Sujet F/34 - Phase d'adaptation

En effet, un grand bassin était apparu, un bassin rempli d'une eau translucide. Bellara s'extirpa avec agilité de sa cachette tout en restant sur ses gardes. La porte de la trappe retomba lourdement derrière elle, condamnant l'accès à son nouveau refuge. Elle pesta intérieurement: la jeune fille aurait dû y penser plus tôt, bloquer la trappe lui aurait permis de conserver cette précieuse cachette mais à présent il était trop tard.

Le sujet féminin reporta alors son attention sur l'étrange bassin encastré dans le sol. Il était long de plusieurs mètres et tout aussi large. Il s'approcha du rebord avec précaution et scruta le fond de celui-ci avec curiosité. Se pouvait-il que cette eau soit dangereuse ? Malgré la méfiance que Bellara nourrissait depuis l'apparition de l'étrange fumée noire, une force irrésistible l'attira: elle trempa le bout de ses doigts dans le liquide transparent comme attirée par une force irrésistible.

Attentive, elle guettait l'imprévu mais rien ne se produisit. La sensation de fraîcheur qu'elle ressentit au contact de l'eau lui fit même le plus grand bien. De là où elle se trouvait, la jeune fille n'arrivait pas jauger la profondeur du bassin: c'était à peine si elle en distinguait le fond. D'anciens souvenirs affluèrent dan son esprit lorsqu'elle enfonça sa jambe dans celui-ci. Elle ferma les yeux un instant puis se concentra pour saisir les moindres détails de ces étranges réminiscences.

Quelques secondes plus tard, la jeune femme se vit enfant. D'instinct, elle savait qu'il s'agissait d'elle. La petite fille ne devait pas avoir plus de huit ans, souriante, elle nageait dans une grande piscine ensoleillée. L'enfant semblait adorer l'eau. Alors qu'elle barbotait, une femme magnifiquement belle assise près du bassin l'encourageait d'une voix douce.

Tout à coup, l'enfant et la jeune femme se dissipèrent laissant place à de puissantes vagues. Bellara se vit alors à un autre âge: adolescente devina-t-elle. Elle était en train de surfer sur de puissantes vagues océaniques. La jeune fille se souvint alors de la sensation de liberté qu'elle avait ressenti à ce moment-là, de l'adrénaline qui accélérait son rythme cardiaque, de ses pupilles dilatées et de la force grondant dans sa poitrine.

Plongée dans un état second, les souvenirs se diluèrent lentement de son esprit sans qu'elle ne puisse les retenir mais ces songes du passé soulevèrent une évidence chez le sujet féminin: elle avait toujours adoré l'eau.

Sans réfléchir une seconde de plus, le sujet F/34 bascula tout le poids de son corps vers la surface du bassin et disparut l'instant d'après, engloutie par l'eau translucide. Elle réalisa alors que la cavité était plus profonde qu'elle ne se l'était imaginée dans un premier temps: la jeune fille n'avait pas pied. Lorsque Bellara comprit qu'elle coulait à pic et que remonter à l'air libre serait compliqué: une panique indescriptible la submergea.

Elle repensa alors aux souvenirs qui avaient effleuré son esprit quelques secondes plus tôt. Dans son ancienne vie, elle savait nager, l'eau n'avait aucun secret pour elle. Bellara concentra alors toutes ses forces afin d'essayer de reproduire les gestes qu'elles avaient entrevus dans sa tête, des gestes qu'elle avait répétés maintes et maintes fois semblait-il. Ce fut alors que l'impensable se produisit: quelque chose se débloqua dans son esprit et la jeune fille se mit à nager comme un poisson. Elle remonta aisément à la surface et put respirer à nouveau. Un puissant cri de joie émergea de ses cordes vocales et se répercuta sur les murs blancs de la pièce: elle jubilait.

Bellara se mit à plonger dans le bassin avec une aisance toute nouvelle. La sensation de l'eau sur son corps était délicieuse: elle vit alors l'apparition du bassin comme une réponse postérieure à sa victoire contre la mortelle fumée grise.

Depuis son réveil, jamais la jeune fille ne s'était sentie aussi heureuse. Des souvenirs resurgissaient dans son esprit, la pièce lui offrait une piscine d'eau claire: finalement les choses évoluaient et dans le bon sens.

Lorsque Bellara commença à fatiguer, elle sortit du bassin, quitta ses vêtements, ses sous-vêtements et les étendit sur le sol dans l'espoir qu'ils sèchent. Peu lui importait que quelqu'un la regarde, sa pudeur s'était dissipée.

La jeune fille repensa alors aux souvenirs qui avaient assailli son esprit. Bellara semblait avoir eût un vie heureuse dans le passé. Elle avait donc du mal à comprendre sa présence ici et écarta l'hypothèse que cet enfermement était le résultat d'un choix qui lui était propre.

Quelques secondes plus trad, le sujet féminin jeta un rapide coup d'oeil au cadran numérique qui semblait la fixer. Il indiquait 88 à présent. Le décompte poursuivait sa course, implacable, nullement perturbé par ce qu'il se passait dans la pièce.

Le jeune fille s'étendit sur le sol, les bras bien écartés et réfléchit pendant de longues minutes. Selon son horloge interne le décompte se faisait à intervalles réguliers. Un seul repas lui était servi pendant cet intervalle et la luminosité changeait trois fois d'intensité ce qui correspondait à deux phases de pleine lumière et deux phases de pénombre.

Au niveau des phénomènes inexplicables tels que la fumée grise et l'apparition du bassin, leur programmation semblait aléatoire, du moins, c'est ce qu'elle en déduisit.

Depuis que Bellara était sortie de la capsule, de nombreuses choses se mettaient en place dans son esprit. Elle retrouvait doucement la mémoire ce qui lui permettait de comprendre petit à petit le fonctionnement de sa prison. Celle-ci semblait vouloir la mettre à l'épreuve afin de tester et observer ses réactions mais dans quel but ? Elle n'en avait pas la moindre idée mais la jeune fille mettrait tout en œuvre pour le découvrir.

Le sujet F/34 comprit vite que son esprit, malgré son amnésie totale, était son plus fidèle allié et il s'endormit en imaginant les hypothétiques épreuves auxquelles la pièce pouvait le confronter dans les prochaines heures voire dans les prochains jours. À peine le sommeil la submergea que d'étranges rêves vinrent attaquer son esprit endormi.

. . . Quelqu'un me serre fort dans ses bras . . . c'est une femme . . . c'est la femme qui se trouvait à côté de la piscine . . . elle me dit qu'elle m'aime . . . elle me ressemble . . . une porte vole en éclat derrière elle et un homme au visage caché surgit . . . il pointe son arme sur la femme et tire trois fois . . . elle s'écroule dans mes bras . . . des larmes coulent sur mon visage . . . cet homme vient de tuer ma . . . .

- Maman ! non ! s'époumona Bellara le front couvert de sueur.

La voix paniquée de la jeune fille retentit dans le vaste espace blanc en un écho troublant. Son coeur battait à une vitesse affolante dans sa poitrine et de fines larmes ruisselaient le long de ses joues: le sujet F/34 venait de rêver de la mort de sa mère.