CHAPITRE 32 : Nouvelle destination
La tranquillité apparente de la Synthétique commençait à agacer Fry. Elle ne comprenait pas comment Sarina ne pouvait pas saisir la portée de ses actions. Elle avait quand même attaqué deux membres de l'équipage et la seule raison qu'elle avait donnée était ce fameux projet D.I.M.A. ; Sarina avait tout intérêt à s'expliquer mieux que ça...
— Donne-moi une seule bonne raison de pas te pulvériser sur place, ordonna la Capitaine, presque hors d'elle.
Devant elle, la Synthétique n'esquissa pas le moindre geste sachant très bien de quoi l'ancienne militaire était capable. Elle savait également quel genre de femme elle était : déterminée, hors-la-loi, mais qui refusait le meurtre de sang-froid si elle pouvait l'éviter. Mais elle savait également que Fry était avant tout une Indépendantiste dans l'âme.
— Vous ne le ferez pas parce que vous voudrez savoir ce que l'Alliance m'a fait et pourquoi elle l'a fait. Tout autant que moi. De plus, je ne vous ai jamais trahis personnellement.
Devant l'air interrogateur de la Capitaine, la Synthétique continua :
— Pour commencer, et vous l'avez certainement compris, je suis celle qui a saboté le Charon. Cependant, je ne contrôlais en rien mes actions. Ma condition de synthétique permettait à ceux qui m'ont créée – donc l'Alliance – de me faire faire tout ce qu'ils voulaient.
— "Permettait" ? répéta Fry, intriguée.
La benjamine de la fratrie Rem inspira profondément et lissa un pli de sa tenue. Il s'agissait d'une sorte de combinaison appartenant à Tiana que Seilah avait enfilée à la Synthétique avant sa remise en service.
— Je ne saurais comment l'expliquer exactement, puisque je ne saisis pas toutes les ramifications de ce qu'il s'est passé. Mais pour faire simple, je pense que la symbiose avec le Charon m'a libéré de leur contrôle. À moins bien sûr que ce ne soit Atlan et les siens qui aient coupé leur lien avec moi. À vrai dire, je n'en sais rien...
La jeune femme se tut un instant et un silence tomba. Un silence qui fut rapidement brisé par le rire de la Capitaine. Un rire sardonique, sans la moindre joie.
— Tu vas vraiment essayer de me faire croire ça ? Tu viens d'agresser deux des membres de l'équipage de ce vaisseau ainsi qu'une civile. Et tu dis que tu nous as pas trahis ? lança Fry, sarcastique.
La jambe de Sarina fut alors secouée de légers tremblements, comme si elle était nerveuse. De plus, le blanc de ses yeux commençaient à prendre une teinte rougeâtre : la jeune femme était sur le point de pleurer. Stupéfaite par ce brusque élan émotionnel, Tiana la regarda alors sans comprendre :
— Comment est-ce possible ? demanda-t-elle.
— De quoi ? répondit la Synthétique, des sanglots dans la voix.
— Tes émotions... Je veux dire, tu es une sorte de robot, non ?
— Ça n'est pas vrai... J'ai beau avoir un corps entièrement cybernétique, je me rapproche plutôt de l'androïde, bien que contrairement à lui, j'éprouve des émotions et des sentiments.
La jeune Capitaine croisa ses bras sur sa poitrine et se détendit. Quelque chose dans son instinct lui disait que Sarina disait vrai. Qu'elle n'était plus sous le contrôle de l'Alliance. Alors pourquoi avait-elle attaqué Mei, Vesha'Ah et Alistair ? Elle devait le savoir avant de prendre la moindre décision :
— Sarina, tu sais que tu peux avoir confiance en moi, n'est-ce pas ?
— Oui, mais pourquoi ai-je l'impression que ce n'est pas ma confiance en vous qui est en cause dans notre affaire ?
