. Où elles trouvèrent bientôt la porte arrachée d'un turbo-ascenseur. Derrière, la cage s'enfonçait vers les profondeurs de la station. Vers les niveaux qui les intéressaient. Une ouverture abyssale dont l'obscurité ambiante n'était pas des plus rassurantes. Loin de là.
— Tu as une idée pour descendre ? demanda Mei, toujours aussi anxieuse.
— C'est possible, oui, répondit Fry.
Sans la moindre once d'hésitation, l'ancien Sergent s'élança alors droit vers la brèche, sauta. Et, au moment où elle redescendait vers le sol, elle désactiva ses semelles magnétiques. Ainsi en apesanteur, elle laissa faire l'inertie, et se laissa glisser lentement vers les étages inférieurs.
— Qu'est-ce que...- Tiana ! commença l'ingénieure en voyant la silhouette de sa Capitaine disparaître dans les ténèbres.
Totalement paralysée par cette nouvelle source de terreur, Mei ne put que retenir son souffle pendant de longues secondes, attendant le moindre signe de sa supérieure. Venait-elle de l'abandonner ainsi, toute seule ? Non ! Ce n'était pas possible ! Livide, elle se retourna, éclairant les décombres en lévitation derrière elle et déglutit à grand peine. Soudain, elle entendit la voix de la Capitaine dans sa radio.
— C'est bon, je suis arrivé.
Un soupir éloquent échappa des lèvres de l'Azrienne qui put enfin reprendre sa respiration.
— Tu... Tu es sûre ?
— Y a rien à craindre, je t'assure.
— D'accord... J'arrive.
Les mâchoires crispées et les paupières closes, la mécanicienne prit alors une série de grandes inspirations avant de se lancer dans la cage de l'ascenseur. Elle ne put voir les paliers défiler devant elle tandis qu'elle descendait lentement le long du gouffre métallique. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Mei ignorait combien de temps elle était restée ainsi en apesanteur. Bien trop longtemps à son avis.
Sentant enfin un sol dur sous ses semelles, elle ouvrit les yeux et enclencha la propriété aimantée de ces dernières pour rejoindre Tiana.
L'ancien Sergent avait cependant disparu des environs. Par chance, un seul chemin se dressait devant elle. Un couloir dont elle ne discernait que les secteurs éclairés par sa lampe frontale.
— Tiana ? Mais t'es où ?
Une ombre suivie d'une vive lumière annonça le retour de la Capitaine :
— Ici. On a trouvé ce qu'on cherchait, je crois bien.
La Capitaine fit un signe vers sa mécanicienne et cette dernière entra dans la salle d'ingénierie. Malheureusement pour elle, ce qui aurait dû être un vrai paradis ressemblait plus à un tas de déchets sans la moindre valeur : certaines parties des revêtements des murs étaient tombés à même le sol et les quelques consoles encore entières étaient dissimulées derrière des amas de décombres en suspension.
— La passerelle au-dessus a dû tomber, expliqua Tiana à sa mécanicienne. Sûrement à cause d'une explosion. Et avec l'absence de gravité, elle est restée là, comme ça.
Puis, désignant l'une des consoles qui se trouvaient juste en dessous, elle ajouta :
— Tu crois que tu pourrais nous donner un peu de lumière ?
— Je pense que je peux même faire bien mieux, répondit Mei en s'élançant aussi rapidement que possible vers les générateurs alors inertes.
Si Mei avait regardé le visage de Tiana à ce moment-là, elle aurait vu de la stupeur quant à ce que la jeune ingénieure essayait de faire. Elle était en effet en train d'ouvrir un panneau près de l'un des ordinateurs contrôlant les bobines d'allumage.
— C'est bien ce que je pensais, se dit-elle à haute voix.
Prenant ainsi les rênes de l'opération, la jeune femme héla sans hésitation sa Capitaine :
— Regarde s'il y a encore des cristaux encore en bon état dans le compartiment là-bas. Je vais en avoir besoin d'un pour remplacer celui qui a éclaté ici.
