Fourberies
-Javotte, sort de cette chambre !
-Nous ne devrions pas, répondit l'intéressé d'une voix stridente. Nous ne devrions pas être là. Il faut que nous rentrions, pendant que mère peut encore nous pardonner...
Anastasie lâcha un soupir peu élégant et se planta devant sa sœur.
-Tu es encore plus sotte que je ne le pensais ! Nous sommes protégées par le roi ! Le roi ! qu'est-ce que tu veux que mère nous fasses ?
Javotte lui envoya un regard terrifié.
-Tu ne devrais pas en rire. On ne sait jamais. Le roi s'en contrefiche de nous, pauvre petite gourde. Il est trop occupé à baiser à qui mieux mieux son petit souillon.
-Remarque, vu la tête qu'il a maintenant, je ne dirais pas non...
-C'est normal, cracha Javotte, vous êtes au même niveau ! Quand mère saura que tu l'a désavoué...
-Mère n'en saura rien.
-Tu en es sûre, Anastasie ? Déclara dans son dos une voix froide.
Un frisson d'horreur en figea le sang de la jeune fille. Elle n'osait pas se retourner.
Elle entendit des pas se rapprocher de son dos. Elle pouvait voir, dans les yeux exorbités de sa sœur, juste devant elle, la silhouette déformée d'un cauchemar familier apparaître par-dessus son épaule.
Une haleine froide effleura son cou.
-Tu me déçois, ma fille, lâcha Lady Trémaine comme si elle venait de prononcer une sentence de mort.
-Je... balbutia Anastasie, je... Je ne...
-Assez de temps perdu, coupa la marâtre. La situation n'est pas encore perdue. J'ai un allié dans la place... Ce petit souillon de Cendre n'aurait pas dû me défier. Oh non... Javotte, Anastasie, voici une liste de Grand que je veux que vous séduisiez.
-Que nous séduisions ? Répéta Anastasie, hébétée.
-Vous vous y prenez comme vous voulez, mais vous couchez avec eux. Vous avez deux jours. Puis vous m'introduisez dans leur entourage...
La sourire de Lady Trémaine, à ce moment-là, n'aurait pas déparé sur un crocodile.
Un très méchant crocodile.
Un de ceux qui pratiquaient le mal comme une discipline sportive, pour le plaisir.
~
-Élis, soupira Alexandre en bousculant son chambellan au détour d'un couloir.
-Sire ! Je vous cherche depuis des heurs !
-Quelle coïncidence ! Ça fait justement des heures que j'essaie de vous éviter !
Iel lui jeta un regard vexé qui le fit rire. Élis se dégela aussitôt. Entendre rire le roi était rare. Enfin, avant que Cendre ne débarque...
-Dépêche-toi de me dire ce que tu veux, le pressa Alexandre. Cendre m'attends ! Je lui ai promis une promenade jusqu'à la centrale électrique !
-Si romantique, ironisa lea non-binaire. C'est justement à propos de lui que je voulais vous parler, sir...
-Oui ?
Il y avait dans la voix du roi une menace couvée qu'Élis saisit parfaitement. Il allait devoir être extrêmement prudent dans ce qu'il allait dire à présent.
-Je voulais juste vous rapporter, votre altesse... En simple observateurice impartial.e, cela va de soi... Que la cour... Je veux dire les nobles... Pas tous, notez bien...
-Au fait, Élis !
-Il semble que votre choix de compagnon soit comme qui dirait légèrement... désapprouvé.
Le regard du roi s'étrécit jusqu'à devenir une bande sombre. Menaçante. Le chambellan déglutit.
-Le peuple adore Cendre, dit enfin Alexandre d'une voix – un peu trop – neutre. Le personnel aussi, et tous les enfants du château. Je ne vois pas exactement en quoi je devrais être concerné par l'avis de quelques nobles. Maintenant, si tu permets, j'ai un rendez-vous. Bonne journée.
Et il disparut.
~
Lady Trémaine jubilait. Certes, elle avait au début rencontré une résistance inattendue, la cour étant beaucoup moins corrompue que ce à quoi elle s'attendait – et en plus, ils aimaient leur roi, mais ou va le monde... Mais elle était bien assez fine stratège pour contourner ce détail, et chacun des mots qu'elle prononçait, désormais, était une nouvelle goutte de venin insidieux dans l'oreille de ceux qui l'écoutaient.
-Le roi n'est plus lui-même, ces derniers temps, lâcha-t-elle dans la conversation comme si elle connaissait le roi depuis qu'il portait des couches.
-C'est vrai, acquiesça lae chef.fe des armées. Il est beaucoup plus distrait lors des réunions.
