À dix heures...
Emma n'avait cessé de me fixer. Depuis que notre patron était passé, et que... comment dire...? il m'avait reconnue, elle semblait se poser des questions. Sûrement n'y avait-il pas qu'elle! Oui, on se connaissait et alors? Cela ne voulait rien dire... Après tout il n'y avait rien du tout, puisque nous nous étions, lui et moi, rencontrés qu'une seule fois, et ce dans de drôles de circonstances.
"Il est bientôt dix heures..." siffla Emma entre ses dents. Oh oui effectivement! Que le temps passait vite. Mais pourquoi me le rappelait-elle? En temps normal elle n'aurait jamais pensé à me prévenir de quoi que ce soit, et elle se serait moquée de moi puisque je serais arrivée en retard. J'étais vraiment surprise qu'elle me dise ça. Je me demandais ce qu'elle pouvait bien penser... et surtout ce qui lui prenait d'être un peu plus «gentille» que d'habitude.
J'ai fini rapidement de compléter un dossier et me suis levée. Tous les regards se sont alors dirigés vers moi. Je n'avais qu'une envie : partir d'ici au plus vite! Je me sentais étouffer comme si l'air se faisait de plus en plus rare. Me dirigeant vers la porte d'une marche rapide, j'avais l'impression de m'enfuir.
Ouf! Enfin en dehors de cette meute assoiffée d'explications. De toute façon je n'avais pas de compte à leur rendre, cela ne les concernait pas, et en plus ils n'étaient pas mes amis, raison de plus pour ne pas leur adresser ne serait-ce qu'un mot à propos de cette histoire. Ils n'avaient pas besoin de savoir comment j'avais rencontré notre patron avant qu'il ne soit à la tête de cette entreprise.
***
Je marchais dans les nombreux couloirs qui menaient à son bureau. J'avais comme l'impression que les personnes de cet étages se demandais ce que je faisais là, sachant que je n'étais jamais montée jusqu'ici. Arrivée au bout du couloir j'ai frappé à une porte, et suis entrée. Une sorte de salle avec des chaises et une table (un peu comme une salle s'attente) et un bureau me faisait face. Assise au bureau une femme blonde venait de lever la tête dans ma direction. Je me suis approchée et ai compris qu'il s'agissait de la secrétaire du patron...
"Vous désirez?" demanda t-elle d'une façon peu aimable, comme si je la dérangeais en plein travail. Son bureau était presque vide, elle devait sûrement se la couler douce... Personne ne connaissait la politesse dans cette entreprise où quoi? Même pas un «Bonjour.»?
"Bonjour, euh... monsieur Wilkerson m'a demandé de passer le voir..." répondis-je en hésitant. J'étais vraiment obligée de venir ici? De lui parler? D'ailleurs je ne savais pas ce qu'il me voulait... Avais-je fait quelque chose de mal? Cela avait-il un rapport avec mon travail? Ou bien était-ce par rapport à cette fameuse soirée...? J'étais nerveuse, je me demandais même si je ne commençais pas à trembler.
"Quelle heure?" continua t-elle toujours aussi aimable... Je plaisante bien évidemment. Tout le monde avait une dent contre moi ou quoi? Elle aurait pu faire une phrase complète, par exemple : «Vous aviez rendez-vous à quelle heure?». Cela lui coûtait quoi quelques mots en plus?
"Dix heures." dis-je alors ne faisant pas une phrase constructive, à quoi bon m'embêter à bien parler si la personne en face de moi n'en faisait pas autant?
"Je vais voir s'il est occupé." m'annonça t-elle en se levant, réajustant sa coiffure. Je rêvais où elle faisait attention à son apparence à cause de monsieur Wilkerson?
J'ai donc attendu le temps qu'elle prévienne notre patron que j'étais là. J'entendais leurs voix à travers la cloison, mais n'arrivais pas à comprendre ce qu'ils disaient. La porte s'ouvrit, la secrétaire en sortit en me faisant signe d'entrer, elle s'assit de nouveau à son bureau.
J'ai regardé devant moi, en hésitant à entrer, mais en même temps je ne pense pas que j'avais vraiment le choix. J'ai donc avancé, en veillant à fermer la porte derrière moi. Il était là, dans cette pièce, assis derrière son bureau, où une immense baie vitrée permettait d'avoir une vue imprenable sur l'extérieur. Quelle chance... Moi tout ce que je voyais de mon bureau c'était le vieux immeuble gris d'en face.
Il avait maintenant les yeux posés sur moi, et semblait amusé de me voir ainsi étonnée du lieu où il passait son temps à travailler.
"Je vous en prie, asseyez-vous..." dit-il en montrant la chaise qui se trouvait face à lui. Je suis alors allée m'asseoir, ne sachant pas vraiment ce que je faisais ici. J'étais toujours aussi nerveuse, et me retrouver seule avec lui n'arrangeait rien. Il fallait croire qu'être seule avec un homme me faisait peur maintenant. Pourtant cela n'avait pas toujours été le cas, il y avait eu un moment où j'étais extrêmement à l'aise, ce avant de comprendre que je faisais une erreur.
"Vous allez bien?" me demanda t-il, sûrement pour tenter de débuter une conversation.
"Oui, et vous?" dis-je. Quand je pense que je me suis enfuie face à lui l'autre jour. Moi qui pensais ne jamais le revoir... Je me disais que je pouvais presque faire ce que je voulais, de toute façon je ne risquais pas de le recroiser un jour. Et voilà qu'il était maintenant mon patron et que je risquais alors de le voir très souvent.
"Très bien." répondit-il. Bon et maintenant? S'il en venait au fait, pourquoi m'avait-il fait venir ici? Mais il ne disait rien. Attendait-il que moi je dise quelque chose? Je n'avais rien à lui dire.
"Au fait vous avez retrouvé votre amie?" me questionna t-il soudain. Ce n'était quand même pas pour parler de Sally qu'il avait tenu à me voir? Sinon je lui donne son numéro de téléphone et puis voilà... Pas besoin de passer par un intermédiaire. Enfin si je me souvenais bien, il l'avait juste trouvé «banale».
Et pour répondre à sa question j'ai simplement hoché la tête. J'ai alors repensé à cette soirée... Mais comment se faisait-il qu'un barman se retrouve à la tête d'une entreprise comme celle-ci? Qui plus est n'avait absolument rien avoir avec la consommation d'alcool... Sauf si bien sûr il n'était pas barman. Alors que faisait-il derrière le comptoir à servir des verres?
"En fait vous n'êtes pas barman...?" m'entendis-je dire. Ce n'était pas mon intention de lui poser cette question, qui était totalement ridicule puisqu'il était mon patron, mais les mots sont sortis tous seuls. En entendant ce que je venais de dire il se mit à rire. Effectivement ma question était stupide... Et je me sentais bête. Je n'avais qu'une envie : me terrer dans un trou de souris. Enfin en toute logique je ne pourrais jamais, je suis bien trop grosse pour pouvoir loger, même Sally qui avait un corps de mannequin ne pourrait pas y rentrer. Mais, qu'est-ce que je raconte là?
"Non, je ne suis pas barman." dit-il enfin.
"Mais alors qu'est-ce que vous faisiez derrière ce comptoir? Vous m'avez même demandé ce que je voulais boire..." répliquais-je, pour paraître un peu moins bête. J'avais une raison d'avoir cru qu'il n'était là que pour servir les clients.
"Je remplaçais le barman pendant quelques minutes, pendant que celui-ci réglait un problème personnel, c'est un ami. Comme vous avez du le remarqué, je ne suis pas spécialiste en boissons alcoolisées..." m'informa t-il. Effectivement, ce qu'il m'avait fait boire faisait peur, pourtant c'était incroyablement bon. Je me suis demandée comment il avait fait, sachant qu'il n'avait pas la qualification dans ce métier.