Tiana émit un petit rire voyant qu'elle avait été percée à jour :
— Tu commences à trop bien me connaître... Bon, crache le morceau : pourquoi tu as attaqué Mei et les autres ? Ils t'ont rien fait de mal, ils voulaient juste te calmer.
Cherchant ses mots, la Synthétique émit un profond soupir. Elle ne niait pas que sa réaction n'avait pas été des plus logiques, ni même des plus sages. Mais ses émotions avaient pris le dessus. Sa peur. Son obsession.
— Je le sais bien. Et j'aurais dû attendre... Mais j'avais ce mot, "DIMA", qui m'obsédait.
La Capitaine ne put s'empêcher de sourire. Deux ans avant, elle aussi avait eu une idée fixe qui aurait pu lui coûter la vie. Heureusement pour elle, Tooms avait été là et avait réussi à l'arrêter avant qu'elle n'aille trop loin. Il en avait été de même ici. Sarina avait eu une idée fixe qui l'avait fait s'attaquer à ses propres amis et s'enfermer sur la passerelle. Pour y découvrir quoi ? Un fragment de son passé ?
— J'avais peur, expliqua la jeune femme. Peur que vous ne me fassiez pas confiance. Peur de rester dans l'inconnu.
— Je saisis vraiment pas comment un esprit aussi logique que le tien n'a pas pu comprendre que nous demander aurait forcément été plus simple ? demanda Fry.
Triste, la jeune Synthétique haussa les épaules. Elle ne savait plus quoi répondre. Une première. Tiana s'approcha alors doucement d'elle, rangea son blaster et s'assit sur son fauteuil, au centre de la pièce.
— Tu aurais dû nous expliquer. On aurait compris et on t'aurait aidée. Comme on l'aurait fait avec tous les membres de notre famille, dit-elle en lui prenant la main entre les siennes.
Sarina sursauta légèrement à ce contact inattendu et sourit légèrement. Les mots de Fry l'avait touchée au plus profond de ses entrailles métalliques. Elle voyait que le Charon n'était pas seulement un équipage mais aussi un groupe soudé par l'amitié et la fraternité.
— Et maintenant, si tu me disais ce que tu sais ? lâcha Tiana. Comme ça, on pourra peut-être t'aider...
Comme libérée d'un poids, Sarina se mit alors à révéler tout ce dont elle avait connaissance, tout ce qu'elle savait de Terra et du projet D.I.M.A. :
— Et bien, je crois déjà savoir pourquoi la Sarina originale a été remplacée par... moi. Il y a quelques mois, j'ai... enfin, Sarina a été...- hésita la Synthétique.
Voyant la gêne que pouvait éprouver la jeune femme à parler d'une autre "elle", Tiana l'interrompit :
— Écoute, d'après ce qu'on en sait, le corps de la Sarina d'origine existe plus, donc je vois pas pourquoi tu ne serais pas Sarina. Tu es peut-être qu'une copie synthétique à l'origine, mais au final, tu as tout ses souvenirs et, si j'en crois ce que j'ai vu, ses émotions. Pour moi, et je pense que les autres seront d'accord avec moi, tu es Sarina Rem. N'est-ce pas, vous tous ?
Sarina regarda sans comprendre puis remarqua que lorsqu'elle s'était installée près d'elle, Tiana en avait profité pour activer l'intercom et l'avait laissé pendant toute leur conversation. Retenant à grand peine ses larmes, elle entendait ses compagnons de bord l'accepter sans se soucier qu'elle fût cybernétique ou biologique.
— Et si on reprenait notre discussion dans le mess ? Tu crois pas ? Et tu en profiteras pour présenter tes excuses à Mei et Alistair.
La Synthétique opina du chef et suivit la Capitaine jusque dans le mess. Elles s'installèrent l'une à côté de l'autre tandis que les autres membres de l'équipage arrivaient les uns après les autres. Aiden fut le dernier et annonça :
— Bon, j'ai raccompagné Vesha'Ah à l'extérieur du vaisseau. Elle est partie avant que la milice d'Obol ne l'attrape. Malheureusement, j'ai peur qu'elle parle de ce qu'elle a vu ici.
