Sujet F 34 / Phase d'adaptation

Bellara était profondément choquée par ce que son subconscient venait de lui montrer. Elle ne comprit pas tout de suite la signification de cet atroce cauchemar. La jeune femme était morte dans ses bras, tuée avec froideur par un redoutable inconnu.

D'après son esprit, il s'agissait de sa propre mère. Bellara en déduisit qu'elle avait eu des parents ou du moins une mère qui n'était visiblement plus de ce monde. Elle ne put s'empêcher d'éprouver de la tristesse. Elle n'avait aucun souvenir de sa famille mais le fait de savoir qu'ils avaient pu souffrir la rendait malheureuse. Elle se demanda alors ce qui avait bien pu pousser cet homme à commettre l'irréparable, un meurtre effroyable et en plus de sang-froid. Elle balaya ce visage masqué de son esprit.

Les souvenirs qui rejaillissaient dans ses rêves étaient impitoyables, violents, et la jeune fille se surprit à les maudire. Au fond, son amnésie était peut-être une bonne chose. La personne qui était derrière tout cela voulait peut-être la protéger de son passé, lui donner une chance de recommencer loin de toutes ces souffrances qui avaient pu être les siennes.

Cependant, Bellara n'avait pas oublié l'épais nuage gris qui l'avait pratiquement tuée. Toute cette mascarade n'avait aucun sens. La colère monta subitement en elle.

Elle se leva et plongea dans le bassin sans réfléchir comme pour se laver de cet effroyable songe et des questions qu'il avait soulevées en elle. Elle nagea de longues minutes dans l'eau claire comme elle avait pu le faire dans son hypothétique ancienne vie.

Son corps se détendit en même temps que son esprit. L'eau avait ce pouvoir extraordinaire de l'apaiser immédiatement, Bell s'en était rendu compte dès son premier bain. Une vague de gratitude balaya alors la colère qu'elle avait ressentie quelques secondes auparavant. Elle remercia à voix haute l'inconnu qui contrôlait la pièce. Le bassin était une source de bonheur pour elle depuis qu'il était apparu.

Mais malheureusement, un sentiment bien plus profond commençait à ronger la jeune fille. Un sentiment qui malgré son amnésie, ne lui semblait pas inconnu même si elle ne savait pas expliquer pourquoi, la solitude.

Seul le bruit de l'eau, remuée par les mouvements du sujet F/34, résonnait dans la vaste pièce. Bellara s'arrêta un moment, le corps en suspension dans le liquide transparent. Elle fixa le cadran numérique avec insistance.

Par souci de simplicité et pour se repérer dans le temps le sujet F/34 avait décidé, après s'être longuement torturé l'esprit, de considérer le cadran numérique comme un indicatif des jours passants.

Selon le cadran, il s'était donc écoulé trois jours depuis qu'elle s'était réveillée dans la capsule ce qui correspondait à environ soixante douze heures passées seule dans cette pièce énigmatique. Un soudain découragement la submergea quand elle réalisa le nombre de jours qui lui restaient à vivre dans cette salle avant que le cadran affiche le zéro, chiffre qui annoncerait sa perte ou sa délivrance. Survivre dans cet espace limité si longtemps sans devenir folle relevait de l'exploit selon elle et le sujet F/34 n'était pas sûre d'y arriver.

C'est alors qu'une idée traversa son esprit. Pourquoi n'y avait elle pas pensé plus tôt ? Elle se précipita hors de l'eau et enfila ses vêtements secs à la hâte avant de s'élancer vers l'un des quatre murs.

Elle retint son souffle avant de frapper à plusieurs reprises contre l'une des parois. Elle attendit en silence, le coeur battant mais il ni eut aucune réponse. Elle frappa à nouveau en mettant plus d'intensité dans son geste mais les coups se perdirent dans le silence.

Bellara ne se découragea pas. Elle changea de mur et reproduisit le même rituel sur les deux parois suivantes. Personne ne lui répondit. Se pouvait-il qu'elle soit complètement seule ? Qu'il n'y ait personne d'autre autour d'elle ?

Elle s'approcha du dernier mur, remplie d'espoir. Elle ferma les yeux, retint son souffle et frappa fort. .........................................................................................................................

Rien. Il n'y avait personne derrière ces murs. Elle se sentait profondément seule. La jeune fille s'imagina alors être là prisonnière d'un milliardaire fou, désireux de torturer des humains en toute discrétion. Elle se laissa glisser le long du mur, rongée par l'abattement et tomba lourdement sur le sol.

Elle n'allait pas résister longtemps sans réponses et sans compagnie. Qu'allait-elle faire ? Qu'allait-elle devenir ? Tout à coup, elle entendit un bruit lointain, étouffé, un son presque inaudible. Elle se releva d'un bond et colla son oreille contre la paroi du mur.

Son cœur s'arrêta de battre dans sa poitrine. Était-ce le fruit de son imagination ?
Boum boum boum. Bellara sentit de petites vibrations au niveau de sa joue. Il y avait quelqu'un juste là, à quelques mètres d'elle. Elle cogna la paroi avec force pour s'assurer qu'il s'agissait bien d'un autre humain et pas d'un mécanisme électronique lié à la pièce. La réponse ne se fit pas attendre. Boum boum boum boum.

Le sujet F/34 éclata de rire. Une joie indescriptible la submergea, elle n'était pas seule. Elle en fut profondément soulagée. Maintenant, il fallait qu'elle réussisse à communiquer avec cet individu, chose qui n'allait pas être évidente.

Tout en réfléchissant, elle continua de cogner contre la paroi du mur comme si elle avait peur de perdre le contact fraîchement établi.

Animée par une vive euphorie, Bellara ne s'aperçut pas du changement de pression atmosphérique qui s'opéra dans la pièce. La température chuta imperceptiblement et une pluie diluvienne s'abattit sur la jeune fille.

Elle ne comprit pas tout de suite ce qu'il se passait mais elle remarqua rapidement que le niveau de l'eau du bassin montait à une vitesse alarmante. À ce rythme-là, la pièce serait bientôt totalement submergée et Bellara ne tarderait pas à se noyer, le temps lui était compté.