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CHAPITRE 5 : Rancoeur sororale

Le Charon émergea des cieux, imposant et sombre, se dévoilant aux yeux des Demoréens rassemblés en contrebas, leurs visages levés avec un mélange de curiosité et de crainte. Tandis que le cargo tentait de se poser sur le sol sablonneux de la planète désertique, la dune sous les pieds métalliques s'effondra légèrement, engouffrant légèrement le vaisseau dans un tourbillon de poussière dorée. Sur la passerelle, Tooms frissonna d'appréhension alors que le vaisseau commençait à tanguer dangereusement. Mû par un énième réflexe, il ré-enclencha les fusées latérales, espérant stabiliser l'appareil. Le rugissement des moteurs fit reculer les montures nerveuses des autochtones, leurs cris de panique perçant l'air brûlant.

— Frangine ! beugla-t-il dans l'intercom, sa voix résonnant dans le ventre métallique du vaisseau. Seilah et toi, vous allez devoir sauter en marche ! Le sol est pas assez stable pour qu'on puisse se poser convenablement. Allez-y. Nous, on va aller atterrir à un autre endroit où tu pourras nous retrouver.

Il faisait référence à la connexion singulière de sa soeur avec l'ordinateur du vaisseau, qui lui permettrait de les rejoindre – même si ce n'était que par l'esprit – peu importe la distance. Une liaison qui releverait presque du mystique pour ceux qui n'avaient pas été là lors de sa création.

Dans la soute, les deux jeunes femmes se préparèrent, le coeur battant, sentant l'appréhension courir dans leurs veines. Sarina pressa le bouton qui permettait à la plateforme de chargement de s'abaisser et tandis qu'elle descendait inlassablement vers le sol sablonneux de Demora, les pistons commencèrent à crisser, grognant sous l'effort, comme si le métal se tordait de douleur. L'espace d'un instant, la Synthétique songea au courroux de Mei, qui s'insurgerait certainement des mauvais traitements qu'ils auraient fait subir à son précieux Charon. Mais elle balaya cette idée, consciente qu'ils n'avaient pas réellement d'autre choix. D'un seul coup, l'atmosphère fraîche des entrailles du cargo fut remplacé par un souffle chaud et aride, les giflant avec une brutalité inattendue. L'air brûlant raviva en Seilah une myriade de souvenirs qu'elle s'efforça d'étouffer pour ne pas se figer sur place.

D'un regard entendu avec la Synthétique, la Demoréenne s'élança, ses mouvements empreints de détermination et de peur. Elles plongèrent dans le vide et tombèrent en chute libre vers les dunes mouvantes en dessous. Le sable impitoyable du désert s'infiltra rapidement dans leurs vêtements, sans pour autant leur causer le moindre désagrément. Sarina, étant une Synthétique, ne ressentait aucun inconfort, tandis que Seilah, habituée à ce climat extrême, accueillit cette sensation avec une familiarité presque réconfortante. Elles roulèrent, dévalant la pente de la dune, les grains dorés se collant autant à leur peau qu'aux tissus qu'elles portaient.

Seilah ne put retenir un rire nerveux. Un éclat de joie enfantine mêlé à la nervosité du moment. Les souvenirs de ses jeux d'enfance, de courses effrénées dans les sables brûlants, refirent surface avec une force inattendue. Cependant, son rire fut brusquement interrompu par une ombre qui lui cacha le soleil. Instinctivement, elle leva la main pour protéger ses yeux de l'éblouissement, dévoilant ainsi la silhouette cornue d'une femme aux longs cheveux bouclés. Le regard dur et les traits sévères de la nouvelle venue trahissaient une autorité incontestée.

— N'as-tu pas honte ? Le Gir'Zal de Père se déroule cette nuit et tu te roules dans le sable telle une enfant. N'as-tu donc aucun respect pour ta propre famille ? tonna la voix tranchante de l'inconnue, ses mots aussi cinglants que le vent traversant le désert.

Seilah, encore à moitié couchée dans le sable, sentit une vague de honte et de colère monter en elle. Les larmes qu'elle avait retenues menaçaient de déborder à nouveau. Non pas à cause des reproches, mais de la douleur sourde de retrouver cette terre chargée de souvenirs et de confrontations. La présence imposante de la femme qu'elle identifia immédiatement comme sa soeur Jezhebel, rendit l'instant encore plus lourd. Chaque mot, chaque regard, était un rappel brutal de son statut de bannie et la perte de son père.