— Oui, chef, répondit Tiana, amusée que Mei lui donne des ordres.
L'Azrienne resta totalement interdite tandis qu'elle se rendait compte de ce qu'elle venait de faire. Son teint vira rapidement au rouge.
— Désolée.
Sans même prendre le temps de lui répondre que cela lui était égal, Fry ouvrit ledit compartiment et fit signe à l'ingénieure que les cristaux en question étaient bien présents.
— Un seul te suffit ?
— Oui, n'importe lequel conviendra.
Tiana s'en empara et, en quelques pas, rejoignit Mei qui introduisit la roche dans le générateur avant de s'installer devant la console qui y était reliée. Puis, l'écran s'illumina et la mécanicienne put accéder aux systèmes énergétiques de la station.
Après quelques secondes, la lumière se fit dans la pièce. D'abord hésitante, puis de plus en plus puissante, jusqu'à atteindre une clarté optimale. Fry lorgna alors vers le boîtier à son poignet qui indiquait les niveaux de dioxygène dans l'air. Ceux-ci augmentaient petit à petit, à mesure qu'une légère vibration des dynamos qui étaient enfin en train de tourner. Avec l'apparition d'une atmosphère de plus en plus respirable autour d'elle, Tiana entendit enfin un bip régulier provenant des relevés de sa combinaison. Sans attendre plus longtemps, les deux femmes déverrouillèrent le casque de leur combinaison. Une véritable libération pour la mécanicienne qui inspira profondément, tant quitter l'espace étroit qui lui enserrait la tête lui était vital.
— Bien joué ! la félicita sa Capitaine, avec un sourire. Bon maintenant, essayons de trouver les pièces qu'il te faut.
Si l'avancement conséquent de leur mission avait détendu l'atmosphère autant pour Fry que pour Mei, du côté de Daniels et du Docteur Gun, il semblait en être tout autrement. Entre les deux hommes, un long silence s'était installé pendant qu'ils arpentaient les couloirs encore sombres de la station. Si Jack était de toute façon quelque peu taciturne, le fait même qu'il fût en compagnie d'un inconnu comme Alistair ne l'aida en rien à desserrer les dents. Le médecin, quant à lui, était concentré sur son objectif et demeurait toujours dans ses pensées. N'ayant rien de constructif à dire, il avait préféré se taire.
Au détour d'un couloir, le scientifique étouffa un cri de surprise et de joie en identifiant la baie vitrée de l'infirmerie de la station.
— Monsieur Daniels, c'est ici !
Peu intéressé par ce que le médecin pouvait lui raconter, l'ancien mercenaire se contenta de répondre d'un simple grognement. Il préféra s'éloigner et, lorsqu'il nota que des champs de force énergétiques venaient de se dresser là où les parois extérieures de la station avaient été endommagées. Au même instant, autour d'eux, la lumière commença à clignoter avant de s'allumer définitivement. Intrigué, il regarda son poignet et vit l'apparition graduelle d'une atmosphère de plus en plus respirable. Au premier abord surpris, il changea le canal de sa radio afin de contacter Tiana et Mei :
— Boss ? De votre côté aussi, vous avez de la lumière et tout ça ?
— Ouais, Mei vient de relancer les générateurs, répondit la voix de Fry.
Rassuré, il posa son arme contre un mur et entreprit de retirer son casque. Sous le regard affolé d'Alistair Gun, qui revenait de l'intérieur de l'infirmerie.
— Monsieur Daniels ! Mais arrêtez ! Vous allez suffoquer !
— Oh, ça va ! le rabroua l'intéressé. Lâchez-moi un peu la grappe. J'ai encore toute ma tête, ajouta-t-il en exhibant son poignet devant le visage du médecin.
Ce dernier émit un éloquent soupir avant de commencer à retirer son propre casque.
