Elle le regarda avec des yeux pleins de peur et d'incompréhension.

- Qu'est-ce que cela signifie, Père ?

- Cela signifie que tu en fais ce que tu veux. Tu n'as pas besoin que je t'explique ce que tu peux faire avec... Tu disposes d'elle comme de son corps.

Le jeune vampire regarda son père, choqué. Il ne pensait pas qu'il pouvait faire ce genre de choses. Plein de questions le tourmentaient maintenant... Son père possédait-il des esclaves comme cette fille ? Manquait-il de fidélité envers sa mère ? Avait-il toujours eu ce côté malsain chez lui ?

- Viens, Lucy, j'ai besoin de toi, et dépêche-toi, je ne suis pas connu pour ma patience !

Toute tremblante et toujours sous le choc, elle se leva avec un peu de difficulté, sûrement à cause de l'impact qu'elle avait subi en percutant le canapé.

Il rejoignit le premier étage aux côtés de cette fameuse Lucy, puis l'accompagna dans la petite chambre adjacente à la mienne. Loin du luxe de sa chambre, cette pièce était composée d'un lit simple et d'une petite armoire qui tenait difficilement dans cette minuscule pièce. Cette chambre, conçue exprès pour les domestiques du maître, permettait de les servir rapidement si nécessaire.

- Voilà ta chambre, tu te contenteras de cela... De plus, si tu as besoin de quoi que ce soit, adresse-toi à la domestique en chef qui se trouve dans les quartiers au sous-sol. Elle t'expliquera tout et t'éduquera comme il faut, car je n'ai pas de temps à perdre avec ces futilités. Sur ce, ne me dérange pas, je suis fatigué et je dois préparer mes valises.

- Puis-je me permettre de vous demander ce qu'il adviendra de mon sort quand vous ne serez pas là ?

- Je ne sais pas et cela ne m'intéresse guère. Je vais vous supporter car mon père le souhaite, mais sachez que si cela ne tenait qu'à moi, votre corps ne contiendrait déjà plus la moindre goutte de sang.

À ces mots, son visage se décomposa plus qu'il ne l'était déjà. Il partit, la laissant à sa solitude, puis s'occupa de ses affaires pour cette expédition...

Pantalon de ski noir, quelques sweats à capuche, et le plus important, les lunettes de soleil. Alexandre sursauta lorsque quelqu'un pénétra dans sa chambre.

- Mon chéri... tu n'es pas obligé d'écouter ton père. Si tu ne veux pas y aller, n'y va pas. Tu n'es pas sans savoir que la montagne n'est vraiment pas adaptée pour nous. Les rayons de soleil réfléchis par la neige multiplient les dégâts que ce dernier cause à notre organisme !

- Je vous promets, mère, que je ferai attention. Mais... j'ai bien envie d'y aller. Tellement peu de vampires ont vu ces beaux paysages montagneux, et je veux en faire l'expérience, sortir pour une fois de ce monde lugubre et fait de sang qu'est l'univers vampirique.

- Tu veux faire l'expérience de la montagne ? Ou plutôt de la jeune humaine qui t'obsède tant, je me trompe ?

- Ce ne sont là que des sottises ! Je n'accorde aucune importance à un vulgaire bout de chair humaine ! Si tu penses cela, c'est donc mal me connaître, mère...

- Vulgaire bout de chair humaine ? Chair humaine particulièrement appétissante et sucrée, je me trompe ? Difficile pour un vampire de se contrôler face à un mets si rare, si exquis, et si luxueux.

- Foutaises !

- Crois donc ce que tu veux, mon fils... Mais tu ne peux te cacher à toi-même que tu meurs d'envie de la rendre tienne, et dans tous les sens du terme... Tu as beau te mentir à toi-même et penser que nous sommes des êtres rares et raffinés. Mais regarde la réalité en face. Nous sommes des monstres assoiffés de sang aux coutumes vieilles de plusieurs siècles...

Alexandre savait pertinemment que sa mère disait vrai. Outre le fait qu'indéniablement le sang de cette Erine l'attirait, il éprouvait bien d'autres envies et pensées à son égard.

- Ne fais pas cette tête. Dans tous les cas, fais attention à toi, mon chéri, et protège bien ta peau du soleil, tu connais les dégâts à long terme !

- Je le sais que trop bien, ma sœur en a payé le prix fort...

