Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

120 Heures - Paul

18h32
120 : 00

Ça y est, le minuteur est lancé. Cent-vingt heures, il lui reste cent-vingt heures à vivre. Cent-vingt heures pour oser faire ce qu'il n'a jamais osé faire.
Paul voudrait tout découvrir, tout voir. Mais il n'a pas le temps.

«18h32», indique sa montre, et en dessous, le petit compte à rebours qui le nargue, «120 : 00».

Il lui reste cent-vingt heures. Et il sait par quoi commencer.
Par lui.
Aujourd'hui et demain jusqu'à dix-huit heure trente-deux ce sera SA journée. Il a tout planifié.
Et il sait ce qu'il a toujours rêvé de faire.
Rien de bien compliqué, seulement des activités simples qui définissent qui il est vraiment, des endroits auxquels il doit faire ses adieux.
Paul ramasse l'argent, les sandwichs et son gros sac remplis des affaires dont il aura besoin pour cette soirée si spéciale. Il saisit sa veste et sort de la maison sans un mot.
Sa mère le laisse faire. Elle sait. Mais Mia, elle, lui adresse un regard plein de questions.
Il se fera pardonner.
Une promesse silencieuse et un tour de clé plus tard, le voilà disparu dans la faible clarté du soir.

19h48
118 : 44

Paul descend de son scooter avec un léger soupir de soulagement, chaque seconde angoissante qui s'écoule débouche sur une nouvelle seconde qui lui paraît trop courte.
Tout va trop vite...
Après un coup d'œil instinctif à sa montre, il presse le pas afin de se rapprocher plus rapidement de son but.

L'air marin le frappe brusquement au visage dans une bourrasque et ses narines s'emplissent d'une odeur salée. Le paysage qui s'offre à lui est magnifique.
Les pieds fermement enfoncés dans le sable, le vent faisant voler ses cheveux, il sort son chevalet. Ses premiers coups de pinceaux sont hésitants mais très vite il prend de l'assurance. Pour offrir au monde sa dernière œuvre.
La peinture a toujours été une passion pour lui, même davantage. C'est son moyen de se connecter à son environnement quand son esprit s'évade dans son imaginaire. Une façon de voir la beauté en chaque élément de l'univers lorsque ses yeux ne perçoivent que du noir.

D'abord, il dessine les milles nuances du soleil couchant, rapidement, avant que l'étoile qui permet la vie sur terre ne disparaisse à l'horizon. Puis il décrit le sable rougeoyant et la couleur de la mer qui va et vient sur la plage, remodelant chaque fois ses contours.
Le paysage est imprimé dans sa mémoire et il peint encore alors que le soleil a disparu. Quand c'est fini, il rajoute quatre silhouettes qui ne se trouvent pas sur la plage. Il se dessine lui, il dessine sa mère, Mia et Sophie. Sans oublier le petit chien qui gambade gaiement à leurs côtés. C'est ça son bonheur, c'est ça qu'il aurait fait de sa vie si il avait pu.

Puis il va au bord de l'eau, il laisse les vagues lécher ses pieds nus. Nostalgique, à cause de ce tableau si cruel. Il a peint un astre qui meurt mais ressuscite tous les matins.
Lui, il ne ressuscitera pas.

22h28
116 : 04

On lui a dit que c'est magnifique. Apparemment, on peut voir le ciel étoilé à travers le mètre d'eau qui nous sépare du ciel. Apparemment les poissons glissent autour de nous à la manière de fantômes irréels.
C'est la définition même de la vie de Paul : Irréelle. Voilà certainement pourquoi il se sent si attiré par cet endroit. Pourquoi il a tant attendu pour s'y rendre.

À l'entrée, il paye son ticket et s'avance dans le tube de verre. Tout autour de lui, la mer s'étire paresseusement. Le calme que procure cet endroit est semblable à celui qu'il a ressenti en peignant le tableau. Il se sent apaisé. Autant qu'à l'époque si floue, si douce, où il ne savait pas encore, où il pensait à son métier, ses études, avec une certaine crainte et une bonne dose de rêves et d'espoirs.
Mais irrémédiablement, son regard est attiré par son poignet, brisant la beauté de l'instant.
Encore cent-quinze heures et cinquante-sept minutes.
Soit, trop peu pour retrouver le calme d'antan.
À présent, il ne souhaite qu'oublier, se détacher de l'écoulement du temps et profiter de chaque seconde qui passe, chaque émotion qui le traverse.
Mais son âme semble connectée aux chiffres digitaux sur sa montre.
Comme prisonnier derrière le cadran de verre, il ne parvient pas à s'en extirper.
Alors il continue son chemin dans le tube transparent, parmi les poissons et le ressac perpétuel de la mer, comme une respiration éternelle.