— Je ne pense pas qu'elle nous trahisse, répondit Mei. Elle a dû comprendre que ce n'était pas dans son intérêt de parler de toute cette affaire.
— De toute façon, je pense que ça va bientôt être rendu public, répliqua Tooms. N'est-ce pas, Boss ?
Fry n'était sûre de rien. Elle préférait savoir exactement dans quoi ils allaient mettre les pieds avant de tirer des conclusions hâtives :
— Attendons de savoir ce que Sarina va nous dire, d'accord ?
La Synthétique se leva en silence et regarda son frère aîné, avant de commencer son récit :
— Il y a quelques mois, j'ai été victime d'un attentat terroriste visant l'Académie, apparemment revendiqué par des rebelles Indépendantistes...
En entendant ces mots, Tiana et Tooms déglutirent avec difficulté.
— ... d'où je me suis sortie avec de multiples organes perforés et plusieurs lésions cérébrales. Du moins, c'est ce que mon médecin m'a dit quand je suis sortie du coma quelque trois semaines plus tard. Entre temps, je peux déduire qu'en réalité, j'ai été transformée en Synthétique sur une planète tout aussi artificielle : Terra.
Les révélations de Sarina avaient jeté un froid dans l'assemblée réunie autour d'elle. Chacun était soit circonspect soit furieux qu'une telle chose ait été imaginable.
Un silence pesant s'était installé, que Jack coupa :
— Cette planète, tu sais où elle est ? Parce que je sais pas pour les autres, mais moi, j'irai bien y faire un tour pour tout faire sauter.
Tiana réprima un sourire tandis qu'elle reconnaissait bien son artilleur dans ces paroles. Cependant, elle notait quelque chose d'autre, un sentiment plus intense que juste de la rage à l'état brut... Sans pour autant arriver à mettre le doigt dessus.
— Oui, Jack, répondit doucement Sarina. Je sais où elle est. C'est même à cause de ça qu'on m'a transformée.
— Sérieusement ? s'indigna Tooms. Quoique... J'imagine facilement l'Alliance régler le problème comme ça, soupira-t-il.
— Ce que j'imagine très bien c'est surtout qu'elle utilise ces Synthétiques comme des armes. Après tout, ce ne serait pas la première fois qu'elle ferait preuve d'imagination de ce côté-là, ajouta Alistair.
Bientôt tout le monde commença à avoir son avis sur la question et le silence se transforma peu à peu en un brouhaha assourdissant. Si bien que Tiana ne put s'empêcher de hurler, couvrant toutes leurs voix :
— Oh, la ferme ! On doit décider ce qu'on va faire. Personnellement, je suis pour aller sur Terra et régler leur compte à ces pourris de l'Alliance. Et notamment Atlan, si jamais il croise encore notre route.
— Tu crois que c'est possible ? demanda Mei, effrayée à l'idée de se retrouver à nouveau face au Pisteur.
— Je compte même là-dessus, répliqua la Capitaine avec un sourire carnassier.
Contrairement à son habitude, où il restait en retrait, Aiden s'avança alors et lâcha :
— Capitaine, je crois que je parle au nom de tout le monde quand je dis qu'on vous suivra jusqu'en Enfer s'il le faut. Il s'en sont pris à nous. Je dis qu'on devrait leur rendre la pareille.
Son frère le gratifia d'un sourire tandis que la plupart des autres membres d'équipage rayonnaient presque. Quant à elle, Tiana était stupéfaite d'une telle confiance de la part d'Aiden. Il était quelque peu changé, et en bien. La Capitaine inspira ensuite profondément et donna ses ordres :
— Bien, dans ce cas, direction : Terra.
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