Chapitre 48
Christmas tree - Kim Taehyung
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Lorsque j'étais sorti de l'agence, la neige tombait encore. Elle n'avait pas cessé de tomber, depuis la dernière fois que j'avais pu jeter un coup d'œil par la fenêtre, juste après avoir terminé ma séance photo avec l'égérie de l'agence, pour ne pas citer son nom. Il était tard, peut-être bientôt minuit, et pourtant, malgré la longue journée de cours sans oublier d'y ajouter mes longues heures de travail, je ne m'étais pas senti fatigué.
Peut-être que la bonne humeur et le professionnalisme de Jon y étaient pour quelque chose. Heureusement qu'il était là, grâce à lui, j'arrivais presque à oublier sa présence à mes côtés.
Quelques légers flocons étaient tombés sur mes yeux quand j'avais lever la tête au ciel, et comme un pauvre idiot heureux, je m'étais mis à sourire, les paupières closes. Il fallait dire que l'hiver était une saison qui collait parfaitement à mon personnage. Je l'aimais bien, parce qu'elle nous offrait des journées assez courtes et des températures à se geler sur les trottoirs. Mais ce que peu de gens oubliaient, était aussi que la saison hivernale nous offrait de longues nuits au caractère éternel.
Les nuits, mes nuits, nos nuits...
Je crois que c'était ce que j'aimais le plus, sans parler du fait que c'était une saison qui se mariait aussi bien à ma peau qu'à mon état d'esprit. Je m'étais même mis à sourire d'ailleurs, lorsque le souvenir de Jungkook me comparant à un petit ourson "tout mignon" avait refait surface dans ma mémoire.
Je ne pus réellement me souvenir de la date exacte de cette ancienne journée d'hiver, mais il me semble que nous étions au collège et qu'il avait attendu plus d'une heure avec moi à la sortie des cours, alors que j'attendais mon bus pour rentrer à la maison. Je lui avais maintes et maintes fois répété que je ne craignais rien, mais il avait insisté en disant que "de toute façon, qu'est-ce qu'un petit ourson tout mignon comme toi pourrait faire s'il se faisait attaquer ?".
J'étais si peu virile que ça ?
Une nouvelle fois, je m'étais mis à sourire.
C'était fou, comme la moindre petite chose, le moindre petit détail pouvait me ramener à lui. A vrai dire, j'étais conscient que cela arrivait souvent, et pour dire toute la vérité, cela avait toujours été comme ça.
Un mot et je pensais à lui, un battement de cils et je pensais à lui, une musique et je pensais à lui, une odeur, un bruit, une image...
Tout, absolument tout me ramenait à Jungkook.
Le diable de mon âme...
Parfois, je m'imaginais vivre dans un monde où je ne l'aurai pas connu, alors je me demandais quel genre d'homme je serais devenu ?
Reprenant mes esprits, je riais une dernière fois en soufflant des narines, pour me débarrasser du peu de neige que j'avais encore sur le bout du nez, puis je m'étais mis à marcher en direction de mon arrêt de bus.
Dehors, il devait faire moins six degrés, et malgré ce temps de chien, malgré la neige qui ne cessait de tomber de plus en plus fort, j'étais le seul garçon de la rue à me balader avec un sourire collé aux lèvres. L'hiver perdurait depuis la mi-novembre et bien que nous soyons mi-février passé, la neige ne cessait de tomber.
Oui, j'aimais vraiment la neige, surtout quand je la regardais tomber par la fenêtre de ma chambre, installée au creux des bras de Jungkook, après que nous ayons fait l'amour. Alors je fermais les yeux et je repensais à cette citation sur laquelle j'étais tombé et qui m'avait fait penser à lui, à nous.
"L'amour est comme un flocon de neige qui se laisse tomber sur ta peau, au début c'est froid, puis ça devient brûlant et à la fin ça fait mal..."
Ça fait toujours mal de te quitter au petit matin. Ça fait toujours mal quand tu me quittes pour retrouver ses bras à elle, même si je sais que tu souffres autant que moi. Mais tu sembles si fort face à cette situation que ça me fait peur, j'ai peur de ne plus l'être un jour...
En marchant, j'avais quand même fini par me dire que la fatigue était bel et bien présente, j'avais bailler au moins cinq fois en dix minutes, la journée de cours avait été éprouvante, sans compter que j'avais eu l'immense plaisir de côtoyer Lisa tout au long de mes shootings. Pourtant, malgré toute la haine que je pouvais lui porter, j'avais miraculeusement réussi à laisser couler. Peut-être était ce à cause...non, grâce à Jungkook.
Notre petite discussion, dans la remise, si l'on pouvait l'appeler comme ça, m'avait redonner toute la force nécessaire pour finir la journée, et même si Lisa avait été à moins d'un mètre de moi, cette pensée constante m'avait hanté : ce n'était pas elle que Jungkook avait appelé, ce n'était pas elle qui lui avait manqué au point de lui faire faire ces...choses.
Toutes ces choses, dont il était le seul à pouvoir me faire réaliser.
Le simple fait de repenser à ce qu'il avait réussi à me faire faire me fit rougir, alors j'avais simplement accéléré le pas, me sentant presque étourdi par la chaleur qui avait soudainement envahi mon corps tout entier.
Il le voulait, il avait besoin de son contact physique...ça en devenait complètement dingue.
Arrivé à mon arrêt de bus, je ne fus pas surpris de ne pas croiser grand monde. Après tout, il était tard, et il faisait nuit noire. A l'abri, je levais d'abord les yeux au ciel, fixant la lune quelques instants, avant de me concentrer sur deux amis que je vis passer au loin.
Ils devaient être jeunes, peut-être âgés d'une quinzaine d'années si ce n'était plus. Les voir sourire et courir sous la neige pour atteindre je ne sais quel but me rendit presque nostalgique. Durant un court instant, je vis en eux la douce image de Jungkook et moi, presque au même âge.
Je ne les connaissais pas, je savais que je ne les reverrais peut-être même jamais, mais la nostalgie se transforma bien vite en un sentiment agréable, que j'accueillais avec satisfaction.
J'avais dû attendre une bonne vingtaine de minutes, avant que mon bus ne pointe le bout de son nez. Pour une ville qui ne dormait jamais, c'est ce que disaient les étrangers, j'avais presque hésiter à en rire, avant de monter et de saluer poliment le chauffeur avant de prendre place tout au fond du bus.
Il ne mit que très peu de temps à démarrer, et bercé par le calme qui y régnait, je laissais tomber mon front contre la vitre, mes yeux valsant entre les différentes rues et les différents trottoirs qui se présentaient à moi.
J'avais un peu de trajet pour atteindre mon quartier, Gangnam était un peu excentré par rapport à là où j'habitais, mais j'allais devoir m'y faire, puisque que maintenant je faisais partie de l'agence.
Kavi ne s'était pas trompé, en moins d'un mois, j'étais devenu celui que de nombreuses marques souhaitaient avoir pour représenter leurs vêtements, bijoux, sacs ou encore toutes sortes d'objets. Je ne comprenais vraiment pas cet engouement qu'elles avaient, même si je l'avoue, Jon me rendait assez beau au travers de son objectif. J'étais malgré moi, rentré dans un cercle vicieux, parce que l'argent coulait à flot et je n'avais alors plus une seule minute à moi, entre les répétitions avec le groupe, les cours, les visites à ma grand-mère, le soutient de Jaebum qui prenait conscience chaque jour de la maladie de sa mère, des sorties avec Jimin et Hoseok, mais surtout des nuits tout aussi mouvementées auprès de Jungkook.
Jungkook, inépuisable amant de mes nuits...
Machinalement, je m'étais mis à jouer avec le bracelet qui ornait mon poignet, et que je n'avais pas quitté depuis que Jungkook me l'avait offert. Même les yeux fermés, je pouvais l'imaginer à la perfection, sentant chaque petite boules passer sous la paume de mes doigts, et parfois, je me croyais fou lorsque j'imaginais que la seule colorée de toute laissait émaner d'elle un chaleur réconfortante. J'avais pensé...
J'aimais à penser que c'était Jungkook, qui à travers ce simple bijou, cette simple petite bille, m'envoyait un peu de confort, quand j'en ressentais le besoin.
A cette pensée, ma main glissa ensuite vers mon cou, autour duquel régnait le pendentif qu'il m'avait offert à mon anniversaire. Cela aurait été mentir que de dire que je ne l'aimais pas encore plus, si on ajoutait sa signification. Quelque part, je savais qu'à travers ce cadeau, Jungkook avait fait parler son cœur. Bien qu'il ne me le dise pas de vive voix, bien que je l'attendais encore désespérément, je le savais.
J'avais compris, que ce collier avait été sa façon de me dire qu'il m'aimait.
Au diable ceux ou celles qui pouvaient penser que je me faisais des illusions, j'aimais m'y accrocher dur comme fer lorsque je le tenais entre mes doigts, car c'était un moyen comme un autre de me sentir aimé en retour.
Et puis, il n'y avait pas eu que ça.
Après un virage, je soulevais mon sac et en sortais sans aucune difficulté un petit carnet, dont Jungkook m'avait également fait cadeau le soir de mon anniversaire. Cela aurait pu sembler être un carnet, tout ce qu'il y a de plus banal pour n'importe qui, mais pour moi, ces fichus bouts de papier collés les uns avec les autres était encore une preuve.
Une preuve de son...
Une preuve qu'il y avait un nous, quelque part.
Depuis, j'aimais le trimballer un peu partout avec moi, pensant que tous ces souvenirs et ces dessins pourraient voyager partout où j'allais. De cette manière, j'aimais imaginer que l'on pouvait vivre et sentir le bonheur quelque soit le temps, ou les choses qui nous séparaient.
En y repensant, je me suis mis à rire dans ma barbe.
J'avais toujours été bien plus mielleux et fleur bleue que Jungkook. J'avais toujours été le plus sensible, le plus romantique et pourtant, il m'avait tellement surpris lorsque j'avais découvert les secrets de ce carnet.
Qui l'aurait cru, pas vrai ?
Feuilletant quelques pages, je m'étais plongé dans une vague de souvenirs, jusqu'à ce que l'un d'entre eux n'attire un peu plus mon attention. Je le lu d'abord une première fois, jusqu'à ce que cela ne me fasse penser à une chanson que j'avais écrite, il y a peu.
Même avec mon emploi du temps chargé et ma vie trépidante, on ne dira pas grâce ou à cause de qui, je prenais encore le temps et le plaisir d'écrire et de mettre en mots, puis en chanson, ce qui me passait par la tête. Et un soir, un seul, une petite mélodie était née.
Je l'avais rapidement enregistrée sur mon téléphone, rien que dans mes notes vocales, avec un fond instrumental quelque peu bancal qui m'avait étrangement plu.
Enfonçant les écouteurs dans mes oreilles, et après avoir jeté un énième coup d'œil à la neige qui tombait encore à travers les vitres gelées du bus, je me plongeais à nouveau dans la lecture de cette page, bercé par ma propre voix.
In this moment, I see you
(A cet instant, je te vois)
It always comes around as I believed
(Cela revient toujours comme je le pensais)
Je crois que j'avais imaginée cette chanson en pensant à la neige, en pensant à l'hiver. Quelque part, elle représentait aussi un moment figé dans le temps, comme la glace fige tout et n'importe quoi sur son passage, comme les souvenirs pouvaient se geler dans nos crânes.
Lorsque je l'avais écrite, comme à cet instant où je l'écoutais, c'était à Jungkook que j'avais pensé. Comme souvent, certainement. Mais quand bien même, elle était à mon cœur ce qu'était la chaleur de ces bijoux était à ma peau.
Les yeux clos, le front collé à la fenêtre, je pouvais facilement le voir, comme s'il était droit devant moi. Ce n'était pas l'image du Jungkook d'aujourd'hui qui m'était revenu, mais plutôt celle du Jungkook de mes souvenirs, lorsque nous étions en dernière année au collège.
When the rain stops you shine on me
(Quand la pluie s'arrête, tu m'illumines)
Your light's the only thing that keeps the cold out
(Ta lumière est la seule chose qui empêche le froid de rentrer)
Comme par une magie qui m'était encore inconnue, et que parfois j'aimais appeler nostalgie, je me mis à me souvenir d'un jour d'hiver en particulier.
Ce jour-là, nous étions allés en cours toute la journée. Cela avait été long, après tout, quel adolescent ne trouvait pas la vie difficile et ennuyante à cet âge là ?
Je m'étais mis à sourire.
A la fin des cours, la nuit était tombée plus vite que nous l'avions imaginé, et j'avais promis à Jungkook de ne pas rentrer tout de suite. D'après ses dires, il avait absolument quelque chose à me montrer, et il avait juré que j'allais aimé. Alors je l'avais rejoint, quelque peu frigorifié dans mon gros manteau gris foncé, les mains enfoncé dans mes poches. Il s'était moqué de moi, m'appelant une nouvelle fois "petit ours".
Nous avions filer, et même avec toutes les plaintes du monde, Jungkook avait tenu à ce qu'on fasse le chemin à pied. Je ne savais même pas où il voulait m'emmener à l'époque, mais comme aujourd'hui, je l'aurais suivi jusqu'au bout du monde.
Je n'en avais pas encore idée à l'époque, mais je l'aimais déjà, tellement.
Tellement plus que ce que j'imaginais.
Il avait plu toute l'après-midi ce jour-là, et j'avais fait des pieds et des mains à mon meilleur ami pour avoir eu l'idée incroyable de sortir avec des températures pareilles, un vendredi soir. Par je ne sais quel miracle, la pluie avait cessé de tomber peu de temps après notre départ. Sur le moment, j'avais même regarder Jungkook avec les yeux froncés, me disant que peut-être, il aurait réussi à commander le ciel pour m'attirer dans son plan foireux.
Car c'était ça, Jungkook.
Des plans foireux, mais toujours formidables, en fin de compte.
Moon in the summer night
(La lune la nuit en été)
Whispering of the stars
(Chuchotement des étoiles)
They're singing like Christmas trees for us
(Elles chantent comme des sapins de Noel pour nous)
Je m'étais fait la réflexion ce jour-là, que n'importe où Jungkook m'amenait, je le suivais toujours comme s'il était ma seule lumière dans la brume ou dans l'ombre.
Encore aujourd'hui, je trouvais cette réflexion assez juste, et j'aimais à penser qu'elle était belle, comme le grand romantique que j'étais.
C'était l'hiver, l'été était encore loin, les étoiles n'avaient pas encore pointé le bout de leur nez scintillant, et pourtant, ma lumière me guidait dans le noir.
Je crois que j'aimais l'hiver, aussi pour les fêtes qu'il nous apportait. Et à mes yeux, Jungkook était comme ce beau sapin de Noël que toute les familles aimaient décoré avec amour avant le jour-j.
Il était ma lumière, mais aussi mon espoir, à ce moment-là.
Nous avions marché je ne sais plus combien de temps, avant de finir dans un petit square vide de toute présence. Jungkook m'avait alors demandé de l'attendre un instant et je l'avais vu courir jusqu'à une petite supérette du coin, avant de revenir avec les mains remplis de paquet de bonbons différents. Cela dit, tous étaient mes favoris.
Sans me poser plus de questions, je l'avais accueilli avec un énorme sourire puis nous nous étions assis un instant, avant de finir par jouer comme des gamins de quatre ans dans les attractions qui ne supportaient certainement plus notre poids, ni notre gabarit de jeunes hommes en pleine croissance.
Nous avions parlé de tout, comme de rien, passant par quelques blagues sur certains de nos profs, où encore nos pensées profondes sur les derniers jeux vidéos en date. Nous ne nous étions jamais mis d'accord, mais une fois encore, cela était le propre de notre lien si fort et pourtant si flou.
Parfois, je le laissais même déblatérer durant des minutes entières, profitant de son investissement pour me convaincre afin de l'observer.
Il était si incroyablement beau...
Jungkook, même à cet âge, était vraiment un beau garçon. Il avait peut-être une peau moins entretenue que la mienne, il n'en était pas moins que sa mâchoire commençait peu à peu à se former. Son sourire était imparfait, mais extrêmement réconfortant.
Cette même mâchoire que j'aimais parcourir avec mes lèvres, lors de nos ébats...
Lorsqu'il riait, je riais aussi, quand bien même je ne suivais même plus ce qu'il disait. Parfois même, il me regardait et fronçait les yeux, comme s'il comprenait, comme s'il voyait que j'étais fasciné. Puis, il secouait la tête et repartait dans ces délires.
Dans la réalité qui était la mienne aujourd'hui, je resserrais le petit carnet entre mes mains, ressentant bien plus vivement ce que j'avais ressenti, ce soir-là.
Je n'y avais pas réellement fait attention à l'époque, mais je crois que...
Je crois que j'avais ressenti ce besoin, lorsqu'il avait soudainement levé les yeux au ciel, s'arrêtant net dans son discours interminable.
So I'll tell you
(Alors je te raconterai)
A Million tiny things that
(Un million de petites choses)
You have never known
(Que tu n'as jamais sues)
It all gets tangled up inside
(Tout s'emmêle à l'intérieur)
Les yeux rivés sur son visage, les secondes s'étaient écoulées au ralenti, et à cet instant, un tas de choses m'avaient traversé l'esprit.
Je n'avais pas su mettre de mots dessus, encore aujourd'hui, je doutais pouvoir y arriver, et pourtant...
J'avais eu cette effroyable envie de lui dire un million de choses incompréhensible, ou peut-être pas. J'avais eu envie de lui dire "stop" pour qu'il se taise, afin de lui dire...de lui expliquer que j'avais voulu parler.
J'avais ressenti le besoin de dire qu'il avait beau être mon meilleur ami...qu'il y avait tant de choses dont il n'avait même pas idée. J'avais voulu qu'il sache, qu'il devine dans mon regard tout ce qu'il représentait pour moi.
Comme si mes yeux auraient pu parler à la place de ma langue.
J'avais égoïstement voulu que la parole ne soit plus rien, afin que les yeux soient les seuls maîtres de toutes ces pensées qui m'avaient envahie, au point de me donner envie de crier...de lui hurler dessus, afin qu'il comprenne.
Et puis, sans même que je ne lui demande, il avait baissé la tête, puis les yeux, les plongeant dans les miens avec ce grand sourire d'idiot sur les lèvres.
And I'll tell you
(Et je te raconterais)
A Million little reasons
(Un million de petites raisons)
I'm falling for your eyes
(Pour lesquelles je succombe à ton regard)
I just want to be where you are
(Je veux juste être là où tu te trouves)
A ce moment-là, j'avais pensé qu'il m'avait entendu, qu'il avait réussi à lire en moi sans même que je n'ai besoin de le faire.
Nous nous étions fixés avec insistance, sans raison particulière, et c'est à cet instant que tout devint plus clair dans mon esprit. Autant dans mes souvenirs, qu'aujourd'hui dans ce bus.
Je l'aimais, je l'avais toujours aimé depuis ce premier jour. J'aimais mon meilleur ami d'un amour inconditionnel.
J'avais voulu lui raconter à quel point, toutes ces choses qu'il ne savait pas, étaient aussi les raisons pour lesquelles j'aimais tant ses deux petites billes noires qui lui faisaient office d'iris. Elles étaient la raison pour laquelle je succombais toujours, quand bien même Jungkook pouvait être l'être le plus exécrable de la terre entière.
A chaque fois que je le voyais, à chaque fois que nos regards se croisaient, je retrouvais la mémoire. Je pouvais me sentir triste, fatigué, démuni, mais lorsque nous ne faisions plus qu'un, je savais à nouveau.
Je savais que je voulais être là où il était, et pour toujours.
Et tant que cela arriverait, tant que cela nous serait accordé, alors je serais heureux.
Il me suffisait de l'avoir auprès de moi.
J'avais eu envie de lui dire toutes ces choses, j'avais eu envie de lui dire que je l'aimais, mais pas comme lui disait souvent aujourd'hui, après l'amour, où après un orgasme, non. J'avais eu envie de lui dire que je l'aimais tellement et que tout ce qui le peinait me peinait, que tout ce qui le touchait, me touchait aussi. Oui, j'avais eu envie de lui dire que je l'aimais comme je respirais et Dieu sait qu'on ne peut vivre sans respirer. J'avais eu envie de lui dire que je ne vivais que par lui et pour lui, que je tenais plus à lui qu'à moi, que je l'aimais plus que moi, plus que ma propre vie.
Oui, j'avais eu envie de lui dire tout ça avec mon insouciance de l'époque...
Je me souvenais alors que Jungkook avait dû m'appeler plusieurs fois, avant que je ne revienne à moi. Et lorsque j'avais repris mes esprits, un flocon de neige s'était déposé sur le bout de mon nez.
Avec mes longs cheveux noirs et bouclés (surtout dû à la fabuleuse idée de Jungkook de me laisser succomber à une permanente), enfoui dans mon long manteau gris foncé, j'avais dû ressembler à un drôle de dessin, car encore une fois, mon meilleur ami m'avait regardé en souriant. Pas en riant, mais en souriant.
J'avais trouvé ça étrange, jusqu'à ce qu'il n'utilise une nouvelle fois ce nouveau surnom dont il devait être fier.
Je ne l'avais pas compris, puis la neige avait fini par tomber de plus en plus, alors comme dans un geste bienveillant, Jungkook avait rabaissé ma capuche sur ma tête, avant de s'occuper de la sienne. Il m'avait regardé, comme s'il me découvrait pour la première fois et je n'avais pas vraiment compris, rougissant comme un imbécile. Puis, nos mains liées par nos cicatrices s'étaient jointes automatiquement entre elles, et nous nous étions mis à courir pour rejoindre l'arrêt de bus le plus proche.
It's such a strange thing to do
(C'est une chose si étrange à faire)
Sometimes I don't understand you
(Parfois je ne te comprends pas)
But It always brings me back
(Mais cela me ramène toujours)
To where you are
(A l'endroit où tu te trouves)
Ouvrant de nouveau les yeux, je ne me sentis presque dans le brouillard, avant que le bus ne freine brusquement.
J'avais rattrapé le carnet juste avant qu'il ne glisse de mes mains, à cette même page où il m'avait dessiné ce fameux jour où il m'avait regardé avec ce regard que je ne lui avais jamais connu, je l'avais alors vite rangé dans mon sac, sans jamais quitter mon sourire.
Une vieille femme m'avait regardé en me souriant à son tour, comme si elle comprenait l'importance que ce carnet avait pour moi. Je lui avait rendu son sourire et m'étais recalé sur mon siège, le cœur léger.
Oui, je crois bien que même des années plus tard, ce que j'avais ressenti ce jour-là me hantait encore. Il arrivait encore, pour ne pas dire souvent, que je n'arrive pas à saisir les paroles et les actions de celui que j'avais longtemps caché sous le rôle de "meilleur ami".
Aujourd'hui, je comprenais enfin qu'il était bien plus que ça.
Notre lien n'avait peut-être pas de signification réelle, peut-être n'avions nous pas encore évalué l'importance de ce que nous ressentions l'un pour l'autre, mais malgré tout ça...malgré tout, quelque chose me disait que je devais m'y accrocher.
Car depuis toujours, mon cœur me ramenait toujours là où il se trouvait.
Nos chemins ne faisaient que se retrouver pour mieux se perdre, mais même dans le brouillard, même dans la tornade, même dans la tempête, nous nous retrouvions toujours.
Hoksi ani
(Par hasard, savais-tu)
Neoegen naman aneun moseubi isseo
(Qu'il y a cette face cachée en toi que moi seul connais)
Hanyeoreumbam oneun cheonnungachi
(Comme la première neige tombée une nuit d'été)
Jungkook n'était pas le meilleur être du monde, il n'était pas parfait. A mes yeux, il lui arrivait même d'être le pire de tous, car après tout, Sartre l'avait dit lui-même, "l'Enfer, c'est les autres".
Mais je me fichais totalement de savoir ce que les autres pouvaient penser savoir de Jungkook, tandis que moi, je le connaissais mieux que personne. Il était le feu, et j'étais l'eau. A contrario, il pouvait être l'ombre, comme la lumière. Nos rôles s'interchangeait au gré du temps et des saisons, et nous nous étions toujours aimés ainsi.
Deux êtres, condamnés à s'aimer, tout droit sortis des enfers, deux amants maudits, c'était ça notre destin...peut-être ?
Si mauvais et si bon à la fois...
Son image n'était rien d'autre que ce qu'il s'efforçait à entretenir pour plaire à celles et ceux qui construisaient son malheur, tandis que moi, j'avais connu le véritable Jungkook. Celui qui savait être aimant, taquin, peureux, effrayé, triste et perdu. Je l'avais toujours aimé, sous toutes ses facettes. Même s'il était capricieux, autoritaire et froid, même s'il détestait montrer cette partie de lui, celle que moi j'aimais plus que tout.
Même cette nuit-là, où tout avait basculé.
Et peut-être qu'aujourd'hui, je comprenais aussi que c'était la raison pour laquelle je me sentais si puissant en sa présence. Car j'étais le seul qui le connaissait vraiment. Peut-être était-ce aussi pour cette raison, que quand bien même il me faisait du mal, je ne le quittais jamais.
Il n'était pas parfait, loin de là, mais il savait être surprenant et plein de bonnes volontés.
Oui, j'aimais sa parfaite imperfection.
Lorsque le bus s'arrêta à mon arrêt, je rangeais mes dernières affaires sans jamais quitter ces écouteurs qui me berçaient encore de leur musique, frôlant de nouveau le béton.
Je fis les quelques pas qui me séparaient encore de chez moi, sans pour autant me dépêcher. Jimin devait déjà m'attendre, s'il n'était pas encore arrivé. A vrai dire, je n'avais même pas jeté un œil à mon téléphone durant le trajet, bien trop perdu dans tous ces souvenirs et ces réflexions, qui m'avaient autant chamboulée que bercée par leur douceur et leur nostalgie.
Aujourd'hui encore, la neige tomberait et finirait son chemin sur le béton sans âme, tout autant que j'avançais au jour le jour sans même connaître la suite de l'aventure.
Parce que quoi qu'il arrive, il y aurait une suite, bonne ou mauvaise, il y aurait une suite à notre relation, il ne pouvait en être autrement. Peut-être qu'un jour, l'un de nous deux ouvrirait les yeux et comprendrait ce qu'il fallait faire, peut-être même que cet visite chez son père biologique où il m'avait demandé de l'accompagner pour je ne sais quelle raison, nous permettrait de comprendre certaines choses, de nous ouvrir les yeux sur notre...relation ?
Peut-être...
Ces deux mots faisaient tellement partie de notre histoire, finalement.
Si parfois...souvent, j'en étais effrayé, ce soir, je me sentais étrangement serein.
Je savais que Jungkook serait là le lendemain, qu'il ne disparaîtrait pas.
Peut-être le ferait-il un jour, mais pas demain.
Pas ce soir.
Mitgiji anneun gijeok gateun nollaun sungan, neon
(Tu es un miracle inimaginable, un moment de surprise)
Eonjenga tto
(Et si un jour)
Bureoon barame
(Encore une fois)
Maeumi naradanyeodo
(Ton cœur s'envole au gré du vent)
Gidarilge
(Je t'attendrais)
Quoi qu'il arrive, je l'attendrai.
C'est la dernière chose à laquelle je me rattachais avant de passer la porte de mon appartement, prêt à retrouver mon ami et abandonner Jungkook et ses souvenirs le temps d'une soirée.
But It always brings me back
(Mais cela me ramène toujours)
To where you are
(A l'endroit où tu te trouves)
N'ayez pas peur d'aimer: aimez de tout votre cœur, mais n'attendez pas tout de l'autre. Il n'est que ce qu'il est, si vous voulez qu'il soit tout, il ne sera plus rien. N'ayez pas peur d'aimer jusqu'à la souffrance.
Alors Jungkook, oui, je n'ai pas peur de t'aimer.
Non, je n'ai pas peur et je t'aime si fort que je serai capable de t'aimer pour deux...
Pendant combien de temps, je ne sais pas, mais je vais tout faire pour que ce soit à l'infini.
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