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CHAPITRE 42 : Mission de sauvetage

Tandis que Mei disparaissait dans son antre et que Fry et Alistair se dirigeaient prestement vers la passerelle, Jack Daniels était resté seul dans l'infirmerie avec Aiden. Si l'ancien mercenaire n'avait pas détourné le regard de l'étrange appareil que l'alien venait de brancher, le cheminement de pensées qui fusait dans son esprit n'avait pas échappé à l'arnaqueur.

— Je sais très bien à quoi tu penses, déclara ce dernier.

— Ah ouais ? Et tu crois peut-être que tu vas pouvoir m'en empêcher ?

— Je ne vais même pas essayer. Je ne suis pas stupide.

Un rictus mauvais s'étala sur le visage du colosse tandis que le jeune homme continuait.

— D'autant plus que j'ai vu comment tu te bats. S'il y a bien un homme qui peut délivrer ma soeur des griffes de cette ordure, c'est toi.

Étonné par la soudaine confiance qu'Aiden plaçait en lui, Daniels hésita cependant à retirer l'étrange boîtier du terminal.

— Vas-y. Je te couvre, ajouta l'arnaqueur en l'apostrophant d'un clin d'oeil.

Ainsi, l'artilleur ne se fit pas prier et débrancha le traqueur avant de s'élancer aussi rapidement que possible vers la baie d'amarrage de la navette. Son fusil en bandoullière, chacun de ses pas transpirait la peur de perdre Sarina. Chaque souffle expiré, la rage qui bouillait au fond de lui.

Daniels savait qu'il faisait une erreur : partir seul à l'attaque d'un croiseur relevait tout bonnement du suicide. Sans oublier qu'il ne pourrait pas camoufler la simple navette, puisqu'elle n'était pas équipée de l'écran d'invisibilité conçu par Mei. Sa seule chance était de se faufiler entre les immenses vaisseaux de l'Alliance et prier pour qu'aucun des tirs n'arrive à le toucher, et ce jusqu'à ce qu'il puisse s'introduire à bord du croiseur où était retenue la Synthétique. Une entreprise qui, bien que semblant vouée à un échec cuisant, allait peut-être porter ses fruits. Après tout, personne ne s'attendrait à ce qu'un homme seul aborde un vaisseau de cette taille-là.

* * *

Le Commandant Leyla Narquin faisait les cent pas à l'extrémité de la plate-forme de commandement de son vaisseau. Depuis maintenant quinze minutes, les Forces Alliées présentes cherchaient à abattre ce vaisseau rempli de traîtres. C'est du moins ce que leur supérieur leur avait annoncé tandis qu'il avait décidé de focaliser son attaque sur lui.

Quinze minutes pendant lesquelles la jeune femme au carré roux avait dû demander à ses tirailleurs de tout faire pour éviter le moindre feu croisé avec les autres vaisseaux de la flotte. Et ce, malgré les ordres du Commandant Atlan. Il semblait en effet peu intéressé par la vie des forces de l'Alliance présentes dans la zone, comme si elles n'étaient que des pions sur un échiquier. Un sacrifice que Narquin n'était absolument pas encline à accepter.

Après tout, ce n'était pas ce qu'on lui avait appris lors de ses cours théoriques pendant sa formation : dans la filière militaire de l'Académie, près d'un an et demi auparavant, on lui avait souvent rappelé que les Commandants devaient prendre soin de leur équipage afin de leur inspirer confiance et loyauté. Deux qualités que l'attitude d'Atlan n'insufflait pas à ses subordonnés. Bien au contraire. Narquin avait déjà entendu tout plein de bruits de couloirs et murmures entre les murs glacés du croiseur. Autant qu'elle a pu percevoir les rumeurs selon lesquelles le Pisteur avait exécuté de sang froid Inders, l'une des gardes de la prison du vaisseau. Bien qu'elle n'ait jamais pu vérifier cette théorie, elle imaginait aisément cet individu agir ainsi. Distillant la peur plutôt que le respect.

D'un geste ample de la main, Leyla essuya son front trempé de sueur tandis qu'un Lieutenant la héla avant de monter sur la plate-forme où elle se trouvait. En le voyant arriver à sa hauteur, le Commandant Narquin put distinguer ses traits tirés. Des traits qu'il partageait avec la plupart de ses collègues qui, comme lui, soucieux de la suite des événements, n'avaient que peu dormi ces derniers jours. D'un geste mécanique, ancré dans ses muscles, automatique, il salua sa supérieure, qui, d'un coup sec sur le bas de sa veste, la remit en place.