23h17
115 : 15

Il sort avec l'impression de pouvoir respirer enfin. Loin de l'apaiser, ce moment ne lui a permis que de se confronter un peu plus à l'écoulement du temps. À l'intérieur, le monde paraissait plus lent et paresseux mais sa montre ne l'a pas attendu et ne l'attend toujours pas pour avancer.
Sa vie n'a été qu'une course, une course pour tenter de ralentir la progression irrémédiable du temps.

D'abord son futur s'est compté en années, puis en mois et maintenant en heures... Bientôt en minutes et en secondes.

Même s'il veut à tout prix profiter du peu qu'il lui reste, il ne peut empêcher ses pensées de surgir par vagues et son chronomètre de défiler.
À présent qu'il se trouve dehors, le vent froid fouettant ses cheveux bruns il ferme les yeux en espérant que le temps s'arrête pour lui accorder seulement un court répit. Mais quand il entrouvre les paupières, sa montre le nargue, lui imposant de constater qu'il vient de perdre quelques précieuses secondes.

Soudain bien plus empressé, il s'éloigne pour regagner son scooter, emplissant une dernière fois ses poumons de l'air marin aux odeurs du passé. Il sait qu'il doit rentrer, dormir un minimum pour préparer les prochaines cent-quinze heures. Mais alors que son corps obéit à sa raison, son cœur se serre un peu plus fort, exprimant à lui seul le poids des regrets.

00h34
113 : 58

Silencieusement il pénètre dans le salon. Sa mère est là. Elle n'arrive pas à dormir. Sans avoir besoin de la moindre parole, il la serre dans ses bras. Il respire l'odeur de ses vêtements qui lui rappelle les soirs serrés l'un contre l'autre, ses mains caressant ses cheveux où il se sentait plus que n'importe où ailleurs en sécurité. Il aurait pu rester ici encore longtemps mais ses souvenirs volent en éclat alors que le métal froid pèse à son poignet. Il se dégage doucement et sans un regard en arrière, il monte dans sa chambre en tachant de ne pas réveiller Mia. Là-dessus, il s'effondre dans son lit en priant pour s'endormir rapidement.  Son réveil sonnera dans quelques heures.

05h30
109 : 02

Bip bip bip. Bip bip bip.

Il n'a dormi que cinq heures. Pourtant, il est rapidement debout. Il n'a pas changé de tenue depuis la veille mais il ne prend même pas la peine de lisser ses vêtements froissés. Son réveil a été brutal, comme cela lui arrive depuis plusieurs mois.
Son sommeil se détériore alors que l'échéance se rapproche mais il parvient toujours par miracle à s'endormir.

Il sort dans le jardin de la petite maison et saisit au passage une grande housse. Avec beaucoup de délicatesse, il l'ouvre et parcoure du doigt la courbe de l'arc en bois poli qui y repose. Puis, doucement, il l'astique.
La lune dépose avec soin sa lueur sur le jeune homme et son arc, elle les enveloppe d'une couverture de lumière. Paul sent chacun de ses muscles se détendre, son esprit en ébullition s'apaise et ses pensées s'effilochent.
Mais un nuage recouvre la lune et la lumière du cadran de sa montre brille dans le noir. Paul serre les dents, il y était presque, si proche du calme qu'il recherche vainement depuis le début de ces vingt-quatre heures. Il voudrait juste se sentir apaisé, en paix avec lui-même.

Après un léger soupir il se lève et s'échauffe rapidement en bandant la corde. Tant pis, il a encore dix heures pour y parvenir.
Il se munit ensuite de quelques flèches et malgré l'obscurité alentours seulement brisée par les quelques étoiles et la lune qui a refait son apparition, il tire sur la cible installée plusieurs dizaine de mètres plus loin.

Ses erreurs sont nombreuses mais faire ce mouvement habituel l'apaise. Le sifflement des flèches qui fendent la nuit le rassure, seul ce bruit lui parvient dans le jardin de cette maison au cœur de la campagne, loin de la lumière et du vacarme de la ville. Il se concentre sur la sensation du bois lustré de son arc contre ses mains froides et sur son objectif. Cela lui permet d'éviter de jeter des coups d'œil frénétiques à sa montre.
Il est presque là, ce calme qu'il recherche sans relâche.

07h48
106 : 44

Paul grimace en voyant le temps qu'il a pris pour seulement quelques achats. Il a décidé que le reste de sa journée serait destiné à préparer les prochaines. Il est, de toute manière, incapable de continuer à tenter de retrouver la quiétude de ses jeunes années. La frénésie de sa montre l'a définitivement emporté, il ne veut plus perdre du temps en solitaire.

Il a dû patienter un long moment dans une queue, à la caisse, mais a décidé de ne pas faire de commentaires. Il s'est retenu.
Il a préféré faire semblant que tout était normal. Qu'il était un client comme les autres.

Confortable déni.

Il a toujours l'impression d'être cet enfant à qui l'on a annoncé sa mort prochaine et qui n'a pas encore compris tout ce que ce mot impliquait.
A cette époque, qu'était la mort pour lui ? La fin de quelque chose ? Comment un enfant pourrait-il comprendre que son univers allait disparaître comme ça, d'un seul coup ?
Paul se rappelle qu'il s'était imaginé ce concept comme une séparation nette et brutale de tout ce qu'il aimait : famille, amis et même jouets. Il en était resté mutique pendant plusieurs jours, préférant éviter de s'attacher à quoi que ce soit d'autre plutôt que de sentir la cruelle brûlure de l'abandon.
Son entourage avait réussi à l'aider à surmonter cette épreuve mais Paul se rend compte qu'à cette époque il ne comprenait pas vraiment. Il avait simplement vu la tristesse sur tous les visages qui se tournaient vers lui et cela l'avait détruit. Il s'en était remis mais aujourd'hui encore il ne sait pas vraiment ce qu'est la mort et il sent en lui le petit garçon qu'il a été se réveiller et réclamer d'une voix tremblante qu'on le rassure.

Il prend une grande inspiration et relègue au fond de lui-même cette douleur, cette plaie à vif. La guérison prend du temps et il n'en a plus.
Alors il préfère enfouir tout cela au plus profond de son cœur en espérant que la souffrance ne se réveille pas durant ces cent-six prochaines heures. Il n'a pas le droit de perdre ne serait-ce que quelques rares secondes sur les blessures du passé.

10h02
104 : 30

Paul finit son œuvre sous le regard attentif de Mia, sa petite sœur qui l'observe depuis la fenêtre. Il a peur de l'avoir éveillée.
Il a commencé sa création dès qu'il est rentré et n'a fait que la continuer depuis.
Il mentirait s'il disait qu'il n'avait pas jeté de fréquents regards à l'heure qui avançait.

Il recouvre son travail d'une housse protectrice et se dirige vers la maison pour préparer le repas de sa famille.
C'est peut-être Sa journée, mais sa vie est étroitement liée à celles de sa sœur et de sa mère. Elle est donc en partie la leur.
Et c'est certainement ce qui lui fait le plus plaisir : les voir heureuse.
Il aurait aimé pouvoir le constater et faire tout pour cela, au quotidien, longtemps encore.
Il prépare donc un repas qu'il espère délicieux. Il y met tout son cœur et toute sa tristesse de savoir que sa famille déguste sans doute pour la dernière fois un repas qu'il cuisine lui-même. Il sait que Mia adore les cordons bleus, comme beaucoup de filles de son âge, alors c'est le plat qu'il a choisi.
Il veut tellement voir un sourire sur son visage enfantin.

12h56
101 : 36

Quand sa mère entre dans la salle à manger, il voit ses yeux s'embuer. Elle est touchée de voir tous les efforts que fait son fils pour elles.
La table est joliment dressée et les cordons bleus, quoique un peu trop cuits, sont déjà disposés dans les assiettes. Il a rajouté un peu de salade, que Mia ne mangera certainement pas. Il a également fait cuire quelques portions de riz.

-Mia ! appelle-t-il en détournant le regard de sa génitrice.

