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One Of These Days - Chapitre 11


1993 

- H A R R Y -



« Tout le temps qui n'est pas consacré à l'amour est perdu. »

— Pierre L'Arétin 


L'herbe du champ est jaune et sèche, calcinée par le soleil du mois de juillet. Sous les baskets sales des garçons, de la poussière vole, épaisse et brune. Le ballon rebondit sur une motte de taupe et va s'écraser dans un buisson aux branches lasses, entre ses feuilles assoiffés déjà vaincues par la chaleur, à onze heures du matin. Quelqu'un hurle depuis l'autre bout du terrain improvisé. Harry plisse légèrement les yeux. Il reconnaît Ben, avec sa casquette rouge vissée sur ses cheveux blonds, un maillot trop grand au nom de Barthez sur le dos.

Le ballon revient. Les garçons se remettent à courir, tempes luisantes de sueur et genoux sales. Le jeu est bon enfant, et pourtant Harry sent que parmi eux, certains se rêvent sur un autre terrain, plus grand, plus vert, acclamés par une foule en délire. Ici, il n'y a que le petit groupe des filles agglutiné autour d'une cage de but pour crier de temps en temps un prénom, sans trop de conviction.

Harry s'assoit sous un arbre. L'ombre fait une flaque opaque autour de lui. Il appuie sa tête contre le tronc osseux, étend ses jambes devant lui. À quelques mètres de là, Louis est en train de dribbler Jim et Harry s'autorise à fixer ses cuisses, ses muscles redessinés par l'effort, la courbe nette de ses mollets, la forme de ses fesses dans son short un peu trop petit.

Harry sait qu'il ne devrait pas faire ça, mais Louis l'obsède chaque jour un peu plus. Parfois, il a vraiment hâte que l'été se termine pour retourner à l'internat dans la ville qu'il a toujours connu, pour retrouver sa solitude, les regards moqueurs et les poings menaçants de Gabriel, à la sortie des toilettes. Avec l'automne et les premières feuilles rousses, avec le vent froid et les ciels gris, Louis s'éloignera, Louis ne sera plus qu'un point flou dans l'horizon de sa vie, de plus en plus lointain et inaccessible. Harry n'aura plus à souffrir de le savoir si prêt et si beau. Harry ne rêvera plus de lui, de sa bouche dont il connaît la douceur, de ses yeux immenses et limpides. Parfois, pourtant, il veut aussi que l'été ne se termine jamais, que sa vie, pour toujours, ne se résume qu'à ses heures de soleil brûlant passées à penser au sourire franc de Louis, à ses petites mains roulant des cigarettes, à sa façon de rire en plissant les paupières.

Harry tombe souvent amoureux. Il tombe fort, et vite, et mal. Il s'érafle genoux et ventre, ses paumes le brûlent, du sang coule dans le siphon de sa douche. Harry s'écrase pour ceux qui n'en valent pas la peine, et dans le fond, il a toujours pensé qu'il le méritait bien. Harry aime les garçons plus âgés, habituellement. Ceux dont les mains peuvent le briser, ceux qui savent où toucher pour trouver immédiatement un point sensible. Ceux dont les yeux ne sont ni doux ni tendres. Ceux dont les dents carnassières mordent sa chair jusqu'à ce qu'il hurle. Ceux aussi, souvent, qui ne se retournent même pas sur son passage. Ceux pour qui, à tout jamais, il ne restera qu'un inconnu de passage, un fantôme sur le siège d'un bus, le gamin étrange dans la file du cinéma.

Harry n'a jamais de chance, en amour. Mais c'est normal, il le sait. Il n'est pas comme les autres. Son coeur ne suit aucune cadence précise, il s'emballe, rate des notes, veut jouer des mélodies dissonantes, qui n'intéressent personne. Et puis, Harry n'est jamais assez. Il n'est pas vraiment beau, pas si intelligent que ça, pas très drôle, ni bavard. Il n'a aucun talent. L'école ne l'intéresse pas tellement. Il n'a pas de rêve, pas de but à accomplir, juste cette tare qui lui colle à la peau, juste son pouls qui s'emballe quand un garçon frôle sa main, ou lui sourit, ou lui dit un mot gentil.

Pourquoi a-t-il cru que Louis serait différent ? Pourquoi a-t-il cru que Louis traversait la même chose que lui ? Pourquoi a-t-il cru que Louis serait son exception, la personne venue pour le protéger de lui-même et du monde ? Peut-être parce que Louis l'avait regardé de cette façon si douce... Peut-être parce que Louis avait pris ses doigts entre les siens, et que ses mains ne l'avaient pas serré trop fort... Peut-être parce que Louis l'avait embrassé en caressant sa joue avec son pouce, comme s'il existait vraiment quelqu'un dans le monde capable d'offrir à Harry un amour dénué de peur et de violence.

Peut-être parce que Louis était là, à quelques mètres, et qu'il venait de tourner la tête vers lui, ses pieds ralentissant sur le terrain, tout son corps se tendant vers Harry.

Il ne sourit pas, lui accorde seulement ce long regard pénétrant et teinté de quelque chose qui ressemble à de la tristesse, avant de détourner la tête et de reprendre sa course. Harry sent sa gorge se serrer. Il reste, pourtant. Il ne suit pas le match, ne réagissant même pas lorsque Jim finit par marquer et enlève son t-shirt en faisant le tour du but en hurlant. Il ne voit que Louis, Louis inondé de soleil, Louis qui s'arrête pour boire dans sa gourde et s'asperge la nuque d'eau, bien trop nonchalant pour être naturel, Louis qui tape dans la main de Ben en riant, Louis qui s'arrête pour refaire son lacet, Louis qui tombe et roule sur le sol et se relève couvert de poussière.

Quand Nour — désignée comme arbitre — annonce la fin du match, Harry se relève lentement et reste adossé à son arbre. Les autres garçons ne l'ont visiblement pas remarqué et seul Louis lui jette à nouveau un coup d'oeil avant de se détourner pour rejoindre Romain.

Dans le village soudain, l'église se met à sonner. Les cloches bourdonnent au milieu de la chaleur assourdissante, semblent rouler entre les flancs des collines, traverser les herbes folles, faire danser les fleurs sauvages. Il est midi, et tout le petit groupe se disperse, chacun étant pressé de se glisser dans la fraîcheur de sa cuisine pour manger. Harry doit y aller, lui aussi. Il sait que la mère de Jim a préparé le repas, et qu'elle attend tout le monde, pestant sans doute déjà contre leur retard et menaçant dans le vide de ne plus jamais préparer quoi que ce soit pour des adolescents ingrats.

Pourtant, il ne bouge pas. À l'autre bout du champ, il voit Louis faire un signe à Romain, lui indiquant sans doute qu'il a oublié quelque chose sur le terrain. Harry sait qu'il revient pour lui. Il attend. Louis trottine au milieu des herbes hautes, éclaboussé de soleil. Il traverse le terrain, ralentit en approchant. Son assurance tranquille semble s'effriter un peu lorsqu'il croise à nouveau le regard d'Harry. Il est encore à quelques mètres, et pourtant il s'arrête. Harry pense qu'il n'a jamais été aussi conscient du corps de Louis, de ses angles pointus et de ses formes rondes, de toutes ces choses qui ne vont pas ensemble et pourtant le rendent sublime. Louis, éblouissant au milieu du champ vibrant de lumière et d'odeur. Louis immobile, revenu pour Harry, juste pour lui, après une semaine de silence et de regards blessés.

— Est-ce qu'on peut parler ?

Harry acquiesce lentement. Louis semble se détendre un peu. Il s'approche, entre dans la flaque d'ombre d'Harry. Pourtant, tout son visage semble garder l'éclat du soleil.

— Je suis désolé pour... L'autre fois.

Harry cligne des paupières. Il a du mal à se concentrer sur ce que dit Louis, il a du mal à comprendre, aussi. L'autre fois. Qu'est-ce que c'est ? Le baiser ? La fête foraine ? Est-ce que Louis regrette tout ? Est-ce que Louis est venu définitivement lui demander de ne plus jamais l'approcher ? Harry comprendrait, si c'était le cas.

— Je suis désolé de ne pas t'avoir répondu. Je ne veux pas que tu crois que tu es une erreur... Ce n'est pas le cas. Je ne regrette rien.

Harry émet un petit bruit incrédule. Il ne réagit même pas quand Louis s'approche encore, et prend son poignet entre ses doigts, caressant le creux entre ses os pointus.

— Tu ne regrettes pas... Tout ?

— Non.

— Même pas quand on s'est embrassés ?

Louis sourit un peu, et pourtant Harry lit dans ses yeux qu'il est un peu déboussolé, comme s'il ne s'attendait pas à ce que Harry pose ces questions là. Sa voix est douce quand il répond :

— Évidemment que non. Je ne sais pas si tu te souviens mais c'est moi qui t'ai demandé si je pouvais t'embrasser.

— Mais tu avais fumé.

— Oui, un joint à moitié terminé. J'étais conscient de ce que je faisais... Tu n'as quand même pas cru que...

Harry baisse la tête, un peu honteux. Ses joues le brûlent. Louis se rapproche encore, sa main droite attrapant son menton pour le relever gentiment. Et quand Harry croise à nouveau son regard, il n'y lit qu'une sincérité désarmante.

— Harry. Je ne sais pas ce que tu t'imagines mais je ne veux pas t'embrasser pour rire ou pour jouer. Je le pense. J'ai envie de... J'ai envie de recommencer. Ça me plaît. Tu... Tu me plais.

Harry ne répond pas. Il ferme seulement les yeux. Autour de lui, l'odeur entêtante de foin, d'herbe coupée et de fleurs sauvages est remplacée par celle de Louis, de sa peau transpirante et poussiéreuse, de la lessive bon marché imprégnant ses vêtements, du déodorant utilisé par les garçons dans tous les vestiaires de sport. Et Harry aime cette odeur. Il l'aime plus que n'importe quelle autre odeur au monde. Il veut en être recouvert tout entier, ne plus pouvoir respirer qu'en collant son nez contre le cou de Louis, inhaler chaque centimètre carré de sa peau aspergée de soleil, abîmée par des heures à parcourir la forêt, rendue sèche de chaleur et de sueur.

— Ouvre la bouche.

Louis respire contre ses lèvres, cils papillonnants et noirs, inondés par le bleu débordant de ses yeux. Harry obéit, tremblant, ses mains accrochés au tissu épais du t-shirt de foot de Louis. Il ferme à nouveau les yeux lorsque le jeune homme cherche sa langue entre ses dents. Louis a un goût de gâteaux au beurre et de chocolat et Harry retient un gémissement lorsque leurs lèvres se rencontrent enfin tout à fait. Le baiser est encore meilleur que le premier. Harry sent le sol s'épaissir sous ses pieds, le tronc veineux de l'arbre devenir moelleux contre son dos. Les hanches de Louis se rapprochent des siennes, et pendant un instant, ses doigts tremblent en sentant leurs bassins s'aligner parfaitement, comme si leurs deux corps n'étaient fait que pour ça, comme s'ils formaient les deux pièces indissociables d'un minuscule puzzle. Il ne sait pas si Louis s'en rend compte. Il glisse ses mains derrière son dos. Le tissu de son t-shirt est collé à sa peau à cet endroit, mais Harry s'en fiche. Il a envie de toucher la sueur le long de la colonne vertébrale de Louis, envie de s'agenouiller derrière lui et de passer sa langue entre ses os minuscules, de connaître le goût de sa peau mêlé à celui de sa bouche.

Louis recule un peu, soudain, à bout de souffle. Il sourit, joues roses et cheveux ébouriffés.

— Tu veux venir manger chez moi ?

Harry met quelques secondes à comprendre la question. Le monde semble tourner autour de lui, et il ne parvient pas à se concentrer sur autre chose que ses lèvres humides et sur les doigts de Louis occupés à caresser lentement l'arrière de sa nuque.