Jezhebel, elle-même tiraillée entre la douleur et la dureté de son rôle, regardait son aînée avec un mélange de mépris et de tristesse. Pour elle, sa soeur, si différente et pourtant si semblable, était un rappel constant des conflits familiaux non résolus et de la tragédie qui venait de les marquer. Le désert, vaste et impitoyable, semblait témoigner silencieusement de leurs déchirements, ses sables éternels comme une métaphore de leurs âmes tourmentées. Les deux femme restèrent là, figées dans un instant suspendu, le désert tout autour d'elles se faisant l'écho de leur confrontation. L'air brûlant et chargé de souvenirs pesant lourdement, rendant chaque respiration, chaque battement de coeur, un effort monumental.

Puis, tandis que, honteuse, Seilah se relevait péniblement, sa cadette la regarda de haut en bas avec une froideur implacable. Ses yeux se fixèrent sur le bandeau frontal qu'elle portait, dissimulant l'emblème de sa famille inscrit dans sa peau.

— Et en plus tu nous caches à la vue de tous ? Seilah, tu es une honte pour les tiens ! tonna Jezhebel en arrachant brusquement le morceau de tissu.

Seilah eut un sursaut de douleur et de honte, sa main se portant instinctivement à son front désormais découvert. Le geste brutal de sa soeur dénudait non seulement sa marque mais également toutes les cicatrices de son passé, rendant sa vulnérabilité encore plus palpable.

— Il serait peut-être temps que tu prennes tes responsabilités ! ajouta sa jeune soeur, le ton tranchant.

Se tournant alors vers Sarina qui s'était également relevée, la plus jeune des deux Demoréennes lança, cinglante :

— Et c'est quoi, ça ?

— Je me nomme Sarina, répondit la Synthétique avec un grand sourire. Je suis une amie de Seilah.

Elle tendit la main vers Jezhebel dans un geste de conciliation, mais cette dernière refusa la poignée de main.

— Pas de ça entre nous. Je ne vous fais absolument aucune confiance, ni à vous, ni à ma traîtresse de soeur.

La dureté dans ses mots fit l'effet d'une claque pour Seilah, qui baissa les yeux, sentant la brûlure des larmes qui menaçaient de déborder à nouveau. Jezhebel, d'un pas décidé, s'éloigna vers les montures que les guerriers demoréens qui l'accompagnaient maintenaient fermement. Les créatures, nerveuses, piaffaient et secouaient la tête, tandis que le Charon s'éloignait en faisant rugir ses moteurs.

— Venez, dit-elle en se retournant brièvement. Nous sommes déjà en retard.

Seilah et Sarina suivirent la jeune Demoréenne qui grimpa avec agilité sur l'un des animaux. Tandis que les deux femmes s'approchaient, les créatures se mirent à renacler et se cambrèrent légèrement. Une appréhension compréhensible, les deux étrangères ayant une odeur pour le moins inhabituelle. En détaillant ces animaux, Sarina ne put s'empêcher d'ouvrir des yeux ronds comme des billes.

Les Olynctas – c'était leur nom – étaient des quadrupèdes courts sur pattes, leurs deux petites bosses dorsales permettant à une seule personne de les chevaucher. Dociles en apparence, ces paisibles bêtes semblaient également capables de se défendre : une énorme pointe osseuse se dressait de chaque côté de leurs flancs, au niveau du creux entre leurs bosses. Leur tête, terminée par un bec tranchant, était carapaçonnée et ornée d'une paire de cornes, toute comme leur queue, qui se terminait par une massue et deux larges pointes. La seule partie de leur corps qui n'était pas recouverte d'écailles était leur ventre lisse. Considérant leur poids et leur difficulté à se mouvoir rapidement, Sarina s'interrogeait sur le choix de ces créatures comme montures.

Comme si elle avait deviné ses pensées, Jezhebel expliqua :

— Ces Olynctas ne vont pas te mordre. Ils sont pratiquement inoffensifs. Et si tu te demandes pourquoi on les a pris pour montures, tu comprendras en arrivant au camp. Maintenant, montez. Nous devons arriver avant le début de la nuit.

Aussi lestement que cette dernière, Seilah et Sarina se juchèrent entre les deux bosses des animaux, utilisant les excroissances osseuses des flancs comme étriers. Les deux guerriers plantèrent leur lance dans le sable, montèrent sur leurs Olynctas, puis retirèrent leur arme du sol avant de rejoindre la caravane. Non sans avoir subrepticement lancé un regard noir à Seilah avant de se positionner aux deux extrémités du groupe.

La colonne s'ébranla à travers le désert qui s'étendait à perte de vue. Baigné d'une lumière dorée, le paysage semblait immobile, mais de petites créatures affolées s'enterraient sous le sable en voyant les Olynctas approcher, avançant d'un pas régulier, balançant leurs queues de gauche à droite dans un même rythme.

Juste derrière sa cadette, Seilah ressentait chaque pas de sa monture comme un écho de son passé, chaque grain de sable rappelant un souvenir enfoui. Le vent chaud soufflait autour d'eux, emportant avec lui des fragments de mélancolie et de nostalgie. Bien que fascinée par les créatures et le paysage, Sarina ne pouvait que sentir le poids de l'atmosphère tendue entre les deux soeurs. Le silence lourd n'étant ponctué que par le souffle des montures et le gémissement du vent.

Les heures passèrent et la lumière du jour commença à décliner. Le ciel se teinta de nuances orangées et pourpres, préfigurant la nuit à venir. Jezhebel, à l'avant, fixait l'horizon avec détermination, sans pour autant arriver à dissimuler l'ombre de tristesse qui voilait ses traits. La route jusqu'au campement était encore longue, et les souvenirs du passé, tel un véritable fardeau, pesaient sur chacun d'eux.

Finalement, à la lisière du crépuscule, les premières tentes du campement apparurent, organisées autour de la seule source d'eau potable de la région, une oasis reliée à un puits foré grâce à une technologie étonnamment avancée pour un peuple nomade.

— Comment...? démarra Sarina, subjuguée de l'avancement technologique de cette tribu.

— Vous nous imaginiez comment ? Comme des barbares ? asséna Jezhebel en fixant la Synthétique. Nous sommes peut-être un peuple nomade, mais nous avons toute la technologie nécessaire pour survivre dans des endroits comme celui-ci !

Intriguée, l'être cybernétique remarqua un attroupement d'Olynctas qui paissaient paisiblement dans les steppes avoisinant le point d'eau, indifférentes à la présence des Demoréens autour d'eux. Elle s'apprêtait à poser une nouvelle question à la cadette de Seilah, avant de comprendre rapidement qu'elle n'aurait aucune autre réponse de sa part. Par chance, l'aînée des deux soeurs vint à son secours :

— Je comprends que ces animaux t'intéresse tant...

— Oui. Mais surtout... Comment vous faîtes pour les garder auprès de vous, comme ça ?

Seilah pointa alors du doigt l'une des créatures, la plus grande.

— Tu vois celle-là ? C'est la matriarche du groupe. Bien avant ma naissance, mon père l'a totalement domptée et depuis, son groupe a suivi la tribu, lui prodiguant assez de ressources pour la sustenter.

— Vous les abattez ?

— Uniquement les animaux sur le point de mourir, trancha Jezhebel qui n'avait pas raté une miette de la conversation. Et on les trait aussi.

Soudain, un bruit de foule détourna leur attention. Seilah venait de se retrouver entourée par les Demoréens en deuil, pleurant leur chef défunt et la tenant pour responsable. Parmi eux, la fille aînée d'H'Ram reconnut la nourrice qui l'avait élevée, le tailleur qui lui avait appris à coudre. Tous ces visages familiers, ces personnes qui avaient été autrefois sa famille, la regardaient maintenant avec hargne et dégoût. Un immense sentiment de honte la traversa, et malgré elle, des larmes roulèrent sur ses joues. Elle chercha du regard sa cadette, qui s'approcha, l'air dur et sans la moindre pitié.

— Tu devais bien te douter que tu devrais en passer par là... murmura-t-elle.

Puis, d'une voix autoritaire, elle s'adressa à la foule :

— Shore saa marclan ! Zal noti mi paxel're ! Gir'Zal joa kala'se nah iorp saa mi marcl'sayn.

("Le spectacle est terminé ! Retournez à vos occupations. La cérémonie du Départ de mon père doit être prête au crépuscule.")

En un instant, la foule se dispersa, laissant Seilah seule dans son désespoir. À genoux dans le sable, elle se laissa aller à ses larmes. Elle sentit alors des bras réconfortant l'envelopper. S'essuyant les yeux du revers de sa manche, elle découvrit alors Sarina à ses côtés. Jezhebel, pour sa part, fixait la Synthétique avec un regard hautain, visiblement agacée par cette proximité. Soudain, la cadette des soeurs se précipita vers l'être mécanique et l'arracha à Seilah, puis d'un geste brusque, releva cette dernière :

— Tu n'as donc aucun respect pour toi-même ? Regarde-toi, tu es pitoyable à te comporter ainsi. Tu es la fille d'H'Ram, bon sang. Pas celle d'un vulgaire paysan. Comporte-toi comme telle.

Choquée par la dureté dans la voix de sa soeur, Seilah cessa presque immédiatement de pleurer sur son sort. Même si plusieurs années s'étaient écoulées depuis son départ de Demora, elle savait que si Jezhebel était dans un tel état d'énervement, ce n'était pas uniquement à cause de sa fuite. Quelque chose dans la mort de leur père l'avait brisée.

Avant même qu'elle ait pu dire quoi que ce soit, la cadette la coupa en désignant l'immense tente qui se dressait derrière elle :

— Entre avec ton amie. On vous attend, déclara-t-elle avant de s'éloigner accompagnée des deux guerriers qui avaient également mis pied à terre et qui s'empressèrent de guider les cinq Olynctas jusque vers le troupeau.

Seilah et Sarina se retournèrent et se dirigèrent vers l'ouverture de la tente. À l'intérieur, la décoration se résumait à de multiples tentures colorées drapées sur des cadres en bois et une large paillasse rectangulaire recouverte de tissu. Une femme, dont on ne voyait que le dos, était installée dessus. Toute comme Jezhebel, elle avait les cheveux bouclés, mais ceux-ci étaient grisonnants. La Demoréenne se tourna pour regarder ses deux visiteurs et un sourire franc s'étala sur son visage ridé par les années.

— Seilah. dit-elle d'une voix douce. Je savais que tu viendrais. Ta soeur ne voulait pas me croire mais j'en étais intimement convaincue.

Les deux aliens tombèrent alors dans les bras l'une de l'autre, pleurant à chaudes larmes tant de tristesse que de joie à se retrouver. Puis, elles se saluèrent à la manière Demoréenne, les deux femmes collant leur front l'un contre l'autre.

— Maman... murmura la jeune femme. J'aurais tant espéré pouvoir revenir plus tôt. Mais...

— Mais quoi, ma chérie ? demanda sa mère en posant une main affectueuse sur la joue de sa fille. Ce n'est pas parce que tu pars loin dans les cieux pour sauver ta vie que tu vas être bannie. Ton père ne l'avait jamais pensé.

Le visage de la mère de Seilah s'éclaira en un tendre sourire que la jeune Demoréenne lui rendit. Elle était ravie de voir que son père ne lui en avait pas voulu de son départ. Imaginant que H'Ram avait expliqué à Jezhebel les raisons de son départ, elle ne comprenait pas la rancune tenace de sa soeur cadette. Était-ce uniquement sa manière de réagir face à la mort de leur père ou y avait-il autre chose ? Ne voulant pas accabler sa mère de questions, la jeune alien garda ses interrogations pour elle et fit signe à Sarina d'approcher.

— Qui est donc ton amie ? demanda la vieille femme en voyant la silhouette de la Synthétique se détacher de la pénombre.

— Maman, laisse-moi te présenter Sarina, une amie très proche. Sarina, voici Niora, ma mère. déclara Seilah.

Sarina s'approcha et salua sobrement la vieille Demoréenne. Niora se releva brusquement et la prit chaleureusement dans ses bras avant de coller son front contre celui de la Synthétique.

— Ainsi, c'est votre première fois sur Demora ? demanda-t-elle après l'avoir lâchée.

— Pas totalement, répondit la jeune femme.

— La dernière fois, tu étais connectée au vaisseau, ça ne compte pas... objecta la jeune Demoréenne.

Voyant que sa mère ne comprenait pas tout aux propos émis par les deux jeunes femmes, Seilah les contextualisa. Elle expliqua tout, depuis son échappée des griffes de Tiram jusqu'à l'appel de Jezhebel quelques jours plus tôt, et ce, tandis que Niora leur servait une infusion aux effluves florales.

— Ma chérie. commenta la vieille Demoréenne. Tu as bien grandi en si peu de temps. Qui aurait pu imaginer que tu deviendrais la compagne d'une femme et que vous jetiez l'opprobre sur les puissants alliés de Tiram. Je suis vraiment fière de toi.

Surprise de voir la réaction de sa mère, Seilah lui prit la main et la serra tendrement :

— Tu sais, Maman, je ne pensais pas que tu m'aurais si bien accueillie. Regarde les autres : ils me voient comme quelqu'un ayant trahi sa parole et ayant déshonoré son peuple. Et puis, si jamais Tiram me recherchait encore, je n'aurais jamais accepté de vous faire courir le moindre risque.

La vieille Demoréenne ricana, et sa fille la regarda sans comprendre :

— Laisse donc parler ces crétins-là. Ils ne savent pas ce que tu as vécu et ils ne le sauront jamais. Nous pensions que ton mariage avec Tiram aurait calmé les choses, mais au final, il nous a toujours traités comme des animaux. Ce n'est pas ton départ qui aurait changé quoi que ce soit. Au moins, maintenant tu es heureuse avec cette femme...

— Tiana... Elle s'appelle Tiana.

Niora regarda sa fille avec tendresse, acceptant parfaitement cette union. Soudain, le son puissant d'une corne résonna dans tout le village. Seilah reconnut immédiatement le signal de la cérémonie du Gir'Zal. En effet, le soleil s'était enfin couché, plongeant le campement Demoréen dans la pénombre. La cérémonie allait honorer le chef de guerre H'Ram. En repensant à ce que cela impliquait, Seilah ne put retenir une larme qui roula sur sa joue.

— Ça va aller. assura Niora. Tu es une jeune femme forte, et ton père le savait.

Seilah sécha la trace humide sur son visage et, la tête haute, se dirigea vers la sortie de la tente, les deux autres femmes sur les talons. À l'extérieur, elles découvrirent une haie d'honneur formée par un rassemblement de guerriers. Celle-ci partait de l'habitation de fortune jusqu'à un bûcher composé de branchages sur lequel reposait une forme immobile recouverte d'un large morceau d'étoffe. Seilah savait très bien ce qui se trouvait dessous : le corps inanimé de son père, préparé pour la cérémonie.

Tandis que la jeune Demoréenne s'avançait dignement vers le bûcher où l'attendait déjà Jezhebel, des murmures s'élevèrent parmi la foule rassemblée. Certains exprimaient colère et dégoût face à sa présence ; d'autres, l'incompréhension quant à celle de l'étrangère, Sarina, à une cérémonie aussi sacrée.

Entendant ces paroles, la peur dans le coeur de Seilah disparut brusquement pour laisser place à une rage difficilement dissimulable. Une rage envers ceux qui avaient permis une telle injustice, envers ceux qui bafouaient la mémoire d'H'Ram dont le corps était encore étendu à quelques mètres de là. Ne pouvant plus contenir ses pulsions, la jeune Demoréenne s'écria d'une voix forte, surprenant toute la populace :

— Vok mi ! Ek mi jaalar saa keilas ! Kun eratt mi asay'rl hunna bezil'ak undus kala'se !
("Taisez-vous ! Que vous ne m'appréciez pas est une chose. Mais ne croyez pas que je vais tolérer un tel manque de respect envers mon père".)

Les bruissements de la foule se turent instantanément et Seilah jeta un coup d'oeil à sa mère, qui resplendissait de fierté. Le trio reprit son avancée jusqu'au bûcher, près duquel ne l'attendait plus uniquement Jezhebel mais également un Demoréen uniquement vêtu d'une immense toge colorée dévoilant son torse nu et d'un épais pagne qui masquait ses attributs masculins. Contrairement aux autres, son visage était peinturluré et ses longs cheveux attachés en une longue natte qui descendait presque jusqu'à ses pieds. À la main, il portait un bol en terre cuite rempli d'un liquide rougeâtre. Noria expliqua :

— Sarina, voici notre chaman. C'est lui qui présidera la cérémonie du Gir'Zal de feu mon mari. Aussi, il te faudra te conformer à nos rites.

— C'était bien mon intention. Mais je ne fais pas partie de votre famille, donc ne devrais-je pas faire plutôt être dans l'assistance ?

— Ne dis donc pas de bêtises. Tu fais partie de notre famille depuis que tu es monté sur le vaisseau de sa compagne. Elle donnerait sa vie pour toi et j'imagine que c'est réciproque... Donc oui, tu te dois de rester ici. Et personne ne dira le contraire, ajouta-t-elle en lançant un regard noir en direction de ladite-assistance.

Niora semblait si intimement convaincue de l'importance de la famille que la Synthétique crut un instant entendre parler Tiana Fry. Si bien qu'elle ne douta plus de ce qui avait rapproché Seilah et sa compagne : leur considération pour leurs proches.

— Je vous remercie, déclara Sarina. Que dois-je faire ?

Pour toute réponse, la vieille Demoréenne l'agrippa doucement par le bras et la mena jusqu'au chaman qui, s'occupait des deux filles d'H'Ram agenouillées sur le sol. Il traçait des symboles étranges et uniques sur les bras des deux Demoréennes. Puis il se tourna Sarina et demanda :

— Qui es-tu ?

— Je me nomme Sarina.

— Te considères-tu comme membre de cette famille ?

— En effet, répondit la jeune femme sans la moindre hésitation.

Le chaman prit alors la main de la Synthétique dans la sienne, dégaina le poignard qu'il avait à sa ceinture, et en passa le fil sur la paume de Sarina. Un peu du liquide verdâtre qui courait sous le tissu nanique composant la peau de l'être cybernétique se déversa dans le bol. Sitôt après la blessure se referma sous les yeux ahuris du prêtre.

— C'est une longue histoire, déclara Sarina en esquissant un demi-sourire, ne sachant réellement quoi lui dire d'autre.

Non sans lui avoir lancé un regard interloqué, le chaman murmura quelque chose d'inaudible avant de déposer une nouvelle série de runes tracées à la peinture sur les bras de Sarina, avant de s'occuper de ceux de Niora, qui était venue se poster à côté de la Synthétique.

— Ne t'inquiète pas. Ton rôle est, pour ainsi dire, terminé, la rassura la vieille Demoréenne avec un sourire.

Les trois Demoréennes se relevèrent pour s'approcher du bûcher, et Sarina les suivit. Elle découvrit alors qu'il était, certes, composé de branchages, mais qu'entre le corps dissimulé par le tissu coloré et le bois se trouvait une épaisse couche de fleurs d'un bleu violacé très aussi singulier qu'éclatant. Intriguée, la Synthétique tourna la tête vers Seilah, et, sans qu'elle n'ait eu à poser la moindre question, cette dernière entama ses explications :

— Ce sont des fleurs spéciales, originaires de notre planète, et que nous n'utilisons que pour le Gir'Zal.

Elle fut cependant coupée par le chaman qui demandait l'attention de toute l'assemblée :

— Asjeran mi jero. Gir'Zal joa H'ram zan'r.

("Je demande votre attention. La cérémonie du Départ d'H'Ram va débuter.")

Les Demoréens se regroupèrent pour former un cercle parfait autour de la dernière demeure du corps du chef de guerre. Un silence se fit, seulement interrompu par le bruit régulier d'un tambour. Le chaman chanta quelques paroles rituelles que les autres Demoréens reprirent en choeur. Quelques instants plus tard, le prêtre se tourna vers Seilah qui s'avança sous l'oeil incrédule de Sarina. Consciente des questions qui se bousculaient dans la tête de la Synthétique, la veuve d'H'Ram expliqua :

— Étant la fille aînée d'H'Ram, il est normal que ce soit elle qui mette le feu au corps de mon défunt mari.

— Et pas vous ?

— Non, c'est son successeur légitime qui doit s'en occuper. Pour ma part, je suis bien trop âgée pour m'acquitter d'une telle tâche.

Seilah plongea une torche dans les branchages qui se mirent à crépiter. Étrangement, l'odorat de la Synthétique ne détectait ni chair carbonisée ni fumée. C'est en voyant les flammes violacées qu'elle comprit : les fleurs couvraient les effluves nauséabondes en dégageant un parfum floral des plus exquis.

Au chant des brindilles qui crissaient sous la chaleur des flammes se rajouta celui des aliens, psalmodiant des paroles rituelles pour le départ d'H'Ram vers l'Au-Delà. Ce qui était certain, c'est que les Demoréens se rappelleraient toujours de leur défunt chef ; et Seilah et sa soeur, du magnifique sourire de leur père. L'aînée des filles reprit sa place entre Sarina et Jezhebel, puis, tandis que la cérémonie s'achevait, elle se tourna vers sa soeur. Cette dernière la regarda en retour pendant quelques secondes. Seilah crut percevoir une expression moins hargneuse qu'à son arrivée, dissimulée sous ses traits déformés par la tristesse.

— Jez', ça va ? demanda-t-elle tandis qu'elles s'éloignaient, à l'écart des derniers retardataires qui souhaitaient encore se recueillir près du corps calciné de leur chef.

— À ton avis, éclata Jezhebel. On vient de perdre notre père et la direction de notre tribu revient à sa fille aînée : toi. Sauf que tu nous as déshonorés, tous autant que nous sommes. Ce que tu feras à nouveau dès que tu reposeras le pied à bord de ton maudit vaisseau.

— Je suis partie pour sauver ma vie...

— Oui, Seilah ! Tu t'es lâchement enfuie et tu n'as pas pris le temps de penser à ton peuple. Tu n'as pas idée des représailles que nous avons subies après ton départ. Papa en est mort ! la coupa sa cadette, cinglante.

Pour la première fois, Jezhebel laissait échapper ses émotions et avait les larmes aux yeux. Montrant par la même occasion tout l'objet de sa rancoeur.

— Que veux-tu me dire ? Que t'est-il arrivé ?

— Tu m'as abandonnée, Seilah ! La vie sans toi n'a plus été la même... haleta-elle, la voix tremblante. Quand ils m'ont attrapée, ils m'ont obligée à vivre le même enfer que toi. Dans les mines... Ce n'est que lorsque Papa est venu me récupérer qu'ils ont pu le tuer... Au final, je n'étais qu'un appât. Pour qu'ils puissent se débarrasser de lui.

La plus jeune des soeurs tomba alors au sol, secouée par ses sanglots. Seilah la prit dans ses bras tout en réfléchissant : H'Ram n'était pas décédé de mort naturelle, comme elle le croyait. Tiram l'avait fait tuer et avait utilisé les siens contre lui. Cela même qu'elle avait tenté, plusieurs années plus tôt, d'empêcher en s'échappant de son emprise et en quittant sa planète natale.

"Tout ça pour rien" pensa-t-elle, tandis qu'une colère vengeresse commençait à monter en elle.

Sortant sa soeur de ses pensées meurtrières, Jezhebel révéla alors un autre pan de ce qu'il s'était passé :

— En plus, il a fait venir des armes beaucoup trop puissantes pour qu'on puisse lui résister. Des armes qui nous déciment sans la moindre difficulté. Et ce, depuis près d'un an.

— Des armes ? Quel genre ?

— Du genre puissant. Des étrangers les ont apportées. Dont une femme à la peau sombre.

Alors qu'elle réalisait les implications du récit de sa soeur, Seilah s'étrangla presque tant déglutir lui était devenu difficile. Sarina, qui venait de la rejoindre, s'étant inquiétée pour son amie, vit autant l'horreur qu'une rage difficilement dissimulable se dessiner sur ses traits. La jeune alien bouillonnait de l'intérieur. Constatant d'elle-même son état, la Demoréenne inspira profondément dans l'espoir de se calmer, mais rien n'y fit. Décidée, elle demanda à la Synthétique :

— Sarina, peux-tu contacter les autres en te projetant dans le vaisseau ? On va avoir besoin de tout le monde.

— Pourquoi ça ?

— Parce qu'on a fait une bourde... Et c'est à nous de la rectifier. Au plus vite. 

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