Un silence profond régnait dans la pièce. On entendait seulement les simples cliquetis de l'horloge et le petit bruit d'une chaise grincer contre le sol d'un client qui se levait, s'apprêtant à partir. Vous l'auriez deviné, la fin du service approchait. Et le noiraud en avait - bien évidemment - profité pour passer pleinement son temps avec le brun, étant donné qu'il n'avait plus personne à servir à par lui. Pour cela, il lui proposa de jouer à un jeu :

— Kim, que diriez-vous de jouer à un petit jeu ? lança-t-il d'un sourire radieux mais toutefois assez sournois.

— Pourquoi pas, en quoi consiste-t-il ?

— C'est simple, vous connaissez les "combats de regards" n'est-ce pas ?

Le cadet acquiesça puis le noiraud reprit la parole.

— Eh bien nous allons faire cela. Sauf que, si vous perdez, je gagne vos lèvres. En revanche si par malheur je perds, je vous offre les prochains verres que vous me demanderez.

— Vous êtes bien suspicieux, Hwang.

— Vous trouvez ?

Il hocha la tête en signe de "oui".

— Peu importe, commençons.

Ils se regardèrent dans les yeux et commencèrent donc leur petit combat visuel. C'était un plaisir pour "Le Diable" d'admirer les yeux de son client d'aussi près et aussi longtemps. Il avait le regard semblable à celui d'un petit chiot et le noiraud trouvait cela adorable. Alors qu'il admirait son cadet, ses yeux commencèrent à fatiguer et à briller, autant à cause de la beauté qu'il voyait qu'à cause des larmes qui montaient à force de rester les yeux ouverts sans cligner. Ses paupières se fermèrent soudainement, il n'avait pu les en empêcher et les rouvrit dans un râle.

— Vous êtes fort. Mais vous auriez au moins pu faire exprès de perdre, rien que pour goûter à mes lèvres tentatrices, fit-il d'un ton sarcastique mais tout de même séducteur.

— Vous ne m'aurez pas, Démon, répondit-il d'un sourire satisfait.

Ledit démon se mit à rire nerveusement puis prit la parole d'un ton différent :

— Oh si, je vous aurais, Kim, il me suffit de patienter encore un peu, et vous serez miens.

Et il avait raison, car même si Seungmin refusait, il finirati par succomber.
Car tout humain est tenté par le diable, même les plus purs.

— Peu importe, à présent servez moi les verres gratuits que vous me devez.

— Bien, vos désirs sont des ordres.

Suite à ces mots il prit une bouteille dont il versa doucement le contenu dans un verre, puis lui tendit.

Le temps avança doucement mais sûrement, tous les autres clients étaient partis et le service était fini. La soirée s'était résumé à bavardage de tout et de rien et consommation excessive d'alcool par le client, si bien qu'il finit par s'effondrer soudainement sur le comptoir en un grand bruit.

Le barman avait légèrement sursauté et les deux autres employés s'était retournés.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? intervint Minho, le plus vieux des deux, se rapprochant du brun.

— Il s'est endormi, il a certainement trop bu, répondit le barman, observant celui dont il parlait.

— Où alors tu l'as drogué ?! s'écria l'autre employé aux joues plutôt rebondies.

— N-non, crois-tu vraiment que je ferai une chose pareille ?

— On ne sait jamais, on dit bien de toi que tu es Le Diable, non ? Tu es certainement capable de tout, et du pire.

Le visage du "Diable" changea immédiatement d'humeur après avoir entendu ces mots, cela lui avait fait l'effet d'un pieux dans le coeur. Voilà pourquoi il détestait par-dessus toutes ces rumeurs, il faisait l'indifférent mais au fond tout cela le blessait énormément. Il avait beau bien s'entendre avec Jisung, ce dernier se méfiait tout de même de lui, beaucoup trop naïf pour se faire son propre avis. Et cela était pareil pour tout le monde que le noiraud avait rencontré durant tout le long sa vie, et cela, depuis tout petit.

— Peu importe, avait-il fait d'un ton plus sec.

Il sortit du comptoir et pris délicatement Seungmin dans ses bras pour le porter.

— Où est-ce que tu vas comme ça ?

— Je le ramène chez moi, cela ne se voit pas ?

— Hors de question, ramène le chez lui !

