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CHAPITRE 46 : Enfin en sécurité...

Perdus dans le dédale oppressant des couloirs du croiseur d'Atlan, Tiana et ses compagnons erraient désorientés, incapables de retrouver le chemin menant à leur vaisseau. Le poids inerte de Daniels, reposant sur les épaules des deux concubines, ralentissait leur progression, transformant chaque pas en un effort herculéen, qui résonnait d'un sinistre écho. Comme pour leur rappeler la menace omniprésente qui pesait sur eux.

À l'avant, Sarina avançait avec prudence, ses sens aiguisés à l'affût du moindre signe de danger. Tout comme Alistair, en arrière-garde, ses yeux scrutant chaque recoin, écoutant chaque bruit insolite afin de prévenir toute embuscade. Ils se déplaçaient en silence, une tension palpable émanant de chaque membre de l'équipe, leurs respirations synchronisées dans une sorte de cadence nerveuse.

Pourtant, malgré la situation désespérée, une détermination farouche les animait. Ils savaient qu'ils ne pouvaient pas se permettre de faillir, qu'ils devaient retrouver leur vaisseau, leur sécurité avant qu'un sort funeste ne les rattrape. C'était lancée une course contre la montre, une lutte acharnée pour la survie dans ce piège de métal qu'était le croiseur de leur ennemi.

— Où est-ce que vous vous êtes amarrés ? demanda la Synthétique.

— Pont 15. Mais me demande par où on est passé. On a pas mal tourné avant de vous trouver... expliqua la Capitaine en reprenant difficilement sa respiration.

Un sifflement caractéristique résonna alors au détour d'un couloir. L'ancienne militaire échangea un regard aussi bref qu'intense avec ses compagnons et, d'un geste autoritaire, leur intima de faire silence. Un silence pesant qui ne dura qu'un court instant avant qu'un militaire de l'Alliance ne fût brutalement catapulté devant eux. Aussitôt, la masse sanguinolente d'un Charognard fondit sur lui, ses crocs effilés déchirant le visage de l'homme qui hurlait autant qu'il le pouvait. La scène s'était déroulée en une fraction de secondes. Quelques secondes seulement qui furent d'une violence hors norme où chaque mouvement, chaque morsure, chaque éviscération était empreinte d'une férocité implacable.

Ne supportant pas la vision insoutenable de cette agonie, Fry, le coeur serré par la nécessité d'un tel acte, acheva l'homme d'un tir précis de son blaster. Le coup de feu retentit, résonnant comme la note finale de cette symphonie de violence.

Distrait de son repas par l'intervention de l'ancien Sergent, la créature se retourna vers ses nouvelles proies. Mais, réagissant avec une rapidité et une précision à faire pâlir les soldats les plus aguerris, la Synthétique fit feu sur la créature qui se liquéfia presque instantanément, projetant des lambeaux sanguinolents dans toutes les directions.

— Oh, dégueulasse, constata Fry en tentant d'enlever un morceau de chair qui venait de s'étaler sur sa manche.

Le spectacle était aussi macabre que satisfaisant, une preuve tangible tant de la dangerosité de leur ennemi que de leur propre volonté de survivre. Mais, même si la peur et la mort rôdait dans chaque recoin de l'astronef, chacun des membres restait lui-même. Y compris Alistair qui n'oubliait pas sa vocation de chercheur :

— Rappelez-moi, ma chère, de ne jamais venir vous contrarier. Et par ailleurs, j'aimerais, si vous me le permettez, examiner cette arme.
— Avec plaisir, Docteur, répondit Sarina, l'arme toujours fumante. Vous pourrez peut-être même demander de l'aide à Jack pour l'améliorer.

— Je n'y manquerai pas. Après tout, mieux vaut l'avis d'un expert en la matière.

La Synthétique acquiesça, non sans avoir noté l'air malicieux qui était apparu sur le visage de Seilah.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Oh rien... C'est juste qu'on ne vous sépare plus, n'est-ce pas ?

L'artilleur, qui, malgré son incapacité à se déplacer seul, était conscient, grogna en entendant la remarque de la Demoréenne. Toutefois, il songea qu'elle n'avait pas tort. Il allait lui répondre quand soudain, il reconnut la zone dans laquelle ils étaient. Notamment un panneau du mur qui avait été complètement éventré, signe qu'un violent combat s'était déroulé ici.

— Eh ! Attendez, je reconnais ça !

— Allons, Jacky, dis pas de bêtises ! Ça fait un moment qu'on...-

— C'est là que ce salopard d'Atlan m'a éclaté la tronche, alors ouais, je m'en souviens très bien ! On est au pont 6.

Consciente qu'ils allaient certainement devoir grimper pour atteindre leur destination, Jack n'hésita pas à se défaire de ses soutiens et s'effondra lourdement au sol. Sous le regard ébahi de Fry, il expliqua dans un fatalisme – qui ne lui était aucunement habituel – la situation :

— Tu vas devoir me lâcher ici, Boss. Je pourrai pas atteindre le Charon. Pas dans mon état.