— Commandant ! On vient de détecter une navette sur nos senseurs. Que faisons-nous ?

Si la jeune femme savait ce qu'elle aurait fait d'ordinaire – tel que le stipulait les ordres consignés dans le Code des Forces Militaires de l'Alliance, toute embarcation ennemie se devait d'être capturée et ses occupants arrêtés – dans ce cas-là, ses ordres étaient tout autres : détruire un cargo qui allait s'échapper d'une planète dont ils ignoraient l'existence jusqu'à la veille.

Selon les rumeurs qui circulaient parmi l'équipage, celui qui avait donné cet ordre ne semblait qu'avoir peu de scrupules à tuer toute personne n'exécutant pas ses consignes à la lettre ; Leyla ne s'imaginait pas mettre sa propre vie ou celles de ses hommes en danger face à cette brute. Aussi, elle dicta ses ordres en fonction des directives qu'elle avait reçues :

— Extrapolez la trajectoire de cette navette jusqu'à son point d'origine et trouvez ce vaisseau-cargo. Nos ordres sont de le détruire lui. Pas cette navette... Donc que les tirailleurs l'ignorent pour se concentrer sur le transporteur.

Pour toute réponse, le Lieutenant claqua alors les talons – geste tout aussi automatique programmé dans ses habitudes par des années passées au camp d'entraînement – et salua sa supérieure avant de retourner à son poste. Leyla Narquin, quant à elle, se demandait si elle avait fait le bon choix...

* * *

Le bon choix...

Daniels se demandait vraiment s'il l'avait fait. Après tout, il n'y avait, pour ainsi dire, pas réellement réfléchi. Parti sur un coup de tête, ne s'inquiétant que pour celle qui avait éveillé en lui des émotions qu'il pensait ne jamais connaître, il avait foncé tête baissée, sans penser un seul instant à comment il allait pouvoir s'en sortir. Comme s'il allait lui donner les réponses à ses questions, l'ancien mercenaire regarda avec insistance l'écran du récepteur que Mei avait confectionné posé à côté de lui. Avant de se rendre compte qu'il avait pris la seule chose utile à ses amis pour le retrouver.

— Putain, mais quel con je suis... se maudit-il en virant brusquement pour éviter la salve émise par les batteries de turbolasers d'un vaisseau près de lui.

Soudain, il entendit un bip plus rapide sur l'appareil posé sur le fauteuil à côté de lui : il approchait vite de la position de Sarina. Des yeux, il localisa le fameux croiseur que Tooms avait trouvé un peu plus tôt et se dirigea droit vers lui. Passant entre les différentes coques métalliques des vaisseaux et slalomant entre les tirs, il fonça vers l'astronef d'Atlan à pleine vitesse. Il n'avait plus qu'une seule pensée en tête : faire regretter à l'ordure qui avait enlevé sa compagne synthétique tout le mal qu'il lui avait fait. Puis, brusquement, il vira de bord pour se positionner sous la coque dudit vaisseau et, sitôt fait, pianota sur la console. Une extension tubulaire se déploya et se colla magnétiquement à la paroi du croiseur tandis que Jack se précipitait vers l'arrière de la navette. Arrivé là-bas, l'ancien mercenaire enfila rapidement une combinaison spatiale et, sachant qu'il n'aurait pas beaucoup de temps avant de se trouver face à une résistance bien trop grande, s'arma en conséquence. Quelques instants plus tard, il enclencha un bouton qui pressurisa le court tube flexible et désactiva la gravité artificielle. Il ouvrit enfin la lourde porte menant vers l'extérieur et s'élança dans le sas.

En quelques instants, il s'était retrouvé face à un disque métallique : la paroi extérieure du croiseur de son ennemi. Ne sachant trop comment la percer, il fouilla dans la poche ventrale de la combinaison. Par chance, Mei y avait mis quelques-uns de ses gadgets qui, selon l'Azrienne, étaient "de première nécessité". Ainsi, il trouva un étrange objet qu'il avait déjà vu et qu'il posa promptement sur la coque. Formant un cercle parfait, le gadget se déplia et, dans un claquement sonore, s'accrocha à la paroi avant de tourner sur lui-même. Après quelques longues secondes – trop longues au goût de Daniels –, un bout de métal se détacha lourdement de la paroi, le "découpeur" toujours accroché à lui.