— Sérieusement, j'ai de plus en plus l'impression que vous ne m'appréciez guère, déclara-t-il.
— Ah ouais ? ironisa le mercenaire en récupérant son arme.
— Dans ce cas, puis-je savoir ce que vous me reprochez exactement ? Je ne crois pas vous avoir fait de tort, à moins bien sûr que je ne me trompe...
Jack prit à peine le temps de lui jeter un regard, peu intéressé par l'idée de s'étendre en explications. Il n'en voyait pas l'intérêt, surtout vis-à-vis d'un homme qu'il n'avait aucune envie de connaître et qui, de toute façon, n'aurait aucun impact sur son existence.
— Dépêchez-vous de récupérer votre merdier qu'on foute le camp.
Sans dire un mot, Alistair retourna à l'intérieur de la baie médicale abandonnée et reprit ses recherches. Bien qu'ayant diagnostiqué l'évidente animosité du mercenaire à son égard, il lui était évident que tout cela masquait difficilement une autre émotion : de l'inquiétude. À juste titre. Dans l'ombre, quelque chose se mouvait, silencieusement. Une créature noirâtre que Daniels avait aperçu du coin de l'oeil. Par pur réflexe, l'artilleur se retourna vers elle et pressa la détente de son arme. La déflagration qui résonna dans le couloir vide eut pour seule réponse le cri furieux de l'animal. Le tir n'ayant pas fait mouche, il n'avait eu comme unique effet que de décupler la férocité de la bête ailée qui fonça droit sur le crâne chauve du mercenaire. Tant surpris par la vitesse que par la force du choc, il tomba lourdement au sol et lâcha son fusil qui glissa hors d'atteinte. Aux prises avec l'animal qui, pourtant, ne faisait qu'un petit mètre d'envergure, il se débattit comme il le pouvait. Il tenta de protéger son visage – seule partie de son corps à découvert – de ses bras musclés qui se parèrent bientôt de longues balafres rougeâtres. Les griffes du monstre, aussi aiguisées que des lames de rasoir, entaillaient aussi bien la membrane textile de sa combinaison que le frêle épiderme qui se trouvait en-dessous.
Puis, une détonation suivit d'un silence de mort. Celle de la créature qui gisait, brusquement immobile sur le torse massif de Jack. Il fallut quelques instants à ce dernier pour comprendre ce qui venait de se passer : alerté par le chaos, le Docteur Gun s'était précipité à l'extérieur et, sans la moindre hésitation, avait tué la bête d'un unique coup de feu bien placé.
Reprenant doucement ses esprits, l'artilleur ne remarqua pas tout de suite le bras d'Alistair tendu dans sa direction. Après un grognement, il s'en empara avant de se relever, non sans difficulté, et dégageant le cadavre de l'animal sur le côté. Hébété par l'attaque – bien qu'Alistair soupçonnât que la boisson ne fut pas étrangère à son état – Jack resta interdit un instant :
— Qu'est-ce que...- C'est quoi ce bordel ?
— La créature ? Je dois bien avouer que je ne connais pas...-
— Non, pas ça ! s'impatienta le colosse, visiblement frustré de ne pas avoir été compris. Ce que vous avez fait. Pourquoi vous...-
Gun ne put réprimer un sourire ô combien compatissant et navré. Il lui était à présent évident que l'artilleur s'était largement fourvoyé. Ses idées préconçues avaient pris le pas sur les faits.
— Pourquoi, monsieur Daniels ? demanda-t-il rhétoriquement. Je suis médecin et ainsi, j'ai voué mon existence à la sauvegarde de la vie en général. Et ce n'est pas prêt de changer...
Jack était sur le point de répondre quelque chose mais le scientifique le fit taire d'un geste de la main.
— Vous pouvez râler autant que vous voulez, mais c'est comme ça. D'ailleurs, vous êtes blessé, répliqua-t-il sans la moindre aigreur. Laissez-moi vous...-
— C'est rien. Juste des éraflures.
