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J'ai super peur de ne pas avoir réussi mon test de bio. J'avais révisé à fond et pourtant voilà : je doute à mort de mes réponses. En plus, double truc qui me fait angoisser : j'ai mes règles et j'ai sans arrêt l'impression d'avoir fait dans ma culotte.

Seul point positif : je peux rejeter la faute sur mon organisme : si ce matin j'ai contemplé Swimman avec tant d'insistance, c'est la faute aux hormones.

Après avoir bien fourré sa langue dans la bouche de Nattans, Liz m'aide à me relever en me tendant sa main.

— May, ça te dirait d'aller voir les mecs s'entraîner ? J'ai dit à Rafou que je viendrais...

Elle me regarde, ses yeux vert clair pétillants d'amour.

— Tu m'accompagnes ? supplie-t-elle.
Je souris, malgré mon bas-ventre qui me torture et la chaleur qui me fait tourner la tête. Elle est heureuse, ça se voit.

— D'accord, je me soumets. Je viens.

Elle saute littéralement et l'air, le visage illuminé. Je remarque qu'elle a troqué sa jupe longue pour une plus courte comme la mienne. Elle est plus jolie.

Elle coupe court à mes pensées en me tirant par la main.

On s'assoit sur une table de pique-nique au bord du terrain. Lisa sourit et fait un signe de la main à une silhouette blonde qui lui répond.

Je sors mon téléphone. Il est 12h33. Aucun nouveau message. Je vais dans "Demande d'ami" et j'invite Myosotis, une jeune fille aux cheveux noirs aile de corbeau. J'éteins mon portable. Le rallume. 12h34. J'accepte certaines demandes d'ami. En refuse d'autres. Quand j'ai terminé mon tri, je coupe de nouveau mon téléphone et regarde en direction du terrain. Je reconnais Rowell. Il marque un panier. Harrington rate le sien et se fait rouspéter. Nattans en met un. Timmers n'est pas là, comme Angela Karltaux.

C'est donc au tour de Swimman. Mais il manque à l'appel. Je le vois sur le banc de touche où il est retourné s'assoir. Il tient son téléphone... hésite...puis appuie au centre. Il repart vers le terrain en dribblant.

Au même moment, mon portable sonne. Le message : "Une nouvelle notification" apparait à l'écran. Je tape mon code. 2708. Pas très long, ma date de naissance, le 27 août. Je retourne dans mes demandes d'ami. J'en ai une nouvelle.

Tyler Swimman /@TheKingOfTheSwim/Vous a envoyé une invitation

Mon doigt oscille entre "Accepter" et "Refuser". Accepter, c'est me rapprocher du plus beau mec du lycée, donc provoquer des tensions et jalousies. N'empêche, il est vachement mignon... Je m'imagine des dizaines de scénarios, tous plus improbables les uns que les autres. Mia Unterminiada sort avec Tyler Swimman, déclaré le plus beau garçon du lycée Carnot-Angelliers. On les dit : le plus beau couple jamais imaginé ! Je fronce les sourcils.

Accepter, c'est aussi risquer qu'il ou que je tombe amoureuse, et amour égale couple, et couple égale plus aucun secret, plus aucun secret égale la catastrophe assurée. Mon visage s'éclaire.

Swimman a interrompu son entraînement rien que pour m'envoyer une demande d'ami. Je l'ai vu !

— Mia... me murmure une petite voix aux intonations sifflantes. L'amour, ce n'est pas fait pour toi... Tu ne peux pas dévoiler tes secrets à quelqu'un. Même tes amis ne sont au courant de rien. Même Liz, ta meilleure amie, celle en qui tu as le plus confiance, ne sait pas la quantité de choses que tu lui caches... Personne ne peut réellement te faire confiance et tu ne peux réellement faire confiance à personne... Oublie l'amour. Ce n'est pas pour toi.

Je fais taire ma conscience en secouant la tête. Refuser, c'est garder ma liberté, mes secrets, mes imperfections, mes peurs...
Je devrais accepter. Apprendre à le connaître. Pourtant, mon pouce enfonce la case "Refuser". L'écran affiche le chargement de l'appli, puis écran noir. Plus aucune demande. Écran noir. Ma seule possibilité d'apprendre à le connaître s'est dissoute devant mes yeux, à cause de mon choix. Écran noir. A cause de mon choix...

J'ai le choix. Celui de enfin m'avouer vaincue et de me confier. De vivre ma vie. De rire, de pleurer, et le tout en toute sincérité. Sans masque. Sans la barrière, les frontières que forment les secrets. Vivre ma vie.

Je tape son nom pour lui envoyer moi-même une demande. Je trouve son compte, et appuie sur "Envoyer une demande d'ami".

Un message apparaît à l'écran :

Vous avez refusé l'invitation de "@TheKingOfTheSwim" ;
Attendez 23h59min avant de lui en envoyer
Une à votre tour !

Je maugrée quelques mots inéligibles, me maudissant intérieurement. Je pose brutalement mon téléphone sur la table et Lisa me dévisage.

— Ça va ? s'inquiète-t-elle.

— Oui ! je m'exclame, un peu trop fort, un peu trop violemment, un peu trop de tout.

— Je vais voir Raph, m'informe Liz en me regardant comme si je lui cachais quelque chose, ils font une pause. A toute ?

— A tout', je confirme.

Je range mon portable dans une poche que je ferme et me frotte les yeux. Swimman marque un dernier panier, puis je l'entends râler après la balle qui prend la fuite. Je me plonge dans la contemplation du paysage, mes ballerines frôlant le sol.

Le ballon de basket s'arrête en se cognant à mes pieds. Je relève les yeux. Le plus beau garçon du lycée me contemple, rêveur. Je n'ai pas vu sa bouche s'ouvrir qu'il parle déjà.

— Pourquoi t'as refusé mon invitation ?

Ouille, c'est dur comme un uppercut. Je m'attendais à quoi ? Qu'il s'assoie à mes côtés pour remarquer que le ciel est beau ? Non, il vient me parler d'internet, plutôt que du monde qui nous entoure. Normal, pour un garçon.

— Je me suis rendue compte après l'avoir refusée que j'avais peut-être envie de te parler, dis-je en reposant mon menton dans mes paumes pour regarder d'un air pensif l'horizon.

— Mmh, fait Swimman en s'asseyant à quelques centimètres de moi.

Nous restons silencieux et c'est tant mieux. Je voudrais qu'il parte et me laisse seule.

— C'est beau, ajoute-t-il pourtant en regardant à son tour la nature.

— C'est beau, je confirme, plongée dans un état second.

Puis je réalise ce qu'il vient de dire, sors de ma transe et bredouille :

— Attends... Quoi ?!

Je tourne brusquement la tête. Swimman vient de me parler du paysage. Lui, un garçon ! Je suis bouche bée. Il me regarde de ses yeux bleu argenté omniprésents. Ses prunelles détaillent mon corps de haut en bas. Il ouvre la bouche, la referme, comme un poisson hors de l'eau. Son téléphone vibre dans sa poche. Il laisse la sonnerie s'éterniser comme pour me prouver que j'ai faux. Que mes avis sont trop hâtifs envers lui. Il se penche vers moi et murmure :

— N'ai pas de tels préjugés envers les garçons.

J'ouvre la bouche et balbutie :

— Non, je... non...

Il met fin à mon supplice en tournant la tête. Puis il fronce les sourcils et sa bouche se tord. Une expression indécise se peint sur son visage.

— Je fais une fête demain soir. Tu viendras ?