*Theme of Mitsuha - RADWIMPS

**To be loved - Adèle

***you were good to me - Jeremy Zucker, Chelsea Cutler

****Need you now - Lady A

*****Clouds - Before You Exit

nda : Les musique que vous voyez ci-dessus sont à lancer lorsque vous verrez la/ les petite(s) étoile(s) en gras (*) devant le paragraphe concerné et à laisser tourner jusqu'à la fin du passage.

« Derrière un long voyage, il y a toujours des retrouvailles. »

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*C'était fou.

C'était complètement fou.

Parce qu'après sept longues années, après une putain d'éternité...

Il était là.

Taehyung était de retour.

Il était là juste devant lui.

Ce n'était pas une illusion n'est-ce pas, il était bien là ?

— ...Taehyung ? bégaya Jungkook. 

C'était bien lui qui le regardait, il ne rêvait pas ?

Il sentit son cœur faire un bond immense à l'intérieur de sa poitrine et instinctivement posa sa main sur cette partie de son corps, comme pour l'empêcher de sortir.

Un bond, et plus rien, plus un bruit ni autour de lui, ni à l'intérieur de lui, son cœur s'était sûrement arrêté de battre, il ne pouvait en être autrement.

Mais, face à lui, encore dans cet ascenseur luxueux, son ancien amant se tenait fier et arborait un visage froid, comme si cela ne le touchait pas de le revoir après de si longues années. Comme si la surprise n'était pas de mise.

Pourtant, leurs regards entrèrent en collision et Jungkook crue se noyer dans les orbes sombres de Taehyung.

Comment pouvait-il être aussi hermétique ? Comment son regard pouvait-il être aussi dur ?  A moins que tout cela n'était pas réel ? Peut-être que c'était la fatigue qu'il avait accumulée qui lui jouait des tours et qui lui renvoyait l'image de ce que son cerveau lui criait depuis des années.

Taehyung...

Non, c'était bien réel, Taehyung se tenait bien devant lui et il ne montrait aucun signe d'une quelconque émotion. Cette pensée lui arracha le cœur et le laissa presque paralysé.

Il portait si bien le masque, Jungkook ne pouvait se douter une seule seconde que pour Taehyung aussi, ces retrouvailles inattendues lui avaient fait l'effet d'une bombe. Il se tenait là, figé comme une statue mais ne montrant aucun signe de surprise ou de joie, alors qu'il en était tout autre au fond de lui.

Il devait dire quelque chose, il devait lui parler, il devait s'assurer que tout cela était bien réel.

— Taehyung..., tu...C'est bien toi ? Tu...

Jungkook n'eut pas le temps de finir sa phrase, que des cris d'enfants retentirent dans son dos, appelant son nom.

— Tonton Jungkookie !

— Parrain !

Retrouvant ses esprits, Jungkook secoua la tête par réflexe et se retourna encore sous le choc de ce qu'il venait de vivre, mais très vite offrit un magnifique sourire à sa nièce et son neveu, qui couraient tout droit sur lui. Ils lui sautèrent dans les bras et il les cajola dans une étreinte pleine de tendresse, puis, il les reposa sur le sol et quand il se releva, tourna la tête derrière lui, en direction de cet ascenseur, mais il était vide.

Il n'était plus là.

C'était dingue, c'était complètement fou, il devait avoir rêvé. Il ne voyait pas comment cela pouvait être possible, c'était certainement la fatigue qui lui avait joué de mauvais tours, comme elle le faisait si souvent quand il se retrouvait dans un lieu public.

— Tonton ?

La petite voix de sa nièce le ramena sur terre et après avoir tout de même chercher du regard tout autour de lui, pour s'assurer que tout cela était bien une illusion, il se reconcentra sur les deux enfants et bientôt la voix grave de son frère lui apporta un doux réconfort.

— Eh, frérot, c'est chouette que tu te sois décidé à venir finalement, et surtout heureusement que Chonjong m'a prévenu, parce que si je dois attendre après toi pour m'avertir, lui dit Ja un grand sourire aux lèvres, tout en lui tendant les bras.

Jungkook s'avança et accueillit son étreinte, encore un peu étourdie par ce qu'il venait de vivre.

— Ça va ? lui demanda son aîné, on dirait que t'as vu un fantôme.

Il n'était pas loin, c'était bien un fantôme de son passé qu'il venait de voir ou pensait avoir cru voir, il ne savait plus vraiment en fait.

— Non, c'est juste que...

Il s'arrêta secoua la tête et reprit.

— Non, c'est juste que je suis un peu fatigué, mon imagination doit me jouer des tours.

— Tu travailles trop, lui dit une voix féminine.

— Yuna, je suis heureux de te revoir, comment tu vas  ?

— Moi aussi je suis contente de te revoir Jungkook, j'espère que tu vas rester un peu chez nous pour qu'on puisse profiter de toi cette fois-ci, tu manques vraiment à tes neveux tu sais. A chaque fois qu'ils te voient à la télé, il te réclame.

— C'est vrai, ton filleul ne parle que de toi à ses copains et si tu voyais comme il est fier quand les autres prononcent ton nom, il en joue avec les filles, tout toi, dit-il en riant.

Jungkook sourit à son tour et son regard se porta sur le petit garçon qui s'était accroché à lui, comme un koala. Eux aussi lui manquaient, ces petits monstres étaient une vrai bouffée d'oxygène pour lui et quand il les voyait, il se transformait en véritable gamin.

Un tonton gâteux, mais trop souvent à distance.

— Je sais, je suis désolé, promis je vais prendre des vacances cet été et je viendrais passer du temps avec vous, surtout que je veux pas louper l'arrivée du petit dernier, dit-il en posant sa main sur le ventre bien arrondie de sa belle sœur.

La belle brune lui fit un petit sourire et posa sa main sur la sienne, consciente que son état touchait son beau frère.

— Trois mois si tout se passe bien, et je compte les jours tellement ce monstre bouge et qu'il me met à plat. Et puis j'en ai marre de ressembler à une baleine.

— Tu es magnifique chérie, la grossesse te va tellement bien, lui dit Ja avec amour.

Jungkook les regarda et son cœur se serra. Il était heureux pour eux, mais voir cette famille s'agrandir lui renvoyait sans cesse sa solitude. Ja semblait si heureux depuis qu'il était devenu papa. Les enfants lui avaient apporté une vraie sérénité et son amour pour Yuna n'avait alors fait que grandir. Jungkook en avait pris conscience un an plus tôt, alors qu'il était rentré complètement défoncé chez son frère après l'une de ses énièmes sorties, lors d'une promo qu'il faisait en Corée.

Une petite semaine dans son pays natal, où il avait élu domicile chez son frère, histoire de changer des hôtels impersonnels. Mais il avait fait n'importe quoi, malgré les tentatives de Ja à le remettre dans le droit chemin. Mais c'était plus fort que lui, il était malheureux, tellement malheureux.

Oui, il se souvenait de ce matin où il avait été réveillé par sa petite nièce et ses grands yeux noirs l'avaient touché au plus au point, éveillant chez lui une envie bien différente de toutes celles qu'il avait pu avoir. Il était presque le seul des ses amis à ne pas avoir d'enfants, tout du moins ceux qui habitaient près de chez lui comme Yoongi et Jimin, ou qu'il fréquentait quand il venait à Busan pour voir son grand-père, à savoir Hoseok et Kim. Les nouvelles responsabilités de Yoongi lui prenaient beaucoup de temps et de fait, il avait mis un peu le holà sur les sorties. Alors Jungkook avait complètement vrillé, sortant chaque nuit, fréquentant tout un tas de personnes néfastes, pour oublier, pour l'oublier.

Taehyung...parce qu'il n'y avait que lui, il n'y aurait que lui, sans lui la vie n'avait plus de goût, sans lui, la vie n'était plus qu'un fardeau qu'il se contenter de porter.

Mais la douleur était là, malgré la boisson, malgré les drogues, malgré toutes ces filles qui avaient partagé ses draps. Il avait fait la une de la presse à scandale pendant toutes ces années, tout comme elle. Mais ils étaient le couple vedette, celui qui déclenchait les foules, celui qui faisait parler et dont tout le monde rêvait d'être.

Quelle ironie.

Mais ce matin-là, les yeux de la petite Jian et sa jolie petite voix avait touché son âme et éveillé chez lui quelque chose qu'il n'aurait jamais cru possible, celui de devenir père à son tour. Depuis ce jour il s'était fait une promesse, il lui avait fait une promesse, celle de rentrer dans le droit chemin et de devenir l'homme qu'elle avait toujours voulu qu'il soit. Pourtant, cela n'avait pas suffit.

— Ja a raison Yuna, tu es magnifique, vraiment magnifique, tu peux largement rivaliser avec n'importe qu'elle femme, même celle qui ne sont pas enceinte, crois-moi, j'ai un peu d'expérience dans ce domaine, dit-il en souriant.

— C'est gentil Jungkook, Je suis vraiment fier, surtout venant de toi, de savoir que j'ai encore un peu de sex appeal, même comme ça.

Yuna avait rougit, ce que Jungkook trouva particulièrement mignon. Elle avait toujours été son type de femme, belle, charismatique et particulièrement intelligente. Ce qu'il aimait chez elle s'était cette dualité femme-enfant et si Ja n'avait pas été son frère, mais un garçon quelconque, il aurait très certainement fait la cour à cette magnifique jeune femme. La cour, oui, parce qu'elle avait beaucoup trop de grâce pour être traitée autrement. Ja avait beaucoup de chance dans son malheur d'être tombé sur elle et il le voyait, il y avait énormément d'amour entre eux.

Ja le méritait et il ne regrettait pas d'avoir protégé ce dernier et de le protéger encore, même s'il ne savait plus vraiment si Irasu était encore dans l'équation. Il n'avait jamais osé en reparler à son frère.

— Toi tu me sembles bien fatigué, dit-elle en lui posant la main sur sa joue.

— J'ai beaucoup travaillé sur mon dernier album et la société de production me prend énormément de temps, je ne peux pas me permettre de baisser ma garde, même si je sais que j'ai du soutien derrière moi.

— Tu es une star, tu n'as plus rien à prouver frérot.

— Détrompe toi Ja, au contraire, j'ai tout à prouver, je dois me racheter, tu sais très bien pourquoi, dit-il.

Ja fit un petit signe de tête, pour lui montrer qu'il comprenait.

— Tu dois apprendre à relâcher un peu, tu ne vas jamais tenir comme ça, tu commences à vieillir tu sais, continua Yuna.

— J'ai que vingt neuf ans, ce n'est pas si vieux.

— Il est pas vieux tonton, c'est le plus beau du monde en plus et même que quand je serai grande je vais me marier avec lui, hein c'est vrai tonton ?

— Promis ma puce, je vais essayer de pas trop vieillir pour t'attendre, lui dit Jungkook en la prenant dans les bras.

— Interdit de se marier avec ma princesse, dit Ja, surtout toi, t'es pas un mec fréquentable.

— T'as raison, dit Jungkook, en essayant de cacher sa tristesse.

— Eh, je déconne frérot, lui dit Ja en lui tapant sur l'épaule.

Il n'avait pas voulu blesser son frère et soudain, il sentit qu'il avait peut-être été un peu trop loin, alors il tenta de changer de conversation en voyant les yeux sévères de Yuna se poser sur lui.

— Ecoute, la prochaine fois vient passer un peu de temps à Incheon, chez nous, avant d'aller chez Halabeoji, les enfants seront contents et nous aussi.

— J'ai jamais une semaine Ja, tu le sais, les vacances et moi ça fait deux. Et puis Halabeoji commence à se faire vieux, il est seul maintenant et je sais qu'il attend avec impatience mes visites. Il a besoin de moi, je ne peux pas réduire mes visites, elles sont déjà si rares.

— Arrête de croire que tu dois absolument être le seul à t'occuper de lui, on est là nous aussi, et puis Chonjong vient souvent le voir depuis qu'il est allé te rejoindre aux Etats-Unis, bien plus que quand il vivait encore en Corée. C'est son rôle de fils, même s' il ne lui doit rien, après tout ce qu'il lui a fait.

— Je lui ai fait une promesse et je la tiendrai, mais je viendrai aussi vous voir, promis. Mais sinon et vous, le boulot ?

— On arrête pas, surtout depuis que Yuna est en congé maternité, même si elle m'aide sur pas mal de dossiers.

— Ton père te laisse de la place ?

C'était comme ça qu'il désignait Jun maintenant, parce qu'il n'avait plus de relation avec lui. Ja était la seule raison pour laquelle il gardait encore quelques liens avec lui, sa mère aussi, mais quand ils se voyaient la tension était toujours palpable. Il avait retrouvé un père, son vrai père et dans leur malheur, il avait énormément gagné, parce que Chonjong était le meilleur père au monde. Ensemble, ils avaient découvert la relation père-fils et elle allait bien au-delà de la paternité, parce qu'il était aussi pour lui un confident, un frère et souvent même, une main amicale.

— C'est pas facile, tu connais Jun, il est dur, mais j'ai suffisamment fait mes preuves pour qu'il me laisse prendre certaines décisions. Et puis Halabeoji a divisé nos parts de façon égale. Résultat, j'ai autant de voix que lui au comité de direction, enfin maintenant j'en ai même plus, grâce aux parts que tu m'as donné.

— Ja est un grand avocat, dit Yuna en posant sa tête sur son épaule. Sa réputation n'est plus à faire et c'est aussi le meilleur mari au monde, il m'a ouvert à tellement de choses que je n'aurai pas cru possible, je suis la femme la plus heureuse au monde.

— C'est toi la meilleure femme au monde ma chérie, tu n'imagines pas à quel point tu me rends heureux, tu as une telle ouverture d'esprit.

Jungkook les regarda se congratuler et soudain son esprit s'éloigna pour repenser à cette discussion qu'il avait eu avec son frère le jour de son mariage avec Yuna. Il aimait Irasu, à cette époque-là, il était l'amour de sa vie, qu'était-il devenu depuis ? Ja avait-il vraiment changé de bord finalement ? Il n'avait jamais osé demandé à son frère ce que Irasu était devenu, s'il l'avait encore fréquenté longtemps après son mariage ? Il l'avait croisé croisé certaines fois, les premières années de leur mariage et était très souvent tombé sur leur regard plein de désir, ce qui l'avait mis mal à l'aise. Il aimait beaucoup Yuna et savoir que Ja la trompait, même avec l'homme qu'il aimait le plus au monde, le peinait beaucoup. Mais il protégeait tout ça, parce que Ja était son frère et qu'il s'était promis de tout faire pour qu'il soit heureux.

Il l'avait d'ailleurs payé de son propre bonheur, mais ça valait le coup, non ?

Ja et Yuna semblaient plus amoureux que jamais, alors Irasu avait sûrement disparu de sa vie, parce que Ja ne parlait plus de lui. Oui, c'était sûrement ça, Irasu ne faisait sûrement plus partie de sa vie, comme Taehyung avait disparu de la sienne, pour une partie des mêmes raisons.

La seule différence était que Ja était heureux, ce qui n'était pas son cas.

— Bon, on se voit plus tard si tu veux, on doit aller coucher les enfants, avant qu'ils perdent toute trace de sommeil.

— Je vais monter moi aussi, je vais prendre une douche rapide,  j'ai une conférence dans une heure, on boit un verre ensemble après ?

— Tu vas pouvoir ? s'inquiéta Ja.

— Oui, ne t'inquiète pas, dit-il.

— Ok, envoi moi un sms et je descendrai.

Jungkook lui fit un petit signe de tête et reposa la petite sur le sol, sous les yeux attendris de Yuna.

— Bon, j'y vais, dit-il comme pour essayer de se motiver.

Alors Yuna s'approcha de lui et déposa un baiser sur sa joue.

— Je suis contente que tu sois venu, tu as fait le bon choix, c'est ta place, même si je sais que c'est difficile. Tu as fait du chemin depuis un an, vous avez grandi, c'est un début non ?

— Oui, c'est ma place, dit-il pensif.

Jungkook la regarda et lui fit un sourire. Oui, c'était sa place, même s'il avait voulu l'éviter, il savait qu'il devait venir. Lui revint alors en tête ce moment qu'il avait presque cru réel quelques minutes plus tôt, quand il avait cru voir Taehyung. Ce ne pouvait pas être lui, il ne travaillait plus pour Manoban et surtout elle lui aurait dit...Ils lui auraient dit, non ?

Il allait monter dans l'ascenseur avec son frère et sa belle-sœur, quand son téléphone sonna. Il les regarda, leur montra son cellulaire et leur fit signe de monter. Il allait d'abord prendre l'appel avant de rejoindre sa chambre. Ils lui firent un petit signe et il s'empressa de répondre, les affaires reprenaient, même tard le soir pour lui.

— Oui, Jena, non j'allais monter dans ma chambre. Oui, il est déjà vingt et une heure ici, non tu ne me dérange pas...Alors tu as pu contacter les musiciens ? Bon, ok je prend la call dans trois quart d'heure, je m'en charge, laisse...Oui, ça va merci, je sais Jena. On en a déjà parlé, non, c'est du passé, oui, fait attention à toi, je...Bonne journée.

*

**Jungkook passa sa carte devant le petit boîtier de la suite et tout en poussant la porte, desserra le nœud de sa cravate. Une fois à l'intérieur, il se débarrassa de ses chaussures dans la petite entrée prévue à cet effet et poussa un grand soupir.

— C'est moi, dit-il.

Il n'eut aucune réponse et quand il arriva dans l'immense suite, cette dernière semblait vide de toute présence humaine et seule la musique de la chanteuse Adèle, "To be loved" résonnait dans la pièce. Pourtant, très vite, son regard se posa sur la table basse du petit salon et sur laquelle deux verres étaient encore à moitié remplis très certainement de la coûteuse bouteille de champagne qui elle, était quasiment vide. Une bouteille de Luxor remplie de paillettes d'or à cinq cent euros la bouteille, une broutille pour des gens comme eux. A côté de la bouteille, négligemment posé, une alliance, son alliance à elle, et un petit sachet négligemment ouvert. Il regarda la scène, mordilla sa lèvre nerveusement et poussa un grand soupir.

Plus besoin de faire semblant, à quoi bon de toute façon, c'était un juste retour des choses après toutes ces années, pensa-t-il en souriant nerveusement.

Ils en étaient là...

Il retira complètement sa cravate, ainsi que sa veste et jeta le tout négligemment sur le canapé. Puis, il s'approcha du petit bar et ouvrit une autre bouteille de champagne, pour se servir un verre et avalé le doux liquide. Il avait un goût amer, comme sa vie, mais il le finit avec la vitesse d'un assoiffé.

Sept ans...

Il avait l'impression que des siècles s'étaient écoulés et très vite, ses pensées divaguèrent. Avait-il rêvé devant cet ascenseur ? Avait-il pensé si fort à lui, qu'il avait cru le voir en chair et en os ? Ce ne serait pas la première fois, non, pas la première fois, depuis toutes ces années. Au début ça avait même été complètement invivable. Il suffisait d'une musique, d'un mot, d'une ombre pour qu'il croit le voir. Oui, il lui était si souvent arrivé de courir vers un individu et de le tirer par le bras pour le retourner et vérifier que si c'était lui. Mais rien, non, il n'était pas là, jamais. Pourtant cette fois, ce regard qu'il avait croisé et qui s'était ancré dans ses orbes, avait paru si réel.

Il ferma les yeux et se laissa porter par ses doux souvenirs qui malgré le temps étaient encore si présents en lui.

Il se sentait si vide à l'intérieur, si seul...

Il se resservit un verre et marcha jusqu'à la baie vitrée, se laissant porter par la musique et les paroles de cette chanson qu'il connaissait si bien. La nuit était tombée sur Séoul et partout les lumières éclairaient cette ville qui ne dormait jamais. Tant de souvenirs lui revenaient en tête quand il foulait le sol de son pays natal. Il avait hésité avant de venir et si son beau-père n'avait pas insisté il ne serait très certainement jamais venu. A quoi bon, de toute façon, même à ses yeux, il avait perdu tout intérêt. Pourtant, il essayait, il y mettait tout son cœur, bien qu'elle lui avait détruit, bien qu'elle l'avait salit.

De toute façon, elle pouvait bien lui faire ce qu'elle voulait, elle pouvait bien lui hurler dessus, le menacer, il n'était plus rien, à part une enveloppe vide.

— Tu as baisé l'hôtesse de l'air pour arriver seulement maintenant ? lui dit une voix qu'il ne connaissait que trop bien.

Il fixa un point à l'horizon et le reflet de la jeune femme lui apparut dans la vitre. Les bras croisés sur la poitrine et le corps emmitouflé dans un peignoir luxueux, elle le dévisageait.

— Alors, elle t'as bien sucée au moins j'espère ?

— Si il n'y avait qu'elle que j'avais baisé, dit-il comme pour la provoquer.

Elle fronça les sourcils, se mordilla la joue et souffla. Puis, elle marcha lentement jusqu'à la petite table et récupéra l'une des coupes à moitié vide qui traînait dessus.

— Peu importe, dit-elle. De toute façon, moi aussi j'ai trouvé de quoi m'occuper, d'autant que tu ne devais pas venir, heureusement que mon père m'a prévenu.

— Tu m'en vois ravi, lui répondit-il en buvant les dernières gorgées de son verre.

— Jungkook, c'est la seule chose que tu ose me dire, alors que je viens de te dire que je t'ai trompé ?! s'énerva-t-elle.

Il souffla, se retourna et marcha jusqu'à elle pour se retrouver à sa hauteur. Ils se dévisagèrent un moment et il se décida à briser le silence.

— Putain, Lisa, on avait un deal. Tu sais que j'ai arrêté toutes ces conneries depuis longtemps maintenant, comment il faut que je te le fasse comprendre ? Il n'y a que toi, rien que toi, tu sais pourquoi, tu sais que...

— Que quoi, Jungkook ? Que tu as arrêté de baiser toutes ces filles et que...Que...Mais merde, même moi tu me baise plus, enfin, si. Tu te contente juste de te décharger et même ça tu n'es plus capable de faire bien.

— Lisa, non, arrête, je...

— J'ai pas envie d'arrêter Jungkook, si tu me baisais correctement, je serai pas obligé de me taper d'autres mecs, pour jouir. pourquoi t'es venu, hein ? Pourquoi tu es là, dans cette chambre ? Tu vas enfin me donner ce que j'attends ? Putain mais il est où le Jungkook, il est où Jeon Jungkook ?

Il la regarda et ces mots lui firent l'effet d'une bombe. Son cœur se serra et il sentit les larmes envahir ses yeux.

— Il est où hein ? continua-t-elle en lui faisant face.

— Tu l'as tué, tu l'as détruit Lisa.

La jolie brune le regarda écarquilla les yeux et éclata de rire, de ce rire qu'il lui détestait tant.

— Moi ? Je t'ai tué ? Je suis la seule à t'avoir jamais aimé tel que tu étais Jungkook, moi je n'ai jamais essayé de te changer, moi j'ai accepté de te partager, oui je suis la seule qui t'aime vraiment Jungkook, parce que je suis restée, je suis là, avec toi, malgré tout ce que tu m'as fait subir !

— Qui m'aime vraiment ? C'est ça que tu appelle aimer, Lisa tu m'as, tu...Putain tu m'as obligé à...

Mais elle ne le laissa pas terminer, elle se jeta sur lui et lui tapa la poitrine de toutes ses forces, telle une hystérique. Il ne broncha pas, comme habitué à ses crises de démence et lui attrapa les mains pour les bloquer. Elle releva la tête et tomba dans son regard noir.

— Mais bordel Jungkook, qu'est-ce que tu crois ? Je t'ai même laissé me prendre par derrière, pour que tu te sentes ne serait-ce qu'un peu attiré par moi ces dernières années, je t'ai laissé faire ça, alors que tu rentrais à moitié défoncé et que tu hurlais son nom ! J'ai fait ça pour toi Jungkook, dit-elle en pleurant.

— Ca n'a rien à voir Lisa, faire ça n'a jamais rien changer, si je l'ai fait c'est parce que tu as insisté, comme tu as toujours insisté pour que je te baise, sous peine de tout raconter à Jun, pour mon frère. Te baiser sans te regarder, c'était le seul moyen de ne pas te regarder et te haïr, pour ce que tu m'obligeais à faire.

— Jungkook, arrête.

— Je t'ai baisé de cette manière parce que je n'y arrivais plus Lisa, même entendre ton souffle devenait rédhibitoire pour moi, parce que je te détestais pour me faire subir tout ça.

Lisa s'arracha à son emprise et de nerf, elle récupéra l'un des verre et le jeta à terre, le faisant exploser en mille morceaux.

— Putain, Jungkook ! Tais-toi !

— Alors arrête de relancer ce putain de sujet Lisa ! s'énerva fortement Jungkook, la faisant sursauter.

Elle le regarda et sentit tout l'énervement qu'elle avait provoqué en lui. Elle avait été trop loin, elle le savait et son regard lui fit presque peur. Il y avait tant de haine, tant de dégoût qu'elle en eu des frissons. Alors, comme une petite fille, elle éclata en sanglots et se laissa retomber sur le sol, se coupant la plante des pieds avec les morceaux de verre. Mais elle ne broncha pas. Jungkook la regarda s'effondrer, mais ne bougea pas, de toute façon, elle avait gagné, maintenant il se détestait de lui faire autant de mal, comme il se détestait de ressentir ça pour elle après tout ce qu'elle lui avait fait.

Il n'avait été bon qu'à ça de toute façon, faire du mal aux gens, lui faire du mal à lui.

Ils étaient pareils au final, le couple parfait, depuis sept ans. Sept ans à se détruire mutuellement, chaque jour que Dieu faisait.

Il l'a regarda tendre le bras et récupérer son alliance, pour l'enfiler à son doigt, s'essuyant ses yeux noircis par le maquillage qui souillait son visage, les mains tremblantes tel une droguée en manque.

— Bébé, finit elle par dire soudain plus doucement. J'ai été voir ce médecin dont tu m'as parlé, ce spécialiste réputé à Séoul et il m'a donné ce nouveau traitement, alors peut-être que...Peut-être qu'on pourrait essayer ce soir ?

Alors elle l'avait fait, elle y était allée, ils allaient enfin pouvoir mettre en œuvre ce projet auquel il s'accrochait. Bien qu'elle le fixait avec ses yeux doux, il la regardait avec mépris, parce qu'il avait l'impression qu'elle lui renvoyait sa propre image.

Pendant des années, il l'avait trompé redevenant presque cet ado en rut qu'il avait été avant de découvrir le véritable amour, celui qui vous rend plus beau, plus fort. Il s'était perdu dans les plaisirs artificiels et la drogue pour tenter de l'oublier ou parfois pour le retrouver, alors qu'il chevauchait tous ces corps qui s'offraient à lui, mais jamais il n'avait réussi à cette sensation de plénitude intense, jamais. Heureusement Yoongi, mais aussi Hoseok, ou encore Jin avaient été là pour lui, tout comme Chonjong. Ils lui avaient ouvert les yeux, avec ces enfants magnifiques qu'ils avaient eu ou encore adoptés ? Il avait vu les yeux qu'ils portaient sur eux, il avait écouté de longues heures Yoongi lui expliquer le sentiment cette sensation qu'était d'être père, de protéger et de chérir des petits êtres innocents. De ce sentiment d'être heureux, lui qui n'avait jamais connu l'amour d'un parent, comme lui finalement.

Aimer quelqu'un plus que lui, c'était possible ? Devenir responsable, devenir l'auteur du bonheur d'un petit être à qui il avait donné la vie...Il le voulait plus que tous maintenant et c'est pourquoi depuis plus d'un an, il était devenu l'homme le plus droit au monde, ne découchant plus dans le lit d'autres femmes, prenant sur lui quand elle le touchait, tentant de tout faire pour hâter son plaisir, bien que cela était le plus difficile. Quelque part, il se foutait bien de Lisa, il aurait pu avoir un enfant avec n'importe quel autre femme, mais il l'avait épousé, sous la contrainte, peut-être, mais elle était sa femme et il se devait de prendre ses responsabilés. Et puis peut-être que cet enfant qu'elle lui donnerait un jour serai le seul et unique miracle de cette relation, mieux, de sa vie.

— Jungkook, tu m'entends, tu entends ce que je viens de te dire, dit-elle en se hissant jusqu'à lui. Je...j'ai pris ce traitement, je l'ai commencé depuis dix jours, depuis que je suis revenu en Corée, on va avoir un enfant, mon cœur, je vais tout faire pour avoir un enfant, je te le promet. Il n'y a que toi mon amour, tu le sais ça ?

Jungkook avait les yeux dans le vide, il était mort de l'intérieur, il n'avait même plus envie de dire quoique ce soit sur le sujet. Elle avait commencé ce traitement, alors très bien, il allait faire le nécessaire de son côté. Il revint à lui et jeta un dernier regard sur la petite table. Elle l'avait trompé, encore une fois, comme tout le temps ces derniers mois, parce qu'il était à peine capable d'assurer avec elle au lit. Il espérait qu'elle avait fait ce qu'il fallait pour se protéger, il ne voulait pas qu'elle lui mente encore une fois et encore moins sur sa paternité.

Il n'y avait que lui, c'était ça qu'elle venait de lui dire...Quelle ironie, parce que pour lui, il n'y avait que lui, rien que lui.

Il souffla, se releva et sans un dernier regard pour elle, récupéra la sacoche de son ordinateur, après s'être servi un dernier verre de champagne qu'il avala en quelques secondes et se dirigea vers la porte de sortie.

— Jungkook ! hurla-t-elle en le voyant partir.

— J'ai du travail, une conférence, appelle moi quand tu seras prête, pour...Pour...Enfin quand ce sera l'heure pour ça, finit-il par dire en ouvrant la porte.

— Jungkook, attends, ne pars pas ! cria-t-elle à nouveau.

Mais il ne lui répondit pas, il n'avait pas encore envie de parler avec elle.

Alors, quand il referma la porte, il entendit les cris de Lisa et les objets qu'elle avait sûrement envoyés balader s'échouer sur le sol.

— Il est même pas capable de me baiser correctement et de me donner un enfant, putain mais il me sert à quoi ?! entendit-il au loin au milieu des bruits des objets qui s'éclataient sur le sol.

Ils allaient sûrement encore devoir payer une fortune pour réparer tous les dégâts, mais après tout qu'importe, ils avaient suffisamment d'argent pour ça, non ?

*

Arrivé dans le hall de l'hôtel, il se dirigea vers l'immense salon dans lequel se trouvait un bar, lieu où les hommes d'affaires allaient se poser pour travailler tranquillement, mais aussi lieu pour favoriser les rencontres et les coups d'un soir, avec des femmes, elles aussi ici pour le travail et en recherche d'un moment de détente pour une nuit. Jungkook connaissait bien ces lieux, il en avait fréquenté toutes sortes dans un nombre incalculable de pays lors de ses concerts ou de ses promos. Aussi, quand il entra dans ce lieu, il sentit de nombreux regards se poser sur lui. Il comprit immédiatement que bon nombre des clients l'avaient reconnu, mais il n'était pas le seul à être connu ici, il y avait tout un tas d'artistes ou de mannequins, certainement invités pour le défilé de son beau-père. Il semblait avoir loué l'hôtel entier, et c'était très certainement le cas d'ailleurs.

Il marcha pour trouver un endroit tranquille et s'installa sur le fond de la salle, posant son ordinateur sur une petite table et se laissant retomber dans l'un des immenses fauteuils Richelieu. Aussitôt un serveur s'approcha de lui et il lui commanda un verre de whisky.  Il alluma son ordinateur et se connecta sur sa Call.

— Bonjour Monsieur Jeon, lui dit sa secrétaire, nous sommes tous connectés, il ne manquait plus que vous, huit personnes au total.

— Merci Cassie, Jena est là ?

— Oui, je suis là, Jungkook.

— Très bien, merci à tous d'avoir bloqué un moment dans votre emploi du temps, dit-il en se mettant en version caméra, afin que tous ses invités puissent le voir. Donc, comme vous le savez, le nouveau groupe que nous avons promu vient de finaliser avec Yoongi l'enregistrement en studio, aussi si vous êtes là c'est pour qu'on discute des courts métrages, qui vont accompagner leurs chansons. Vous trouverez sur le fichier de partage, les minis scénarios que j'ai écris, ainsi que tous les détails que je souhaite que vous mettiez en avant. Pour les chorégraphies, c'est Jimin qui prend en charge, pour les costumes, j'ai fait appel à un nouveau créateur, il est coréen et j'ai envie de le soutenir.

— Jungkook, dit l'un des protagonistes, désolé de te couper, mais je viens d'avoir l'agent de Megan Fox, elle accepte le rôle, tu vas l'avoir ton actrice sexy.

— Ca c'est une bonne nouvelle, dit-il en souriant, une petite touche américaine au milieu de ce petit monde de bridés, dit-il en riant.

— Si tu n'étais pas asiatique Jungkook, on pourrait penser que tu la joues raciste.

— Moi bridé, Jena, tu m'as bien regardé, la taquina t-il.

— Euh, tu veux qu'on en parle ? continua t-elle.

Jungkook laissa un petit sourire se dessiner sur ses lèvres, à quoi bon relever, tout le monde savait qu'ils avaient eu une petite aventure par le passé.

— Elle a accepté juste parce que c'était toi qui produisait, t'as toutes tes chances.

— Ouais, c'est chiant d'ailleurs, y'en a toujours que pour toi, lui dit encore un autre collaborateur.

— C'est fini tout ça pour moi Jack, et en plus elle à trente-sept ans, dit-il en riant. Bon, trêve de plaisanterie, avançons.

Tout en animant sa call, il se fit servir de nombreux verres de whisky et arrivé à son quatrième, il sentit sa tête tourner. Le mélange avec les verres de champagne qu'il avait pris dans la chambre une heure plus tôt n'y étaient sûrement pas pour rien. Il n'avait plus l'habitude maintenant.

— Bon, je compte sur vous tous pour attaquer les premières prises de vue, je rentre dans une semaine et je veux une maquette bien rodée, la deadline est courte.

— Compte sur nous et profites un peu, lui dit Jena.

— Prends des photos, continua un autre, va y avoir de la belle meuf.

— Pas besoin, la presse sera là, vous aurez tout avant moi.

— Alors déconne pas, ou au contraire profites, dit encore un autre.

— Je suis un homme marié, répondit Jungkook avec un petit sourire en coin.

— Ça fait sept ans, alors à d'autres, mec.

— Bon c'est qui le patron ?

— Toi.

— Alors un peu de respect et au boulot.

Il leur fit un petit signe de la main, coupa la connexion et se laissa retomber dans son fauteuil. Il était épuisé, mais il avait besoin d'un peu de réconfort, alors il récupéra son téléphone et envoya un sms à son frère. Dix minutes plus tard, Ja se laissa retomber dans le fauteuil qui était juste en face de lui.

— J'étais à deux doigts de m'endormir, frérot.

— Désolé Ja, mais ma call à duré un peu plus longtemps que prévu. T'étais pas obligé de venir tu sais.

— T'inquiète, lui dit Ja en baillant. De toute façon, avec Yuna qui tourne sans cesse dans le lit à cause du bébé, j'arrive pas à dormir correctement, et puis ça fait un bail qu'on a pas discuté ensemble toi et moi, sans les gosses ou Yuna autour.

— C'est vrai, ça fait du bien de te retrouver ici, avec moi. Tu prends un verre ?

— Hm, allez un petit baileys.

Jungkook leva la main et commanda deux verres pour son frère et lui.

— Alors le job ?

— Je clôture mon album dans un mois, il me reste deux duos et après promo. Une fois tout ça terminé, je vais prendre un peu de recul avec ma carrière solo et je vais me mettre à fond sur mes petits protégés.

— Un groupe alors. Et ta tournée ?

— Oui, sept gamins coréens, mais ils vivent tous aux states et non, pas de tournée pour moi cette fois-ci.

— Vos remplaçants ?

— Ca fait longtemps qu'on nous a remplacer Ja et puis certains d'entre nous ont une belle carrière solo.

— Oui, toi surtout, mais tu travailles trop. Chonjong dit parfois que tu ne dors pas pendant plus de trois jours d'affilée.

— J'ai du boulot, tu sais très bien que dans ce métier, on a pas de place pour la paresse et tu parles beaucoup trop souvent à mon père, dis-moi.

— C'est aussi mon oncle et puis c'est vraiment un mec bien et Yuna est à fond sur Young-Jae. Mais ne change pas de sujet, quand vas-tu enfin prendre un peu de temps pour toi ?

— Ja, encore une fois, dans ce métier si on est pas actif, ça ne fonctionne pas. Et puis j'ai été trop longtemps un peu en dehors du cadre, alors je donne tout aujourd'hui.

— Oui, mais ta vie dans tout ça Jungkook ? Tu as déconné pendant des années comme tu dis et crois moi tu nous a fait peur, même si à ce moment là, ta carrière à jamais été autant au top, mais maintenant que tu t'es remis dans le droit chemin, tu te perds dans le travail, comment veux-tu mener à bien ton projet ?

— Je sais, mais c'est compliqué, dit-il en buvant une gorgée du whisky qu'on venait de lui servir.

— Je sais que ce n'est pas facile, mais...

— J'essaie Ja, je veux vraiment un enfant tu sais, c'est devenu une obsession, et je fais tout pour que ça fonctionne, mais avec Lisa, c'est compliqué, dit-il en regardant son verre.

— C'est vrai que Lisa n'est pas une fille facile et vos tromperies n'ont pas aidé à vous rapprocher. Mais si vous y arrivez pas, pourquoi vous ne vous séparez pas Jungkook, je ne comprends pas ?

Jungkook se figea, puis releva la tête et tomba dans les orbes de Ja qui fronça les sourcils, tentant de comprendre pourquoi son frère le regardait ainsi.

— Ja...

— Oui ?

— Est-ce que tu vois toujours...Enfin, est-ce que...

Il ne voulait pas faire de mal à Ja en lui parlant de Irasu, il ne savait pas si les deux garçons se voyaient encore et c'était peut-être un peu trop entrer dans sa vie personnelle que de lui demander une chose pareille.

— Est-ce que quoi, Jungkook ?

— Non, laisse tomber.

— Jungkook, qu'est-ce que tu veux savoir ?

Il hésita, puis se lança.

— Est-ce que tu vois toujours Irasu ?

—  Et bien, euh...C'est que, enfin...Peut-être que je devrais te dire, je...

C'était quoi cette réponse ? Pourquoi il ne lui répondait pas ?

— Ja, il y a un souci ? s'inquiéta Jungkook en voyant son frère un peu mal à l'aise.

— Je...non, rien, y'a rien Jungkook, finit-il par dire en buvant une gorgée de son baileys.

— Alors vous vous voyez toujours, osa-t-il encore.

— Oui, mais ne change pas encore de sujet, dit-il avec énervement, ce qui surprit un peu Jungkook et qui le poussa à ne pas ennuyer plus Ja avec ce sujet.  Explique moi pourquoi tu ne divorce pas de Lisa si tout va mal entre vous, plus rien ne vous oblige à rester ensemble aujourd'hui.