— Des éraflures qui...-
— C'est rien, je vous dis.
N'insistant pas plus, le médecin se contenta d'un soupir résigné. Les patients comme Jack, il en avait l'habitude depuis des années.
— Merci quand même Doc, lâcha le mercenaire, un peu honteux de son propre comportement à l'égard d'Alistair.
Ramassant son arme, il se retourna pour examiner la carcasse inerte de la créature qui l'avait attaquée et la reconnut aussitôt.
— Merde... dit-il simplement. Doc, remettez votre casque. Il faut qu'on se protège au maximum.
— Un problème ? demanda Gun en détaillant le corps de l'animal.
Une longue queue terminée par un morceau de peau en forme de losange dans le prolongement d'un corps musclé ; une tête – emmanchée au bout d'un cou petit et épais – qui ressemblait plus à une boule osseuse scindée en deux, formant les mâchoires. Trois rangées de dents aiguisées comme des rasoirs. Toutes ces caractéristiques ne désignait qu'une seule espèce :
— Des Ryrklogs, annonça Jack.
— Des quoi ?
Pressé par le temps, Daniels ignora totalement la question du médecin. La situation l'exigeait. Il pressa un bouton du boîtier fixé à son poignet :
— Boss ! Réponds !
— Oui, Jack. Qu'est-ce-qu'il...-
— On est en plein milieu d'un nid de Ryrklogs !
La réponse de Fry se perdit dans un fracas de détonations, car déjà, l'artilleur avait tiré deux cartouches mortelles en direction de deux autres monstres qui – certainement alertés tant par les hurlements de leur congénère que par les détonations des armes des deux humains – avaient rejoint la zone et s'étaient mises en chasse.
— Jack, tu peux répéter ?
— Des Ryrklogs, je te dis !
Fry jura vivement, avant de donner l'ordre d'évacuer.
— Retrouvez-nous au point d'amarrage. On va tenter de remonter.
— OK. De notre côté, on va essayer d'en tuer autant qu'on peut.
Lorsque Tiana plongea son regard dans les yeux de sa mécanicienne, elle n'y vit que de la peur. Une terreur plus que compréhensible tant ces créatures étaient redoutables. Si leur férocité n'était plus à démontrer, encore pire était leur nombre. S'ils s'étaient bel et bien retrouvés au sein de leur nid, il était presque certain que le nombre de ces monstruosités avoisinerait la cinquantaine. Voire plus si la malchance était au rendez-vous. Malchance qui semblait les poursuivre depuis leur départ précipité de Fair Heaven.
— T'en fais pas. On va s'en sortir.
Silencieuse, Mei ne pouvait pas se sortir de la tête l'idée que tout cela était encore de sa faute. Elle culpabilisait de son inaptitude à réparer le Charon. Elle se sentait tout autant responsable du réveil de la colonie de ces effroyables animaux. C'était elle qui avait remis en marche la génération d'atmosphère et la gravité en place. Sans son intervention, la colonie n'aurait pas été dérangée et ne s'étant pas réveillée, elle n'aurait pas pris en chasse les seuls autres êtres vivants présents sur la station.
Honteuse, l'ingénieure avait détourné les yeux, n'osant pas croiser l'éventuel regard plein de jugement de sa Capitaine. Pourtant, dans les prunelles brunes de Fry, il n'y en avait pas une seule once, bien au contraire. L'ancien Sergent n'avait pour l'Azrienne que de la bienveillance. Elle savait pertinemment que, comme à son habitude, elle avait fait de son mieux, dépassant même ses propres espérances.
Ayant deviné ce qui tracassait sa protégée, Fry n'attendit pas un seul instant pour dissiper la moindre trace de doute dans l'esprit de Mei. La fixant droit dans les yeux, elle se lança alors dans un de ses discours motivants dont elle seule avait le secret.