-Il a fait une grosse faute stratégique, l'autre jour, renchérit le ministre du commerce.
-C'était une faute difficilement évitable, répondit lae chef.fe en hochant la tête d'un air grave. Le plan de l'Ennemi était bien ficelé.
-Tout de même, glissa Lady Trémaine, c'est étrange que ce genre de faute arrive juste au moment où il ramène au château ce serviteur...
-C'est l'amour, répondit una autre noble avec un sourire entendu à l'attention de sa femme.
-Certes, convint Lady Trémaine. Un amour qui sert beaucoup ce petit... Cendre, c'est ça ?
-Je crois bien. Qu'est-ce que vous insinuez, Lady Trémaine ?
-Je n'insinue rien. Je constate. Ce doit être un véritable conte de fée pour un jeune homme aussi misérable, devenir partenaire du roi en personne... Enfin, si le roi est amoureux... Et puis, ce Cendre a essayé l'anneau, il n'y a donc aucun doute.
Il y eut un moment de malaise.
-Quoi ? Lâcha Lady Trémaine de sa voix la plus innocente.
-Rien, répondit sèchement lae militaire.
-Après tout, reprit Lady Trémaine, nous n'avons aucune chance de douter de ses intentions. Je suis certaine qu'il est venu vous voir immédiatement, après son arrivé, pour se mettre en bons termes avec vous.
Nouveau silence. La fourbe continua en faisant semblant de ne pas s'en apercevoir.
-Ce n'est pas comme s'il essayait de vous doubler auprès du roi pour usurper votre pouvoir ! Ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie, comme un artiste ajoute un dernier coup de pinceau à son œuvre.
Tous les nobles présents se tournèrent vers lae chef.fe des armées, qui avait le plus d'autorité dans la pièce.
-Certes non, dit-iel enfin d'un ton prudent. Élis m'a assuré qu'il était tout à fait honnête.
-Élis est une bonne poire, lança quelqu'un.
Personne ne démentit.
-Oh, je ne voulais point vous fournir d'inquiétude, bien sûr ! Plaisant Lady Trémaine.
-C'est bientôt l'heure du conseil, répondit un peu sèchement sona interlocuteurice. Je vous prie de m'excuser.
-Tiens, lança Trémaine sur le pas de la porte, j'aurais pourtant juré avoir entendu le roi parler d'un rendez-vous avec Cendre. Je ne vois pas comment il pourrait être au conseil de ce soir...
Et elle disparut.
-Qu'est-ce que tu en penses, Mariel ? Demanda l'un des nobles à lae militaire.
-Je ne sais pas, répondit-iel. Mais ce Cendre ne m'inspire pas réellement confiance.
~
-J'aimerais inventer une machine à effacer les soucis, murmura Cendre en caressant le visage de son compagnon. Dis-moi ce que tu as dans la tête.
-Mmm ? Fit le roi en retournant à l'instant présent. Oh, je suis désolé, se reprit-il en rougissant, je pensais à autre chose.
-J'avais remarqué, rétorqua l'autre avec une pointe d'ironie.
Ils se trouvaient tous les deux en haut de la tour en ruine, sous le ciel parsemé d'étoile. Cendre, auparavant adossé à la poitrine du roi, s'était retourné pour lui faire face.
Alexandre perdit son regard dans le sien. C'est incroyable, songea-t-il. À chaque fois que je plonge mes yeux dans les siens, j'y vois un peu plus d'étoiles.
-Qu'y a-t-il ? s'inquiéta le garçon aux yeux pleins d'étoiles.
-Je n'arrive pas encore à croire que tu es réel.
-Je vois, répondit l'autre en posant ses mains sur sa poitrine. Je vais donc devoir te le prouver.
-Quelle bonne idée... soupira le roi en posant ses lèvres sur les siennes.
Chaudes et douces, comme... Comme... Non, pas besoin de comparaison. Chaude et douce comme les lèvres de Cendre étaient le plus haut qu'il pouvait trouver.
L'objet de ses pensées glissa ses mains dans ses cheveux, l'attirant un peu plus fort contre lui. Ils s'étaient tous les deux beaucoup améliorés, en termes de baiser. Il fallait dire qu'ils pratiquaient beaucoup.
-Cendre, murmura le roi lorsqu'ils se séparèrent, je vais...
Mais la fin de sa phrase sera à jamais perdu pour l'humanité.
-CENNNNNNDRE ! Hurla une voix d'enfant. CENNNNDRE !
-Je crois qu'on t'appelle, s'amusa tout bas le roi.
