— CHAPITRE HUIT ᵎᵎ ❞

〔 ⩇⩇ : › Like strangers. ❳

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19 juin 2020, 19h23

Séoul, Appartement de Minho.

La chaleur pesait sur tous les habitants de Séoul, même si le soleil était bas, prêt à céder sa place à la pénombre, l'air n'en restait pas moins sec et lourd. Minho avait terminé sa troisième bouteille de la journée, sa peluche lapin blotti contre lui alors qu'il pressait le bouton appel, une énième. Ça sonna une fois, son souffle s'était coincé dans sa gorge d'anticipation, deux fois et il serra le lapin contre son torse, trois fois et ça raccrocha, comme les dix dernières fois qu'il avait appelé. Le répondeur de Jisung résonna entre les murs de sa chambre et il laissa son téléphone tomber à ses côtés, son dos heurtant son matelas dans un soupir. Ce fichu répondeur était devenu son seul moyen de pouvoir entendre sa voix et à ce stade, il savait plus s'il l'appelait dans l'espoir d'une réponse ou simplement pour entendre son éternel sourire dans ce répondeur. Cela faisait désormais deux semaines jour pour jour que Jisung l'avait définitivement ghoste.

Messages, appels, Minho avait tout essayé, il n'avait de réponse nulle part. Il était même passé à son travail, devant son université et chez lui mais rien, Jisung avait comme disparu de la surface de la Terre. Mais dans son esprit, il y régnait toujours d'une main de fer et plus les jours passaient sans lui, plus il sentait vide. Jisung lui apportait cette couleur dans son quotidien en noir et blanc, il l'aidait plus qu'il ne le pensait. Et c'était sûrement totalement stupide parce qu'il ne le connaissait que depuis quelques semaines mais à ce stade Minho s'en fichait. Il aimait beaucoup Jisung. Parce que Jisung mettait trop de sucre dans son café et malgré son dégoût pour la boisson, il travaillait dans un café. Il avait un grain de beauté sur la joue, une bouille d'écureuil, il aimait lire et les comédies romantiques niaises à souhait, il cachait ses peines derrière un trop beau sourire et il fuyait dès qu'il en avait l'occasion.

Il avait fini par reprendre son téléphone et contempla la page de contact. Ce n'est pas au douzième appel que Jisung allait daigner le rappeler, ça c'était sûr. Ça ne servait à rien, tout ça. Et pourtant, Minho n'arrivait pas à lâcher l'affaire. Chan lui avait conseillé de le faire et même Changbin qu'il avait vu lorsqu'il était venu chez lui lui avait dit que c'était cause perdue. Mais Minho ne voulait pas abandonner, parce que, au fond de lui, il savait que quelque chose clochait. C'était sûrement naïf de penser que Jisung ne l'ignorait pas tout simplement parce qu'il ne voulait plus le voir mais il n'arrivait juste pas à se faire cette idée. Jisung n'était pas comme ça, il y avait forcément une raison plus profonde à tout ça, il ne savait simplement pas quoi.

Soonie était venu le rejoindre dans son lit, bien vite suivie de ses frères et sœurs et se frotta contre son téléphone avant de lui accorder un regard indéchiffrable que Minho avait interprété comme un encouragement.

« Il te manque aussi hm ? La chatte l'avait regardé, sans aucune idée de ce dont il parlait et s'était contenté de se rouler sur le dos, Je sais pas quoi faire...»

Il passa une main dans ses cheveux avant de se lever. Il devait se rafraîchir les idées. Rester à déprimer dans sa chambre n'allait l'aider en rien. Peut-être que laisser Jisung venir à lui de lui-même était la meilleure option qui sait ? En quelques minutes, il avait déjà enfilé un short et des chaussures et était prêt à sortir. Il embrassa ses chats pendant cinq bonnes minutes et finit par partir. Des écouteurs dans les oreilles, son morceau préféré tapant contre ses tympans à travers son casque, il foulait les rues séouliennes dans l'espoir d'y trouver un peu de paix. C'était une habitude qu'il avait prise, à chaque fois que son esprit était un peu trop occupé où qu'il se perdait un peu trop loin dans ses songes, se balader comme ça sans but précis l'aidait à se reprendre en main.

Bien vite, les quartiers défilaient sous ses yeux et ses jambes se mouvaient aux rythmes de paroles auxquels il s'identifiait un peu trop. Certes ce pays avait ses défauts mais Minho s'y sentait quand même bien. Il aimait son petit quartier, c'était tranquille et il n'y avait qu'une poignée de passants tous les jours mais parfois, quand il passait dans ces rues colorées, remplies de vie, il se demandait ce que ça ferait de vivre des de tels appartements. Mais sa peur du changement le ramenait vite à la réalité et cette idée allait avec toutes les autres un peu trop audacieuses qui s'accumulaient dans un coin de sa tête. Il avait même pensé à partir de la ville carrément, ou même du pays pourquoi pas mais encore une fois, il savait qu'il n'aurait jamais le courage de le faire alors à quoi bon ?

