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4 - Charles de Beauvière, apprenti espion (1/2)

24 août 1756, France.

Charles battait le pavé. L'ondée s'était, par chance, tarie, mais cela n'empêchait pas le provincial d'être éperdument égaré. Sous les trombes d'eau rugissantes, il s'était hâté de se mettre au sec. Sans grand succès, puisque chaque recoin un tant soit peu abrité avait déjà été pris d'assaut par les petites gens pleines de malignité. Aucun n'eut l'obligeance de céder sa place, durement acquise à coup de coude, pour un obscur jeune blanc bec arrogant. Charles tempêta, vociféra, tonna ; rien n'y fit. Il ne parvint qu'à attiser le feu de la masse populaire, qui l'assiégea aventureusement. Acculé, il fut contraint de rendre les armes de peur de déclencher un esclandre, et se replia, penaud.

Tant bien que mal, il traîna ses deux malles bien trop imposantes pour sa grêle silhouette, et s'en alla trouver un abri. Pour se faire, il se risqua à s'enfoncer dans les méandres de la ville. Cruelle erreur. 

Les avenues, allées et artères, se ressemblaient bien trop pour son esprit embrouillé. Quelques embranchements malavisés suffirent à l'éloigner des voies communes. Il finit tout de même par rencontrer un recoin libre abrité de la pluie, quelque part dans le tréfonds de Versailles, entre deux boutiques d'artisanat. 

Il était hélas trop tard pour sa perruque, rendue informe et lourde par l'averse glaciale. Envolés, les marteaux* bien roulés. Volatilisés, les marrons* bien frisés. Disparue, la poudre de riz bien blanche. Sa belle perruque, sa perruque préférée, même, n'était plus. La coiffe si complexe, à la Brigandière – une véritable œuvre d'art ! –, pendillait tristement sur ses épaules. L'eau dévalait le long de son cou, formant des sillons glacials. 

Le jeune homme fut parcouru de frissons, les poils de ses maigres bras se hérissèrent. Il resta quelques temps au sein de ce coin reculé, à l'ombre des regards, distant de toute chose. Il écouta les battements réguliers des gouttes d'eau, heurtant le sol avec fracas. Il songea au pouvoir de la pluie, ce simple phénomène naturel inoffensif, pourtant capable d'influer sur l'environnement. La population fuyait à son approche, cherchant ardemment un refuge. Les classes sociales s'estompaient, noble ou manouvrier, l'averse ne faisait pas de distinction. La ville, siège du prestige du Royaume de France, devenait terne et grise, cachée derrière un rideau de fumée. Versailles elle-même était mise en sourdine, sans égard pour sa richesse. 

Charles se sentit terriblement isolé, seul dans ce lieu inconnu. Pour la première fois, il douta.

Peut-être avait-il commis une erreur. 

Comment pourrait-il impressionner une femme telle que Joséphine d'Anjou, alors qu'il faisait figure de chien mouillé ? Ses chances étaient minces, presque inexistantes – hormis si la demoiselle appréciait les canidés. 

L'incertitude tenaillait son cœur. L'élégant, plus très élégant, dut s'avouer qu'il n'était pas très au fait de la vie à la Cour, ni de la vie tout court. Au terme d'une réflexion acharnée, durant laquelle il se plut à regarder au lointain, la main au menton, le voyageur considéra que ce qui était fait, était fait – et n'était plus à faire. Il devait se concentrer sur le moment présent et se sortir de cette situation pour le moins scabreuse. Tout d'abord, se trouver un logement, puisque selon toute vraisemblance, il ne coucherait pas au sein du palais de Versailles comme imaginé. 

Mais avant toute chose, il devait regagner l'Allée royale. Puis reprendre le carabas, direction la capitale. Et ensuite... qu'importe, il aviserait. Le provincial haussa les épaules, sa nonchalance coutumière retrouvée. Les flots tombés des cieux s'étant calmés, il s'aventura hors de son racoin. Après avoir tourné rond quelques instants, il prit la dure résolution de s'adresser à un roturier afin de quémander son chemin. Un brave homme, dans la force de l'âge et le visage taillé à la serpe, le lui indiqua d'une voix bourrue, non sans lui jeter une œillade suspicieuse. 

Charles suivit ses indications, fit fausse route une ou deux fois – moins d'une dizaine de fois, en tout cas –, et parvint au niveau des carabas. Le prochain n'était malheureusement pas de sitôt. Las, il s'assit sur un mur de pierre à proximité et en profita pour essorer sa perruque imbibée, qui par ailleurs le démangeait affreusement. Le jeune homme détendit ses jambes crispées par la marche et roula les épaules, mises à mal par ses malles encombrantes. Le cuir des bagages avait été mis à rude épreuve, trainé régulièrement sur les pavés bosselés, il était tout éraflé au niveau des jointures. Fourbu, il regrettait presque d'avoir emporté tant de fourniment. 

Un nouveau carabas fut sur le départ, il y monta. Le trajet s'avéra encore une fois bien long, tant et si bien que Charles atteignit Paris à l'heure du souper. Une malle dans chaque main – ses bras gringalets tremblaient sous la charge –, il partit en quête d'un toit où loger.

L'air était décidément irrespirable. L'ardennais préféra ne pas s'interroger sur les origines d'une telle pestilence. Malheureusement, il ne possédait pas encore de troisième main, et il ne put profiter de la mince barrière qu'offrait son mouchoir brodé. Le pas chancelant, luttant contre l'asphyxie – autant dû à l'odeur qu'à l'effort physique –, il s'enfonça dans les entrailles de la ville.

Si Paris était moins animée que tantôt, les rues n'étaient pas pour autant dépourvues de vie. Charles s'en trouva pas mécontent, bien que le brouhaha commençât à fatiguer ses nerfs ; la foule garantissait un semblant de sécurité, la ville étant réputée pour ses vices à la tombée du jour. Le jeune homme escomptait gagner le cœur de la ville, le quartier des Halles, de Saint-Germain-des-Près, ou peut-être même le Marais et ses hôtels particuliers. Il n'en était plus très loin, du moins il l'espérait. Cette ville était un vrai labyrinthe !

Le voyageur rêvait d'une haute bâtisse, d'une architecture classique, étincelante de blancheur. Mais il devrait se contenter d'une simple pension de bonne famille, dans un beau quartier, pour cette nuit. Encore fallait-il y parvenir.

Charles s'arrêta une fois, à bout de souffle. Il reprit sa route, trébucha une fois, deux fois. Il dut s'adosser à la façade branlante d'une maison, au bord de défaillir. Il avait outrepassé les limites de son corps. Son estomac criait famine, tous ses muscles souffraient le martyr, ses mains le brûlaient, sa gorge était desséchée... Il n'était pas dans son état habituel.

D'étranges points lumineux dansaient devant ses yeux dilatés. Le jeune homme songea que si c'était le Seigneur, il ne semblait pas bien beau, et il ne souhaitait pas la compagnie d'un laid. Il papillonna des paupières, tentant de retrouver sa lucidité. Pour se donner de la vaillance, Beauvière se figura un festin, une bonne ripaille, avec de l'alcool et des jeunes femmes. Pris d'une vigueur nouvelle, il se redressa, posa un pied devant l'autre. Puis, avant même qu'il s'en rende compte, il s'écroula, sa tête heurtant méchamment le sol. Tout devint noir.

–––––-

Charles se réveilla avec une migraine lancinante. Il s'imagina très sérieusement que sa tête avait dû se changer en enclume, et qu'un forgeron prenait un malin plaisir à abattre son marteau sur cette dernière. Il espéra que l'épée serait belle. Non, pas une épée. Cela lui évoquait de sombres remembrances : l'armée, son père, l'entraîneur Bijoux... Un bijou serait bien mieux. Un collier, avec des pierres précieuses et une fine chaînette en argent, digne d'une princesse. Il irait à ravir à Joséphine d'Anjou, soulignant la finesse de son cou de cygne. Il se demanda si un tel présent lui plairait. Mais est-ce qu'un forgeron concevait des colliers princiers ? Sur cette interrogation dérangeante, il sombra à nouveau. 

Les rayons matinaux le réveillèrent. Il ouvrit les yeux difficilement, les referma aussitôt devant la lumière aveuglante. Précautionneusement, il se hasarda derechef à discerner son environnement. Tout semblait brumeux, cotonneux ou encore vaporeux – il ne s'aurait dire. Le jeune homme distingua à travers ses yeux sombres plissés une fenêtre haute, agrémentée de rideaux ordinaires, qui ne filtraient pas la lumière. Les murs de la pièce, fissurés, lui semblaient quelque peu décrépis, et de longues trainées jaunâtres zébraient la tapisserie surannée. 

Charles plissa le nez, écœuré ; il ne préférait pas savoir quelle était la nature de ces tâches. Il tâta du bout des doigts l'espace à côté de lui. Il était étendu sur une couche, le matelas ne paraissait cependant guère moelleux et les draps irritaient sa peau sensible. Avec peine, il tourna la tête, provoquant par-là un sinistre craquement, et se retrouva nez-à-nez face à un ogre. 

Tout compte fait, après quelques observations, il ne s'agissait point d'un monstre, seulement d'un géant. Le poil fauve, l'homme possédait des allures de lion – une bête sauvage exotique qui figurait dans son livre Les Merveilles de Marco Polo. De stature impressionnante, ses larges épaules semblaient capables de porter le ciel et son cou ressemblait fortement à celui d'un taureau. La chaise où il somnolait grinçait dangereusement sous son poids. Sa face rustre et démesurée arborait des traits épais – mâchoire carrée, front bombé, nez aplati et lèvres tombantes – : l'inconnu était dénué de toute finesse. Sa crinière désordonnée renforçait la bestialité qui se dégageait de lui. Charles n'avait aucun désir de se confronter à un tel individu. Il se mit à craindre pour sa vie, quoiqu'une chambre fut un curieux endroit pour commettre un meurtre.

Alors que son esprit cherchait avidement une issue, le colosse ouvrit un œil, puis l'autre. D'emblée, le jeune homme referma les siens et feignit un profond sommeil. Il était hors de question qu'il mourût céans, dans un taudis. 

— J'vous ai vu, savez ? résonna une voix claironnante.

Le jeune homme sentit ses joues s'empourprer. Son attitude n'était point digne d'un gentilhomme : il devait affronter les épreuves avec bravoure. Renonçant à son subterfuge, il releva la tête et adressa un signe de tête sec à l'homme. Celui-ci lui renvoya un regard amusé, tandis que ses lèvres sauvages formèrent un rictus moqueur. 

— Bien roupillé ? 

Nouvel acquiescement. Même s'il le souhaitait, Charles n'aurait pu prononcer la moindre palabre. La bouche pâteuse et la gorge serrée, ses lèvres étaient inaptes à toute parole. Il n'était même pas en mesure de solliciter un verre d'eau fraîche. Par chance, l'étrange inconnu lui en tendit un ; il devait lire dans les pensées. Le provincial but goulûment, l'eau revigorait ses sens et éclaircissait son esprit. 

— Bien le bonjour. Auriez-vous l'amabilité de me renseigner sur le lieu où je me trouve actuellement ? questionna Beauvière, la voix éraillée.

Un haussement de sourcil traversa le visage du géant. 

— Pas la peine de faire tant de façons. T'es à la pension des Près. Le probloque va pas tarder à débarquer, veut te causer. Tes valoches sont juste là, tu peux te fagoter si tu veux. Moi, j'ai fini ma mission, j'te laisse. On se verra au moment de la pitance. 

Un signe de main plus tard, l'inconvenant avait disparu. Charles était outré par si peu de manière. N'avait-il donc jamais eu la moindre éducation ? Les fondements du savoir-vivre n'étaient même pas acquis ! Quelle honte ! Et dire que ce parfait inconnu, ce moins que rien, osait le tutoyer ! 

Au moins, ce rustre avait daigné répondre à son interrogation. La pension des Près, donc. Il pouvait supposer, sans trop de risque, qu'il se situait dans le quartier de Saint-Germain-des-Près. Il avait donc atteint sa destination la veille au soir, bien que ses réminiscences fussent confuses. Cette pension n'était, selon toute vraisemblance, point cossue. Aucune personne de bonne famille ne viendrait loger dans un tel établissement. Enfin, Charles pouvait s'estimer chanceux, cela aurait pu être bien pire... il aurait pu dépérir dans un cachot humide pour gêne sur la voie publique ! 