Mais une petite seconde, s'il n'était pas le barman, s'il était maintenant mon patron... la maison dans laquelle la soirée avait été organisée, était sa maison. Oh mon dieu... J'avais pris cet homme pour quelqu'un de simple et de normal, alors qu'en fait il était... sûrement extrêmement riche.
Récapitulations : Cet homme, que j'avais rencontré lors d'une soirée, n'était pas barman et se trouvait être désormais mon patron, qui plus est un homme riche avec un domaine tout simplement incroyable. Ce même homme m'avait tiré d'un situation délicate avec un autre homme (qui celui-ci ne me voulait pas du bien). Puis il m'a vu vomir, et m'a aidé à me sentir mieux. Et qui ensuite avait pris (enfin je suppose) la peine de me mettre dans un lit (vraiment très confortable), sachant que je m'étais écroulée par terre. Et je me suis enfuie en le voyant, avec sûrement une de ses chemises sur moi, laissant chez lui ma robe. Tout ce qu'il voulait c'était me parler et moi je suis partie comme une imbécile.
J'ai ouvert grand les yeux en comprenant tout. Il m'a regardé en ne comprenant pas ce que j'avais tout d'un coup. Je me suis sentie rougir de honte. J'ai alors préféré enfouir ma tête dans mes mains pour éviter qu'il ne voit ça... Mais me cacher n'était pas vraiment la meilleure solution... La preuve puisqu'il s'en est inquiété.
"Qu'y a t-il? Vous ne vous sentez pas bien?" demanda t-il en s'approchant de moi. Il posa ses mains sur mon dos et mes épaules, un frisson parcouru tout mon corps.
Je me suis levée brusquement, titubant un peu, enfin un peu beaucoup. Pour dire vrai, je suis tombée dans ses bras. Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait, mes jambes étaient devenues du coton, je ne tenais plus debout.
Il m'aida à m'asseoir sur une sorte de canapé, qui se trouvait dans un coin de la pièce. Non en fait il m'allongea en mettant un oreiller derrière moi, de façon à ce que je ne sois pas totalement allongée. et il alla me chercher un verre d'eau. Quelle attention! Mais il n'avait pas besoin d'en faire tant...
***
"Vous allez mieux?" dit-il en s'asseyant sur le bord du canapé au niveau de mes cuisses. Il passa le dos de sa main sur ma joue, puis sur mon front. Je crois qu'il cherchait à savoir si j'avais de la fièvre. Il était si proche de moi, et mon cœur s'en allait à tout rompre. Quel traître celui-là! Pourquoi s'était-il emballé si vite? J'étais juste avec un homme. C'était sûrement de la peur, voilà tout. De la peur? Mais je n'avais aucune peur.
«Si ce n'est celle de tomber amoureuse...» souffla ma conscience avec un sourire, un air de malice dans la voix. Oui quand je parle de ma conscience j'imagine que c'est quelqu'un.
Amoureuse? Mais n'importe quoi! Je n'étais pas en train de tomber amoureuse! Je ne le connais même pas, je ne pouvais pas éprouver quelque chose... Et je ne veux pas éprouver quelque chose. L'amour m'a déjà tellement fait souffrir dans le passé, je refusais que cela recommence.
Pourtant, il y avait bien quelque chose, quelque chose d'étrange... Quelque chose que je ne comprenais pas.
Peut-être étais-je simplement attirée par lui? Une simple attirance physique? Oui, cela me passerait plus probable, donc, je n'avais pas à m'inquiéter. De toute façon je ne vois pas comment je pourrais tomber de nouveau amoureuse sachant que je risquais d'être énormément déçue à la fin.
Je n'avais pas fait attention, trop occupée à me poser des questions. Mais il avait toujours sa mains sur mon visage. J'ai donc levé les yeux sur lui, il me regardait. Que se passait-il? Pourquoi me fixait-il aussi intensément? Et pourquoi ne cessait-il pas de caresser mon visage? Et pourquoi était-il maintenant si proche de moi?
Et pourquoi est-ce que...?
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