Alors qu'il observait les gens aller et venir des bars, restaurants, rigoler au bras de leurs amis, il aperçut une silhouette. Seule au bord de la rivière, et il dût frotter ses yeux tant il n'y croyait pas mais non il voyait clair, c'était bien Jisung assis sur ce banc. Il sentit une vague d'anxiété assaillir son corps tandis qu'une foule de questions se bousculaient dans son esprit. Que devrait-il lui dire ? Il avait tellement de questions et si peu en même temps. Son corps avait bougé avant son esprit et avant même qu'il ne s'en rende compte, il était devant le blond.

Jisung mit du temps à se rendre compte de sa présence. Il leva ses pupilles vitreuses vers lui, décollant sa canette de bière de ses lèvres. Ses yeux se plissèrent et il tend la main vers lui, caressant du bout des doigts sa chemise blanche, comme pour s'assurer qu'il était bien réel.

« J'ai pas bu tant que ça pourtant..., marmonna-t-il confus, Tu es réel ?

— Oui très réel, il lui prit la canette des mains, Qu'est-ce que tu fais Jisung ?

— Hey je comptais le boire ça ! »

Jisung se leva et tituba jusqu'à lui sur la pointe des pieds pour essayer de récupérer son dû mais Minho recula, la canette en l'air et Jisung manqua de tomber en avant. Bien heureusement pour lui Minho le rattrapa, coupant leur espace de manière considérable. Leurs lèvres s'étaient frôlées et son souffle s'était coupé durant un instant. L'odeur qui émanait de lui était loin de celle de café et de gel douche, mais plus un mélange d'alcool douteux qui ne faisait que confirmer ses craintes. Il lâcha alors Jisung et vida la canette au sol sous les gémissements plaintifs du blond.

« C'était ma dernière..., dit-il, abattu.

— Et heureusement. Pourquoi tu me réponds plus ? À quoi tu joues à boire autant aussi tôt ? Jisung baissa la tête, comme un enfant prit sur le fait.

— J'ai seulement bu un peu, je connais mes limites et puis t'es pas mon père je vois pas en quoi ça t'intéresse.

— Tu n'as pas répondu à ma question.

— J'ai...Je voulais pas c'est tout. Lâche-moi à la fin... »

Minho était bouche bée. Aucune réponse ne voulait sortir de sa bouche parce qu'il n'y comprenait rien. C'était comme s'il avait un nouveau Jisung devant lui, un Jisung qu'il avait aperçu au début de leur relation. Celui qui était fermé, insolent, presque blessant et brutal. Rien à voir avec la personne qu'il avait vu ces dernières semaines. Deux personnes différentes dans le même corps, Dr Jekyll et Mr Hyde en personne. Excepté que là, il ne savait pas lequel était le vrai Jisung et il était totalement perdu.

« Je te crois pas.

— Quoi ?

— Je te crois pas, il y a un truc qui ne va pas et tu ne veux pas me le dire. »

Minho prit place aux côtés du blond, les bras croisés.

« Et ne je ne partirai pas avant de comprendre ce qui t'arrives.

— Tu dois pas aller au travail ?

— Pas aujourd'hui.

— Tu risques de rester longtemps.

— Ça tombe bien j'ai rien à faire. »

Jisung le fixa un moment, les sourcils froncés et il s'enfonça un peu plus dans le banc, les genoux ramenés contre et le regard droit vers l'horizon. Une petite brise s'était installée mais la température y restait agréable. Le soleil s'était couché depuis un petit moment et le ciel arborait une jolie couleur bleu roi, entre nuit noire et journée ensoleillée. Les filets de nuages se reflétaient dans les remous de la rivière aux reflets d'argent. Leurs respirations comblaient la tension qui les séparait contrastait avec les bruits de fête et d'allégresse dans leur dos, et même si ponctué d'hésitation, Jisung posa sa tête sur son épaule. Minho sursauta, perdu dans le paysage. En fait, il était presque surpris qu'il soit encore là, à exister avec lui.

« J'avais peur.

— Hm ?

— J'ai pas répondu parce que j'avais peur, dit Jisung, J'étais terrifié parce que je commençais à m'attacher à toi et pas qu'un peu. J'étais persuadé que tu allais me laisser tomber alors je l'ai fait avant toi... »

Minho fit claquer l'élastique sur son poignet, l'esprit un peu plus rempli qu'il ne l'était déjà. Il n'allait pas mentir et dire qu'il comprenait totalement Jisung, c'était faux. Certains de ses comportements étaient tellement contradictoires, c'était un casse-tête total. Mais, aussi bizarre que cela puisse paraître, ça l'intéressait, cette complexité torturée. Jisung pouvait paraître perdu, immature, tordu même, et c'était peut-être vrai ou totalement faux mais peu importe la réponse, ça ne voulait pas dire qu'il ne méritait pas toute l'affection que Minho lui portait.

« Pourquoi tu penses ça... ? Pourquoi tu penserais une seule seconde que je voudrais te laisser tomber ?

— J-je sais pas, sa voix vrilla, J'ai juste...Cette constante impression que tout le monde autour de moi partira un jour où l'autre c'est juste...là. Toujours.

— Je vais pas partir Jisung, il prit sa main, Je te le promets.

— Et toi ? Minho le regarda, confus, Pourquoi tu restes ?

— Je tiens beaucoup à toi, Jisung s'était figé et Minho ne savait pas vraiment si c'était par gêne ou choc, Je sais que c'est un grand mot mais c'est vrai. J'ai jamais été vraiment proche de quelqu'un, même Chan la seule personne que je pourrais qualifier d'amis, je me sens pas proche de lui-même après deux ans d'amitié. Mais avec toi c'est tellement...facile. J'adore passer du temps ensemble, même si on ne fait rien ou qu'on regarde une série niaise à souhait, tu es l'une des rares personnes avec qui je me sens vraiment bien. Alors crois moi, je n'ai aucune raison de t'abandonner. »

Au départ, Jisung n'avait rien répondu et dès les premières secondes, Minho s'était inquiété et quand il sentit quelques gouttes sur son épaule, son inquiétude n'avait fait qu'augmenter. Minho s'était tourné vers lui et Jisung pleurait à chaudes larmes, faisant de son mieux pour rester silencieux mais à ce stade, il ne pouvait plus le cacher. Il prit son visage en coupe, essuya ses larmes au fur et mesure qu'elles coulaient sur son visage rougi par l'émotion et l'alcool.

« Je suis désolé, barbouilla-t-il entre deux pleurs, Je suis vraiment désolé. »

Minho le prit dans ses bras, ses chagrins bientôt étouffés dans l'étreinte du noiraud. Jisung l'avait serré contre lui, parce que même s'il croyait chaque mot qui sortait de sa bouche, il y avait toujours cette petite voix dans sa tête qui lui disait que d'une manière ou d'une autre, quelque chose ou quelqu'un allait lui enlever, que s'il lâchait sa prise une seule seconde, Minho ne sera plus là. Mais cette voix, il était habitué, ce qui l'énervait le plus c'était l'emprise qu'elle avait sur lui. Si Minho avait abandonné, il serait seul, à nouveau. Il détestait qu'elle repoussait tous les gens qu'il aimait, qu'elle le condamnait à cette solitude qu'il redoutait tellement.

« Je sais que c'est pas toujours facile d'être mon ami, il enfouit un peu plus son visage dans son torse, Mais j'ai juste besoin que...Que tu sois patient. S'il te plaît. J'ai juste...J'ai juste besoin d'un peu de temps.

— Je sais...Je sais. »

Ils étaient restés enlacés pendant plus de temps que deux amis devraient s'enlacer. Les passants les avaient jugés d'un œil curieux mais aucun n'avait remarqué leurs regards. Tout ce dont Jisung prêtait attention, c'étaient les battements de cœur affolés de Minho, sa respiration, son odeur, sa voix. Il fermait les yeux et tout était plus simple dans ses bras, il se sentait bien. C'était cette béatitude, cette plénitude qui tordait son ventre de peur à chaque fois qu'il se perdait un peu plus dans son regard. Il ne voulait pas s'y habituer, parce que Minho était unique en son genre, Minho était le seul à lui avoir tendu la main. À pas juste le voir comme un gamin dont la crise d'adolescence se soit prolongé. Quand il le prenait dans ses bras comme ça, Jisung voulait dire des mots un peu trop forts, faire des actions un poil trop audacieuses et ça faisait peur. Ça faisait peur mais c'était Minho, alors il était prêt à prendre ce risque.

« Tu devrais bientôt rentrer, il est tard et t'es bourré.

— J'ai jamais été bourré, juste un peu pompette, marmonna-t-il, Et je...Je veux pas rentrer chez moi.

— Il se passe quelque chose ?

— Je me suis un peu...disputé avec Changbin, il passa sa main dans les cheveux de Minho comme pour le rassurer des appréhensions qu'il pourrait ressentir, C'est rien mais, je veux pas rentrer.

— D'accord, pas chez toi alors. Je te raccompagne où alors ?

— Je comptais pas rentrer chez moi ce soir...Si tu vois ce que je veux dire.

— Je vois, il marqua une pause avant de reprendre, Chez moi alors ?

— Ok.

— Ok. »

Jisung avait besoin d'un peu de patience, c'est tout.