Il décida de s'extirper du lit inconfortable, son dos était tout endolori, et de se vêtir élégamment pour rencontrer le propriétaire – s'il avait bien compris la teneur des propos de l'impoli. Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu'il vit ses deux malles, bien fermées. Grâce à Dieu, aucun de ses atours n'avait été dérobé. 

Charles s'arrêta sur un justaucorps albâtre, une veste d'argent brodée, ainsi que des collants bleutés et des brodequins à talons. Sans oublier, bien entendu, sa poudre de céruse ainsi qu'une mouche*. Il était fin prêt pour recevoir son hôte.

Il n'eut pas à patienter bien longtemps. Au rythme des grincements de l'escalier, quelqu'un montait d'un pas léger, à en juger le bruissement. L'élégant se composa son visage le plus avenant, et étira ses lèvres en un sourire charmant.

Charles ne s'attendait pas tout à fait à cela. Au lieu d'un nouveau colosse inquiétant, une femme menue apparut dans l'encadrement de la porte. De taille moyenne, les cheveux blond cendré et le visage jovial, elle lui souhaita la bienvenue avec entrain. Son regard se fit curieux en voyant la mise complexe de l'invité, et elle repassa de ses mains son tablier tâché.

— Seriez-vous donc la propriétaire de cette... pension ?

— C'est exact, Monsieur. Et ce depuis de nombreuses années, fit-elle, le regard brillant.

— Votre époux accepte donc que vous teniez une telle affaire ?

Ses propos frôlaient l'inconvenance, mais Charles était véritablement surpris. S'il savait que les femmes du peuple étaient bien souvent amenées à travailler, il ne se doutait pas qu'elles pouvaient être propriétaires. Difficile d'imaginer ce brin de femme diriger la pension d'une main de maître.

— Il est mort, qu'est-ce que ça peut lui faire ? 

Sa frêle carrure fut secouée d'un haussement d'épaule. La mort de son conjoint ne semblait pas particulièrement l'affecter. 

La discussion se poursuivit quelques instants, la propriétaire – de son nom Julie Brasset – lui conta les événements de la veille. Le colosse – qui s'avéra se nommer François Girondois – l'avait trouvé inanimé à deux pas de là. Il avait d'abord cru à un simple ivrogne, avant de noter la mise remarquable du jeune homme : ce n'était décemment point un soiffard. Girondois l'avait alors porté jusqu'à la pension où lui-même logeait. 

— On s'est fait du tintouin, vous savez ? Vous ne sembliez pas vraiment blessé, hormis une belle bosse à la tête, mais impossible de vous réveiller ! François vous a veillé toute la nuit et encore ce matin. 

Charles était sincèrement reconnaissant envers cet homme. Bien qu'impoli, il lui avait peut-être sauvé la vie – Dieu sait ce qui aurait pu survenir dans cette ruelle. Il devait désormais payer sa dette envers lui.

— Oh, vous savez, il a bon cœur, François, il attend rien en retour. Mais si vous voulez le remercier, allez lui faire un brin de causette, il est toujours tout seul, le malheureux. 

Le jeune homme la remercia chaudement et partit à la rencontre de ce François Girondois, assis sur une marche lustrée de l'escalier d'ébène. 

— Ça alors, tu veux bavarder avec moi ! Ta compagnie tombe à point ! clama-t-il, le visage fendu d'un profond sourire. 

Un léger silence flotta. Le géant semblait ravi de sa simple présence, mais son mutisme embarrassait l'aristocrate. De quoi Charles pouvait-il bien l'entretenir ? Il doutait que ce roturier connût quelque chose aux vestes à brocart. Son regard tomba alors sur le tract que le colosse tenait, ou plutôt broyait, entre ses larges mains. Le gros titre, annonçant en lettre écarlate « La fin du règne de la Poisson », attisa son intérêt. Désignant le bout de papier du menton, il demanda :

— Que s'est-il passé ? 

•••

*marteaux : rouleaux horizontaux ou verticaux composant les perruques sous Louis XV.

*marrons : frisures qui terminent la chevelure.

*mouche : faux grain de beauté fait de mousseline noire et collée sur le visage afin de faire ressortir la blancheur du teint. L'emplacement de la mouche peut transmettre un message. 

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