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1 - Charles de Beauvière, épéiste raté

France, 16 août 1756.

- En garde ! s'écria le porte-guidon* Joseph Bijoux, malheureux maître d'armes d'un élève particulièrement récalcitrant.

L'homme aux favoris grisonnants, vêtu de son uniforme sans un faux pli comme tout vétéran qui se respecte, avait fière allure. Son menton volontaire et son nez caractériel renforçaient l'autorité qui émanait de sa personne. Une large cicatrice blanchâtre, vestige d'un féroce combat durant la Guerre de la Quadruple-Alliance*, partait de son front dégarni jusqu'à sa mâchoire tranchante. On ne mouftait pas face à un tel personnage.

Le militaire tenait d'une main ferme son fleuret*, attendant patiemment que son disciple daigne ouvrir l'offensive. Si sa figure demeurait impassible, son regard trahissait néanmoins son agacement : cela faisait des heures qu'ils s'entraînaient dans la plaine, sans grand succès. Le gentilhomme face à lui semblait plus intéressé par les géraniums environnants que par le duel, à son grand désespoir.

Le lieutenant soupira. Il ne tenait même pas son épée correctement. Dans un véritable duel, il se ferait laminer en quelques instants ! Dire que cela faisait des années que Charles de Beauvière, jeune indolent, s'exerçait à l'escrime... Tant d'efforts pour si peu de résultats. L'officier Bijoux commençait à douter de ses talents d'instructeur.

- Quand vous voulez, monsieur. C'est à vous d'ouvrir le combat.

L'interpellé leva négligemment les yeux vers lui, et, la moue boudeuse, réaffirma sa prise sur la poignée de son arme. Apercevant une belle brune à quelques pieds, il bomba soudainement le torse avec excès, non sans évoquer un jeune coq. L'ancien secoua la tête : le jeune homme ne changerait jamais, sa concentration frôlait l'inexistence.
Avec une lenteur calculée, Charles se mit enfin en position d'attaque. Et se jeta sur son adversaire.

La technique était particulièrement déplorable. En une fraction de secondes, l'officier para l'offensive maladroite ; mais dans sa bénignité, il laissa son flanc gauche à découvert, offrant par-là une ouverture à l'apprenti soldat. Avec mollesse, ce dernier tenta un coup d'estoc* qui fut aisément contré. Le maître d'armes, irrité, - Charles ne faisait vraiment aucun effort - riposta violemment en le désarmant d'un mouvement.

Le perdant observa son fleuret gisant désormais dans une touffe d'herbe jaunie, stoïque et ennuyé. Cependant, la raideur dans ses épaules sous-entendait qu'il n'était pas insensible à l'humiliation qu'il venait de subir. La seizième en l'espace de deux heures.

- Félicitations. Vous avez tenu dix secondes, soit cinq de plus que la dernière fois. Quels progrès prodigieux vous avez accomplis, siffla le soldat. Vous voilà prêt pour l'École royale militaire, cela ne fait aucun doute.

Le jeune homme tentait de rassembler ce qu'il restait de sa dignité. Le menton levé, il décrocha son regard le plus hautain, rejetant les mèches dorées de son front.

- Le soleil m'a ébloui, et il est fort désagréable de se battre dans ces conditions. J'étais injustement pénalisé, grommela le vaincu.

- Oh, le soleil vous a indisposé ? Vous m'en voyez navré. Mais sachez que dans l'armée, vous combattrez quel que soit le temps, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, quel que soit le terrain, quel que soit votre état de fatigue ! Il va falloir vous y faire, jeune homme. La guerre, ce n'est pas une vulgaire partie de chasse !

Pour seule réponse, Charles haussa les épaules. Son instructeur n'avait pas besoin de savoir que ses talents de chasseur étaient tout aussi déplorables. S'il participait avec plaisir à cette activité, il ratait irrévocablement sa cible.

Sans attendre la réaction du militaire, il quitta à grandes enjambées l'arène improvisée. Cette mascarade avait suffisamment duré. Surtout qu'ils avaient du public. Il se crispa en entendant glousser la belle demoiselle qui se moquait allègrement de ses piètres talents. Avec son joli minois aux traits fins et distingués, il était plus coutumier aux minauderies et compliments, surtout venant de la gent féminine. Sa fierté en prenait un coup. Tout bien considéré, cette fille ressemblait à une poule bruyante et stupide.

Il détestait ces horribles séances d'entraînement. La chaleur était insoutenable, il avait douloureusement conscience de sa chemise qui collait à son dos et son visage devenu rougeaud, loin de son teint clair d'origine. Pestant entre ses dents, il observa ses mains rougies par l'effort. L'élégant estima impératif de tremper ses longs doigts délicats dans du lait parfumé, sinon on le prendrait pour un vulgaire roturier ! Comme si cela ne suffisait pas, il souffrait d'un mal de crâne lancinant, vestige de sa découverte du tafia* la veille. Non, décidément, rien n'allait en cette matinée d'été.

- Beauvière ! s'exclama une voix de ténor.

Un jeune aristocrate arrivait en hâte, la mine affable, son visage était fendu par un large sourire. Sa mise était simple, mais raffinée. Charles fronça les sourcils à la vue de son jabot légèrement de travers. Cela ne ressemblait guère à Édouard de Montueil, son vieil ami - à mons qu'il n'ai été en bonne compagnie.

- Comment votre entraînement s'est-il passé ? questionna aimablement le nouveau venu.

Sans répondre, l'épéiste s'approcha du gentilhomme et remit à sa place le bout de tissu crème. C'était tout de même mieux ainsi.
Puis il fit quelques pas, s'aventurant sur le chemin de terre craquelé. Il n'avait qu'une envie : fuir cet endroit.

- Je vois. Aussi catastrophique que d'habitude, je présume. Il est étrange que votre respecté père tienne autant à ce que vous rentriez dans l'armée, alors que vous avez horreur des fers.

- C'est la tradition, répliqua-t-il en détachant chaque syllabe. Vous savez pertinemment que Henri, en tant qu'aîné, hérite de l'affaire familiale, et qu'Augustin montre des prédispositions aux ordres depuis ses premières années. Il me revient donc l'immense privilège d'intégrer la légion.

- Il s'agit peut-être que d'une simple fantaisie paternelle passagère...

Le futur soldat riva ses yeux sombres sur son camarade, légèrement désarçonné. Ce dernier se trémoussa, mal à l'aise devant son regard perçant qui semblait lire dans son âme.

- Qu'y a-t-il ? Aurais-je commis un impair ? demanda-t-il, nerveux.

- Vous ne connaissez donc pas la dernière nouvelle... Père m'a posé un ultimatum. Je vais intégrer l'École royale militaire dans les plus brefs délais, une place s'est libérée inopinément. Dire que je croyais y avoir échappé, ricana-t-il sombrement.

- Comment se fait-il ? Quand cela ? Pourquoi ?

- Calmez-vous, Montueil, je vais tout vous expliquer. Je suppose que notre petite beuverie de la veille n'a pas été fort appréciée. Il semblerait que cela ne soit pas convenable d'être vu en bonne compagnie, que ce ne fût ni respectable ni chrétien. J'ai souligné que Louis le Quinzième, notre roi très-chrétien, ne s'en privait pas pour autant. Mon insolence, quoique je n'aie fait que constater une réalité connue de tous, n'a probablement pas arrangé les choses. Il parait que je suis encore un enfant - quelle absurdité - et qu'il est grand temps que je m'assagisse.

- Que vous vous assagissiez ! Vous n'avez même pas atteint votre majorité ! C'est au contraire le moment de se divertir et de profiter de l'existence ! On aura tout le reste de notre vie pour devenir aigris et ennuyeux à mourir.

La stupéfaction du baron de Montueil se lisait dans ses yeux translucides exorbités et ses joues rondes enflammées. Son jabot n'était à nouveau plus à sa place, emporté par les gesticulations. Ce détail avait le don d'agacer Charles de Beauvière, pour qui l'élégance était essentielle, et ce en toute circonstance. Mais il se tut : un gentilhomme devait faire preuve de tact.

- Je suis bien d'accord avec vous, mon ami. Les responsabilités ! Quel terme abominable ! Je peine déjà à choisir quelle culotte je devrais mettre chaque matin, comment voulez-vous que je sauve le royaume de France ? Enfin, je ne doute pas de ma capacité à m'illustrer en tant que glorieux héros, mais encore faudrait-il que je survive jusqu'aux Amériques...

Édouard de Montueil détailla son compère, avec qui il partageait son amour de la boisson et des femmes, ainsi qu'une nonchalance à toute épreuve. Difficile de l'imaginer en militaire. Sa taille moyenne et sa silhouette délicate étaient peu propice à un travail de force. Ses traits fins et sa chevelure blonde mi-longue, retenue par un ruban de soie, correspondaient au portrait d'un artiste, mais non à celui d'un soldat. Charles de Beauvière était beau, d'une beauté romanesque et tourmentée. Il se ferait tuer avant même de poser un pied sur le continent transatlantique, sans aucun doute.