Devant un tel abandon, le visage de la Capitaine se teinta d'un subtil mélange d'amusement et de déception. Aussi, elle poussa un soupir aussi éloquent que profond.

— Franchement, Daniels, je pensais que tu me connaissais mieux que ça depuis le temps.

L'artilleur haussa un sourcil interrogateur tandis que Fry sortait son communicateur :

— Jack, chez moi, on abandonne personne. Ash ! On est bloqué au pont six. Tu crois que tu pourrais nous extraire de là ?

— Aucun problème ! On est là dans quelques minutes.

Les longues minutes pendant lesquelles ils durent attendre leur parurent être des heures. Quand soudain, un large et épais cylindre métallique se décrocha du mur et s'abattit bruyamment sur le sol du couloir. De l'autre côté de l'ouverture, l'équipe put distinguer les traits d'Aiden qui venait à leur rencontre. Sans attendre, il se précipita vers sa soeur qu'il prit dans ses bras :

— Tu n'imagines pas à quel point on a eu peur... lui déclara-t-il dans un murmure.

— Je sais.

— Alors ne refais plus jamais ça, d'accord ?

La jeune femme sourit quand elle nota que son demi-frère frissonnait à l'idée de se retrouver à nouveau dans une situation similaire.

— C'est promis, assura la Synthétique.

Puis, voyant que la fratrie ne semblait pas vouloir se lâcher, Tiana Fry se racla la gorge, et, croisant son regard, Aiden coupa brusquement les embrassades.

— Bon, allez, on se dépêche. Il faut pas qu'on reste plus longtemps,déclara la Capitaine.

Comme pour appuyer sa déclaration, une longue plainte gutturale leur parvint. Pas de doute, les Charognards n'avaient pas terminé leur festin.

N'attendant pas plus longtemps, l'ancien Sergent fit signe à Alistair de monter à bord du Charon avec son patient. Puis passa Seilah, et Aiden qui ferma enfin la marche. Ne laissant ainsi plus que Sarina et elle, dans le couloir immaculé.

— Après vous, Capitaine. N'étant pas organique, les Charognards ne m'attaqueront pas.

Tiana s'engagea alors à travers le sas menant à son précieux vaisseau et, sitôt après, entendit le bruit de la lourde écoutille. L'ancien Sergent se précipita ensuite sur la passerelle, près de son pilote toujours aux commandes du Charon.

— Ça va ? Tu l'as retrouvée ?

— Oui, Tooms. Ta soeur est saine et sauve. On peut dégager.

Le timonier soupira de soulagement tandis que Tiana lui ordonnait de foncer droit dans la tempête spatiale qui faisait rage autour d'eux : partout des vaisseaux Charognards avaient abordé les vaisseaux du blocus d'Atlan et un peu partout des explosions silencieuses apparaissaient en lieu des croiseurs. À chaque instant, le cargo essayait d'éviter les débris spatiaux, ne sachant réellement quelle nef allait être réduite à l'état d'épave ; un signal sonore résonna alors dans le cockpit du Charon : quelqu'un essayait de les contacter.

— Alors Fry ? Besoin d'un coup de main ? demanda-t-il.

Il s'agissait là de Byron, qui était de retour à bord de son destroyer.

— Larck ! Comment as-tu deviné ? répliqua Fry.

— Oh... Je sais pas... Les explosions, l'Alliance, les Charognards ?

— Ouais, j'avoue la situation m'a un peu échappée des mains...

— T'inquiète... IOn dira que cette fois, c'est toi qui m'en devra une.

— Vendu. Maintenant aide-nous à sortir de là et on file sur Gamma Hydra 3. La première tournée est pour moi ! s'exclama l'ancienne militaire tandis que le Capitaine du Peacemaker donnait l'ordre à ses artilleurs, Omal et Arsh, de réduire en poussière les vaisseaux qui bouchaient le passage du Charon.

Le destroyer se mit alors en position pour faire feu, créant une voie toute tracée pour que le cargo échappe à la bataille sans merci entre l'Alliance et les Charognards. Les débris spatiaux furent rapidement réduits en de simples nuisances ridicules pour les boucliers énergétiques gonflés à bloc du cargo. Cargo qui fut bientôt arrivé en lisière des combats.

— On se retrouve de l'autre côté, n'est-ce pas, Fry ?

— Bien sûr. J'honore toujours mes dettes, tu le sais, Byron ! répondit l'intéressée tandis que Tooms et Zee lançaient le moteur supraluminique de leurs vaisseaux respectifs.

* * *

Quelques jours plus tard, les deux embarcations stellaires étaient amarrées au spatioport de Gamma Hydra 3. Profitant d'un repos bien mérité, Fry était descendue dans l'un des clubs les plus huppés des beaux quartiers avec certains de ses amis, nommément Mei, Aiden, Jack et Sarina ainsi que Byron et Zee. Bien que la dernière ait regretté l'absence du pilote du Charon, l'ambiance générale était des plus légères.