- Ne commets pas la même erreur qu'elle, et ne t'entiche pas de cette humaine pour l'amour de Satan. Tu es promis à un destin prestigieux, ne gâche pas tout. Je refuse de perdre un autre enfant.

Elle s'approcha de son fils pour déposer un doux baiser sur son front.

- Je fais préparer la voiture pour 21h, tu seras prêt ?

- Je serai prêt, merci pour ton aide, mère.

À ces mots, elle quitta sa chambre. Le jeune vampire s'assit sur son lit, le regard dans le vide. Était-il réellement obsédé à ce point par Erine ? En un siècle de vie, c'était la première fois qu'il se retrouvait aussi perturbé par un être si éphémère dans une vie de vampire... Il avait bien besoin d'un petit remontant. Cette Lucy va finalement servir à quelque chose, pensa-t-il...

Il entra dans la petite chambre. Elle était allongée sur son lit et paraissait si vulnérable dans cette posture. Alexandre dégagea délicatement les cheveux noirs de sa nuque ; il pouvait entendre le pouls régulier au rythme de sa respiration. Il s'approcha de son cou pour y transpercer son fragile épiderme de ses crocs et laisser s'écouler cette douce liqueur dans sa bouche.

La douleur de ses dents dans sa peau la réveilla en sursaut. Alors qu'elle allait hurler, il mit sa main sur sa bouche.

- Chut, j'ai une petite faim, alors laisse-toi faire...

- Le beau blond s'arrêta quand il sentit le corps de sa victime faiblir. Il devait lui avoir retiré trop de sang d'un coup pour que son organisme le supporte. Il retourna dans sa chambre pour prendre sa valise.

En descendant les escaliers, il aperçut son père dans l'entrée.

- Je suis fier de toi, mon fils. Ça ne va pas être facile pour toi ! lâcha-t-il.

- C'est le cas de le dire...

- Tiens, pour le voyage, de quoi tenir deux jours. Quoique tu arrives à tenir sans manger pendant plusieurs jours maintenant.

- Oui, mais vous savez très bien comment ça se termine après. Et que les yeux rouges ne sont pas tout ce qu'il y a de plus normal chez les humains.

- En effet d'où le fait que je te donne ces poches de sang. Bon voyage, notre chauffeur t'attend dans la voiture.

Il prit le sac contenant le sang ainsi que sa valise, puis sortit dans la cour pavée où une berline noire aux vitres teintées l'attendait.

- Voilà, mon chéri, la voiture parfaite contre le soleil.

- Mère... certes, nous sommes sensibles au soleil, mais on peut le supporter...

- Quand on peut l'éviter, autant le faire, non ?

Le jeune vampire lui fit un signe de tête en guise d'approbation, et une fois que le chauffeur eut fini de charger ses valises, il monta dans la voiture. Le trajet allait durer douze longues heures, enfermées dans la voiture sans pouvoir sortir. Heureusement, il ferait une partie du voyage de nuit.

Pendant une bonne partie du trajet, le vampire s'était assoupi pour regénéré son énergie. Les vampires n'avaient pas besoin de dormir comme les humains mais se mettait dans une sorte de stase pour recharger leur énergie vampirique. Un magnifique paysage montagneux matinal se dressait maintenant devant ses yeux. Malgré les vitres noires, le blanc des montagnes associé à la lumière étincelante du soleil lui brûlait les yeux. Il soupira ; le séjour allait être long et difficile... Mais le spectacle devant lui le laissait sans voix. Pour la première fois de sa vie de vampire, il voyait des montagnes en vrai. Elles étaient si majestueuses, imposantes, et même élégantes avec leur manteau de neige qu'il ne pouvait détacher ses yeux de ce paysage si rare pour un vampire.

Arrivé au chalet, on pouvait remarquer une montagne qui se distinguait plus que les autres par sa forme et sa taille magistrales. Plus grande que les autres qui l'entouraient, elle imposait une certaine puissance, bien qu'elle soit loin d'être la plus grande montagne des Alpes. Elle avait vraiment une forme pointue qui lui donnait son originalité et sa différence.

- Bon, à ce que je vois, je suis le premier arrivé. Caleb, pouvez-vous encore attendre ? Vous pourrez partir quand Erine arrivera.

- Bien, monsieur.

Il entra dans la voiture et s'allongea sur la banquette arrière, attendant patiemment que ce doux parfum refasse surface.

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Océane