Quand il la voit il ne peut s'empêcher de culpabiliser, de se dire qu'il aurait pu faire davantage pour elle, lui accorder plus de temps.
Mais il est trop tard. Maintenant que les dernières cent-vingt heures de sa vie ont commencé à égrener leur affreux compte à rebours, il ne peut changer son programme. Cela reviendrait à bouleverser toutes ses certitudes.

Alors qu'il s'assoit, un bruit de cavalcade dans les escaliers lui parvient avant que la petite brune ne surgisse, les cheveux en bataille, encore en pyjama. Pendant les vacances, elle ne prend généralement même pas la peine de s'habiller.
Mia embrasse rapidement la scène du regard avant de pousser un cri de joie et de se mettre à table avec hâte, non sans faire un rapide câlin à son grand frère. Malgré lui, Paul se crispe sous l'étreinte. Il n'arrive pas à se détendre. Savoir qu'il devra bientôt abandonner Mia, s'en retrouver séparé le détruit de l'intérieur. Il n'est pas sûr qu'elle soit assez forte. Ni de l'être lui-même.
Il voudrait profiter de chaque instant avec elle et leur mère mais cela est aussi très douloureux. Dans ce genre de moment, il a l'impression que sa vie est un paradoxe et que la tendresse qu'il partage avec ses proches sera toujours teintée de souffrance. Il ne sera jamais complètement heureux.

Il est distrait par Aïdi qui s'approche, attirée par les éclats de voix et sans doute par l'odeur de la nourriture. La jeune border collie avance d'un pas joyeux, dans un cliquetis de griffes, elle doit sans doute déjà songer au régal qui l'attend.
Elle fait immédiatement les yeux doux à son maître qui secoue la tête en signe de dénégation malgré son petit sourire. Il est presque étonné qu'elle ne soit pas venue plus tôt.

Mais la chienne n'est pas bête, elle va alors voir Mia et entreprend le même manège. Cette fois, elle est récompensée par un petit bout de jambon.
Paul laisse son regard se promener sur sa mère, il sent une grande tristesse qui émane d'elle. Elle ne dit pas un mot du repas. Voilà plusieurs mois qu'elle reste amorphe et ne participe que très peu à la vie quotidienne, se chargeant simplement de les nourrir et d'effectuer les tâches ménagères. Elle paraît vouloir faire comme si de rien n'était pour Mia qui ne sait rien mais échoue misérablement à cette tâche.
Parfois Paul a envie de la secouer, de lui demander de se reprendre en main et de ne pas laisser l'innocente Mia seule. Mais il sait que ce serait injuste, elle fait comme elle peut.
Il songe que c'est sans doute plus simple pour lui que pour elles. Il ne se rendra pas compte de l'absence de ses proches lorsqu'il sera mort mais elles devront vivre avec cette terrible blessure.
Il s'en veut de leur infliger ça.
Mais il n'y peut rien.

Alors il mange en tentant de répondre aux commentaires enjoués de sa petite sœur qui essaie de remonter le moral de tout le monde.

17h48
96 : 44

Il a fini de réaliser ses objectifs en prévision de ses prochains derniers jours. Les souvenirs qu'il laissera aux vivants restés derrière lui.
Certes, il aurait pu les faire avant les fatidiques cent-vingt heures. Mais le cadeau n'aurait pas eu pareil valeur. Il a tenu à offrir quelque chose à chacun qui provienne de ce moment si particulier. Il aura ainsi donné la partie la plus précieuse de lui-même : son temps.
Il regarde sa maison, pénètre à l'intérieur. Il lui reste encore environ trois quart d'heure avant les prochaines vingt-quatre heures.
Il a déjà tout prévu.
À chaque fin de journée, il veut offrir un cadeau spécial à la personne concernée.
Il regarde par la fenêtre la lumière déclinante du soleil qui se prépare déjà au lendemain. Les oiseaux pépient dans les arbres, un lapin traverse le champ d'à côté.
Aujourd'hui c'est sa journée, il sait déjà ce qu'il va s'offrir.
Rien de matériel, il n'en aura pas besoin là où il va. Mais plutôt son bien le plus précieux, tout ce qui lui reste :
Les quatre-vingt-seize heures restantes. L'équivalent de toute une vie.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro