CHAPITRE 38 : Conséquences
Une simple erreur. Un simple signal radio. Il ne lui avait rien fallu de plus que cette petite onde afin de localiser le Charon. Et y pénétrer n'avait pas été extrêmement compliqué. Surtout pour un homme comme lui. L'équipement standard des Pisteurs l'avait notamment doté d'un système de camouflage portatif, outil particulièrement efficace. Ayant été transporté à bonne distance du cargo, il avait pu entrer par une trappe annexe qui n'était même pas garder. À croire qu'ils n'imaginaient pas qu'on ne puisse pas les localiser... C'en était presque risible.
"Quelle bande de crétins arrogants !" se dit-il tandis qu'une Azrienne suivie d'un humain longiligne passaient devant lui sans le voir pour entrer dans la salle où le Pisteur les avait cernés.
N'ayant d'autre chose à faire tandis qu'ils étaient aussi près de lui, le Pisteur se mit à les écouter. S'il pouvait découvrir la moindre faille chez ceux qui l'avaient mis en déroute une fois de trop, c'était toujours ça d'acquis.
— Mei ! Arrête-toi deux minutes, veux-tu ? J'en ai marre de te courir après... plaida le jeune homme, voyant que l'alien faisait tout pour le distancer. Qu'est-ce que je t'ai fait ?
— Ce que tu as fait ? Tu m'as juste laissé tomber, Aiden ! répliqua la jeune femme. On est ensemble ou pas ?
"Tiens, une querelle d'amoureux. Ça peut être intéressant."
— Je n'ai rien dit simplement parce qu'elle a raison. Tu es sans doute la meilleure mécanicienne qui soit dans toute cette galaxie, mais tu sais très bien qui est en orbite au-dessus de nous. C'est Atlan et tu sais aussi bien que moi qu'il n'hésitera pas à tous nous tuer s'il en a l'occasion. On doit être prêts à partir le plus vite possible...
"Au moins, cette raclure a vu juste. Dès que je l'aurai récupérée, je les tuerai sans le moindre scrupule."
La jeune alien croisa les bras et fixa le sol, gênée de s'être emportée contre son compagnon.
— Tu as raison, désolée, répondit la jeune femme.
Mei s'avança doucement vers son compagnon qui la prit doucement dans ses bras, signe qu'il n'y avait aucune rancune entre eux. Sur ces entrefaits, Seilah arriva dans un bruit d'étoffes. Le tissu volant ainsi dans leur direction agita l'air alentour. Air qui remonta dans les narines de l'Azrienne qui tourna brusquement la tête vers Atlan, comme si elle le voyait.
— Que se passe-t-il ? demanda la Demoréenne.
Mei huma l'air autour d'elle, puis se retourna vers ses deux amis.
— Je ne sais pas... Ce n'est sûrement rien. J'avoue, avec toutes ces nouvelles odeurs et l'électricité dans l'air, mes sens sont un peu détraqués. Et malheureusement ce n'est pas quelque chose que je peux réparer comme cette fille-là, expliqua-t-elle en désignant le Charon.
— Bon, dans ce cas, pas besoin de s'inquiéter pour rien, déclara Tooms en arrivant depuis la passerelle.
"Ouf. Ce n'est vraiment pas passé très loin, cette fois..."
— Des nouvelles de Tiana ? demanda alors Seilah.
— La transmission vient de se terminer, donc je pense qu'ils vont pas tarder à revenir.
Tandis qu'une ambiance rassurée s'installait parmi les membres de l'équipage, toujours invisible, Atlan jubilait. Bientôt, il allait pouvoir s'emparer de sa proie.
* * *
À bord de la Mule, Tiana et son équipe se dirigeaient à haute vitesse vers la grotte où était posé le Charon. Dans son esprit fusait une ribambelle de questions : sa rancoeur l'avait-elle guidée vers la bonne décision ou est-ce qu'Alistair avait eu raison ? La procédure d'éveil des Synthétiques allait-elle créer une nouvelle race pacifique ? Ou bien les êtres cybernétiques ainsi libérés se retourneraient-ils vers leurs créateurs humains, sans faire la moindre distinction entre les factions ? Si cette option se vérifiait, les conséquences sur la galaxie entière pourraient être désastreuses. Et tout le poids de cette décision porterait sur les épaules d'une seule personne : Tiana elle-même. Un fardeau qu'elle ne s'imaginait pas porter sur sa conscience ad vitam aeternam.
Si Sarina lui avait dit qu'elle doutait que les Synthétiques tentent quoi que ce soit de répréhensible, la Capitaine n'était pas tranquille. Cette toute nouvelle race serait certes libérée du contrôle de l'Alliance et auraient conscience de sa véritable nature mais, rien ne l'empêcherait de chercher à se venger de ces précédents oppresseurs. Ce qu'elle avait déjà vu chez les Indépendantistes. Et si à un moment donné, Fry avait partagé cette conviction, le simple fait d'impliquer des innocents dans ce conflit la mettait particulièrement mal à l'aise. Après tout, c'était ce même genre de conflits qui lui avait arraché sa famille, six ans plus tôt...
Tandis qu'elle était maintenant en vue du Charon, la petite troupe s'attendait à être accueillie par sinon l'intégralité de l'équipage restant, au moins quelques-uns d'entre eux. Mais rien. Personne n'était là pour leur souhaiter la bienvenue ou leur demander ce qu'il en était... Ce que Tiana trouvait particulièrement étrange. Aussi dégaina-t-elle son blaster et lança à ses équipiers :
— Faites gaffe. Il y a quelque chose qui cloche.
Pour toute réponse, ses trois camarades sortirent leurs calibres et les armèrent. Tandis que la Mule s'élevait lentement dans les entrailles du cargo, Fry songea que s'il s'était senti en danger, le reste de l'équipage se serait enfermé dans le mess. Ainsi, sitôt l'ascenseur verrouillé, la Capitaine fonça vers la salle réservée aux repas. Quand elle y entra, elle découvrit les deux corps inanimés de Seilah et Aiden, au sol, ainsi que Tooms et Mei qui gigotaient. Ils avaient été attachés et étaient sous la garde d'Atlan.
Voyant arriver sa supérieure, un faible sourire apparut sur le visage tuméfié d'Ash. Coupant l'herbe sous le pied de son agresseur, il s'exclama :
— Alors, Boss ? Cette virée ?
— Cauchemardesque. Mais on a réussi à créer une nouvelle race des Synthétiques...
— Super ça... Attends, quoi ? s'écria-t-il, choqué.
Malheureusement, le pauvre timonier ne put terminer sa phrase : le Pisteur venait de l'assommer d'un coup sec de son blaster. Le pilote tomba alors brutalement sur le sol. Pensif, Atlan déclara d'une voix presque doucereuse :
— Ainsi, vous l'avez fait. Bien que j'ignore comment, vous avez réussi à libérer tous les Synthétiques créés par D.I.M.A. Je dois avouer que je suis impressionné.
Alors que Daniels, qui avait suivi de près sa supérieure, esquissait un mouvement en avant, le Commandant se retourna vers lui, le menaçant de son arme :
— Et toi, l'abruti, je te conseille de rester exactement où tu te trouves. Toi, ainsi que tes petits camarades...
— Tu vas me le payer, lança Fry, un air de défi sur le visage. C'est à moi que tu en veux. Pas aux autres !
— En fait, je vous donnais un peu de crédit, mais, en réalité, vous êtes vraiment... limitée, Capitaine. D'ailleurs, je pensais que vous auriez rendu service à la Galaxie en vous faisant dévorer par les Charognards sur Sieran. Quel dommage de voir que je me suis trompé.
L'évocation de la planète carcérale fit frissonner la Capitaine. Dans sa peau étaient encore gravés tous les sévices qui lui avaient été infligés là-bas. Toutefois, elle tenta de ne rien laisser paraître, ne laissant se manifester que bravade et conviction sans faille.