— Euh... Si tu veux.

— Mes parents ne sont pas là mais il y a des cordons bleus. Et des frites.

— Ça m'a l'air bien.

Louis sourit à nouveau, yeux plissés et lumineux. Il ne lâche pas la main d'Harry pendant le chemin jusqu'au village, comme s'il s'agissait de la chose la plus évidente du monde, et Harry se sent un peu dépassé par les évènements. Dépassé, mais terriblement heureux.

*

*

*

Louis repousse son assiette de frites et lèche ses doigts un à un, le regard rivé sur l'écran de télévision. Harry est encore en train de terminer de manger, l'estomac un peu noué, vibrant de désir et d'appréhension. Le mélange est étrange. Il n'est pas certain d'avoir déjà ressenti ça auparavant.

— Tu ne rates pas un épisode d'Olive et Tom, alors ?

Louis sourit, son attention restant cependant focalisé sur le dessin animé.

— Jamais. J'adore cette histoire...

— Leurs terrains de foot font tous dix kilomètres.

— C'est une illusion d'optique.

Harry se met à rire. Louis lui tire la langue. À cet instant, il a l'air jeune. Bien plus jeune que le garçon qui l'a embrassé tout à l'heure, sous les feuilles épaisses d'un arbre centenaire. Mais Harry aime bien ce Louis là, gamin et innocent.

Quand l'épisode se termine, ils se lèvent pour faire la vaisselle. Louis met de la mousse partout et casse un saladier avant de décider d'abandonner, laissant leurs assiettes dans le fond du bac.

— Viens, on monte là-haut.

Harry le suit sans poser de questions. Ce n'est qu'une fois qu'il se retrouve dans la petite chambre de Louis, porte fermé derrière lui, qu'il réalise ce que cela peut vouloir dire. Prudemment, il s'assoit sur le lit pendant que Louis va tirer le volet, grommelant qu'il y a trop de soleil qui rentre dans la pièce et qu'il va encore faire 30 degrés quand il voudra dormir.

La chambre n'a pas vraiment changé, depuis la première fois où Harry y est entré. Le bureau est toujours plus ou moins rangé, une pile de vêtements ayant été posée de travers sur la chaise. Il repère seulement un nouveau poster Dragon Ball Z, accroché sur la porte d'un placard.

— Je l'ai eu dans un magazine, explique Louis sans que Harry ne lui ait rien demandé.

— Il est sympa.

Louis acquiesce avant de se laisser tomber sur le lit, poussant un soupir faussement dramatique.

— Je crois que je devrais aller prendre une douche. Je dois sentir mauvais. Et j'ai les cheveux plein d'herbe.

— Ça ne me dérange pas, bafouille Harry en se sentant à nouveau rougir.

— Quoi ? Que je pue ou que je sois absolument dégoûtant ?

— Les deux.

Pendant un moment, Louis ne répond pas, se contentant de dévisager calmement Harry. Puis, doucement, il se redresse, s'appuyant sur ses coudes avant de murmurer :

— Tu n'es vraiment pas comme tout le monde, toi.

Harry grimace un peu.

— C'est censé être un compliment ?

— Oui. Je te trouve... fascinant.

Le mot fait sourire Harry tout autant qu'il le gêne. Fascinant. Ce n'est vraiment pas comme ça que les autres le décrivent, généralement.

— Ça ne te gêne pas que, tu sais, je sois, un garçon ?, il hasarde alors.

Louis arque un sourcil, une moue incrédule se dessinant sur son visage.

— Comment ça ? Je ne suis pas allergique aux individus de type masculin, il me semble.

— C'est pas... Rah. Tu sais... Je suis un mec. Et toi aussi.

— Effectivement.

Harry lève les yeux au ciel, lui donnant une petite claque sur la cuisse.

— Ne fais pas comme si tu ne comprenais pas. Je suis... gay. C'est ce que je veux dire.

Cette fois, Louis se relève tout à fait. Son épaule touche celle d'Harry et il attrape sa main, sa voix soudain bien plus douce qu'amusée.

— Tu n'as pas besoin de le dire comme si c'était quelque chose dont tu devais avoir honte. Et honnêtement, je ne pense pas que être totalement hétéro. Ce serait me mentir à moi-même, tu crois pas ? Donc, pour te répondre, non, je m'en fous que tu sois un garçon. Je suis même content que tu le sois.

Et sans laisser le temps à Harry de réagir, il se lève et attrape ses vêtements sur la chaise du bureau.

— Maintenant, je vais à la douche. Tu peux prendre ce que tu veux dans ma chambre, si tu t'ennuies.

Il disparaît après un sourire. Harry attend quelques minutes avant d'attraper l'oreiller sur le lit pour y enfouir son visage.

« Je m'en fous que tu sois un garçon. »

Peut-être que tu t'en fous maintenant, Louis, mais pour combien de temps ? Si tu dis cela aussi facilement, c'est que personne ne t'as fait du mal, c'est que personne ne t'as dit que tu étais malade, c'est que personne ne t'as tiré les cheveux ni frappé au visage ni craché à la gueule, c'est que jamais, jamais, tu n'as eu à avoir peur pour ta vie, à avoir honte d'être celui que tu es. Mais tu verras Louis, que ça ne peut pas être aussi facile que ça. On ne peut pas aimer sans souffrir, dans ce monde là.

*

*

*

Quand Louis revient de la douche, cheveux encore humides et t-shirt propre sur le dos, Harry est assis en tailleur près de sa bibliothèque, occupé à feuilleter un manga. Louis s'accroupit derrière lui, jetant un regard par-dessus son épaule pour voir ce qu'il lit avant de déposer de légers baisers le long de sa nuque. C'est doux et Harry frissonne au contact, perdant soudainement tout intérêt pour le combat entre Vegeta et Sangoku.

Ils ne parlent plus, après ça. Ils passent l'après-midi à lire, assis côte à côte, et parfois Louis se penche pour embrasser Harry, et leurs mains s'enlacent se croisent et se caressent par-dessus les pages. Installés sous la fenêtre, ils profitent de l'ombre et du vent qui passe entre les volets, souffle chaud dans l'obscurité. Leurs souffles sont épais dans le silence, et Harry sent sa bouche trembler dès qu'elle s'approche de celle de Louis, tout son être se tendre vers le corps du jeune homme. Ils ne vont pas plus loin, pourtant. Harry se demande si Louis sent son appréhension, ou si lui-même n'a pas envie de plus. Peut-être qu'il n'y pense même pas, à vrai dire. Peut-être qu'ils passeront le reste de l'été à s'embrasser de cette façon-là, tout en gémissements retenus et doigts tremblants, s'effleurant à peine.

Quand la mère de Louis rentre du travail, Harry décide de s'en aller. Louis l'embrasse une dernière fois avant de le laisser sortir de sa chambre, dos appuyé contre le bois de la porte. Le baiser est rapide, langue chaude et doigts enfoncés contre ses hanches. Quand Harry dévale l'escalier, le monde est un vertige sans fin. Puis, il remonte la rue en se sentant plus léger que jamais, l'odeur de Louis accroché sur lui, comme un voile transparent. L'après-midi est en train de mourir à l'horizon, le soleil laissant errer ses derniers rayons sur le toit sombre de l'église, et tout le village semble avoir pris une forme nouvelle, plus harmonieuse. Harry n'arrive plus à se défaire de son sourire.

*

*

*

— T'étais où ?

La claque est partie sans prévenir. Harry retient un petit cri, sentant déjà ses yeux s'humidifier. Plus de honte que de douleur. Parce que derrière sa mère, Jim et sa tante l'observent, un air goguenard sur le visage.

— Nul part.

Il ne comprend même pas pourquoi sa mère lui pose cette question. Elle s'en fout, d'habitude. Il a toujours cru qu'il pouvait faire ce qu'il voulait, prendre un train vers l'autre bout du pays, fuguer pour se lancer dans un trafic d'armes ou se jeter du haut d'une falaise, et qu'elle ne s'en inquièterait pas. Visiblement, non. Cela dit, il aurait préféré.

Il pose ses doigts sur sa joue endolorie, et frotte doucement sa peau. Sa mère ne lève jamais la main sur lui, d'habitude. C'était... C'était l'autre qui se chargeait de ça. Harry ne se méfiait pas, ici. Il a eu tort.

— Il était chez une fille, c'est obligé, ricane soudain Jim dans un coin de la pièce.

Harry lui jette un regard noir et proteste :

— N'importe quoi ! Je n'étais chez personne.

— T'as mangé où, alors ?

Cette fois, c'est sa tante qui s'en mêle, mains sur ses hanches épaisses. Harry les déteste.

— J'ai pas mangé.

— C'est bien la peine que je te prépare une part... J'ai dû jeter de la nourriture, à cause de toi ! La prochaine fois je te laisserais crever de faim.

Harry ne peut pas s'empêcher de lever les yeux au ciel. Comme si sa tante avait jeté sa part... Il sait très bien que Jim lui-même ne rentre pas tous les midis...

— Karine a raison, Harry. Elle est déjà bien gentille de nous laisser dormir chez elle... Et ne t'avises pas de mettre une fille enceinte. J'ai pas envie d'avoir ça sur le dos en plus de tout le reste.

— T'inquiètes pas, ça n'arrivera pas, grommelle Harry avant de sortir de la pièce et de se précipiter dans l'escalier.

Il entend sa mère crier à nouveau son prénom mais il ne s'arrête pas, se dépêchant de fermer la porte de la petite chambre d'ami qui lui a été attribué. La pièce est minuscule, et son lit est seulement un matelas mais il s'en fout. Avoir son endroit à lui est une bénédiction, dans cette maison.

Il se laisse tomber sur le lit et pose à nouveau sa main sur sa joue. Il y a quinze minutes à peine, Louis y passait son pouce et le regardait en souriant, avant de se pencher pour l'embrasser. Harry sent des larmes amères remonter dans ses yeux.

On ne peut pas aimer sans souffrir, dans ce monde là.

Tu vois. Qu'est-ce que je disais ?

*

*

*

Harry se réveille en haletant. Tout son corps est encore figé dans le cauchemar et seuls ses bras tremblent tandis qu'il se recroqueville peu à peu sur lui-même. Déjà, il n'arrive plus à se rappeler des contours du rêve. La réalité reprend doucement le dessus. Il ne se souvient que d'ombres menaçantes, de ricanements de hyènes et de Louis, qui lui tendait la main sans qu'il n'arrive jamais à l'attraper.

Lentement, il avance ses doigts vers la bouteille d'eau qu'il pose toujours près de son matelas. De l'eau.. Il y en avait, dans le rêve. Une eau inquiétante et sombre, qui se refermait sur lui et l'empêchait de respirer et... Non... Il n'arrive plus à se souvenir.

Il s'éponge le front avec le bord de son draps, et se laisse retomber contre l'oreiller. Il est habitué aux cauchemars. Il est habitué aux nuits hachées, entrecoupées de sursauts. Il est habitué à se réveiller les yeux pleins de larmes et la gorge nouée. Il est habitué à se lever pour aller vomir, de temps en temps, quand la peur a été si intense qu'elle lui a broyé l'estomac. Il est habitué, même, parfois, à découvrir au petit matin qu'il a trempé son draps. Heureusement, pas cette nuit. Sa respiration revient assez vite à la normale, et son coeur se remet peu à peu à battre normalement. Il ferme à nouveau les yeux. Il sait qu'un mauvais rêve l'attend sans doute encore, jusqu'à l'aube. Mais peu importe. Demain matin, quand le soleil sera levé, Louis l'attendra à la lisière de la forêt, et il l'embrassera sans doute à l'abri d'un sapin. Harry ne veut pas penser à autre chose.

*

*

*

— Je crois que Romain ne m'aime pas.

— Ah oui ?

Louis est assis en tailleur, occupé à se rouler une cigarette. Le tabac lui glisse un peu entre les doigts. Ils sont dans la cabane. Il ne fait pas très beau aujourd'hui, et les autres sont restés en ville. Louis a prétexté être malade pour ne pas les rejoindre et Harry... Harry n'a pas besoin de grand chose pour qu'on oublie sa présence. Il se gratte pensivement le genou, son regard errant vers la petite fenêtre et le carré de ciel gris qu'elle dévoile. Peut-être qu'il pleuvra, ce soir... Ce serait agréable. Harry n'en peut plus de la chaleur. Il a hâte qu'août et ses orages à répétition arrivent.

— Hmmm... Il me regarde comme les gens qui me haïssent.

Louis laisse échapper un petit rire.

— Beaucoup de gens te haïssent ?

Il n'a pas l'air de prendre vraiment la remarque d'Harry au sérieux, alors celui-ci ne répond pas. De toute façon, ce n'est pas comme s'il avait envie de partager cet aspect de sa vie avec Louis. Pas alors que celui-ci est la première personne à se comporter d'une façon aussi incroyablement gentille avec lui. À la place, il s'avance et lui vole un baiser juste avant que Louis ne porte la cigarette à ses lèvres et l'allume. Le jeune homme se met à rire.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien. T'es beau. Et je n'aime pas tellement le goût du tabac.

Louis grimace un peu.

— Vraiment ? Mais tu fumes toi aussi, parfois.

— Oui. Mais je préfère quand t'as le goût de ces trucs que tu manges le matin...

— Les Petits LU ?

— Ouais, voilà. Les Petits LU.

Louis allume sa cigarette, et ils restent tous les deux silencieux un moment, Harry s'étant allongé de façon à appuyer sa tête contre la cuisse de Louis. Il aime ces moments-là, de calme tranquille, où rien n'y personne ne peut venir les déranger. Parfois, lorsqu'il y réfléchit, il se demande aussi comment il peut agir de façon aussi naturelle en présence de Louis, comment il peut oser l'embrasser, le toucher, lui réclamer un câlin ou s'accrocher contre lui pour respirer l'odeur de sa peau, au niveau de sa nuque. Il se demande comment Louis fait pour ne pas l'avoir encore rejeté. Il se demande comment il peut ne pas être encore mort en évoluant aussi près de Louis, de son sourire brûlant de soleil et de ses yeux comme des petites planètes remplies d'étoiles.

— J'ai envie de partir d'ici.

Harry sourit. Louis dit souvent ce genres de choses, en regardant l'horizon comme s'il se trouvait sur un bateau pouvant l'emmener jusqu'en Amérique. Souvent, cette phrase est teintée d'amertume ou d'espoir ou d'ivresse. Jamais de détermination.

— Pour aller où ?

Harry connait la suite. C'est presque devenu un jeu, entre eux. Un jeu où Louis invente la plus belle des villes, un endroit où ils pourront être heureux rien que tous les deux, se tenir la main en allant au cinéma et s'embrasser au restaurant. Mais cette fois, Louis ne dit rien de tout ça.

— Chez moi. Dans ma chambre. Pour te pousser dans le matelas, grimper sur toi, et t'embrasser partout.

— Tu peux faire ça ici.

Harry sait que ce n'est pas vrai. Il est bien plus téméraire dans les mots que dans les actes. Une fois, Louis a glissé sa main sous son t-shirt et Harry s'est reculé si vite que Louis s'est excusé pendant quinze minutes, lui disant qu'il ne voulait vraiment vraiment pas faire quelque chose sans son consentement, qu'il voulait juste toucher sa peau, rien de plus. Harry a eu un peu honte, cette fois là. Parce que... Parce qu'il a envie de Louis. Tellement envie. Il y pense tout le temps, à le déshabiller, ici, dans la cabane, ou ailleurs, n'importe où, à laisser courir sa langue et ses doigts le long de sa peau dorée. Mais il a peur. Et... Et il ne veut pas que Louis le voit nu. Parce que lui n'est pas comme Louis. Son corps est horrible et disgracieux et trop mince et trop long et trop blanc. Harry se déteste. Et il hait se détester parce qu'à cause de ça... À cause de ça Louis rigole seulement à sa proposition et lui tapote doucement la tête, avec un sourire indulgent.