— Écoute, tu penses peut-être que tout ça, c'est ta faute. Mais c'est faux ! Et même si c'était le cas, je m'en foutrais. Ce qui importe là, maintenant, c'est la survie de l'équipage. Toi y compris.
— Mais... C'est moi qui ait...-
— Tu as juste fait ce que je t'ai dit de faire. Tu as trouvé les pièces pour réparer le Charon. Et tu as obéi à mes ordres, rien d'autre ! Alors maintenant, tu vas suivre celui-là : respire un bon coup, calme-toi et grimpe ! Vite !
Bien qu'elle ait essayé de le cacher du mieux qu'elle le pouvait, une pointe de terreur s'était échappée de la bouche de Tiana. Mais le sérieux de son discours avait tellement surpris Mei qu'elle ne l'avait pas perçue. Fry l'avait motivée, et c'était le principal. Aussi rapidement que possible – ce qui était loin de l'être compte tenu du poids des combinaisons qu'elles portaient – l'Azrienne et sa supérieure entreprirent d'escalader l'échelle qui parcourait la cage d'ascenseur.
Barreau après barreau, les sons émis par la colonie de Ryrklogs se faisaient de plus en plus distincts. Et cela ne présageait rien de bon. Les créatures semblaient s'être introduites dans les moindres recoins de la station et l'écho de leurs mouvements sur le métal se propageait, rendant leur localisation plus qu'approximative. À chacun de leurs grincements, grondements ou simples sifflements, les poils de la fourrure de Mei se hérissaient. Un sentiment partagé par la Capitaine qui n'en menait pas plus large.
Stimulées par la peur, les deux femmes se hissèrent bientôt par l'ouverture défoncée donnant sur l'étage du sas d'amarrage. Elles y retrouvèrent Jack et Alistair qui ouvraient le feu sur les monstres qui avaient eu le malheur de les croiser. L'atmosphère était devenue viciée par l'odeur de chairs brûlées. Des relents si puissants que Mei eut du mal à ne pas régurgiter l'intégralité du contenu de son estomac.
Tandis que Tiana se retournait vers elle, inquiète, elle ne vit pas l'une des créatures, beaucoup plus imposante que les autres, était agrippée dans le renfoncement du plafond. Presque invisible et silencieuse, elle attendait le bon moment pour attaquer et se repaître de ces proies inespérées qui leur avaient été servies sur un plateau d'argent. Désorientée, autant par l'odeur que par les bruits des coups de feu intempestifs des armes des deux hommes, la mécanicienne eut à peine le temps d'ouvrir la bouche. Déjà, le Ryrklog s'était jeté sur la Capitaine. Un cri autant alarmé que terrifié s'échappa des lèvres de l'Azrienne qui vit le corps de Tiana catapulté à l'autre bout du couloir, loin de sa carabine qui, sous l'effet du choc, lui avait échappé des mains.
Par chance, le glapissement de l'ingénieure eut l'effet escompté : Alistair pivota dans sa direction et vit l'énorme monstre se rapprocher dangereusement du corps immobile de l'ancien Sergent. Prenant à peine le temps de viser, il pressa la détente de son fusil et son tir fit mouche. Agressée autant qu'agressive, la créature pencha la tête du côté du médecin et de ses yeux aussi noirs que brillants, observa cette autre proie, certainement aussi succulente que les autres.
Par chance, l'arme de Fry ne s'était échouée qu'à quelques mètres de Mei qui, en quelques instants, se précipita vers elle et s'en empara. Presque sans avoir visé, elle tira sur l'immense créature qui fondait à présent sur le médecin. La rage de l'animal n'en fut que plus grande tandis qu'elle se retourna vers la mécanicienne, laissant le temps à Gun de se rapprocher du corps de la Capitaine, gisant toujours au sol. Mei, quant à elle, détala vers la seule issue à sa disposition : la cage de l'ascenseur. Malgré sa peur panique des espaces réduits, elle n'hésita pas une seule seconde avant de glisser à l'intérieur, évitant de justesse un coup de griffes meurtrier. S'étant retenue à la seule force de ses bras, Mei n'osa pas montrer le bout de son museau afin d'assister à la scène qui suivit. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était entendre les bruits reconnaissables des armes de Jack et d'Alistair, ainsi que les hurlements des Ryrklogs qui décédaient les uns après les autres. Un crissement métallique résonna : apparemment la monstrueuse créature avait fui jusque dans les entrailles de la station. Une nouvelle qui n'enchantait guère l'ingénieure, qui s'attendait à se faire attaquer de toute part.