— Ravie que ça vous dérange, répondit l'ancienne militaire, faussement polie. Que voulez-vous ?
Le Pisteur répondit alors du tac au tac :
— La même chose que la dernière fois. Je veux votre amie synthétique. Et je n'hésiterai pas à tous vous tuer, si ça peut me permettre d'arriver à mes fins.
Comme pour illustrer sa propre détermination, le Commandant se tourna alors vers Mei et dégaina son sabre :
— Par magnanimité, je n'ai encore tué personne, mais vous savez que j'en serais totalement capable si l'envie m'en prenait. Maintenant remettez-moi Sarina Rem ou je commence à exécuter chacun des membres de votre équipage en commençant par elle, dit-il en désignant la petite Azrienne.
Quelques instants passèrent pendant lesquels personne ne bougea. Puis le Pisteur, pensant certainement que Fry ne le prenait pas au sérieux, approcha la lame de son sabre de la gorge de Mei. Soudain, une voix claire s'éleva : c'était Sarina qui venait de crier.
— Non !
Derrière son casque, Atlan souriait. Il avait réussi à la faire craquer.
— Je viens avec vous mais à une seule condition : laissez-les tranquilles.
— Je crois que tu n'as pas bien compris comment cela fonctionne : tu n'as pas voix au chapitre. Cependant, je veux bien t'accorder cette faveur.
Le Pisteur poussa alors la jeune Azrienne du pied vers l'avant, la faisant tomber au sol.
— Avance, toi ! ordonna-t-il sèchement. Et vous autres, pas de coup en traître, ajouta-t-il à l'intention des trois autres amis qui, impuissants, regardaient la Synthétique s'avancer vers lui.
Lorsque Sarina arriva à la hauteur de Mei, elle la releva avant de la serrer dans ses bras et de lui murmurer quelque chose à l'oreille avant de l'embrasser sur le front. L'alien, quant à elle, écarquillait les yeux, comme troublée par ce que venait de lui dire la jeune femme.
— Dépêche-toi ! intima le Pisteur considérant que sa future prisonnière prenait bien trop de temps à le rejoindre.
— Deux secondes, vous voulez bien ? Si c'est la dernière fois que je la vois, vous pouvez au moins nous donner ce temps, non ? tonna Sarina, énervée par la froide attitude d'Atlan.
Surpris par une telle réponse, le Commandant se tut. Il avait déjà étudié son profil psychologique avant sa conversion par D.I.M.A. et s'il n'avait pas décelé la moindre once de rébellion, il devait bien convenir que Sarina Rem avait changé. Elle était devenue plus... directe. Bien plus tenace qu'avant son contact avec Fry et sa clique. Tandis qu'il voyait la Synthétique se diriger à nouveau dans sa direction, le Pisteur sourit. Un sourire sadique tant il avait hâte de pouvoir lui faire regretter cette défiance.
Quand elle arriva enfin près de lui, Atlan la prit par l'épaule. Un contact non-voulu qui mit mal à l'aise la jeune femme. Celle-ci essaya de se défaire de la prise de son futur geôlier, sans succès. De l'autre côté de la pièce, Jack grogna, tel une bête, prêt à bondir sur l'agresseur de sa compagne.
— Merci beaucoup, Capitaine Fry, déclara le Pisteur. Et profitez bien du temps qu'il vous reste à vivre, dit-il avant d'appuyer sur un bouton à sa ceinture et de disparaître dans un éclat de lumière.
Comprenant la menace à peine voilée, Tiana se rua vers Mei pour la détacher. Sachant pertinemment à quoi s'attendre de la part d'Atlan, elle donna ses ordres. Il ne leur restait que peu de temps pour se sortir de cette situation ô combien épineuse.
— Doc, Jack, réveillez les autres. Si ce salopard nous a trouvés, c'est qu'ils savent où nous sommes et qu'ils vont pas tarder à jouer du canon orbital.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro