Chapitre 32
« Quand je te vois sourire à l'écran, tu es bon en tout. Tu es juste parfait, j'ai l'impression que je n'ai jamais été toi. »
Decalcomania - Jeon Jungkook (nda : je pense que vous saurez très vite quand il faudra lancer la musique. Je vous conseille de la suivre durant votre lecture~)
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Assis devant mon piano à queue qui se tenait devant la grande baie vitrée de mon salon, je jouais quelques notes, sans grande conviction, de ma dernière composition. J'étais épuisé, tant moralement que physiquement et les quelques jours que j'avais passé à l'hôpital m'avaient fait prendre conscience de ma misérable vie.
Oui, vous vous dîtes sûrement "pauvre petit garçon riche".
J'étais rentré dans un sale état chez moi, après avoir quitté Taehyung, après qu'il m'ai littéralement foutu à la porte de chez lui, et il avait eu raison de le faire. J'avais été si monstrueux, si malhonnête avec lui. Lorsque le portail s'était ouvert, j'avais fait les quelques mètres qui me séparaient des garages et je m'étais littéralement écroulé de ma moto, entendant vaguement les hurlements de Su-ri, qui devait surveiller mon arrivée. Je m'étais réveillé deux jours plus tard dans une chambre d'hôpital sous les yeux ahuris et rempli d'inquiétude de mes trois amis et de celle que j'appelais Eomma.
— Mais qu'est-ce que je fous là ?
— Mon Dieu, mon lapin tu m'as fait une de ses peurs, quand je t'ai vue comme ça le visage tuméfié, presque défiguré et que tu t'es écroulé, j'ai cru que j'allais mourir !
— Su-ri, je t'ai déjà dit de pas m'appeler comme ça...
Je tentais de me tourner dans mon lit, lâchant un soupir de douleur.
— Ne bouge pas comme ça, tu as quelques côtes fêlées et une plaie ouverte à l'arcade sourcilière, sans compter le nombre d'hématomes sur l'ensemble de ton corps, me dit-elle en m'approchant de moi pour m'aider à me relever.
— Putain, ils m'ont pas ratés ces enfoirés...
— Taeyong et quelques-uns d'entre eux ont bien ramassé aussi à ce que j'ai pu voir, lança Yoongi, ironiquement. Tu les as pas loupé non plus mon pote.
— Je vais m'occuper d'eux dès que je serai sur pied, crois-moi y vont pas s'en sortir comme ça.
Je tournais la tête et tombais dans les regards un peu gênés de Namjoon et Jin qui se tenaient à une distance assez éloigné l'un de l'autre, comme s' ils se connaissaient à peine.
— Et ben les gars, tirés pas cette tête, j'suis pas mort.
— Je suis désolé Kook, j'aurai jamais dû te laisser seul avec eux, putain si il t'était arrivé quelque chose je...je...
— Il lui est arrivé quelque chose Namjoon, s'énerva Jin.
J'avais été surpris par la façon et le ton avec lequel il s'était adressé à lui et par le fait qu'il l'ai appelé par l'entièreté de son prénom, il ne l'avait jamais fait, à aucun moment de notre petite vie, jamais.
— Oui Jin, et je suis vraiment désolé, vraiment, répondit Namjoon faiblement, presque confus, la tête baissée.
— Être désolé, c'est la seule chose que tu sais dire en ce moment, c'est vraiment désespérant.
— Jin, calme-toi, Nam y est pour rien. C'est Jungkook qui lui a demandé de partir si j'ai bien compris le fond de l'histoire, le calma Yoongi, fatigué par les échanges des deux garçons.
— C'est v-vrai...oh putain...ça fait un mal de chien.
Tout mon corps était contracté et respirer me faisait mal à en crever, ces espèces d'enfoirés m'avaient vraiment pas loupé.
— Et encore mec t'as pas vu ta tête, tu ressembles à pas grand chose, un vrai punching ball.
— Merci pour ta franchise sans faille Yoongi, mais Nam...arrête de te prendre la tête, c'est bien moi qui t'ai demandé de partir, je savais ce que je faisais...enfin, j'avais pas prévu qu'ils feraient venir six de leurs potes pour les aider.
— Ouais et si j'avais su le fond de ta pensée, je t'aurais pas laissé seul, mais qu'est-ce qui t'a pris merde, y t'es passé quoi par la tête, tu sais très bien que ces mecs font exprès de dire des trucs dégueulasses, juste pour te provoquer.
— Personne ne me provoque Nam, tu le sais mieux que quiconque et à ce propos, j'suis désolé de t'avoir envoyé chier comme ça, j'étais juste hors de moi et j'ai pas su faire la différence, tu me connais je...
— Laisse tomber mon Kook, c'est oublié, lui répondit le jeune homme en lui posant une main sur l'épaule.
— Putain j'te jure ils vont payer, on va s'occuper d'eux, enchaîna Yoongi.
— Ne faites rien les gars, je vais le faire à ma manière, d'autant que mon père trouvera toujours le moyen de les défendre, leurs parents sont ses meilleurs clients. Pas la peine que vous en rajoutiez, j'ai pas envie que vos vieux vous rentrent dedans.
— Ça ne changerait rien pour moi tu sais, une raclée de plus ou de moins...
Je regardais Yoongi, un peu dépité, conscient que sa vie était bien plus compliquée que la mienne, parce que moi au moins, mes parents ne me frappaient pas. Quand cela s'arrêterait-il ?
Il subissait encore la violence de son père à vingt et un an.
— Bon les garçons, mon Kookie doit se reposer, vous réglerez tout ça quand il sera sur pied, je pense que d'ici deux jours, il rentrera à la maison. Et pour ce qui lui est arrivé, je compte sur vous pour ne rien dire. J'ai eu Ja au téléphone, il ne veux pas que les choses s'ébruites, après tout, même si ils le meritaient c'est mon Kookie qui les a cherché, alors...
— Mais Su-ri, ils l'ont cherché, s'était rebellé Yoongi.
— Les gars, je compte sur vous pour garder un œil sur Jimin, Taemin et...
— Taehyung, termina Namjoon, se rappelant de la conversation de Hyunjin et Taeyong dans les vestiaires.
— Oui...j'ai peur qu'ils se vengent sur eux.
— Nous en reparlerons plus tard, allez, sortez maintenant, oust...
— Su-ri attend.
— Non, tu dois te reposer, vous aurez le temps de parler de toute cette histoire plus tard.
Ils commencèrent à se diriger vers la porte de la chambre, quand Jungkook interpella Yoongi.
— Yoongi...
— Oui ?
— Surveille Jimin.
— Pourquoi tu me demandes ça à moi, grogna le brun en se retournant.
— Juste, fais gaffe à lui.
Jungkook ne voulait pas en dire plus devant Namjoon et Jin, il ne voulait pas mettre mal à l 'aise Yoongi et lui dire qu'il avait compris qu'il s'était passé quelque chose avec Jimin. Il ne savait pas quoi, mais une chose était sûre, Yoongi appréciait bien plus qu'il ne le disait le blond.
— J'suis pas sa nounou, il a qu'a pas se taper toute l'université, il qu'a pas s'afficher.
— Yoongi, promet-moi que tu vas veiller sur lui, insista Jungkook sous les yeux un peu surpris des deux autres.
— J'y penserais, finit par dire Yoongi de manière détachée.
Su-ri les avait tous mis gentiment dehors et j'avais pu voir avant qu'elle ferme la porte partir Jin d'un côté et Namjoon et Yoongi de l'autre. Deux jours hors tension et les choses avaient pris une drôle de tournure. Jin avait-il suivi mes conseils, Namjoon l'avait-il rejeté ? J'allais aussi devoir m'inquiéter de ça, mais aussi de Yoongi qui me semblait au plus mal.
A tous les quatres, ont étaient une belle fourchette d'âmes désespérées. Nous, les pauvres enfants riches...quelle ironie...
Mon frère était en voyage d'affaires et prenait des nouvelles de mon état tous les jours, quant à mes parents, bien heureusement ils étaient depuis plus de quinze jours hors de la Corée pour le travail et ne revenaient que d'ici deux semaines. C'était mieux comme ça, au moins je n'allais pas subir les questions et les reproches de mon père.
C'est pourquoi Ja avait bien briefé Su-ri, elle ne devait en aucun cas prévenir mes parents de ma petite incartade. Il m'avait sermonné sur le sujet en me rappelant que tout allait me retomber dessus si je faisais quoi que ce soit, parce que c'était moi qui avait provoqué ça et que Taeyong avait aussi fini à l'hôpital. Il l'avait contacté et avait fait pression sur lui, par je ne sais quel moyen, pour qu'il ne donne pas suite à l'affaire et qu'il ne dise rien à ses parents, tout du moins me concernant.
Encore des mensonges, toujours des mensonges, telle était notre belle société.
J'étais rentré deux jours plus tard chez moi et la mélancolie m'avait rattrapé, moi Jeon Jungkook, le mâle, l'homme fort. J'avais un vide énorme au fond de moi et une personne me manquait terriblement, une seule et unique, et c'était toi Tae...
Cette musique que je jouais assis devant mon piano me ramenait sans cesse à toi, à moi, à nous et je laissais défiler le film de notre histoire dans mes pensées, sous les yeux inquiets de Su-ri qui parfois passait dans le salon pour s'assurer que j'allais bien.
— Ça va mon lapin ? me dit-elle en déposant un lait banane sur le rebord du piano, que je ne touchais même pas, puis s'asseyait quelques secondes à côté de moi pour poser sa main sur ma joue.
Je la regardais sans vraiment la voir, mes pensées bien trop embrouillées, mais je lui faisais un petit signe de tête, pour la rassurer et elle repartait faire ses petites affaires.
J'étais né sous une bonne étoile comme aimait me le répéter Taehyung lorsque nous étions enfants, mais ce qu'il n'avait jamais vraiment compris c'était que cette bonne étoile n'était en fait qu'une illusion.
Une illusion de vie, une illusion d'une famille, une illusion d'un bonheur qui en réalité n'existait pas car je n'étais que enchaîné à celle-ci, pas un seul moyen de m'en défaire, parce que mon destin était tout tracé.
Et ça je l'avais compris assez tôt sans même m'en rendre vraiment compte. Mais mon subconscient le savait et c'est lui qui me faisait agir de la sorte.
Oui, mon destin était tout tracé jusqu'à ce que Taehyung rentre dans ma vie, et il y était rentré bien jeune. Quand je regardais avec le recul que j'avais aujourd'hui, je me demandais presque si finalement ce n'était pas lui mon destin, parce que tout me ramenait sans cesse à lui.
Notre vie ressemblait à ces dramas que je détestais tant et que lui regardait en boucle, emporté par tant de niaiseries. Souvent je le regardais, alors qu'il m'imposait ces scénarios romantiques et pathétiques. Je me souvenais alors de ces moments où nous nous retrouvions tous les deux dans sa chambre, assis sur son lit, moi les bras croisés et calé contre la tête de lit et lui à plat ventre les mains encerclant son visage, le nez presque collé à l'écran.
— C'est vraiment chiant ton film là Tae, viens on met 300.
— Non, attend c'est là qu'il va enfin lui avouer qu'il l'aime, regarde.
— C'est toujours pareil ton truc, et puis celui-là tu l'as regardé quoi...deux cent fois ?
— Et alors ? J'adore les acteurs, ils sont trop romantiques, et puis, lui il est carrément incroyable, regarde-le.
— Ben quoi tu kiff sur lui, t'aime les mecs maintenant, s'étonna Jungkook.
Sans bouger, Taehyung leva les yeux au ciel, puis tourna légèrement la tête pour regarder son ami.
— J'aime pas les mecs Jungkook, c'est juste que j'aimerai être comme lui, c'est tout, et tu devrais prendre exemple sur lui, être romantique parfois ça te ferait pas de mal.
— En vrai, ton gars là, Park de mes couilles...
— Park Seo Joon, précisa Taehyung, fatigué par les appellations du brun.
— Ouais, lui, ben en vérité la seule chose qui trotte dans sa petite tête en vérité c'est, quand est-ce que cette petite pute va ouvrir les jambes.
— T'es vraiment vulgaire.
— Non, regarde-là, à faire la sainte nitouche, à porter des jupes si courtes, à se dandiner devant lui, à se frotter à lui, à faire des aegyos, genre j'suis timide, j'te provoque mais tu m'auras pas nanana...à balancer des Oppa à outrance, tu crois que c'est pourquoi, hein ?
— C'est romantique, mais j'avais oublié que tu connaissais pas ce mot.
— C'est faux, moi aussi je sais être romantique quand je veux, pas besoin d'un drama pour savoir ça, ni de ton Park de mes couilles.
— T'es jaloux Jungkook, souria Taehyung.
— Moi ? Jaloux ? Non mais la blague et de quoi je serai jaloux hein ?
— Parce que lui, il est classe et romantique, alors que toi...
— Je te l'ai dit Tae, j'ai pas besoin de regarder des dramas, ni des mecs comme lui pour apprendre à être romantique, encore une fois je lui suis quand je veux, et tu pourrais même être étonné.
— Vraiment, s'étonna Taehyung, se désintéressant de son écran pour se relever et s'asseoir en face de Jungkook.
— Ben ouais mon pote, dit fièrement Jungkook, ravi d'avoir pu rediriger l'attention du brun sur lui.
— Montre alors, le provoqua le plus vieux, en croisant les bras sur son torse et en le fixant avec suffisance.
— Hein, que...quoi ? T'es pas une meuf, alors lâche l'affaire.
— Que de la gueule, j'en étais sûr, toi et le romantisme ça fait deux.
Taehyung allait se remettre sur le ventre, pour reprendre son épisode, quand Jungkook le retint par le bras. Il venait de le provoquer et ça, il n'allait pas le laisser passer.
Non, il allait voir ce qu'il allait voir, personne ne provoquait Jeon Jungkook, pas même Taehyung.
— Attends...
Jungkook se mit à genoux devant Taehyung, et lui prit la main, la posant sur son cœur.
— Eh...mais qu'est-ce que tu fais ?
Il ne releva pas et alors que Taehyung tenta de dégager sa main, il renforça sa poigne et planta son regard dans le sien, captant toute son attention.
— Sans toi, il n'y a pas d'amour, sans toi il n'y a pas de moi...Sans toi Taehyung, il n'y a rien. Je n'ai pas besoin de respirer, parce que je respire ton air, je n'ai pas besoin de rêver parce que tu es mon seul et unique rêve, je n'ai pas besoin de vivre, parce que ton amour, c'est ma vie.
Taehyung l'écoutait subjugué par les mots que son ami employait. Il paraissait si sincère, qu'il avait presque l'impression que cela s'adressait vraiment à lui. Pourquoi il se sentait si faible, pourquoi il avait envie de ne jamais sortir de cette chambre, pourquoi il ressentait toutes ces choses ?
— J'ai besoin de tes bras pour enfin me sentir moi, je me sens orphelin, perdu, sans ta présence. Je ne croyais pas aux contes de fées Taehyung, mais depuis que je te connais j'en vie un, alors ne me laisse jamais sortir de ce rêve...
Jungkook s'approcha doucement de l'oreille de Taehyung et il sentit son air chaud contre sa peau, ce qui lui déclencha des frissons dans tout le corps. Il savait si bien faire ce genre de choses, il savait si bien le rendre faible.
Il ferma les yeux, enivré par tant de douceur, sentant son ventre se contracter, quand le brun laissa son autre main descendre le long de ses côtes, pour se poser sur sa fine taille, pour le rapprocher plus près de lui. Taehyung n'émit aucune résistance.
C'était si bon.
— Tu es mon obsession Taehyung, lui susurra-t-il sensuellement.
— Jung...Jungkook, je...
C'est alors qu'un petit sourire malicieux se dessina sur les lèvres de Jungkook, satisfait de l'effet qu'il provoquait sur son ami, puis il lui déposa un petit baiser dans le cou, qui déclencha un soupir de plaisir à Taehyung. Il rapprocha sa bouche de son oreille et attendit quelques secondes, pour enfin reprendre son élocution, les yeux pleins de malice.
— Et maintenant, je peux te le dire Taehyung, oui, je peux te le dire... tu me donnes des orgasmes comme personne d'autre avant toi, alors vas-y suce-moi bébé, montre moi à quel point je te rend faible, suce-moi, allez fais pas ta mijoré.
Taehyung ouvrit grand les yeux, surpris par le contraste des mots et par la voix devenue moqueuse de son ami. Alors il se redressa et le repoussa violemment.
— Merde mais tes vraiment con Jeon.
— Tu vois, trop facile, même toi tu t'es laissé avoir.
— N'importe quoi.
— Si tu t'es laissé avoir, comme toutes ces putains de meuf, qui attendent qu'une chose...qu'on les baise.
— De un, je me suis pas laissé avoir, j'ai juste joué la comédie comme toi, et de deux t'es vraiment qu'un pauvre mec Jeon. On verra bien quand tu tomberas vraiment amoureux et que la fille trouvera que t'es lourd et qu'elle te larguera.
— Parce que tu crois vraiment que c'est le romantisme qui garde la flamme dans le couple ?
— En partie, oui. C'est ça qui rend les choses plus belles, y'a pas que le sexe Jungkook.
— Ouais, ben heureusement que t'es pas ma meuf, parce que je banderais pas souvent.
— Ben heureusement que t'es pas mon mec non plus.
— Ton mec ? Mais t'es une meuf ou quoi ?
— Arrête de jouer sur les mots, tu vois très bien ce qu je veux dire, merde. T'es chiant.
Le brun se replaça contre le mur et recroisa ses bras sur son torse, pas peu fier de ce qu'il venait de faire et de l'effet qu'il avait fait à son ami. Et puis à bien y réfléchir, lui aussi il avait adoré sentir Taehyung s'abandonner à lui. Mais ça c'était pas vraiment normal, alors il devait très vite se sortir toutes ces idées de la tête, Taehyung était son ami et qui plus est un garçon. Il devait être vraiment en manque pour ressentir des choses pareilles.
Il regarda Taehyung se replacer sur le lit et secoua la tête pour ne pas poser ses yeux sur son joli corps fin et délicat. Taehyung portait un pantalon fluide et une petite chemise tout aussi légère, qui épousait ses formes. Cette vue le troubla et très vite il se reprit.
— Viens on met 300.
— Non, avait soufflé le brun vexé.
— Taehyung.
— Non et non, si t'es pas content t'as qu'à rentrer chez toi, tu gâches toujours tout Jungkook !
— C'est bon fait pas la tête.
— Je fais pas la tête, juste j'en ai marre de toujours faire ce que toi tu veux.
— C'est bon, j'vais le regarder ton drama, arrête de me faire la gueule. Allez, Taehyung. Ami pour la vie ?
Il l'avait regardé, cherchant encore la malice dans ses yeux, puis voyant qu'il était sincère, il s'était détendu.
— Viens-là, lui avait dit Jungkook en l'attirant à lui, pour qu'il vienne s'installer contre son torse.
Taehyung s'était laissé porté, laissant les bras du plus jeune l'entourer, appréciant son drama préféré.
— Amis pour la vie, avait-il laissé s'échapper de ses lèvres.
Oui, Taehyung avait toujours été un grand romantique, même dans notre relation d'amitié. Il était plus mature que moi, il était mon point d'ancrage, celui qui me permettait de ne pas tomber.
C'est lui qui avait trouvé cette idée absurde de nous marquer sur nos poignets pour sceller notre amitié et cette petite marque m'avait toujours accompagné dans les moments les plus difficiles de ma vie.
Parfois elle me faisait si mal quand je la regardais.
Nous étions si différents lui et moi et pourtant si complémentaires. J'étais le feu et il était la glace. J'étais égoïste et impétueux, intuitif et révolté, je ne réfléchissais jamais à l'impact de mes actes, alors que lui, il était réfléchi, délicat, compréhensif, à l'écoute des autres et tellement sensible.
Dès mon plus jeune âge, même si tu m'avais impressionné par ta beauté au premier regard, j'ai très vite compris que j'avais du pouvoir sur toi. J'ai très vite compris que tu m'aimais et que tu étais prêt à faire n'importe quoi pour moi. Mais je refusais de le voir, je ne voulais pas le voir et au fond de moi je crois que je t'ai autant aimé que détesté pour ça, Taehyung.
Oui, je te haïssais d'être un garçon, d'être si beau et de me faire ressentir toutes ces choses que je n'arrivais pas à comprendre et qui me faisaient autant de bien que de mal.
A l'adolescence, ta beauté était sans faille. Toi, la glace, tu rayonnais, attisant sans t'en rendre compte les flammes de mon feu intérieur. Alors je n'avais qu'une envie, te briser et c'est ce que je faisais en t'attirant à moi, puis en te rejetant aussi vite. Je te voulais, mais tout m'en empêchait, alors toi aussi tu devais souffrir pour ça.
Aimer je n'avais jamais vraiment su ce que c'était, ce mot avait très peu de signification chez moi, il avait plus sens matériel que sentimental. Chez moi on achetait l'amour, on ne le donnait pas.
Nous étions si différents Taehyung et pourtant tu m'attirais, tu me faisais fondre dès que tu posais ton regard sur moi.
Moi, le feu...je fondais de désir pour toi.
Plus nous grandissions, plus nous nous rapprochions, et plus je m'attachais à toi et plus je souffrais. Alors j'ai préféré éteindre le feu, éteindre notre feu, pour ne plus jamais souffrir, je t'ai laissé t'évaporer, pensant que c'était le seul moyen de ne plus souffrir d'un amour qui était de toute façon impossible.
Mais j'avais tort, la douleur, la souffrance ne s'est jamais éteinte. Elle n'a fait que me consumer, me poussant à aller chercher dans les bras d'un nombre incalculable de filles ce que j'avais perdu en te rejetant.
Mais rien, rien n'était comparable à toi Taehyung...non rien et pourtant à cette époque je n'avais pas encore pris possession de ton corps, je n'avais pas goûté à cette sublime chaleur de mon être à l'intérieur du tiens.
Marchant un peu comme un zombie dans mon salon, je m'étais laissé plongé dans mes lointains souvenirs, me posant toujours toutes ces questions qui ne demandaient qu'à sortir de ma tête.
Je ne savais même plus depuis combien de temps je m'étais appuyé contre la baie vitrée de la pièce plongée dans le noir, seulement éclairée par les faibles rayons de la pleine lune dehors. Puis je m'étais doucement écarté, glissant de nouveau des pieds jusqu'au piano à queue, laissant le bout de mes doigts frôler les touches.
Je me souvenais encore.
Je me rappelais de l'amour que je n'avais jamais eu, celui que je n'avais pu toucher comme je touchais les blanches et les noirs de l'imposant instrument que j'avais sous les yeux.
Quand j'y pensais bien fort, je me disais souvent que Namjoon lui, était le plus chanceux de notre groupe. Oui, il avait toujours eu une famille géniale, compréhensive et aimante. A l'opposé, on retrouvait Yoongi, l'âme déchirée. Puis au milieu, il y avait moi.
Au fond, quand on réfléchissait bien, j'étais celui qui était le plus à même de comprendre Yoongi. Lui et moi, on n'avait jamais connu l'amour. J'avais simplement eu la chance d'avoir un frère sur qui compter, et une femme aussi bienveillante que Su-ri à mes côtés pour me porter.
Et pourtant...
Pourtant, je ne m'étais jamais senti à ma place.
Puis il y avait eu toi, Taehyung.
Quand bien même mes amis étaient des êtres chers, quand bien même ils avaient toujours été là pour moi, Taehyung lui, avait été la première et la dernière personne à m'aimer sans aucune condition au préalable.
Ce petit être magnifique...je me souvenais encore de notre toute première rencontre, alors que nous n'étions encore que des enfants, des bébés... Nous n'avions alors que quatre et cinq ans et je jouais dans la cour de récréation avec mes amis, quand, tentant de m'échapper pour ne pas me faire attraper par le loup, j'étais rentré de plein fouet contre un autre petit garçon, qui se promenait tout seul un petit carnet à la main.
A quatre ans j'étais déjà assez costaud pour mon âge et lui fin comme une brindille. Il était tombé à terre, salissant son jolie petit pantalon blanc et très vite ses yeux s'étaient remplis de larmes. Il avait levé la tête dans ma direction et j'étais tombé dans son profond regard, déjà il m'avait hypnotisé et quinze ans après je m'en souvenais encore. Était-il seulement possible de se souvenir de ça, alors même que je ne me rappelais pas de mon enfance avec mes parents, de tranches de vie, autre qu'avec lui à cette période-là ?
— T'as mal ?
Il avait secoué la tête rapidement, comme pour se donner de la contenance mais ses petites lèvres s'étaient mises à trembler.
— T'as pas de langue pour parler ? Lui avais-je alors lancé, un peu fatigué qu'il ne me réponde pas.
— Si...
— Ben alors pourquoi tu parles pas ? Pourquoi tes yeux y sont mouillés si t'as pas mal alors ?
— J'ai pas mal, avait-il dit avec une petite pointe d'agressivité, s'essuyant les yeux avec le revers de sa manche et se relevant pour se retrouver face à moi.
Il était plus grand que moi, au moins une tête de plus et ça m'avait un peu impressionné, d'autant qu'il me regardait bizarrement. J'avais alors gonflé le torse, pour lui montrer que c'était moi le plus fort...et oui, j'étais déjà comme ça, même à quatre ans.
— Pourquoi tu gonfle ton ventre comme ça, m'avait-il dit, surpris par ma posture, qui très certainement devait paraître ridicule vue de l'extérieur.
— Je gonfle pas mon ventre...t'es qui d'abord ?
— Je m'appelle Taehyung, j'ai cinq ans, et toi t'es qui ?
— Ben moi je m'appelle Jungkook, j'ai quatre ans et mon papa c'est le plus riche de l'école alors...
— Alors quoi ?
— Alors, c'est moi qui commande ici, et en plus le docteur il a dit que j'étais plus intelligent que les autres.
— Ben moi personne me commande.
Nous nous étions regardé un long moment jusqu'à ce que Namjoon et une petite fille nous rejoignent, intrigués par le nouvel arrivant.
— Kookie, tu fais quoi, et il est où Jin ?
— T'es qui toi ? Avait dit la petite brune qui l'accompagnait.
Taehyung n'avait pas répondu, un peu intimidé par tout ce petit monde qui l'entourait.
— Ben y s'appelle Taehyung, alors on va l'appeler Tae, c'est plus mignon, parce que il est tout mignon, avais-je lancé innocemment.
Et c'est vrai je le trouvais tout mignon avec ses cheveux noir comme l'ébène, qui lui tombaient sur la nuque, alors que nous avions tous les cheveux très courts.
— J'aime pas qu'on m'appelle Tae, mon nom c'est Taehyung, avait-il répondu en nous regardant les poings serrés.
— Pourquoi t'as les cheveux longs, t'es pas une fille ? Avait dit Namjoon, curieux et étonné.
— Non j'suis pas une fille...
— Ben on dirait pourtant...pourquoi tu regardes Kookie comme ça d'abord...
— Il est amoureux, rigola niaisement Namjoon, alors que je fixais Taehyung, fasciné par sa beauté.
— J'suis pas amoureux, et j'aime pas les garçons.
— Ben moi Kookie, c'est mon amoureux et je vais me marier avec lui, avait coupé la petite fille, en me tirant la langue.
— Ben non, moi j'aime personne et en plus tu ressemble à une carotte pourris, alors...
J'étais partie dans un fou rire, qui avait aussitôt embarqué Taehyung.
— T'es méchant Kookie, je vais le dire à la maîtresse ! Viens Nam, on va le dire, lui dit la petite fille en lui prenant la main.
Namjoon s'était retourné, relevant les épaules et avait tenté de ne pas rire à son tour, pour ne pas se faire gronder par la petite diablesse.
Nous étions à nouveau seuls, en face l'un de l'autre un sourire encore installé sur nos visages.
— Tu trouve pas Jisoo elle ressemble à une carotte en vrai ?
— Non, elle est jolie.
— Alors pourquoi t'as rigolé ?
— A cause de sa tête...sa tête de carotte, éclata-t-il de rire, laissant apparaître une petite bouche carrée qui m'avait fait craqué.
— Et Taehyung, tu veux être mon copain, t'es trop rigolo ?
— D'accord, mais je veux pas que tu commandes alors.
— Ben j'suis plus fort que toi et en plus tu ressemble à une fille, alors...
— Alors quoi ?
— Alors c'est moi qui doit commander, sinon coupe tes cheveux.
— Non, ma maman elle a dit que j'étais trop beau avec mes cheveux longs !
— Alors c'est moi qui commande, comme dans une famille. Y'a le papa, la maman et c'est le papa qui commande, dis-je en comptant sur mes doigts, fièrement.
— J'ai rien compris, mais on va jouer au papa et à la maman toi et moi ?
— T'as envie en vrai ?
— Ben j'sais pas on fait quoi dans ce jeu ?
— Ben moi j'suis le papa et toi t'es la maman. La maman elle fait tout ce que lui dit le papa et...
— Ben chez moi c'est ma maman qui commande, alors...
— Tu veux jouer ou pas ? Sinon toi aussi t'es une carotte pourris comme Jisoo !
— Oui, je veux jouer, j'suis pas une carotte pourris d'abord !
— Alors on fait comme chez moi. Toi t'es la maman et moi le papa, je commande et toi tu écoutes.
— Mais je suis un garçon, j'suis pas une fille.
— Ouais, mais tu ressemble à une fille, alors c'est mieux.
— Je dois faire quoi ? Avait-il dit innocemment.
— Ben des fois tu me feras des bisous, mais dans ma chambre, parce que c'est pas bien devant tout le monde, c'est mon papa qui l'a dit.
— Je vais aller dans ta chambre pour faire des bisous ?
— Ben oui, dans mon lit, c'est comme ça qu'on fait des bébés, et peut-être je te montrerais mon chat.
— T'as un chat aussi ? Demanda Taehyung, tout content.
— Bah nan, c'est moi le chat...c'est rigolo non ? Mon papa et ma maman ils veulent pas des animaux !
J'avais trouvé ça marrant à l'époque, alors que ça n'avait aucun sens, si ce n'était celui d'un enfant de quatre ans passé.
Taehyung m'avait regardé l'air étonné, les joues rougies et c'était presque arrêté de respirer. J'étais déjà si perspicace à quatre ans, et ma précocité ne faisait que commencer, on ne m'avait pas fait tester pour rien.
— Je veux pas faire des bébés, m'avait répondu Taehyung, paniqué.
— On va pas faire pour de vrai des bébés, on va juste se faire des câlins, y font ça mes parents dans la chambre et même que des fois je sais pas pourquoi mais ma maman elle crie, elle dit à mon papa "fais-moi mal". C'est drôle.
— Je veux pas avoir mal, c'est pas drôle, je veux pas...avait-il répondu tout paniqué, presque au bord des larmes.
Il était si sensible à l'époque, et ça me faisait toujours rigoler.
— Mais pleure pas Tae, ma maman elle dit ça mais après, elle à dit "oui...oui..." et elle sautait sur mon papa, je sais pas pourquoi mais c'était rigolo.
Je mimais sans gêne ce que j'avais entendu et vu une nuit où après un cauchemar j'avais voulu rejoindre la chambre de mes parents. J'avais été un peu perturbé, et j'avais pas trop compris ce qu'il se passait, mais pour une fois mes parents semblaient heureux. Alors je les avais regardé se grimper dessus dans leur lit et j'avais trouvé ça rigolo, parce que ma mère sautait sur mon père comme une balle de tennis.
Taehyung me regardait toujours, les yeux ronds, presque fasciné par ce que je lui racontais.
— Pourquoi elle sautait sur ton papa ?
— J'sais pas, mais ils font ça des fois, la nuit.
— J'veux pas sauter sur toi, j'ai peur de te faire mal.
— Mais elle avait pas mal, elle disait "oui...oui... encore, emmène moi au paradis". Je sais pas si mon papa y peut l'emmener au Paradis...
— J'ai envie d'aller au paradis moi aussi ! M'avait répondu Taehyung, sûr de lui.
— Alors on fera ça dans ma chambre si tu veux, ça sera rigolo, peut-être que si tu sautes sur moi, je pourrais t'envoyer au Paradis, j'sais pas.
— D'accord.
— Toi tu veux être mon meilleur copain ?
— C'est quoi un meilleur copain ?
— Ben Namjoon c'est mon meilleur copain et Jin, c'est mon copain numéro deux. Ils font des bêtises avec moi et même quand ils viennent à ma maison, Su-ri, elle dit qu'on est des diables.
— Moi j'ai pas de copain, j'ai une nouvelle maison et maman elle m'a dit de pas parler aux inconnus.
— Ben j'suis pas un inconnu moi, avais-je dit, en levant les épaules.
— Non, t'es mon copain alors ?
— T'es mon copain numéro un, on va le dire à Namjoon. Comme ça y sera pas content, de toute façon, lui y veut pas faire des câlins, il dit que c'est pas bien.
— Peut-être y veux pas aller au Paradis ? avait-il répondu innocemment.
— Il est amoureux de Jisoo et Jin, je crois il lui a déjà fait un bisou . Lui il a dit que quand il sera grand il emmènera Jisoo au Paradis. Il est même pas capable de l'emmener maintenant, pourtant elle a juste a sauter sur lui.
— C'est qui Jin ?
— Une patate pourris, avais-je éclaté de rire. Bon tu veux être mon meilleur copain pour toujours alors ?
— Ben ouais, pour toujours si tu veux.
— Toujours...tu viens on va voir la carotte pourris ?
C'est comme ça qu'on était devenu les meilleurs amis au monde, qu'on ne s'était plus lâcher, gravissants les années de notre jeunesse, et de nos deux mondes si différents.
Ce souvenir encore si frais dans ma tête me fit décrocher un petit sourire, tant il était beau et pur. Nous étions si innocents à l'époque.
Il ne m'avait jamais jugé, il ne m'avait jamais regardé comme tous les autres. Pour lui, j'avais toujours été un garçon et non pas "Jeon Jungkook, descendant de la grande famille riche et puissante à qui on confierait la suite de la gloire".
Il m'avait apporté un brin de douceur, il avait été un faible rayon de soleil dans le brouillon social qu'était ma vie. Avant, j'étais trop jeune pour le comprendre, et même lorsque nous avions commencé à grandir, je ne m'étais jamais vraiment arrêté sur le sujet.
Il m'avait apprécié...il m'avait aimé pour ce que j'étais.
Prenant place sur le petit banc moelleux face au piano, le magazine qui était posé sur le couvercle noir me fit faire une grimace, autant que la douleur que je ressentis dans le ventre en le tirant à moi me fit gémir de douleur.
Sur ce simple bout de papier, sur la couverture en papier glacé, figurait une photo de mon père, avec à ses côtés, mon frère qui était debout à sa droite, et moi, à sa gauche. Nous ne souriions même pas. Nos visages se voulaient sérieux, mais plus je me regardais, plus j'avais l'impression d'être aussi crispé qu'un pauvre gars mal à l'aise.
Et mon père...
Soudain, le simple fait de tenir le magazine entre mes mains me donnait l'impression d'avoir le bout des doigts en feu, alors je le repoussai sur le sol, le plus loin possible de mes yeux.
Ma tête tournait du à mes nombreuses douleurs, peut-être même à cause de ces cachets que j'avais dû prendre pour en oublier l'existence...et je laissais mes paumes se connecter au clavier, appréciant la pureté du piano sous mes mains.
Les yeux clos, je restais ainsi un instant, avant de me lancer sans trop réfléchir, me laissant habiter par ce que je n'arrivais pas à mettre en mot face au monde.
When I see you smile in the screen
(Quand je te vois à l'écran)
You're good at everything, you're just perfect
(Tu es bon en tout, tu es juste parfait)
Feels like I've never been you
(J'ai l'impression que je n'ai jamais été toi)
Seul dans le salon, je laissais ma voix m'emporter, je laissais mon cœur me parler.
D'une certaine façon, c'était à moi que je parlais ce soir.
La première chose qui m'était venu à l'esprit était cette foutue photo sur papier glacé, comme si ma famille et moi vivions dans un monde parfait. Comme si notre nom et notre fortune nous suffisait pour vivre le bonheur, le vrai. C'était un amas de connerie, un bol de mensonges.
Lorsque je tombais sur ces photos, lorsque je tombais sur tous ces clichés de moi dans la presse, dans les médias, sur les journaux...était-ce vraiment moi ?
Je ne me reconnaissais pas, je ne m'étais jamais reconnu.
C'était parfait, bien trop parfait.
C'était l'image que mon père voulait que je renvoie. C'était le jeune homme qu'il voulait que je devienne.
Lorsque je me voyais ainsi, je ne pouvais voir qu'un pauvre gamin cloitrer entre quatre murs, perdus dans un labyrtinthe bien trop grand pour en sortir. Je ne voyais qu'un pauvre gars...qu'un pauvre mec "bon en tout", sans défaut. J'étais seulement ce qu'on disait de moi. De ce que je devais être.
Non pas ce que je voulais être.
Moi, je n'avais jamais voulu de tout ça.
J'avais l'impression que je n'avais jamais été moi...et maintenant, la seule chose qui me venait à l'esprit était la triste vérité. La seule et peut-être unique fois que je m'étais réellement cru parfait, la seule et unique fois ou j'avais pensé être ce gars incroyable, c'était à chaque fois que Taehyung avait posé ses yeux sur moi.
Ouais, à chaque fois qu'il me regardait...à l'époque quand...
A chaque fois que ses yeux avaient rencontré les miens, j'avais pensé être aussi cool qu'un super héros. Aussi fort qu'Iron-man, comme il aimait le dire avant. Aussi beau que Dicaprio, ou encore aussi intelligent qu'Einstein lui-même.
Mais aujourd'hui, qu'est-ce que j'étais ?
Avais-je seulement déjà été tout ça ?
Une petite voix au fond de moi me chuchotait que non, que je n'avais que spéculer, toute ma vie, toutes ces choses auxquelles on avait voulu me faire croire.
Do you ever see me ? Do you know who I am?
(Est-ce que tu me vois ? Est-ce que tu sais qui je suis ?)
Or how do I look now ? You don't like me like that
(Ou ce à quoi je ressemble maintenant ? Tu ne m'aimes pas comme ça)
Depuis mon retour, je ne m'étais jamais autant posé de questions. Je me retrouvais là, le soir, dans mon lit, les yeux clos ou parfois en fixant mon plafond avec cette putain de voix dans un coin de ma tête qui parlait.
"Eh Jungkook, t'es sur de savoir qui tu es ?"
Même quand je me regardais dans le miroir, je finissais toujours par avoir l'impression de ne m'être jamais vraiment retrouvé face à mon propre reflet.
Et j'attendais.
J'attendais comme un pauvre con, comme si quelqu'un allait venir me souffler la réponse. Puis après m'être rendu compte que ce que je faisais était bizarre, je secouais la tête et je reprenais ma vie là où je l'avais laissée.
Depuis que je l'avais croisé à nouveau, je m'étais souvent demandé si Taehyung savait qui j'étais. Il avait peut-être la réponse, lui. Est-ce qu'il savait à quoi je ressemblais ? Non pas physiquement, je n'étais pas fou à ce point.
Je me demandais seulement si...si j'avais tant changé.
Avais-je même changé une seule fois ?
N'avais-je pas toujours été celui que j'étais aujourd'hui ?
Mais c'était difficile de le savoir, car je n'avais jamais vraiment eu de point d'ancrage.
Du moins...Taehyung l'avait été un temps, mais aujourd'hui, m'aimait-il comme ça ?
Je me souvenais de tout, même si j'avais toujours refusé de voir les choses qui se passaient entre nous. Mais toi Taehyung tu l'avais toujours compris, tu l'avais toujours ressenti, cet amour qui grandissait au fil des années. Tu m'avais laissé mener la danse, tu m'avais laissé être celui que j'essayais d'être, tu m'avais laissé t'utiliser, parce que tu m'aimais et que tu m'avais toujours aimé.
Tu m'avais laissé te faire du mal, parce que tu ne voulais pas me perdre et parce que la seule chose que tu voulais c'était être avec moi, près de moi, je le comprends maintenant.
Je crois aujourd'hui qu'au fond de moi, je savais que je t'aimais et c'est pourquoi j'avais provoqué tous ces contacts, prétextant toutes sortes d'excuses pour ne pas voir la réalité des choses.
J'avais besoin de toi, mais d'une manière qui n'était pas celle d'un ami. J'avais besoin de ton contact, de ton corps près du mien et ça me bouffait autant consciemment, qu'inconsciemment.
Cette première leçon sur le baiser m'avait fait ressentir tellement de choses, ça avait été si magique de sentir ta langue s'enrouler autour de la mienne, mais surtout mon corps avait réagi d'une façon si impressionnante lorsque je m'étais laissé aller à onduler mon corps contre le teint. C'était donc ça, le désir...
Et puis il y avait eu ce fameux matin, où nous nous étions laissé emporter par le désir, encore une fois et où comme d'habitude je t'avais laissé en plan avec tes émotions, sans même les prendre en considération. Mais j'avais peur Taehyung, j'avais peur de ce que je ressentais pour toi, alors je t'ai abandonné.
Je t'ai abandonné, après tout ce que nous avions vécu, parce que je ne pouvais pas te montrer mes sentiments réels, me donner à toi, te laisser être ma faiblesse. Je ne pouvais pas être amoureux de toi, de l'homme que tu devenais devant mes yeux ébahis par tant de beauté. Tu étais un homme Taehyung, tu es un homme et moi je ne peux pas aimer un homme, jamais...
Alors j'ai encore une fois porté mon masque et je t'ai ignoré, je t'ai abandonné sans t'expliquer le pourquoi du comment je m'éloignais de toi. Tu m'as détesté et même si ça me faisait mal c'était le meilleur moyen pour t'éloigner de moi.
Je pensais avoir tout maîtriser, tout contrôler, jusqu'à cette terrible nuit où Taemin à été violé sous mes yeux et ou trop embrumé par l'alcool et la drogue je n'ai pas pu intervenir comme je l'aurait dû. Mais si j'étais dans cet état Taehyung, c'était parce que j'étais jaloux.
Taehyung, j'étais jaloux de te voir trop proche de Jisoo, la carotte pourris de notre enfance...
Tu sortais avec elle, tu la touchais, tu couchais avec elle.
Je suis gonflé de dire ça n'est-ce pas, alors que moi j'accumulais les conquêtes et que je ne me privais pas pour le faire savoir tout autour de moi. Combien de fois nous nous étions croisés dans les toilettes du lycée, toi te lavant les mains et moi, ressortant de l'une des portes avec une fille à moitié nue, parce que je venais de la culbuter entre deux cours.
Après cette nuit, ma vie a été complètement bouleversée et le plus dure à été de ne plus te voir, parce que mon père m'avait envoyé à des milliers de kilomètres de notre pays.
Là-bas j'avais vécu un véritable enfer les six premiers mois, me repassant en boucle le film de cette terrible nuit, revoyant le visage de Taemin ravagé par la peur, me suppliant de l'aider. Je me détestais, alors j'allais en cours tel un zombie, évitant toute interaction. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même et une seule personne me manquait, hantait mes nuits...toi, Taehyung.
Mon ami me manquait, mon confident, mon âme sœur, mon...
Je revoyais ton visage et ta haine sur ce dernier cette fameuse nuit, puis je me repassais notre dernier échange dans le bureau du proviseur, alors que mon père m'avait donné la plus grosse claque de ma vie.
Cette claque Taehyung, je l'avais tellement aimé, parce que j'avais pour une fois eu l'impression d'exister aux yeux de mon père. Mais aussi parce que quand j'avais croisé ton regard à ce moment-là, j'avais vu la douleur dans tes yeux, tu avais mal pour moi, tu m'aimais encore, tu m'aimais toujours, malgré tout le mal que je t'avais fait. Tu ne m'avais pas enfoncé, non.
Tu avais juste dit la vérité.
J'avais rompu notre promesse, toutes nos promesses.
Au bout de six mois, Namjoon était venu me voir pour les vacances et il m'avait ouvert les yeux, il m'avait redonné le goût de vivre, puis les mois, les années ont passé et j'ai accumulé les conquêtes d'un soir, alimentant cette fausse haine que j'avais créé contre toi pour me protéger. Parce que chaque fois que je baisais l'une de ces filles, c'était toi que je voyais. J'avais beau m'acharner sur elles, me saouler, fumer toutes sortes de stupéfiant, c'était toi que je voyais. Alors je m'imaginais te ruiner, lors de mes échanges avec elles et elles semblaient adorer ça, c'était désespérant. Je n'arrivais plus à ressentir quoi que ce soit, si ce n'est la délivrance de trop de pression quand je les culbutait.
Malgré tout, j'excellais dans les cours, dans les matchs, je m'étais totalement inséré dans ce nouveau mode de vie et les visites de Namjoon tous les trois mois me faisaient un bien fou.
Mais mon pays me manquait, mes amis me manquaient.
Tu me manquais Taehyung, tu me manquais tellement.
Alors j'ai tout fais pour revenir, j'avais mûri, j'étais prêt à reprendre le cours de ma vie. Mais si j'avais su tout ce qui allait se passer, si j'avais su toutes les contraintes que cela allait m'imposer, jamais je ne serais revenu.
La seule et unique raison de mon retour, c'était toi Taehyung.
Toi et toi seul, bien que je ne voulais pas l'admettre.
Je me souviens du bond qu'avait fait mon cœur quand je t'ai revu après toutes ces années, cette nuit où je m'étais enfui de ce maudit restaurant à cause de mon père. lorsque nos regards s'étaient croisés, j'avais cru mourir;
Tu étais si magnifique Taehyung et j'aurais tellement aimé te serrer dans mes bras, tellement.
Come and tell me so much, beautiful heart
(Viens et dis-moi tant joli coeur)
Oh I'm gonna listen to you, please
(Oh je vais t'écouter, s'il te plait)
All the number too big, can't get out of your game
(Tous les chiffres sont trop gros, impossible de sortir de ton jeu)
Oh I want to paint it like you, please
(Oh je veux le peindre comme toi s'il te plait)
Joli coeur...Taehyung.
Il l'était, il avait toujours été joli, et lui, il avait toujours eu beaucoup de cœur.
Avant, j'aurais pu lui confier tous mes doutes, toutes mes peurs. Il aurait passé certainement des heures à m'écouter, puis il aurait fini par trouver la solution à tous mes problèmes en seul mot, comme il l'avait toujours fait, avant, quand nous étions ces âmes sœur...
Sa simple présence aurait suffit à me guérir de tous mes maux.
Je me demandais si je serais prêt aujourd'hui, à l'entendre me le dire.
Aurait-il suffit à lui seul ? Aurait-il réussi, comme avant, à me sortir de tout ce jeu qu'était la pression sociale qu'on m'imposait ? Aurait-il réussi à me sauver des griffes de mon père ?
Je l'avais toujours un peu envié, Taehyung. Il n'avait pas eu à grandir dans le même univers que moi. Il l'avait frôlé en me côtoyant, ce même monde qui l'avait traîné dans les maux qui le dévoraient aujourd'hui. C'était peut-être de ma faute, mais lui, il avait toujours pu vivre à fond, sans toute cette pression, sans un devoir qu'on lui aurait imposé dès sa naissance.
I want to be your decalcomania
(Je veux être ta décalcomanie *en coréen, le fait de ressembler à un autre)
I want you
(Je te veux)
I want to be your decalcomania
(Je veux être ta décalcomanie)
I want...I want you
(Je veux, je te veux)
Ces mots, ils n'étaient plus pour moi maintenant.
Ce que je jouais, ce que mon cœur chantait lui était destiné.
Je voulais être lui...je voulais être à lui.
Je voulais qu'il soit mien à nouveau, je voulais que tout redevienne comme avant. Je voulais pouvoir manier le temps entre mes doigts comme je maniais les touches de ce putain de piano. Je ne voulais plus seulement être la cause de son malheur, mais aussi celle de son bonheur. Je voulais de nouveau être la cause de ses sourires, je voulais pouvoir le retrouver sans qu'on ne passe par quatre mille chemins pour se dire ce qu'on avait sur le cœur. Je voulais de nouveau me sentir moi, lorsque ses yeux croiseraient les miens.
Il m'avait sorti cette phrase de ce poète, "un seul être vous manque et tout est dépeuplé".
Je m'étais moqué de lui dans le passé, puis je l'avais lu à nouveau par hasard, dans un de mes cours récemment. Et bizarrement, cette putain de phrase avait fait de suite écho dans mon crâne d'idiot.
Si Taehyung était mon monde lorsque nous étions jeunes, alors aujourd'hui, c'était son absence qui faisait de ma vie quotidienne un enfer.
Dans un sens, j'avais un accès égoïste à lui. Je n'étais pas dingue, je ne pouvais simplement pas comprendre pourquoi il arrivait à me faire ressentir toutes ces choses quand il se retrouvait devant moi. Ce n'était pas gênant au début, pas du tout même. Je m'étais simplement laissé porté en me disant qu'il était plus sage de faire abstraction du passé à mon retour, afin de continuer à vivre comme je l'avais fait ces dernières années.
Mais maintenant, je trouvais cette pensée tout à fait démesurée.
Qu'est-ce que je pouvais bien y faire à moi tout seul...hein ?
Nous avions été plus loin, nous avions fait ce que je pense nous avions toujours voulu faire...l'amour.
Il s'était donné à moi, il m'avait ouvert à nouveau son cœur, donné son corps et malgré toutes mes maladresses cette nuit-là, il avait aimé, il me l'avait dit. Cette nuit avait été spéciale pour moi aussi, entre peur et bien-être. Il m'avait guidé et je l'avais laissé faire, il m'avait rassuré, alors qu'il souffrait. Mais cette expérience avait été si déroutante, si forte émotionnellement que j'avais perdu les pédales. J'aurai tellement voulu le serrer dans mes bras, rester avec lui le restant de ma vie, lui faire encore et encore l'amour, parce que je le voulais.
Je le voulais, je voulais qu'il soit mien, et pourtant...
Taehyung, je sais que tu me détestes encore plus aujourd'hui, je sais que je t'ai déçu, encore une fois.
Je sais que tu te sens sale après toutes les choses monstrueuses que je t'ai dîtes, mais toi et moi c'est impossible, nous ne pouvons pas faire ça, nous ne pouvons pas vivre ça.
Tu aurais dû me repousser Taehyung, tu aurais dû. Parce que tu sais toi aussi que je ne peux pas.
Je ne peux pas me donner à toi, te montrer ce que je ressens réellement pour toi, je ne peux pas te montrer mes faiblesses, parce que des faiblesses, j'en ai trop.
Alors je vais devoir t'oublier, je vais devoir te rayer de ma vie et encore une fois mettre mon masque lorsque je vais te croiser. Je vais garder tout au fond de moi cette nuit magnifique que nous avons passée ensemble, parce que je ne peux pas Taehyung, je ne peux pas être celui que tu voudrais que je sois.
Alors je dois me cacher.
Je dois cacher mes sentiments pour toi, parce que j'ai peur. Peur de ce que je pourrais faire, parce qu'au fond de moi, je le sais je suis faible, si faible...quand tu es près de moi.
Je dois te rejeter, je dois te montrer la part hideuse de moi, pour que tu m'oublies, que tu me détestes, et je crois que j'y suis arrivé.
Oui, enfin j'y suis arrivé en te disant toutes ces choses monstrueuses en te faisant te sentir si sale.
C'était si facile Taehyung, si facile de te détruire.
Parce que j'ai toujours eu ce pouvoir sur toi. Alors ça y est, j'y suis arrivé, je t'ai libéré de moi, oui je crois que cette fois-ci, j'ai vraiment réussi à te montrer à quel point j'étais hideux et monstrueux. C'était la seule et unique chose que je pouvais faire pour protéger mon frère, pour protéger ma famille, mon nom, et tout ça au détriment de moi même.
Parce que je ne suis pas important, je ne le suis pour personne au finale, je crois même que je suis une erreur du passé, je suis ton erreur aussi.
Je dois m'éloigner de toi, je dois t'oublier, oublier tous les moments magnifiques que nous avons passés ensemble, oui je le dois.
Je suis brisé, mais je le dois.
Je vais reprendre ma vie, je vais tenter de redevenir le garçon que tu détestes tant, pour te faire regretter à tout jamais de m'avoir laissé te toucher.
Mais Taehyung...je te veux toujours...
Oui, au fond de moi, je te veux toujours.
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