- Mais n'y a-t-il point d'autres solutions ?

Charles ne répondit pas immédiatement, se contentant de faire quelques pas, les sourcils froncés.

- Il y a une alternative, mais à dire vrai, elle est tout aussi déplaisante. Si je me marie avec une femme fortunée, cela va de soi, j'échapperai à l'armée.

- Le mariage ? grimaça le baron, qui, en tant que célibataire endurci, avait ce mot en horreur.

- Oui, le mariage. Perspective peu réjouissante, je dois bien l'avouer. Aucune jeune fille des environs n'est véritablement digne d'intérêt. La région est, me semble-t-il, peuplée de visages disgracieux. Et Dieu sait que je préférais périr sur un champ de bataille plutôt que me marier à un laideron.

Son ami acquiesça, l'air atterré. Les demoiselles des alentours se démarquaient en effet par leur manque de beauté, qu'une fortune modeste ne permettait de rattraper. Mademoiselle du Châtenet seule, avec ses boucles acajou et ses yeux de biche, avait su faire battre les cœurs. Hélas, cette jolie fleur s'était vite fanée suite à la petite vérole. Le teint bilieux et d'une maigreur inquiétante, elle faisait désormais peine à voir.

Les deux amis continuèrent leur route en silence, chacun perdu dans ses pensées.

- Mon cher, vous devriez aller à la capitale, toutes les coquettes se trouvent dans ce pays-là ! finit par s'exclamer Édouard au bout d'une longue réflexion.

- L'idée m'a effleuré l'esprit, admit Charles. Mais je n'ai pas un sou, et que ferais-je là-bas ?

- Ma foi, ce que vous voulez ! Vous trouver une macquerelle, par exemple. Avec votre joli visage, vous pourriez décrocher une dote de trente mille livres, de quoi vivre confortablement quelques temps sans se soucier des dépenses.

Face à l'absence de réaction du gentilhomme, il demanda :

- Serait-ce Maria qui vous retient ?

Le blond fronça les sourcils, perplexe. Hormis la boulangère Maria Giscard, qui faisait de délicieuses tartes aux pommes, il ne connaissait aucune femme de ce nom.

- Qui est la dénommée Maria ?

- Pardi, la femme que vous avez déclaré cette nuit vouloir épouser ! Un beau brin de fille, cheveux noirs, fards prononcés, avec des formes opulentes... Ne me dites pas que vous l'avez déjà oubliée !

Beauvière tombait des nues. Certes, le physique décrit correspondait à ses goûts et il avait bu à outrance la veille, mais de là à vouloir se marier ? Il se promit d'arrêter le rhum, qui lui faisait perdre tout sens commun.

- Eh bien, il faut croire que si. Je suis surpris que vous ayez pris mes paroles insensées au sérieux. Je compte bien faire un mariage avantageux, loin de moi l'idée de m'acoquiner avec une fille de joie. Et depuis quand suis-je amoureux ? Tout est une question de désir, et non de sentiment. Le monde est ainsi fait.

Soudain, il fit halte, fixant une silhouette au loin. Une femme d'une beauté rare se tenait à l'entrée du parc. Ses longs cheveux d'ébène étaient montés en une coiffure d'une redoutable complexité agrémentée de rubans en tout genre. Son visage ovale était doux et ses lèvres roses demandaient un baiser. De son corsage argenté et blanc, couleurs mettant en valeur son teint de porcelaine, jaillissait sa gorge opulente. Elle portait un collier de perles, qui soulignait son cou de cygne. Une noble, cela ne faisait aucun doute. Cette inconnue alliait à merveille richesse et beauté.

- Je l'ai trouvée, souffla Charles, les yeux écarquillés.

- Qui donc ?

- L'épouse parfaite, voyons. Il ne me reste plus qu'à la séduire.

•~•

*porte-guidon : grade désignant un officier subalterne faisait partie des Dragons, corps d'armée à mi-chemin entre l'infanterie et la cavalerie.

*Guerre de la Quadruple-Alliance (1718-1720) : guerre opposant la France, la Grande-Bretagne, les Provinces-Unies et le St-Empire germanique au royaume d'Espagne. Victoire de la Quadruple-Alliance.

*fleuret : épée d'entrainement à l'escrime possédant un embout en forme de petite fleur, afin d'éviter les blessures.

*coup d'estoc : technique en escrime consistant à aller de l'avant en tendant le bras, afin de toucher l'adversaire.

*tafia : vieille appellation du rhum, alcool fort en vogue au milieu du XVIIIe siècle suite à l'essor du commerce transatlantique.

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