"Ces disques de découpe sont vraiment de sacrées inventions." pensa l'artilleur. "Il faudra que je remercie Mei pour ça."

Sans attendre plus longtemps, Jack s'engouffra par l'ouverture béante qu'il avait créé, et regarda l'écran du récepteur, en soupirant tant la prochaine étape de son périple allait être la plus difficile et la plus longue... Grimper tous les étages pour parvenir à l'endroit où était enfermée Sarina Rem.

* * *

Un cri déchira l'atmosphère pesante de la salle de torture. Atlan y était, toujours occupé à martyriser l'une de ses semblables. Sarina, quant à elle, essayait de résister tant bien que mal à la douleur, mais à chaque fois, le courant électrique qui passait à travers son corps lui arrachait des hurlements glaçants, sous le regard autant sadique qu'amusé du Pisteur.

— Alors, tu vas finir par me dire ce que je veux entendre ? demanda-t-il, en éteignant l'appareil, faussement amical.

Pour toute réponse, la Synthétique lui cracha au visage et lâcha faiblement :

— Tu auras beau me torturer, tu n'auras aucune réponse de ma part.

— Nous verrons... Nous verrons... s'écria le Pisteur en s'essuyant le visage.

Alors qu'il était sur le point de recommencer à torturer la pauvre jeune femme, le Commandant fut interrompu brutalement par une alerte sonore qui hurla à ses oreilles : quelqu'un venait de pénétrer à bord.

— Hmm... On va devoir remettre notre petit jeu à plus tard. On peut bien dire ce que l'on veut, tu es quand même bien chanceuse...

Puis il se retourna droit vers la porte près de laquelle se trouvait un intercom :

— Ici le Commandant Atlan. Qu'est-ce qui se passe ?

— Quelqu'un s'est introduit sur le pont quinze, Monsieur. Et il se rapproche de votre position.

Le Pisteur soupira un moment et se tourna vers Sarina avant de reprendre :

— Qu'indiquent les senseurs internes ? Combien sont-ils ?

— Un seul intrus. Humain, Monsieur. Il avance vite et élimine nos forces sans s'arrêter.

— Alors matez-le. Envoyez autant d'hommes que nécessaire, mais débarrassez-moi de cette nuisance.

— Bien compris, Monsieur.

Le Pisteur se tourna alors vers la Synthétique, un sourire sadique s'étalant sur la moitié encore intacte de son visage. Le sursis de Sarina était révolu. Par chance, un bruit strident se fit à nouveau entendre. Exaspéré par cette succession d'interruptions sans la moindre réelle importance, Atlan soupira encore avant de se tourner vers l'intercom, hurlant cette fois-ci :

— C'est quoi votre problème, maintenant !?

— Toutes mes excuses, Commandant, lui répondit l'autre, presque suppliant. L'intrus a accéléré sa course et nos forces se font submerger.

— Comment ça, "submerger" ?... Il est tout seul !

— Oui Monsieur. Mais il se débarrasse de nos troupes avec une facilité déconcertante.

Une facilité déconcertante ? Le demi-visage d'Atlan se crispa. Énervé par ce qu'il venait d'entendre, il songea à qui aurait pu être cette fameuse personne. Qui aurait eu le cran de venir l'affronter lui ainsi que toutes les forces qu'il avait sous son commandement ? Fry ? Possible. C'était tout à fait son genre de venir réclamer sa vengeance. Mais à part elle ? Puis, songeant à nouveau à tous les occupants du Charon, il sut de qui il s'agissait :

— Mais bien sûr, l'abruti ! pensa-t-il à haute-voix.

Un éclatant sourire s'étala de nouveau sur la moitié de visage tant il avait hâte de combattre – non, humilier aurait été un terme plus juste – l'homme qui avait été responsable de sa défiguration. Ravi de cette nouvelle, il répondit à son subordonné d'une voix enjouée :

— Laissez-le avancer. Je vais m'en occuper moi-même.

Le Synthétique se retourna alors vers Sarina, qui le regardait avec des yeux emplis d'espoir. D'un geste vif, il reprit son masque qu'il enfila. Sa voix distordue transpirait la malveillance et le défi :

— Ne te fais pas trop d'illusions, très chère Sarina. Cet homme ne te sauvera pas. Et dès que j'en aurai terminé avec lui, on reprendra où on s'en était arrêté, ajouta-t-il en sortant de la pièce.

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