— Je ne peux pas, c'est impoli, je ne me permettrai de le fouiller pour trouver les clés qui ouvre sa porte d'entrée.

— Alors réveil-le !

— Non, il doit se reposer.

Il prononçait ces mots avec froideur, le regard impassible, ce qui terrifiait les deux hommes avec qui il travaillait.

— Tu dis ça juste pour être avec lui, n'est-ce pas ? osa demander le plus vieux des deux.

— Nous sommes assez proches à présent et je sais qu'il me fait confiance, contrairement à vous. Il ouvrit une porte située à côté du comptoir, elle reliait aux escaliers de là où il habitait. Bonne soirée.

Sa colère l'avait gagnée et si cela continuait il allait craquer. La porte se referma derrière lui en un grand bruit, faisant sursauter les deux employés.
Il montait les escaliers en serrant son cadet contre lui en commençant à croire que lui seul le comprenait.

Une fois au bout des escaliers, il ouvrit la porte qui menait à son petit chez lui et la poussa comme il pouvait avec son pied. Il vivait dans un petit studio, c'était plutôt dérangé, mais bon, cela reflétait bien sa personnalité. Il posa doucement celui qu'il avait dans les bras sur son lit, ce dernier toujours dans un sommeil profond. Il s'assit à côté et laissa échapper un long soupir d'entre ses lèvres, repensant aux paroles prononcées pas Jisung.

Il tourna sa tête en direction de l'endormi et commença à admirer son visage aux allures angéliques. Il se pencha légèrement pour mieux l'observer et scrutait chaque détail de son visage. Ses yeux fermés faisaient ressortir ses cils, son teint était tout simplement parfait, et ses lèvres...
Il voulait les goûter. À quel point il les voulait !

Il se demandait tout de même si un jour il le ferait : Comment réagirait-il ? Serait-il étonné, ou bien gêné ? Le repousserait-il ou bien, au contraire, est-ce qu'il accepterait ?

Et ses lèvres...quel sensation ressentirait-il lorsqu'il les aura enfin embrassé ?
La douce sensation d'une caresse ou bien au contraire l'ardeur des flammes de l'enfer ?

Minho et Jisung l'avaient fait douter de qui il était et maintenant il n'arrivait plus à se contrôler. Il n'était pas Le Diable. Ce sont les personnes qui le traitaient comme cela qui le rendait ainsi.
Et même s'il était soi-disant capable de tout et du pire, il n'oserait pas les faire. Car il n'était pas un monstre.

Pris par de grosses bouffées de chaleur, il enleva son t-shirt et le jeta par terre.
Il se dirigea sur sa terrasse, un paquet de cigarettes à la main. Il en saisit un mégot, pris le briquet qu'il avait en poche, l'alluma puis l'apporta à ses lèvres. Il savait que fumer n'était pas bon pour sa santé mais cela lui permettait de se changer les idées, d'oublier comment tout le monde le considéraient mais surtout d'oublier son amour pour le brun car, même s'il faisait croire le contraire, il était persuadé qu'il n'aurait jamais aucune chance.

Il aimait Seungmin.
Il l'aimait à en vouloir l'oublier.
Il l'aimait à en vider son paquet de cigarettes.
Il l'aimait à en s'intoxiquer.
Il l'aimait à en mourir.
Il l'aimait à en devenir Le Diable.

Il posa son bras dont la main tenait la cigarette sur la rambarde et sa tête sur l'autre, un filet de fumée sortant d'entre ses lèvres charnues. Il repensa aux paroles de l'employé pour la énième fois de la soirée. Puis à celles qu'on lui avait dit lorsqu'il était petit. Il avait toujours essayé d'être le plus gentil possible avec tout le monde et de faire accepter, mais on n'avait cessé de le rejeter. C'est pourquoi il était si heureux de rencontrer une personne comme Seungmin, celui-ci le traitait comme tout le monde et était tout simplement adorable à ses yeux.

Était-il mal de l'avoir emmené chez lui ? Et si finalement le brun était comme les autres et qu'à son réveil il penserait qu'il lui avait fait ces choses horribles que tout le monde l'en croyait capable ? Et s'il le détestait ? Le noiraud secoua sa tête pour enlever toutes ces questions qui lui faisaient mal et soupira longuement, observant les quelques voitures de la rue plongée dans le noir complet.