— En fait, j'aimerais surtout t'emmener dans ma chambre pour que tu dormes.

— Que je dorme ?

Harry cligne des yeux, sans comprendre.

— Tu crois que je ne vois pas tes cernes ? Tu fais des cauchemars ? T'as une chambre pour toi tout seul, au moins, chez Jim ?

— Oui... Oui j'ai une chambre. Et t'inquiètes pas. Je dors.

Louis lui jette un regard soupçonneux mais n'insiste pas. Harry le regarde fumer, pensif. Jamais personne ne lui a posé cette question là auparavant. Jamais personne — même pas sa mère — n'a remarqué qu'il était mort de fatigue, et angoissé, et terrifié à l'idée d'aller dormir, tous les putains de soirs. Pourquoi Louis fait-il autant attention à lui ? Pourquoi Louis était-il si stupidement parfait ?

Harry soupire.

*

*

*

Il est seize heures. Assis à côté d'Agathe sur un muret, Harry regarde Louis, Romain, Jim et Nour faire du skateboard. Le bitume semble couler à cause de la chaleur épaisse sous leurs planches, et Harry grimace dès que Louis se lance un peu trop rapidement sur la piste, inquiet à l'idée qu'il ne tombe et se blesse.

— Tu fais pas de skate, toi ?

Agathe lui sourit, une brique de jus de fruit à la main. Harry remarque seulement maintenant que dans ses cheveux pend une petite tresse multicolore, qui n'était pas là avant.

— Non... Je ne suis pas très bon pour ça.

— Tu devrais demander à Nour de t'expliquer comment faire.

— À Nour ?

Harry cherche du regard la jeune fille qui est en train de dévaler une pente à toute vitesse, ses épais cheveux noirs voletant derrière elle. Il grimace.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée... Et puis je n'ai vraiment pas envie de faire du skate, ça a juste l'air horri-

C'est ce moment que choisissent ses yeux pour retomber sur Louis, qui, descendu de sa planche, s'avance vers eux avec un grand sourire. Harry se sent lui aussi sourire malgré lui, et il oublie totalement de terminer sa phrase. Louis est très beau, avec son débardeur trop grand laissant apercevoir ses côtes et son short en jean à moitié déchiré. Louis est très beau et comme toujours, Harry se sent noyé par sa présence.

— Eh, Harry, tu veux que je t'apprenne un peu ?

Il pointe du doigt sa planche, et il est si solaire et attirant que Harry descend du muret sans réfléchir.

— D'accord. Mais je ne veux pas aller trop vite.

Louis lui promet de ne pas le mettre en danger et l'attrape par le coude pour l'entraîner vers un coin plat du skatepark. Harry a juste le temps de se retourner pour saisir l'air un peu incrédule d'Agathe.

Et si, quelques minutes plus tard, alors qu'il est debout en équilibre sur la planche et qu'il s'accroche aux hanches de Louis pour ne pas tomber, il croise à nouveau le regard la jeune fille, il ne s'inquiète pas de lui trouver un éclat à la fois soupçonneux et amusé dans les yeux. Il serre seulement Louis un peu plus fort. 



_______

Note

J'ai écrit ce chapitre en une après-midi (c'est-à-dire aujourd'hui) sous le soleil et en combattant mes allergies donc j'espère qu'il vous plaît. :'( Plus sérieusement, j'aime beaucoup écrire les parties d'Harry... Il est à la fois totalement désillusionné et plein d'espoir. J'ai envie de le rendre heureux. 

Merci d'être là, de commenter, d'aimer mes chapitres. Ça me donne la force et l'inspiration nécessaire pour continuer cette histoire, vraiment. ♡ 

Maintenant, je retourne jouer aux Sims 4. 

À vendredi. ♡

#CAPfic 

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