-Je n'entends rien, répondit le jeune homme, en titillant du bout de ses lèvres la peau de son cou.
-CENNNNNNNNNNNNNDREUUUUUUUUUUH.
-Si, si, renchérit Alexandre, je suis sûr que c'est toi.
Cette fois, Cendre se sépara de l'étreinte et s'assit en face de lui, boudeur.
-Tu veux que je m'en aille ?
-Non, sourit Alexandre, bien sûr que non. Mais tu je ne voudrais pas priver les enfants du château de leur histoire. J'aime voir les gens t'admirer.
-Dis surtout que tu veux connaître la suite de l'aventure du Beau Rodrick sans merci, rétorqua l'autre.
-Certes, abdiqua Alexandre. Tu nous a laissé dans un suspense insoutenable.
Il sourit et se pencha au-dessus des murailles.
-Ne t'avise surtout pas... commença Cendre.
-IL EST LÀ ! Cria le roi.
Une micro seconde plus tard, une horde d'enfants déboulèrent sur la place.
-Je l'ai ! s'exclama Alexandre en immobilisant son amant par-derrière.
-Il ne peut plus s'échapper ! s'exclama une petite tête rousse avec un sourire victorieux. C'est notre prisonnier !
Et quelques minutes plus tard, Cendre était dans la grande salle du château, devant la cheminée, en train de raconter. La salle était remplie, d'enfants bien sûr, mais aussi de leurs parents qui les accompagnaient au cas où, ainsi que de serviteurs et de nobles qui passaient par là par hasard et avaient décidé de s'asseoir... Et tous écoutaient, des rêves pleins les yeux, la voix douce de Cendre leur parler d'ailleurs, de dragons, de princes, de princesse, de maléfices, de roses ensorcelés, de val sans retour et de lac enchantés.
Au fond de la pièce, Mariel contemplait le spectacle de ce petit bout d'homme tenant en haleine toute une assemblée – roi comprit – et sourit. Il n'y avait que des sourires, sur le visage des enfants, et iel n'avait jamais vu les trois quarts des gens qui se trouvaient ici avoir l'air aussi détendu, aussi loin des préoccupations de la guerre que maintenant. Lady Trémaine se trompait. Cendre était quelqu'un de bien, autant pour le roi que pour le château.
~
Une femme en noir se tenait debout dans une pièce noire, entourée de corbeaux noirs, devant une machine – un énorme amas d'engrenages, de courroies, de cadrans et de levier – tout aussi noir. Et pour couronner le tout, ils complotaient tous les deux de très noirs dessins.
-J'ai fait exactement ce que vous vouliez, lança Lady Trémaine, et même mieux. Il ne faudra pas longtemps avant que les nobles ne se révoltent contre ce petit souillon...
Un croassement lugubre l'interrompit. Un corbeau frôla sa chevelure et vint se poser sur le sol, où il fut aussitôt enveloppé d'une petite lumière verte.
-Alors peut-être pourriez-vous m'expliquer, Lady Trémaine, déclara une voix rauque qui semblait sortie des profondeurs même de la terre, pourquoi Mariel vient d'inviter Cendre au prochain conseil ?
Les paroles de la machine se perdirent en échos. Lady Trémaine sentit une sueur froide couler le long de son dos.
-Je suis...
-Inutile, coupa la voix.
Trémaine sentit quelque chose de froid contre son cœur.
Elle baissa les yeux.
Quelque chose jaillissait de sa poitrine. Elle y posa y doigt, stupéfaite. C'était une longue pointe de métal. Recouverte de sang.
Ses jambes lâchèrent. Elle s'effondra sur le sol comme un paquet de chiffons.
Et Lady Trémaine mourut ainsi, dans le noir et l'indifférence générale, entourée de machine aussi froide que son âme. Personne ne retrouverait jamais son corps.
Personne ne le chercherait jamais.
~
~ Deux jours plus tard ~
Cendre et Alexandre se trouvaient face à face dans la grande salle.
L'intégralité de la cour les entouraient. Mais personne n'osait plus respirer.
Le roi tenait dans les mains une liste. Une liste de nom. Une liste de volontaires.
Le nom qu'il venait de lire résonnait encore sous les voûtes à moitié en ruine du château.
-Cendre Winchester, relut-il encore une fois.
Peut-être que s'il reposait encore ses yeux sur le papier, le nom aurait changé...
-Cendre Winchester.
Peut-être une nouvelle fois...
-Cendre Winchester.
-Alexandre... murmura Cendre pour faire taire l'horrible litanie.
Le roi lâcha la liste et jeta sur lui un regard perdu.
Et toute la salle entendit distinctement son cœur se briser.
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