Tandis que la soirée battait son plein, la Capitaine était partie chercher quelque chose afin d'humidifier sa gorge, alors plus sèche que les dunes de sable de Demora. Soudain, elle crut voir une ombre dans un coin. Et si, au départ, elle pensa qu'il s'agissait d'un simple effet de lumière, plus elle y pensait, plus elle avait la nette impression que quelqu'un la surveillait ; quelqu'un qui ne voulait absolument pas être vu.

Instinctivement, elle porta sa main à son holster, pour remarquer aussitôt qu'il était vide : la règle du club était simple : déposer toute arme dans un casier prévu à cet effet, à l'entrée. La Capitaine n'osa pas quitter des yeux l'endroit où elle pensait avoir vu passer cette ombre. Si bien que lorsqu'elle sentit une main lui tapoter l'épaule, elle l'attrapa et plaqua brutalement la tête de l'inconnu sur le bar. Avant de constater avec effroi qu'il s'agissait en réalité de Marlin Barnes. Horrifiée par ce qu'elle venait de faire et sous le regard désapprobateur du barman, Fry porta une main à sa bouche :

— Moi aussi, je suis content de te voir, Tiana, déclara le jeune homme en grimaçant.

Reprenant son souffle après sa surprise, la jeune femme ne put retenir un juron :

— Putain, Marlin ! Tu imagines pas à quel point tu m'as fait peur !

— Maintenant si. Et je pense savoir pourquoi : Terra.

L'informateur fit signe à Fry de le suivre vers un endroit plus calme, dans le fond du bâtiment. Devant l'air interloqué de la Capitaine, il expliqua :

— La chance quand tu possèdes autant d'influence que moi sur une planète entière, c'est qu'on te laisse entrer à peu près partout où tu le souhaites, déclara-t-il tandis qu'un videur leur permettait d'accéder à une table réservée.

— Je dois comprendre quoi ? demanda Fry intriguée par les propos de l'informateur qu'elle savait nullement dénués de sens.

— Stokes, répondit platement Barnes. Il ne va jamais enlever ce mandat d'arrêt que vous avez tous à votre encontre. Si vous n'avez pas encore été tous jetés en prison, c'est uniquement parce que je vous ai donné quelques jours d'avance et que les forces de l'ordre ici, j'en fais ce que je veux...-

— ...- et je t'en remercie. Mais tu veux que moi, Tiana Fry, j'aille me confronter cette ordure de Stokes chez lui ? Non, mais tu es dingue ou quoi ? Et même si c'était possible, comment est-ce que tu voudrais que je fasse ? Vlad est intouchable.

L'informateur émit un petit rire tandis qu'à nouveau Tiana était intriguée. Vlad Stokes ne serait-il plus si inaccessible que ça ?

— D'accord, admettons que je veuille bien faire un truc aussi dingue, pourquoi est-ce que je le ferais ? reprit Fry.

— À cause d'eux, répondit Marlin en désignant les quatre membres de son équipage qui discutaient bruyamment avec le couple composé de Byron Larck et Zee.

Tiana tourna la tête et comprit également que Barnes pensait d'abord à Sarina Rem, qu'il savait Synthétique, ainsi qu'à son frère Ethan. Elle revint alors brusquement vers Marlin qui, devant l'air déterminé de Fry, comprit qu'elle accepterait :

— D'accord, Marlin. Tu as gagné. Mais comment je le fais céder ?

* * *

Plusieurs heures après la soirée pendant laquelle il avait expliqué son plan à Tiana, l'informateur était resté seul avec son verre d'alcool, à se demander si oui ou non, il avait pris la bonne décision. En effet, il n'avait aucune certitude quant à la réussite de la mission qu'il lui avait donnée.

Il était encore occupé à réfléchir quand une jeune femme aborda Barnes :

— Te revoilà encore à boire tout seul, Marlin Barnes. Tu n'as donc pas honte ?

— Et bien joins-toi donc à moi, ma très chère Deleria.

— Avec plaisir.

La jeune femme retira le capuchon de son manteau noir pour dévoiler une sombre chevelure bouclée qui enserrait un visage d'une pâleur presque cadavérique. La dénommée Deleria s'assit et se remplit un verre avant de le boire d'une traite.

Puis, elle reprit la discussion :

— Tu crois qu'elle va le faire ?

— Je pense que c'est plutôt à toi de me le dire, Deleria. Tu l'as déjà vue à l'oeuvre. Tu sais donc mieux que moi de quoi elle est capable. D'ailleurs, je me demande si elle t'a vue... Juste avant qu'elle m'écrase la joue contre ce bar...

La femme se mit alors à rire.

— Ne t'inquiète donc pas. Si je l'ai choisie, c'est bien parce que je savais qu'en l'envoyant, elle mettrait toute l'Alliance sur la défensive, et c'est ce qu'il s'est passé. Elle a même dépassé mes espérances... Et non, je ne pense pas qu'elle m'ait vue.

— Je l'espère vraiment... déclara alors Marlin Barnes en se resservant un verre. Sinon, elle va revenir, et je doute qu'on en sorte vivant...

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