Soudain, une main gantée – celle de Daniels vu sa taille – apparut dans son champ de vision et l'Azrienne l'empoigna avec le peu de force qui lui restait.
— Ça va, gamine ? demanda Jack, apparemment inquiet.
— Ouais. J'ai juste besoin de reprendre mon souffle. Et Tiana ?
— Le Doc est parti s'occuper d'elle, répondit-il en pointant les deux intéressés du doigt.
S'approchant, ils entendirent la fin de leur conversation. La Capitaine semblait résolue à gérer son état seule, ce qui n'était une surprise pour personne. Pas même pour Gun qui, malgré le peu de temps qu'il avait passé en sa compagnie, s'était bien rendu compte du caractère indépendant de sa patiente.
— Capitaine, laissez-moi vous examiner.
— Pas ici, Doc. Et arrêtez de vous inquiéter pour moi. C'est pas mon-...
Une longue plainte bestiale l'interrompit : la créature qui avait fui venait d'appeler les autres membres de la colonie et il ne fallut pas longtemps à Tiana pour comprendre à quelle fin.
— Vite ! Il faut qu'on se tire d'ici ! s'exclama-t-elle en s'élançant dans le long couloir qui menait vers l'écoutille extérieure du sas reliant la station au Charon.
Sans plus tarder, les trois autres explorateurs la suivirent à toute vitesse sur un sol particulièrement délabré. Si vétuste que l'une des dalles qui le composaient s'effondra sous le poids de Mei. Perdant l'équilibre, elle sentit sa jambe disparaître dans le vide entre les deux étages. Fort heureusement, Jack et Alistair se trouvaient juste derrière elle et l'agrippèrent aussitôt pour la retirer du guêpier dans lequel elle était tombée.
— Tu comptais peut-être nous fausser compagnie ? plaisanta l'ancien mercenaire. Comme si on allait te laisser faire...
Encore déboussolée par les événements, l'Azrienne ne sut quoi répondre. Mais elle n'eut pas réellement le temps d'y songer car ils étaient arrivés au sas. Elle pressa le bouton de sa radio et contacta l'équipage resté à bord du Charon :
— Tooms ! On dégage et en vitesse !
— OK, mais pourquoi ?
— Des Ryrklogs !
Tandis que le timonier étouffait un juron à l'autre bout, Tiana recharga son arme et se prépara à couvrir l'artilleur qui, de son côté, tentait de faire pivoter l'énorme verrou de l'écoutille. Sans grand succès.
— Saloperie de verrou de merde ! Il fallait qu'il soit grippé...
— Jack ! On a pas le temps, là !
— Je sais ! Boss ! Je sais !
Une seconde plainte résonna, différente de la première, mais tout aussi effrayante. Puis plus rien. Que les grognements de Daniels qui forçait autant qu'il le pouvait pour ouvrir la porte. Concentrée sur l'origine potentielle du cri, Tiana ne vit pas, derrière elle, deux masses sombres lui fondre droit dessus. Deux détonations déchirèrent le silence, suivi du choc des deux Ryrklogs qui s'écrasèrent lourdement au sol. Réalisant à peine ce qu'il venait de se passer, Fry se retourna vers le détenteur de l'arme qui venait de tirer : Alistair acquiesça sans dire un mot avant de se retourner vers l'immense créature qui venait de les retrouver.
La Reine de la colonie Ryrklog était de retour...
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