— Parce que j'ai fait une promesse.

— Laquelle ?

— Celle de protéger quelqu'un qui m'est chère, dit-il en le regardant dans les yeux. Et je sais maintenant que c'est toujours d'actualité, alors c'est une bonne chose.

— Je comprends rien, quel est le rapport avec le fait de quitter Lisa ou non ?

Le rapport, pensa Jungkook, presque ironiquement, c'est tout le rapport justement, même si d'autres facteurs liés plus à lui et à son acceptation d'aimer un homme avait été aussi un énorme frein à sa relation avec Taehyung.

— Oublie, je suis tellement fatigué que je délire un peu et puis je crois que tous les verres d'alcool que j'ai bu commencent à me monter à la tête, j'ai plus l'habitude.

— Tu devrais aller te coucher alors.

— Ja...Est-ce que tu crois que je serai un jour père et si c'est le cas, est-ce que tu crois que je serai un bon père ?

Ja avala une gorgée de son alcool et regarda son frère, qui il le voyait avait les yeux un peu humides. L'alcool ou la tristesse ? Parce que depuis sept ans, Jungkook était triste, il le voyait bien, et si au début il avait pensé que c'était à cause de la rupture du groupe, puis de son mariage un peu forcé avec Lisa, il sentait bien qu'il y avait autre chose, mais il ne savait pas quoi. Enfin, il avait peut-être une petite idée, mais il se disait que ce n'était pas possible, pas Jungkook.

— Je ne doute pas que tu seras un très bon père Jungkook, il n'y a qu'à voir comment tu te comportes avec mes enfants ou encore ceux de tes amis. Ils sont tous fous de toi, tu es vraiment à l'aise avec eux, alors quand tu seras père, je suis sûr que ton enfant sera le plus heureux du monde et ça malgré la vie de merde qu'on a eu côté sentiments. Regarde Chonjong, il s'est bien rattrapé.

— C'est un père génial, c'est vrai, sourit Jungkook à l'évocation de ce père qu'il avait découvert sur le tard et qui maintenant avait une place énorme dans sa vie.

— Et Lisa ?

— Depuis un an, on essaie mais rien, même pas un début de quoi que ce soit. Pourtant on a fait tous les tests possibles, pour les médecins c'est psychologique. Mais elle à rencontré un spécialiste la semaine dernière et elle a commencé un traitement.

— Tu l'aimes ?

Jungkook poussa un grand soupir avant de répondre. Avait-il seulement aimé Lisa un jour ? Avait-il eu de réel sentiments pour elle avant qu'elle ne le détruise, avant qu'elle ne l'oblige à faire toutes ces choses ? Il ne savait pas, il ne savait plus. La seule chose dont il était sûr, c'était qu'il devait protéger Ja et sa famille. Alors il n'y avait pas d'autres possibilités, que celle de faire un enfant avec Lisa.

Oui, peut-être que ressortirait quelque chose de magique de toute cette haine qu'il lui vouait. 

De toute façon, il était mort à l'intérieur depuis que Taehyung l'avait quitté, alors plus rien n'avait d'importance, enfin si, avoir un enfant. C'était la seule chose qui il espérait allait le raccrocher à la vie, même si il allait être une partie de Lisa aussi.

Elle lui devait bien ça non ?

— Si je l'aime...je ne sais pas si je l'ai aimé un jour en vérité. Je veux juste un enfant Ja, et elle est ma femme, alors qui d'autre ?

Ja souffla, un peu dépité par la réponse de son petit frère. Le voir aussi mal le rendait malheureux, alors que lui avait trouvé un véritable équilibre. Mais comment lui dire sans qu'il ne le juge ? Et puis, c'était un secret entre eux, alors pas moyen de le dire, même à son propre frère.

— Je te comprends pas Jungkook, je ne comprends pas pourquoi tu t'acharnes à vivre dans le malheur depuis toutes ces années, tu as vingt neufs ans, la vie passe à une vitesse folle et si tu continue comme ça, un jour tu te retournera et tu te rendra compte que tu as gâché ta vie pour rien.

— Tu sais que je n'aurai jamais dû venir au monde Ja, je suis une erreur.

— Arrête de dire ça, tu n'es pas une erreur, Chonjong et Eomma se sont énormément aimés et tu es le fruit de cet amour.

— Tu sais que c'est plus compliqué que ça...

— Non, c'est pas si compliqué, Eomma voulait un enfant de Chonjong, elle ne lui a tout simplement pas dit.

— Elle l'a piégé et au final, ma naissance à été un poids pour toute la famille.

— Elle m'a donné un petit frère et crois-moi, même si je te l'ai pas montré souvent, ça a été l'une des plus belle chose de ma vie, la plus belle à cette époque là.

Cette révélation fit chaud au cœur à Jungkook, ils avaient assez peu l'occasion de se dire ce genre de chose, même s'ils s'aimaient énormément. Il avait toujours eu beaucoup d'admiration pour Ja, il était une sorte de modèle pour lui depuis qu'il était devenu père.

— Merci Ja, ça me fait du bien d'entendre ça de ta part.

Ja lui fit un petit sourire et se pencha un peu pour venir attraper le poignet de son frère. Jungkook un peu surpris le regarda et inconsciemment son regard se posa sur cette main qui était venu se poser sur cette partie de son corps, qu'il interdisait à quiconque de toucher. Ja suivi son regard et tomba sur cette moitié de papillon qui y était tatouée. Il se souvint alors avoir déjà vu le même sur le poignet de Taehyung.

Taehyung...

Où était-il depuis toutes ces années, depuis que le groupe avait été cassé ?

Jungkook avait gardé des liens plus ou moins proches avec quasiment tous les membres, mais Taehyung avait comme disparu de la vie de son frère, pourquoi ? Ils étaient tellement proches. Il n'avait jamais osé en parler à son frère, il ne savait même pas pourquoi. Encore tant de tabou dans leurs vies.

Leurs regards se croisèrent, puis firent quelques allers-retours entre le poignet de Jungkook et leurs orbes sombres.

— Ce papillon, osa Ja.

Jungkook, retira son poignet un peu plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu et se laissa retomber dans son fauteuil.

— C'est une erreur, dit-il finalement en massant son membre, comme s'il cherchait à effacer l'encre.

— Vraiment ?

Bien évidemment que ce n'était pas une erreur, c'était même la seule chose qui lui restait de lui. En lui disant cela, il avait sentit son cœur exploser dans sa poitrine, tant il s'était fait mal à lui-même.

Taehyung n'était pas une erreur dans sa vie, il avait été la plus belle chose que cette dernière ait pu lui offrir.

— Je vais aller me coucher, je crois que je suis fatigué, dit-il en terminant son verre.

— Jungkook, tu sais que je t'aime hein, tu sais que je suis là pour toi si tu as besoin ?

— Je sais Ja, merci d'être là, et merci de t'inquiéter pour moi, mais ça va, je vais avoir un enfant et tout ira mieux, crois-moi, c'est la seule chose au monde que je désire plus que tout.

Si seulement, se dit-il à lui-même.

— Avoir un enfant ne sera pas une solution à tous tes soucis Jungkook.

— Je sais, mais j'aurai au moins le sentiment d'avoir fait quelque chose de bien dans ma vie, pour une fois.

Son frère le regarda avec tendresse, pas vraiment convaincu, il allait lui dire une dernière chose, quand le téléphone de Jungkook vibra, le coupant dans son élan.

— Je dois y aller, le devoir m'appelle, dit Jungkook en souriant, comme pour détendre l'atmosphère qui s'était un peu alourdie.

Ja lui fit un petit signe de tête et n'insista pas, de toute façon ce n'était pas le moment.

— Alors assure mon frère, continua Ja sur le même ton que Jungkook.

Jungkook se leva, attrapa la bouteille de whisky et après avoir salué son frère, se dirigea vers l'ascenseur.

Il allait avoir besoin d'un peu d'aide pour oublier ce qu'il allait faire avec Lisa et un peu d'alcool allait l'y aider.

Tout du moins il l'espérait.

***Alors qu'il disparaissait de cette grande salle, Jungkook ne pouvait se douter qu'à la table derrière lui, presque collée à la sienne, Taehyung avait été là, assis dos à lui dans un même siège, quelques minutes plus tôt.

Loin de lui l'idée de le suivre à la trace, il était seulement descendu une heure plus tôt de sa chambre, souhaitant à tout prix prendre un quelconque remontant, pour se remettre de ses émotions qui l'avaient complètement retournées quelques heures plus tôt, lorsqu'il avait croisé, ou plutôt lorsqu'il était tombé par hasard sur Jungkook devant l'ascenseur.

Il s'apprêtait tout juste à aller manger dans un des restaurants de Jin, situé non loin et jamais il ne se serait douter de sa présence ici. En réalité, bien qu'il ne l'ai jamais oublié, Taehyung s'était promis, dès qu'il eut le pied posé dans cet avion qui le mènerait en France que plus jamais il ne se raccrocherait au passé.

Trop de douleur, trop de tout en réalité.

Cette soirée-là, sept ans plus tôt avait été un véritable cauchemar, et même s'il n'avait jamais supprimer cet enregistrement de la version chanté par de Jungkook de "Nothing like us" de son téléphone, il ne l'avait jamais écouté à nouveau et l'avait laissé traîner là, perdues dans toutes autres sortes de données. Une façon de se rassurer peut-être ?

Le Taehyung de cette époque n'était plus, enfin, disons plutôt qu'il ne voulait plus le laisser réapparaître, il n'appartenait qu'à lui, rien qu'à lui.

Oui, depuis ce soir-là, sa vie avait tellement changé...Celle de son amant aussi, il en avait entendu parler dans la presse people, mais à vrai dire, il n'avait jamais suivi les nouvelles. C'était très simple, dès lors que le nom de Jungkook était prononcé ou écrit, ou bien encore, même si sa personne était insinuée dans telle ou telle affaire ou projet, Taehyung s'obligeait à devenir sourd et aveugle.

C'était un choix, peut-être radical, certes, mais il ne pouvait faire autrement pour avancer.

Alors, le revoir ici, après tant d'années, pire encore, sans y être préparé... c'était...C'était terriblement perturbant, alors il avait changé son plan de la soirée et s'était dirigé dans cette grande salle, pour y boire un remontant.

Après tout, cela aurait dû couler de source puisque Lisa était là, elle était sa femme, il devait la soutenir, comment aurait-il pu faire autrement ?  Mais d'après ce qu'il avait entendu, Jungkook n'avait pas été compris dans l'équation, pas concernant le défilé, il s'en était assuré au travers des conversations des organisateurs. Non, le mari de Lisa ne serait pas présent pour des questions d'emploi du temps, c'était ce qu'il avait entendu. Quelque part, une petite voix au fond de lui, en avait été déçue, oui, au fond de lui, il aurait tellement aimé que Jungkook soit là, juste pour le voir une dernière fois, le sentir, près de lui, même s'il le savait cela n'aurait jamais eu lieu. Mais Taehyung s'était ensuite fait une raison et avait pensé que c'était mieux ainsi. Après tout, il n'avait pas tenté d'oublier ses sentiments pendant toutes ces années pour les laisser reprendre le dessus. 

Loin des yeux, près du cœur, disait-on.

Alors, avant que Jungkook ne se décide à remonter à sa chambre, Taehyung se fit petit et s'échappa du bar de l'hôtel avant lui, pour ne pas risquer une nouvelle fois de le croiser devant les ascenseurs.

Jungkook pensait-il à lui de la même façon qu'il pensait à lui depuis toutes ces années ? Pensait-il à nouveau à lui depuis cette rencontre incongrue devant cet ascenseur ? Il avait semblé complètement choqué, comme si tout n'était pas réel, comme s' il avait vu un fantôme. Il l'avait trouvé beau, incroyablement beau même et il lui avait suffit de seulement quelques secondes pour que son corps et son cœur ne lui appartienne plus.

Jungkook, l'amour de sa vie...

Sept ans, sept longues années loin de lui.

Ils étaient des hommes maintenant, plus des adolescents, ils avaient leur vie, alors pourquoi avait-il fallu qu'ils se croisent à nouveau, ici, alors que depuis toutes ces années, il s'était attelé à ne jamais faire en sorte que cela arrive, malgré les liens d'amitié qu'ils avaient en commun ?

Durant les vingts secondes qui le menèrent à son étage, Taehyung se fit violence, pour ne pas retourner là-bas. Quand il était venu s'installer sur ce fauteuil, Il n'avait pas remarqué que Jungkook était là jusqu'à ce qu'il entende le son de sa voix alors qu'il semblait être en réunion via vidéo, mais quoi qu'il en soit, pourquoi n'était-il juste pas...parti ?

Le destin en avait encore décidé autrement, il les avait encore une fois réunis. Mais pourquoi s'acharnait-il de la sorte ? Et cette voix...

La voix de Jungkook, cette même voix qui soufflait au creux de son oreille quand ils se donnaient du plaisir. Il en avait tant de fois rêvé. Il s'était tant de fois éveillé en pleine nuit en pensant qu'il était là, à côté de lui.

Jungkook...

Bordel, il lui aurait juste suffit de finir son verre et de quitter le bar, mais non, il avait préféré écouter son coeur, qui l'avait comme cloué sur son siège. Il ne l'avouera pas, mais il avait senti le besoin de l'entendre, quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse...Cela avait été égoïste, certes. Idiot, oui. Insensé, aussi.

De toute manière, Taehyung avait fait son choix et ne pouvait plus faire demi-tour. C'était terminé maintenant, et après ce défilé, il rentrerait chez lui, du moins...là où il avait posé bagage depuis maintenant sept ans et plus jamais il ne le reverrait.

Non, jamais.

Arrivé dans sa suite sans vie, Taehyung respira un bon coup et alla dans la petite cuisine, afin de prendre un verre d'eau. Non pas que l'envie d'entamer un nouveau verre d'alcool était inexistante, mais il se devait d'être professionnel et surtout, d'être prêt pour le lendemain.

C'était une soirée importante pour Monsieur Manoban, mais aussi pour lui, qui dès lors, signerait sa fin de contrat dans son agence, et pour de bon. Après ça, il n'aurait plus besoin de remettre les pieds sur le sol coréen. Concernant sa famille, il avait déjà pris soin de leur acheter un bel appartement parisien lors de leurs visites, et si les jours venaient à se compliquer, alors là, et seulement là, il serait prêt à revenir.

Parce que même si sa grand-mère était enterrée ici, dans son pays de naissance, il savait que son cœur avait toujours été en France et c'est pourquoi il avait choisi ce pays pour refaire sa vie.

Enfin, c'était ce qu'il se disait parfois, mais à chaque fois, il concluait à une solution bien plus lâche. Après tout, maintenant qu'il avait de quoi vivre convenablement sans se soucier des dettes ou bien des factures, il devait bien ça à ses parents, non ?

Et puis, revenir en Corée était pour lui une véritable source de conflit. Parfois, il lui arrivait d'en débattre avec son petit-ami, à propos de leurs origines, de leurs familles ou bien encore à propos de la vie en général...Mais Taehyung n'était plus celui qu'il avait été. Il ne voulait plus être celui qui subissait les décisions de l'autre et se faisait bien comprendre.

C'était peut-être un peu trop poussé de voir les choses ainsi, mais tout avait changé depuis ce soir-là. Il avait tiré une croix sur l'amour de sa vie mais aussi sur lui-même, du moins, celui qu'il avait été durant toutes ces années. Dire qu'il regrettait était un mensonge, puisqu'au fond, il avait l'impression d'avoir vécu cinq vies en une seule. D'ailleurs, la musique était toujours une passion pour lui, il aimait en écouter et parfois se laissait aller et laissait sa voix rauque retentir, mais plus jamais il ne monterait sur une scène.

Puisque même ça, revenait à se souvenir de Jungkook.

Le cœur lourd, Taehyung déposa son verre sur la petite table du salon, sortit son téléphone de sa poche et le toisa un instant, le regard dans le vide. Tout se chamboulait dans sa tête, tant de choses qui le ramenaient à un passé si lointain et pourtant si proche, et...

Soudain, son cellulaire s'alluma et afficha un nom qui le fit revenir sur terre, et sans hésiter, Taehyung décrocha.

— Allo ?

— Ah, Tae ! Tu m'avais dit que tu me préviendrais quand tu serais revenu à l'hôtel, tu y es et tu avais déjà oublié, hein ?

— Non, je viens tout juste d'arriver dans ma...

— Hop hop hop Monsieur maniaco dépressif, pas de mensonge tu veux ?

— Jimin, on dirait que tu parles à Seo-yul...

— Et alors ? Je te rappelle que comme je suis devenu père avant toi, ça fait de moi le plus mature des deux. Tu me dois le respect.

— Tu crois ?

Le téléphone coincé sur son épaule gauche, Taehyung se mit à sourire.

— Peu importe, le coupa Jimin. Hoseok dit que tu lui manques beaucoup, il t'attendait tu sais ?

— Tu lui diras que je suis désolé, souffla Taehyung. Mon avion est arrivé plus tard que prévu et je me voyais mal faire autant de route pour revenir le lendemain.

— Tu me mens encore, Taetae.

— Arrête de m'appeler comme ça...

— Ma fille trouve ça mignon, alors moi aussi, dit Jimin. Plus sérieusement Tae, je sais très bien que ce n'est pas la véritable raison. Tu peux me le dire à moi, que tu ne te sentais pas de nous rejoindre tous plus tôt, et...

Écoutant le monologue de son meilleur ami, Taehyung leva les yeux au ciel, bien qu'il savait qu'il avait raison. Il se laissa alors retomber dans le canapé, et souffla doucement, passant une main dans ses cheveux, qui étaient bien plus courts maintenant.

— Yoongi ne t'en veux pas Taehyung, combien de fois je devrais te le dire ? Ça fait sept ans maintenant que l'eau a coulé sous les ponts...

— Je sais.

— Alors ?

— C'est son ami, pas le mien.

Même après tant de temps, Taehyung avait toujours beaucoup de mal à se tenir auprès du mari de son meilleur ami. Bien que leurs relations s'étaient quelque peu améliorées à l'époque, et qu'il l'avait soutenu dans sa décision, quitte à se prendre les foudres de Jimin lors de son annonce officielle, Taehyung avait eu beaucoup de mal à le voir, sans que son cerveau, pire encore, sans que son coeur ne le relie à Jungkook. C'était déjà assez compliqué pour lui au début de croiser Lisa ici et là lors de différents shootings. D'ailleurs, cette dernière ne lui plus jamais adressé un seul mot, et si à l'époque, elle avait adoré lui rappeler que Jungkook était sien, elle s'était contenté de sourire et de montrer sa bague du mieux qu'elle le pouvait, lui rappelant que désormais, tout était bel et bien terminé.

Cette journée du trente décembre, sept ans plus tôt, avait été la pire journée d'anniversaire qui soit. Il était loin, mais ce jour là, il savait que Jungkook et Lisa devenaient mari et femme, pour le pire et pour le meilleur. Surtout pour le pire. Il se souvenait encore de cette journée, il se souvenait avoir essayé de ne pas se réveiller, mais il n'avait pas pu, c'était trop dur. Alors il avait descendu toutes les bouteilles de son bar et s'était écroulé à deux doigts du coma éthylique, pour ne se réveiller que le lendemain. Alors il avait pris sa décision, plus jamais il ne s'intéresserait à ce que pouvait devenir Jungkook, non, plus jamais. Il prendrait ses distances, avec ceux qui les liaient, même si ça lui coûtait. Mais il le savait, c'était le seul moyen de ne pas tomber, de ne pas devenir fou.

Cela avait été si difficile, oui...Combien de fois Taehyung s'était retenu de lui hurler ô combien Lisa avait pu détruire la vie de celui qu'il aimait, mais aussi, leur amour. Bien que tout n'était pas entièrement de sa faute, il l'avait détesté, puis avec le temps, avait presque ressenti de la peine pour elle. Oui, de la peine, puisque même si Taehyung avait décidé de faire taire toutes nouvelles à propos de Jungkook, il avait mainte et mainte fois entendu ces rumeurs à propos de ses nombreuses tromperies.

Cela l'avait retourné, vraiment, mais lorsqu'il regardait Lisa, il avait simplement pitié d'elle. Après tout, elle n'était qu'une pauvre femme qui s'était perdu dans toute l'obsesion qu'elle portrait à Jungkook. Elle n'était pas idiote, bien que parfois, elle pouvait le laisser penser, et Taehyung savait qu'elle souffrait de cette situation. Malgré tout, il l'avait vu se pavaner avec sa bague, il l'avait entendu se vanter de son mariage et de sa vie "heureuse et incroyable aux côtés du plus bel homme qui soit", mais à quel prix ?

Si au départ, Taehyung s'était retrouvé comme un accro devant la drogue qu'il ne possédait plus, il avait fini par lâcher l'affaire, préférant fuir les dernières nouvelles, quitte à avoir mal. Après tout, tout ce qui concernait Jungkook ne le concernait plus, lui.

Bien évidemment qu'il en avait souffert, c'est pourquoi il avait remercié le ciel d'avoir pu compter sur Jimin, Hoseok, et Namjoon aussi. Étrangement, ces deux-là s'étaient rapprochés à la suite de leur séparation de groupe, et comme il s'était lancé dans l'art, il arrivait qu'il se voit lors d'un brunch, au cœur de la capitale française. Comme lui, il avait pris ses distances avec le groupe. Taehyung aussi avait été là pour lui après sa séparation avec Jin, bien qu'il avait complètement compris sa décision. Alors, il n'avait pas hésité à en faire part à Namjoon, ce qui avait aidé ce dernier à faire son deuil, bien que l'amour, lui, ne disparaitrait pas de si tôt. 

Taehyung avait été ravi d'apprendre l'ascension de Kim, mais également de Hoseok, qu'il supportait de loin. Il avait été sincèrement heureux et touché par la naissance de leurs enfants, mais sa joie n'avait jamais été aussi grande qu'à l'annonce de Jimin.

Bien qu'il voyait rarement sa petite famille au complet, il connaissait par cœur ces deux petits monstres et les aimait tout autant que son meilleur ami, étant d'ailleurs le parrain de la petite et Jungkook du garçon. Encore toute une histoire d'ailleurs cette décision, qui avait été un point de distension entre le couple de parents.

Enfin, le fait était que Jimin était celui qui venait le plus souvent le voir, puisque Taehyung avait un emploi du temps chargé.

Il était devenu model et suivait son propre chemin, alors, lorsque le travail l'amenait jusqu'aux Etats-Unis,il aimait passer du temps avec sa filleule et son ami. Rare était les fois où il croisait Yoongi, ce dernier était souvent occupé par son travail, ou bien en réunion, ou encore...chez un ami.

Lui aussi il l'évitait, il le savait. Très certainement par respect pour son meilleur ami.

Taehyung n'avait jamais posé la question, mais il avait toujours su de qui Jimin parlait, et c'est pour cette raison, mais aussi parce qu'il ne supportait plus le regard de Yoongi sur sa personne qu'il avait beaucoup de mal à se tenir là, debout, devant lui.

Il se retrouvait penaud, à ne pas savoir quoi dire, alors qu'ils étaient adultes maintenant. Malgré tout, il ne pouvait plus encaisser les remarques silencieuses de Yoongi. Non pas que ce dernier lui en voulait pour quoi que ce soit, il lui avait bien fait comprendre que ses choix concernant Jungkook ne le concernait pas, lui. Mais ses regards incessants, eux, étaient remplis de compassion que Taehyung refusait.

Ces regards qui voulaient dire "c'est dommage", ou bien encore "vous vous aimez bordel" ou alors "vous êtes malheureux l'un comme l'autre". Taehyung n'en voulait pas, il n'en voulait plus.

Il n'était peut-être pas le plus heureux du monde, oui, mais il aimait sa vie actuelle, il aimait son travail et se savait soutenu. Il n'avait pas abandonné et s'était retrouvé, lui, et rendait hommage à sa grand-mère qui lui manquait, beaucoup.

La décision à propos de Paris avait été une évidence, puisqu'après tout, c'est elle qui lui avait offert ce voyage. Paris avait toujours été dans son cœur, et lorsque Taehyung se sentait au bord du gouffre, il lui suffisait de penser à elle, à ses paroles, à toutes ces histoires qu'elle lui avait conté à propos de cette ville pour que soudain, tout s'illumine à nouveau.

— Dis-moi plutôt comment va ma petite princesse ? reprit Taehyung, préférant changer de sujet.

Évidemment, il entendit Jimin souffler et fut certain que ce dernier leva les yeux au ciel à son tour, mais il préféra ne rien dire et le laissa reprendre à sa guise.

— Elle ne quitte plus la robe que lui a offerte. Elle a vraiment hâte de voir "son prince défiler". Enfin, les vidéos que papa lui montrera à son retour, évidemment.

— Je suis désolé...

Oui, il était désolé et il le pensait vraiment. Parfois, il arrivait à Taehyung d'envier la vie de son meilleur ami, mais Jimin avait seulement été plus courageux que lui, peut-être plus chanceux...Il n'en savait rien. Il était sincèrement fier de lui, de tout ce qu'il avait affronté pour en arriver là. Après tout, sa vie américaine aux côtés de sa belle petite famille était parfaite. Remplie d'embûches parfois, oui, mais sereine, et...

— Et toi, quand est-ce que tu auras enfin un gosse ?

La question de Jimin le surprit, et Taehyung s'étouffa presque avec sa propre salive avant de lui répondre.

— Tu rigoles ? Ta puce me suffit largement !

— Pourtant, tu sais, il se fait vieux aussi...Et tu sais qu'il veut des enfants.

Comprenant où il voulait en venir, Taehyung fit tiquer la langue contre son palais, ce qui fit jurer son ami. Aussi vite, Jimin reprit son monologue et Taehyung plongea dans ses souvenirs récents, à propos de ce qu'il avait entendu de la bouche de Jungkook alors qu'il parlait à son frère aîné. Il sentit une drôle de sensation le prendre au milieu de la poitrine et eut besoin de se relever, afin de reprendre un peu d'eau.

Le temps passait si vite, bon sang.

Jungkook avait tellement grandi et changé. Il était devenu un adulte, un vrai, avec des responsabilités, des rêves et des envies. Le simple fait de l'imaginer père lui fit mal au cœur, puisqu'au fond, il aurait tant aimé partager ce bonheur avec lui.

Jungkook voulait un enfant...

— Eh, Tae ? Tu m'écoutes au moins ? Ou tu me fais encore une crise maniaco dépressive ?

Retrouvant ses esprits, Taehyung se mit à rire à l'allusion de son meilleur ami et lui dit qu'il valait mieux se taire. C'est fou, même après tant de temps, il n'avait jamais lâché le morceau.

— Tu devrais rejoindre Yoongi, c'est tard. On se voit demain.

— Tae, il y a quelque chose que tu voudrais me dire ?

Soudain, la voix de Jimin parut bien plus solennelle et Taehyung comprit qu'il avait vu juste. Après tout, ils se connaissaient depuis toujours alors même s'il ne l'avait pas sous les yeux, Jimin pouvait savoir lorsqu'il mentait, ou bien encore lorsqu'il lui cachait quelque chose, n'importe quoi. Durant ces sept années, bien qu'il avait agit comme si de rien n'était à la demande de Taehyung, Jimin avait été là lors de ses rechutes, il l'avait aidé à surmonter ses crises de larmes, ses peines...Il l'avait aidé à remonter la pente et à continuer d'avancer, chaque jour. Le sujet de Jungkook était devenu tabou, mais nombreuses avaient été les fois où Jimin avait remis ça sur le tapis, car il l'avait bien dit, personne ne pouvait oublier. On pouvait seulement apprendre à vivre avec, mais jamais on ne pouvait oublier, effacer, enterrer des sentiments.

Alors, Taehyung hésita.

Il eut vraiment envie de lui dire qu'il l'avait vu, là, sous ses yeux. Il eut vraiment envie de lui dire à quel point cela avait été comme une bulle d'air avant que celle-ci n'éclate et le fasse replonger au plus profond de l'océan, là où on suffoquait jusqu'à en crever. Il eut envie de lui dire que Jungkook était devenu plus beau encore, qu'il avait bien grandi, mais aussi qu'il l'avait entendu parler de son malheur et de sa vie qui ressemblait à un cauchemar dont il ne pouvait se débarrasser. Mais quelque part, en y pensant, Taehyung se sentit coupable.

Il se demanda à quoi aurait pu ressembler sa vie s'il n'avait pas fait le choix de le quitter ce soir-là, mais à bien y réfléchir, il ne vit que la peine et la souffrance, bien pire encore ce qu'il pouvait ressentir aujourd'hui.

Vivre caché n'était pas une vie.

— Non, je t'assure, ça va. Je suis juste...un peu fatigué.

— Tae, on n'a plus quinze ans, on est adulte maintenant, je peux tout entendre.

Malgré tout, Taehyung hésita encore, un petit moment, fixant son verre vide sur le plan de travail mais il finit par souffla lentement, puis sourit pour lui-même.

— Je vais dormir Jimin, on se voit demain. Embrasse les monstres pour moi, et salue Yoongi. Bonne soirée à vous.

****Jimin finit par abdiquer et raccrocha ensuite, laissant alors Taehyung seul à nouveau. Alors, il en profita pour brancher son téléphone avant d'aller prendre une douché méritée. Ceci dit, lorsqu'il regagna son lit et après avoir envoyer un message à son petit-ami, Taehyung se retrouva comme un idiot à fixer le plafond, perdu dans des souvenirs qu'il pensait avoir oublié. S'était alors rejoué toute son histoire aux côtés de Jungkook, et il s'était senti coupable de ressentir des sentiments qu'il pensait avoir enfoui au fin fond de son cœur. Coupable, puisque chez lui l'attendait sa nouvelle vie mais aussi, quelqu'un qui l'aimait depuis maintenant (3 ans?). Coupable, parce qu'il avait vraiment hésité à accepter l'invitation de Monsieur Manoban, pour toutes les raisons qui l'avait poussé à fuir la Corée ces dernières années. Coupable, parce que depuis tout ce temps, il avait préféré faire comme si Jungkook n'avait jamais existé, parce qu'il avait toujours jeter tout magazines parlant de lui, parce qu'il avait touché éteint la télévision lorsqu'on prononçait son nom ou bien encore lorsque la radio diffusait sa musique.

Coupable, parce que même après sept longues années, il était encore irrémédiablement amoureux de lui.

Coupable, parce qu'il n'avait jamais osé faire effacer cette moitié de papillon qui ornait encore l'intérieur de son poignet, sous ce pansement qu'il remettait chaque jour, de façon presque instinctive, sans jamais y jeter un seul regard.

Coupable, parce que quand il faisait l'amour à son petit ami, il fixait, souvent, tout le temps, cet endroit sur son corps, où un jour, par une belle nuit de printemps, il lui avait tatoué une moitié de lui.

Le papillon, leur totem, mais il n'avait plus qu'une seule aile et sans l'autre, il le savait jamais il ne pourrait retrouver le bonheur de virevolter.

Depuis sept longues années, comme ce papillon a qui il manquait une aile, il ne pouvait plus prendre son envole, il survivait, il traversait le temps, tentait de trouver une façon de se raccrocher à un bonheur, qu'il savait à jamais perdu. Même l'homme qui partageait sa vie depuis maintenant cinq ans et dont il était amoureux d'une certaine façon, n'arrivait pas à lui faire oublier Jungkook. Il était ancré à l'intérieur de lui, c'était comme si son être entier était en manque d'une drogue dure. Parfois, après avoir fait l'amour à son compagnon, il s'enfermait dans la salle de bain et laissait son corps exprimer le manque. Il était alors pris de vertiges, de malaises, de nausées, de contractions musculaires. Il se reccrochait à tout ce qui pouvait le maintenir debout, mais épuisé de tant d'émotions, il finissait par s'écrouler au sol et pleurait toutes les larmes de son corps, pour ensuite aller rejoindre plus serein celui qui partageait sa vie. Il s'en voulait pour ça, il ne méritait pas ça, il était si compréhensible avec lui, si prévenant et si à l'écoute. Mais il n'y pouvait rien, Jungkook était bien trop imprégné en lui et il savait que cette sensation de manque ne le quitterait jamais.

Il avait si mal, il se sentait soudain si vide à l'intérieur.

Mais Taehyung n'aurait pu se douter qu'à quelques étages seulement, Jungkook avait fini par rejoindre sa suite, pressé par ses nouvelles obligations. Sans aucune envie, il s'était douché puis avait fait le nécessaire afin que son corps réagisse, afin de pouvoir faire en sorte de concevoir un enfant avec celle qui lui pourrissait la vie depuis toujours. Lorsque Lisa s'était endormi, il était retourné dans la salle de bain et s'était fixé dans le miroir, se détestant un peu plus pour tout ça, pour ce qu'il vivait, pour ce qu'il avait fait, pour tout, avant de se promettre que l'arrivée d'un enfant lui redonnerait l'envie de vivre pleinement. Il voulait cet enfant, il le voulait vraiment, il voulait qu'il provienne de lui, qu'il ait son sang afin de pouvoir le chérir, afin de lui donner tout ce qu'il n'avait pas eu : de l'amour.

Enfin, sentant la fatigue l'envahir mais incapable de fermer l'oeil, Jungkook se rendit sur le balcon de sa suite et une cigarette à la bouche, se contenta de la fumer tout en fixant le ciel.

Il n'était pas fou, il l'avait bien vu, il avait juste essayé de ne pas y croire, mais Taehyung était là, lui aussi, tout proche, et pourtant...

Il avait voulu feindre la folie, mais il était là. Cela lui rappela alors tout ce chemin qu'il avait parcouru depuis ces sept dernières années, puisque contrairement à son ex amant, jamais Jungkook n'avait tiré un trait sur lui. Il avait continué de prendre de ses nouvelles auprès de ses amis, il n'avait jamais jeté les magazines que Lisa avait pu ramener à la maison. Parfois, le soir, il avait parcouru ces nombreux clichés le trouvant plus beau encore qu'auparavant, s'imaginant le complimenter et lui dire à quel point il pouvait être fier de ses efforts, de ses choix...

On disait souvent qu'on ne reconnaissait la valeur de quelque chose ou de quelqu'un seulement après l'avoir perdu et Jungkook s'était répété cette phrase un million de fois, se sentant coupable d'avoir été si contraint par sa famille, par son nom, par toutes ces choses qui avaient eu finalement raison de leur amour.

Coupable de ne pas lui avoir dit plutôt ces quelques mots, ce je t'aime...

Même avec le mégot éteint au bout des doigts, Jungkook ne s'était jamais senti aussi vide qu'à l'instant, revivant avec peine son ancienne rupture mais aussi, le jour où tout son être l'avait abandonné.

Il avait pensé être fou tant de fois, mais maintenant il savait.

Il savait qu'il n'avait pas rêvé et que demain serait une épreuve.

Une épreuve qu'il redoutait déjà, mais au fond...une petite voix lui répétait qu'il lui faudrait en profiter coûte que coûte et peut-être, enfin, après tant d'années, il réussirait à tourner la page.

Combattre le mal par le mal, le feu par le feu.

Il retourna sa main et regarda l'intérieur de son poignet, jetant un regard insistant pour la mille et unième fois sur cette moitié de papillon.

Le papillon, leur papillon, celui qui sept ans plus tôt s'était à jamais éteint.

— Taehyung... murmura-t-il un petit sourire triste sur les lèvres, avant de jeter son mégot et de rejoindre son lit froid et austère.

Demain serait le premier jour de sa nouvelle vie.

*

Il était seulement neuf heures du matin et déjà, on s'activait en cuisine.

Les nombreux employés qui se trouvaient là couraient partout, subissant les ordres incessants de leurs supérieurs. Il fallait que tout soit parfait, irréprochable, et même dans la salle principale, on mettait les petits plats dans les grands, et il fallait dire que Jin était prêt à couper la tête à quiconque ferait un pas de travers.

— Monsieur, les tables ont été dressées dans la salle de réception, pourriez-vous venir valider les plans de table ?

Jin s'arrêta net en voyant le beau jeune homme l'apostiller, puis silencieux, tout en le dévisageant portant à ses lèvres la cuillère qu'il tenait dans la main pour goûter l'un des mets qui venait d'être préparé.

Le jeune garçon se sentit un peu déstabilisé par le regard de ce grand chef qu'il admirait tant, aussi bien pour son travail que pour son physique.

— Hm, fit Jin en claquant sa langue contre son palais pour ressentir le goût plus intensément, toujours sous le regard envoûté du jeune garçon. C'est délicieux, mais je rajouterai une touche d'huile de sésame, finit-il par dire. Oui, rajoutez quelques cuillères de sésame, finit-il par dire en délaissant la cuillère et en se reconcentrant sur le garçon. Vous disiez ?

— Je...Oui, désolé Monsieur, si vous voulez me suivre pour valider les plans de tables.

Jin lui fit un petit signe de tête et l'encouragea à passer devant lui, ce que fit le jeune homme un peu perturbé par son regard. Une fois en route, Jin le suivit, ravis du beau spectacle que les fesses du jeune homme lui offrait. Il sourit, satisfait, mais quand il arriva dans la salle de réception son sourire se fana aussitôt.

— C'est une blague, dit-il froidement.

Tous les employés s'arrêtèrent de s'affairer autour des tables et se figèrent en entendant le ton de leur patron. Ils l'aimaient énormément pour son humanité et le respect qu'il avait pour ses employés, mais quand il se mettait en colère, il pouvait être particulièrement flippant.

— Je...Mons-monsieur, il y a un souci ? bégaya la chef de salle. 

— Un souci ? Mais c'est plus qu'un souci, c'est une catastrophe ! s'énerva Jin, en marchant dans toute la salle. Les nappes, j'avais demandé des nappes noires, afin qu'elle s'accorde avec mon menu, vous comprenez le coréen ?!

— Monsieur, je vais arranger tout ça, le coupa le jeune garçon, seul à oser le couper.

Jin le regarda et le dévisagea de la tête aux pieds, le mettant à nouveau mal à l'aise sans sans rendre compte.

— Je...j-je vais arranger tout ça, dit-il à nouveau, vous pouvez compter sur moi, je vais tout arranger, ne vous inquiétez pas.

— Des nappes noires, on est d'accord, insista-t-il.

— Oui, Monsieur.

— Très bien, je veux aussi que vous rajoutiez quelques fleurs là et aussi ici, sur la table d'honneur. Les boîtes cadeaux, ça arrive quand ?

— Elles sont déjà là Monsieur.

— Très bien, dispatcher-lez sur les tables, une fois qu'elles seront à nouveau dressées et...Oui, le buffet, je veux que vous rajoutiez une corne d'abondance ici, que des fruits exotiques, c'est une demande de Monsieur Manoban.

— Oui, monsieur.

Jin regarda ses employés et mordilla ses lèvres conscient que peut-être il y avait été un peu fort. Après tout, l'erreur était humaine et il n'y avait pas péril en la demeure. Ils semblaient tous terrorisés par la colère qu'il avait laissé exploser. Mais il était stressé, cette soirée était la soirée de l'année, il allait y avoir tout le gratin coréen et américain, il avait une image à tenir. Mais ce qui le perturbait au plus haut point c'était que Namjoon allait être là. Oui, l'homme qui hantait encore ses nuits et son coeur, allait être à cette soirée, alors qu'ils ne s'étaient pas revu depuis plus de cinq ans. Il était tellement heureux de le revoir, mais aussi très perturbé parce qu'il ne savait pas comment il allait survivre à ça. Alors depuis maintenant plus de trois jours, depuis son retour de chez Hoseok, il s'était acharné dans son travail, jour et nuit, afin de ne pas penser à lui.

Comment allait-il le saluer ? Devait-il lui serrer la main ? Devait-il lui faire la bise ? Devait-il juste le saluer ? Il était son ami, il avait été son meilleur ami, mais surtout il avait été son amant, le seul et unique homme qu'il n'ait jamais autant aimé. Alors comment ? Comment allait-il pouvoir le regarder et résister à son charisme ?

— Monsieur, le rappela à la réalité le jeune homme, alors que tout le monde le regardait, n'osant pas bouger d'un pouce.

— Oui, désolé, je crois que la fatigue me fait sortir de mes gonds, vous avez fait du bon travail, mais nous avons encore pas mal de choses à cadrer. Je compte sur vous pour que tout soit parfait et je sais que ça va l'être, j'ai confiance en vous.

Ils lui firent tous un petit signe de tête et se remirent très vite au travail. Jin n'avait pas encore bougé dans ses pensées.

— Monsieur, je...Je peux y aller, vous avez encore besoin de moi ?

— Non, ça va aller, merci pour votre réactivité, euh...Votre nom ?

— Lay, Monsieur.

— Lay, réfléchit Jin, j'ai déjà entendu ce prénom quelque part, oui. Il me semble avoir déjà connu un garçon avec ce prénom, c'est chinois c'est ça ?

— Oui, monsieur.

— Monsieur par ci, Monsieur par là. Arrête de m'appeler Monsieur, moi c'est Jin et tu sais, on peux se tutoyer.

— Je n'oserais pas.

— Je te permet d'oser et...

Il hésita.

— Oui, Mons...euh, Jin ?

Ce dernier le détailla à nouveau, trouvant que sa carrure lui faisait penser à lui, à Namjoon. Oui, il avait quelque chose qui lui rappelait cet homme qui le hantait.

— Lay, est-ce que tu serais d'accord pour aller boire un verre avec moi, un soir, après que tout ça soit terminé ? Enfin, je ne veux pas t'obliger, ce n'est pas parce que tu vas travailler pour moi que tu dois te sentir obligé d'accepter, dit-il presque un peu gêné de lui avoir proposé ça.

Le jeune homme sembla un peu surpris, sous le choc de cette proposition inattendue venant d'un homme comme Jin.

— Laisse tomber, excuse-moi, c'est déplacé, je...

— Non, le coupa le jeune homme qui semblait soudain plus sûr de lui, plus homme aussi. Enfin, je veux dire, oui. Oui, j'ai vraiment envie d'aller boire un verre avec toi un de ces soirs, Jin.

Ils se dévisagèrent sentant tous les deux que le courant était passé, presque même électrique et s' ils n'avaient pas été ici sur leur lieu de travail, alors peut-être que leur échange aurait pris une autre tournure. Mais soudain, au milieu de ce moment presque gênant, une sonnerie provenant de son téléphone personnel le ramena à la réalité. Il tira son téléphone de sa poche sous le regard toujours insistant du jeune homme et regarda son écran, où un message venait de s'afficher.

De : International Playboy.

T'es où ?

Aussitôt un sourire se dessina sur ses lèvres en voyant de qui provenait le message et avant de quitter les lieux, il releva la tête et s'adressa au jeune homme.

— Alors on en reparle plus tard, si tu veux bien, j'ai un rendez-vous important.

— Oui, je ne serai pas loin de toute façon.

Jin le salua et s'empressa d'aller chercher son ami, qui l'attendait non loin de là.

*****Assis dans cette même salle où il avait piqué une colère noire quelques minutes plus tôt, Jin et Jungkook buvaient un verre de cocktail, histoire de discuter un peu ensemble. Ils étaient restés très proches depuis toutes ces années et Jin passait beaucoup de temps avec son ami quand il venait à Beverly Hills pour gérer ses restaurants.

— Tu ne devrais pas boire d'alcool à cette heure, lui dit Jin.

— C'est pas si tôt que ça, c'est dix heures du matin, et puis j'ai passé une mauvaise nuit, j'ai besoin d'un remontant, lui dit Jungkook en buvant une gorgée.

— Ok, alors ma question est simple, comment tu te sens ?

— A part cette nuit, très bien, merci et toi ? fit-il semblant de ne pas comprendre.

— C'est pas de ça dont je parle.

Jungkook poussa un grand soupir et tâtonna les poches de son blouson en cuir, à la recherche de son paquet de cigarette. Il en sortit une, récupéra son briquet dans la poche de son jean et fit signe à Jin de sortir. Le plus vieux acquiesça et lui montra la grande baie vitrée. Ils marchèrent l'un à côté de l'autre, passant devant Lay, et le regard de Jin s'accrocha à ce dernier, sous les yeux un peu surpris de Jungkook, qui fronça les sourcils. Arrivé sur le balcon, Jungkook alluma sa cigarette et prit une grande bouffée de sa drogue.

— Tu devrais arrêter de fumer, lui dit Jin.

— Et toi tu devrais arrêter de mater les mecs qui sont le portrait craché de Nam.

Jin sourit.

— Il est plutôt beau, y'a pas de mal à s' faire du bien, mais là n'était pas le sujet, dis-moi juste pourquoi tu as passé une sale nuit, outre le fait que ta vipère t'ai encore sollicité, dit Jin en croisant les bras sur sa poitrine.

Jungkook prit une nouvelle bouffée et fixa un point à l'horizon.

— Je l'ai vu Jin, j'ai cru que c'était encore une vision, comme celles que j'ai si souvent eu, mais je l'ai vu, il était là devant moi, en chair et en os, plus beau que jamais.

— Jungkook, tu croyais quoi ? C'est le mannequin vedette de ton beau-père, même s'il travaille de moins en moins pour lui, c'était une évidence qu'il serait présent à cette passation, il doit beaucoup à Kavi et Kavi lui doit beaucoup aussi.

— Faut croire que ce foutu destin nous à poussé dans le même hôtel.

— C'est toi qui viens de le forcer le destin, mon pote. Et dire que tu détestais les dramas, rit Jin, pour détendre un peu l'atmosphère.

— J'adore les dramas, répondit Jungkook en le regardant avec un petit sourire.

Les deux amis éclatèrent de rire, de ce rire nerveux qui voulait tout dire. Quelque part ils vivaient la même chose, même si ce n'étais pas pour les même raisons. Parler de tout ça avec Jin était alors plus facile qu'avec Yoongi, et puis Jin avait une manière humoristique de voir les choses, ce qui lui faisait un bien fou. Pourtant, le plus vieux avait ses propres souffrances.

— Sérieux Jungkook, t'es sur que ça va ? Ça fait sept ans quand même et tu ne l'as jamais oublié. Pourquoi es-tu venu ici, si ce n'était pas pour lui tomber dessus ? Pourquoi tu fais celui qui est étonné de le voir, alors que...

— Je sais, le coupa Jungkook, et je m'y suis préparé avant de venir, même si j'ai longtemps réfléchi avant de me décider. Mais je savais très bien que je le reverrais ici j'te rappelle que c'est mon beau père, son patron...

— A quoi bon te torturer Jungkook, alors que vous avez tout fait pour vous éviter pendant sept ans.

— C'est lui qui à tout fait pour ne pas me croiser Jin, pas moi, j'ai juste respecté sa volonté, par respect pour lui. Je l'ai détesté au début, malgré moi, mais je l'ai détesté pour m'avoir laissé, même si j'essayais de me dire qu'il avait raison, que les choses ne pouvaient pas en être autrement.

— Je te comprends, dit Jin en regardant à son tour à l'horizon. Moi aussi j'ai détesté Namjoon d'avoir tout fait pour que je prenne la décision de le quitter.

— Il t'aimait trop, il t'aime encore d'ailleurs, lui dit Jungkook en le regardant.

— Ah, souffla-t-il, ennuyé. C'est du passé tout ça, on doit avancer, et puis il est heureux maintenant, il a retrouvé son amour d'enfance.

— C'était toi son amour d'enfance.

— Comme tu dis, amour d'enfance, mais aujourd'hui j'ai trente ans passé et comme toi, j'essaie d'avancer.

Ils restèrent sans parler quelques minutes, et Jungkook alluma une dernière cigarette.

— Tu sais Jin, je suis si fier de ce qu'il est devenu, il a réussi à s'imposer et à faire accepter son homosexualité, comme Yoongi et Jimin. Parfois je suis jaloux, j'aurai tellement aimé avoir son courage, mais je ne lui souhaite rien de mal, bien au contraire, j'espère juste qu'il est heureux et que celui qui m'a remplacé lui donne tout ce que je n'ai pas pu lui donner.

— Pourquoi tu ne dis jamais son prénom, il a été un de nos amis.

— Pas le mien, jamais, mais si il rend heureux Taehyung, alors c'est l'essentiel.

Jin regarda Jungkook et sentit de la fierté monté en lui. Son ami avait tellement évolué depuis un peu plus d'un an, il avait pris du recul et s'était enfin fait une raison. Fini les soirs où il l'appelait en pleure pour lui hurler sa peine.

— Bah putain, on dirait que t'es près à devenir papa toi !

Cette allusion lui redonna un peu de baume au cœur et il laissa même un petit rire s'échapper de ses lèvres.

— J'espère que quelqu'un t'écoute là-haut, Jin.

— C'est pas lui là-haut qui doit t'écouter, c'est plutôt Lisa, tu crois vraiment qu'elle en veut ?

— J'en sais rien, et puis franchement je m'en fou, elle et moi on a conclu un marché et pour ma part la seule chose que j'attends d'elle, c'est un enfant, elle me doit au moins ça.

Jin ne releva pas, il avait suffisamment abordé ce sujet avec lui et il ne voyait pas les choses sous cet angle, alors à quoi bon.

— Au fait, tu voulais voir les plans de table.

Ils retournèrent à l'intérieur et se positionnèrent devant l'ordinateur de Jin, pour regarder le positionnement des invités. Jungkook regarda d'abord l'ensemble, puis son regard s'arrêta sur les noms qui étaient inscrits à la grande table du père Manoban.

—Vraiment mec, t'es sérieux-là ?

— Je suis désolé, mais au départ tu n'étais pas censé être là et puis Kavi à insisté pour que Taehyung soit à sa table, je ne me voyais pas te mettre à une autre, et puis il aurait jamais laissé ça.

— Lisa est au courant ?

— C'est elle qui a validé le plan hier soir avant d'aller se coucher.

— Elle joue à quoi, dit-il en ayant une soudaine terrible envie de reprendre une cigarette.

Il souffla, se passa la langue contre la joue, signe qu'il était énervé et referma l'ordinateur.

— Ça va le faire, après tout tu es là pour le voir non ?

— Je dois partir Jin, j'ai un truc à faire, on se voit plus tard dans la soirée.

— Après le défilé, je ne pourrais pas y assister, je serai ici, pour attendre les invités pour le repas.

— Ok, alors courage, t'es le meilleur, tu vas assurer. et soit sage, dit-il en jetant un œil vers le jeune homme qui positionnait des nappes noires sur les tables.

Jungkook lui fit un clin d'œil, lui donna une petite tape sur l'épaule, et pris congé, non sans sourire au jeune garçon quand il lui passa devant.

*

Il retourna dans le hall de l'hôtel et s'avança jusqu'à la réception, où une jeune femme était positionnée concentrée sur son ordinateur.

— Excusez moi, dit-il en se courbant légèrement pour poser son coude sur le comptoir et appuyer son menton sur la paume de sa main.

La jeune femme releva la tête et sentit ses joues devenir rouge en tombant dans son regard perçant. Au loin, Taehyung sortit de l'ascenseur, vêtu d'un costume Chanel trois pièce rouge, le tout soutenu par un long manteau noir, qui ne passa imaperçu dans le grand hall. Il se passa une main dans les cheveux et tourna la tête, quand il aperçut dans son champ de vision  Jungkook, presque avachi sur le comptoire de la réception, vêtu de ce qui lui allait le mieux, à savoir un pantalon et un blouson de cuir noir. Il ne voyait que de dos, mais sa silhouette ne le laissa pas indifférent, lui rappelant à quel point le corps de Jungkook était une œuvre d'art. Presque dépité de son peu de volonté à s'empêcher de le détailler, il resta un instant presque paralysé. Ce corps, cette taille et ce profil, comment l'oublier ?

Soudain, le beau brun changea de position, colla un peu plus son corps au-dessus du comptoir et cette image lui renvoya à quel point Jungkook pouvait-être un séducteur. Il voyait bien, malgré la distance à quelle point la jeune femme était charmée, mais comment lui en vouloir, il était juste incroyablement beau et même s'il ne l'avait vue que quelques secondes devant cette ascenseur, il avait remarqué à quel point les années n'avaient fait que renforçer ce charme qui le catractérisait tant.

L'envie de s'approcher et de le toucher le prit aux trippes et il sentt même une petite jalousie monter en lui en voyant le peu de distance qu'il y avait entre lui et la jeune femme. De quel droit pouvait-il s'accorder ça, il était en couple et surtout, c'était lui qui l'avait quitté sept ans plus tôt. Il se décida à bouger, quand Jungkook se redressa, se dépêchant de sortir de l'hôtel pour éviter de lui tomber dessus, rejoignant la limousine qui l'attendait pour l'emmener au lieu du défilé, où il devait essayer ses vêtements et répéter. 

Jungkook se retourna et son regard dériva vers une silhouette qui lui sembla familière. Mais cette dernière fut bien trop rapide, pour qu'il puisse se rendre compte qu'il s'agissait de Taehyung. Il porta alors son regard sur son téléphone et prit l'appel.

— Salut Jena, tu as reçu le contrat que j'ai signé, je te l'ai envoyé ce matin très tôt.

Il fit un petit signe de tête à la réceptionniste et récupèra les clefs de la voiture qu'elle lui tendit. Le téléphone posé sur son oreille, il sortit sous les regards de quelques jeunes femmes, qui sans aucun doute le reconnurent ou le trouvèrent à son goût, au vu des visages qu'elles lui offrirent. Mais il ne s'en préoccupa pas un seul instant et descendit les marches du perron, pour s'engouffrer dans la sublime Lexus qui avait été ramenée pour lui. Au volant, il brancha son téléphone sur le carplay et géra ses affaires d'une main de maître, se dirigeant à vive allure en direction de l'aéroport, où Namjoon l'attendait. Arrivé devant, il reconnut immédiatement son ami, qui se tenait fier comme un soldat, les bras croisés et deux cadis de valises à ses côtés. Namjoon n'avait jamais voyagé léger, mais là c'était pire que tout. Aussi, quand Jungkook s'arrêta à sa hauteur et qu'il descendit de la voiture pour le saluer, il tiqua un peu.

— Putain Nam, on va mettre où toutes tes valises ?

— C'est pas moi qui me la joue crâneur avec ma Lexus et t'aurai pu te rappeler que je voyage jamais leger.

Jungkook regarda son ami, lui fit un grand sourire et l'attrapa pour le serrer dans ses bras.

— Heureux de te revoir Nam, tu m'as manqué mon pote.

— J'suis content aussi JK, dit-il avec son beau sourire à fossettes.

Après un échange plutôt fraternel, Jungkook aida tant bien que mal le grisonnant à caler ses valises dans l'habitacle de la voiture et ils partirent en direction d'un restaurant qu'ils fréquentaient quand ils étaient étudiants. Arrivée devant l'établissement, Jungkook se gara sur un petit parking et le cœur plein d'émotions entrèrent pour aller rejoindre Yoongi, qui les attendait déjà.

— Alors, t'es venue sans ta carotte pourrie ?

Alors qu'il s'avança pour étreindre son ami, Namjoon lui donna une petite tape dans l'épaule, non sans lancer un regard rieur à Jungkook. C'est vrai, ce vieux surnom qui ne désignait nul autre que Jisoo, avait longtemps été une blague entre eux lorsqu'ils étaient plus jeunes. Plus tard, lorsque Yoongi avait rejoint leurs rangs, Jungkook lui avait fait part de ces fameux surnoms qui les avaient longtemps fait rire.

— Arrête un peu avec ça mec, ça fait un bail.

— Tu sais bien que je rigole, j'ai rien contre ta copine moi, dit Yoongi en levant les mains en l'air.

— Et toi, t'es venu sans ton petit minou d'amour ?

Soudain, Yoongi se mit à rougir et envoya des éclairs à Jungkook, comprenant qu'il avait dû lui faire part de la façon dont il pouvait être niais face à Jimin. Mais au fond, Namjoon ne s'en moquait pas, il trouvait que la relation qu'ils entretenaient aujourd'hui était la plus belle de toutes.

— Ah les mecs, ça faisait si longtemps, souffla Jungkook en prenant place sur l'un des tabourets qui encerclaient leur petite table.

— C'est vrai, dire qu'on passait notre vie ici quand on était ado, dit Namjoon, l'air nostalgique.

Ce restaurant qui ne payait pas de mine avait toujours été comme QG pour les garçons, qui à l'époque, adorait y passer des moments simples, et puis il fallait dire que la viande n'y était pas cher et surtout, c'était un coin tranquille un peu perdu dans les ruelles de la capitale qui n'attirait pas grand monde, si ce n'était des habitués.

Après avoir pris leurs commandes, les trois hommes furent envoûtés par tous leurs souvenirs et se mirent à rire en se rappelant les bons moments de leur jeunesse, et ce, jusqu'à ce que Yoongi ne se décide à changer de sujet.

— Dis-moi Nam, c'est comment l'Italie ?

— Sincèrement, je crois en être tombé amoureux. C'est vrai que je bouge de tant en tant avec le boulot, en fonction des artistes qu'on rencontre et qui viennent d'un peu partout dans le monde, mais Jisoo à trouver un super appartement et puis que dire de leurs musées. Ah, aussi ! Je ne vous parlerais jamais assez de leur culture et de leur gastronomie, et leurs vins...

— C'est vrai que leurs vins sont vraiment du tonnerre, Jin m'en parle souvent et...

Soudain, Jungkook se tût, comprenant qu'il venait de faire une boulette. Il n'avait tout simplement pas réfléchi avant de parler, se laissant séduire par l'ambiance dans laquelle ils baignaient, et il se sentit tellement idiot d'avoir fait référence à son ami, qui n'était autre que l'ancien amant de Namjoon, et surtout...Que ces deux là s'aimaient encore, à leur façon.

— Merde mec, pardonne-moi, pardon, je suis désolé, je...

— C'est pas grave Jungkook, le coupa Namjoon avec un beau sourire qui dévoila ses fossettes qui s'étaient quelque peu creusées avec le temps. Je t'assure, ce n'est rien.

— Vraiment, je...

Yoongi lui ne disait rien, et se contentait de boire son verre de soju en silence, son regard valsant sur les visages de ses deux amis.

— Jungkook, je savais qu'il serait ici. C'est rien, dit-il encore une fois en haussant les épaules et en attrapant un bout de viande sur le barbecue avant de le poser dans son assiette.

— Pardonne-moi quand même, je sais que c'est un sujet sensible, je me souviens encore de toutes tes larmes et...

— Et alors ? J'ai grandi, comme tout le monde, non ?

Jungkook ne répondit pas, et regarda son ami avec compassion avant que celui-ci ne reprenne.

— C'est vrai que ça été très dur, mais avec le recul que j'ai aujourd'hui, j'ai envie de te dire que j'ai été l'une des principales raisons de notre rupture. Je n'étais plus moi-même et je me suis laissée emporter par mes sentiments trop fort, c'était presque devenue de l'obsession et puis quoi ? Je ne le rendais pas heureux et je ne l'étais pas non plus, je l'aimais et je l'aime encore, oui.

— Oui, mais...

— Mais quoi, JK ? On ne peut pas oublier le passé ni faire comme si rien ne s'était jamais passé. J'assume et j'accepte tout ce qui est arrivé, Jin a été le seul homme que j'ai aimé, j'ai appris à ses côtés et il faut aussi dire que tout autour de nous était...compliqué, tu crois pas ? Si la vie est une succession de leçons, alors je dirais que celle-ci a été la plus dure mais aussi la plus belle.

— Quel philosophe, lança Yoongi.

Sans rien ajouter, Namjoon lui sourit et leva son verre en sa direction avant de le boire cul sec.

— Je vois...souffla Jungkook, touché par ses mots, qui l'avait aussi renvoyé à ses propres démons. Je suis content d'entendre que ce sujet ne te tracasse plus autant.

— Ça arrive encore, mais je l'accepte plus facilement. Je le conçois d'une autre manière et même si ça fait cinq ans que nous ne nous sommes pas vus, j'ai suivi ses aventures et ça nous est arrivé de nous envoyer quelques nouvelles. Ça me convient très bien, crois-moi.

— Putain, j'arrive pas à me dire que c'est toi qui parle, se mit à rire Yoongi.

Loin de lui l'idée de se moquer, mais il avait eu l'impression en quelques secondes de s'être retrouvé à leur adolescence, et voilà que maintenant, ils étaient tous de véritables adultes.

— Tu crois pas si bien dire, j'ai vraiment hâte de voir tout le monde. Juste nous, un peu comme avant.

— Comme avant...répéta Jungkook, comme dans un murmure, un maigre sourire triste au bord des lèvres.

Namjoon comprit sa réaction et posa alors une main dans son dos, comme pour le réconforter.

— Ça fait sept ans, hm ?

— C'est long, sept ans...

— Je ne devrais peut-être pas te le dire, mais il a vraiment hésité à venir. Il ne m'a rien dit de particulier, mais je ne suis pas idiot. S'il a hésité, c'est parce qu'il savait que peut-être, tu serais là.

— Je ne devais pas venir.

— Mais tu es là, le coupa Namjoon.

— Oui...Ouais, je suis là. Va savoir pourquoi, enfin, en l'honneur de Kavi.

— Lui aussi, il me semble.

Jungkook ne répondit pas, ne sachant pas quoi dire, et préféra piquer dans son assiette tout en se remémorant les nouvelles images de Taehyung dans ses souvenirs.

— Tu as gardé contact avec l'alien ? demanda alors Yoongi, sans faire attention au regard désabusé de Jungkook, qui n'avait jamais supporté ce surnom.

— En quelque sorte, oui, dit le grisonnant en finissant sa bouchée. Jisoo a travaillé dans le domaine artistique de la mode avant de se lancer dans l'art, elle avait un lien assez minime avec lui et c'est comme ça qu'on s'est recroisé et puis la France, c'est pas si loin. Ca nous arrivait de discuter un peu, il m'a beaucoup supporté avec notre rupture avec Jin et c'est comme ça que notre lien s'est un peu plus affirmé. Il a beaucoup changé, il a toujours été un peu distant avec moi mais maintenant je dirais qu'il est comme ça avec un peu tout le monde, comme s'il se mettait des barrières. Il reste le Kim qu'on a connu mais je ne saurais pas vous dire quoi...Il a changé, il a grandi. Comme nous.

— Comme nous, répéta seulement Jungkook.

— Tu sais Jungkook, tu pourras jamais oublier. Je sais que c'est dur et j'en profite aussi pour m'excuser de ne pas avoir été le super meilleur pote que j'aurais dû être à ce moment-là, mais c'est la vie. On a chacun tracé nos chemins maintenant, et ce qui importe, c'est que tu sois heureux, dit Namjoon non sans peine, sachant à quel point son ami souffrait chaque jour. Ce défilé c'est un peu comme un moment hors du temps, ça vient puis ça repartira dès que tu mettras le pied en dehors du pays. Je te comprends et je te supporte à fond, alors...Juste, fais ce que tu as à faire, fais-le selon ton cœur, et c'est tout.

Après cette tirade, les deux amis partagèrent un regard lourd de sens, et comme pour le remercier, Jungkook le prit dans ses bras puis ils retrouvèrent vite le sourire. Heureusement, ses amis étaient toujours là.

— Vous faites vraiment flipper, grimaça Yoongi derrière son verre.

— C'est toi qui dois venir d'une autre planète, lui lança Namjoon, moqueur.

— J'affirme, dit Jungkook.

— Ha-ha, on se tape des barres, génial. Bon, finissez vos assiettes pour qu'on puisse se barrer d'ici.

— Oui Abeoji, firent Jungkook et Namjoon en cœur, jouant avec leurs baguettes comme des gamins.

— Riez tant que vous le pouvez, vous aurez tout le temps de vous foutre de ma gueule quand on rejoindra les enfants.

— Tu crois que je devrais appeler Jimin "Eomma" ? dit Jungkook en passant la langue sur ses lèvres, tout en riant.

— A part si tu veux finir castrer, carrément.

— JK, je te jure sur ma tête que si tu le fais, je m'avoue vaincu sur le nombre de conquêtes.

— Vraiment ? demanda Jungkook en rigolant. Ok, pari tenu, allons voir minou d'amour, ça fait longtemps.

— Oh mais ta gueule Jeon, grogna Yoongi, jouant le vexé.

— Ah ! dit Namjoon en levant un doigt, pas de gros mots à table Appa ! Sinon, pas de dessert !

C'est ainsi, dans la joie et la bonne humeur que les trois amis finirent leurs repas, avant de se mettre en route vers l'hôtel où les attendait Jimin et les enfants, en compagnie de Kim et Hoseok.

Bientôt, ils seraient de nouveau tous réunis dans la même pièce, pour un court laps de temps, qui les marquera à jamais. Néanmoins, Jungkook appréhendait les heures, les minutes et les secondes, comme si à la fin, une bombe finirait par exploser.

Oui, il redoutait ce putain de défilé.

Il redoutait cette soirée.

Car il savait déjà, quelque part, que quoi qu'il advienne, ces retrouvailles auraient un goût faussement amer, et le plongeraient à nouveau, peut-être (il en avait peur) dans un tourbillon d'émotions qui, il le savait, le briserait à nouveau.