High Hopes - Chapitre 18
(Note de l'idiote qui écrit cette fiction : Il n'y a pas d'aéroport à Kyoto. Ça ne change rien à l'histoire mais je voulais rectifier mon erreur... L'aéroport le plus proche est celui d'Osaka, à 1h de Kyoto. :p)
1999
- L O U I S -
En sortant de la voiture, après avoir dormi pendant la majeure partie du trajet, Louis remarque immédiatement les gros nuages noirs amoncelés au-dessus du toit gris de l'aéroport. Il rabat machinalement la capuche de son sweat Adidas sur la tête, même si la pluie n'est pas encore en train de tomber. Il commence à être habitué à l'atmosphère lourde et chargée d'humidité de la ville. Apparemment, c'est pire en automne, et l'été étant en train de toucher à sa fin, Louis ne s'étonne pas tellement des caprices répétés du ciel. De toute façon, un orage ira très bien avec son humeur.
Il fait le tour de la voiture, ouvrant le coffre pour récupérer une énorme valise noire, tandis qu'Emma et Axel attrapent les autres sacs. Ils traversent le parking de l'aéroport en silence, traînant leurs affaires derrière eux, et Louis se sent un peu désorienté en entrant dans le bâtiment, agressé par toutes les couleurs vives des panneaux d'informations et les phrases écrites en japonais, qu'il ne comprend pas.
— On aurait peut-être dû demander à Harry de nous accompagner, murmure Emma en souriant, ses yeux balayant le hall immense du regard.
— Il travaille, soupire Louis. Je ne voulais pas l'embêter avec ça...
— Tu sais très bien qu'il serait prêt à traverser des océans pour toi, lui répond la jeune femme en roulant les yeux.
Louis hausse les épaules. À vrai dire, c'est exactement pour ça qu'il n'a pas évoqué le sujet avec Harry... Il sait très bien que le jeune homme aurait changé ses plannings avec Haku sans hésitation, s'infligeant par la suite des heures inhabituelles. Et puis, Louis n'avait pas vraiment envie que Harry le voit triste. Il sait qu'il peut avoir un comportement exécrable dans ces moments-là, et il ne voulait pas risquer de tout gâcher entre eux, alors même qu'ils commencent seulement à trouver un équilibre. Louis peut gérer tout seul la douleur de la séparation. Il n'aura qu'à aller pleurer dans les toilettes de l'aéroport, puis faire comme si rien n'était arrivé.
Comme si elle avait deviné le cheminement de ses pensées, Emma s'approche de lui et lui attrape la main, la serrant doucement dans la sienne.
— Louis... On se reverra, tu le sais ?
— Hmmm.
Il détourne la tête, les yeux déjà brillants de larmes. Pourquoi est-il aussi sensible, merde ?
— On t'enverra une carte postale depuis la Chine.
Il avale sa salive, espérant que cela suffise à repousser un peu la boule dans sa gorge, puis il chuchote, la voix légèrement croassante :
— Je n'accepte que si c'est une carte représentant la muraille alors.
Emma se met à rire et serre ses doigts un peu plus fort entre les siens.
— Promis. Et Harry... Qu'est-ce qu'il aimera tu crois ?
Louis n'a pas besoin de réfléchir très longtemps. Il tourne à nouveau la tête pour regarder Emma, et sourit :
— Une avec des pandas roux. Je suis sûr qu'il l'accrochera sur son frigo.
— Tu sais que tu es terriblement mignon quand tu parles de lui ?
Louis se met à rougir et à côté de lui, il entend Axel pouffer très peu discrètement. Bon. Emma lui ébouriffe joyeusement les cheveux, et Louis sent son coeur se serrer à nouveau. Ils vont vraiment lui manquer. Surtout Emma, qui est devenue en si peu de temps une sorte de meilleure amie... Il savait qu'ils allaient finir par repartir et reprendre leur voyage autour de l'Asie, mais il aurait préféré qu'ils attendent encore un peu... Louis va se sentir seul, sans eux comme voisins de chambre au ryokan.
Ils vont imprimer les cartes d'embarquement d'Emma et Axel puis s'assoient sur des chaises en plastique, attendant que le vol soit annoncé. Louis va acheter des bonbons à une machine automatique, et lorsqu'il revient, Emma le fixe avec un air amusé :
— Quoi ?, il marmonne en ouvrant son sachet.
— Rien... Je suis juste en train de me dire que ton alimentation est à 100% composée de trucs sucrés.
— Avant oui, mais maintenant c'est aussi mélangé aux 50% de légumes que Harry me fait avaler.
— Il a raison.
— Il est surtout terrifiant. Il me menace si je ne finis pas mon assiette.
— Est-ce que tu l'appelles « Daddy » ou quelque chose du genre ?, demande Axel d'un ton très sérieux.
Louis manque de s'étouffer avec ses Dragibus et lui en lance un sur lui pour la peine, ce qui dégénère très vite en Axel essayant de frapper Louis avec son oreiller et Emma riant aux éclats, pliée en deux sur sa chaise. Lorsqu'ils se calment enfin, Louis sourit vraiment et se sent léger pour la première fois depuis ce matin.
Il ne se met même pas à pleurer lorsque Emma et Axel se lèvent finalement pour aller rejoindre leur porte d'embarquement. Il reste fort, les serrant longuement contre lui en leur faisant promettre vingt fois de ne pas l'oublier. En réalité, c'est Emma qui pleure un peu, les yeux bordés de larmes lorsqu'il la lâche. Elle renifle, sourire un peu flou et humide :
— Je suis contente d'avoir croisé ton chemin, Louis, elle murmure, la voix étranglée.
— Moi aussi... Merci d'avoir été là pour moi même quand j'étais en pleine crise existentielle. Et merci de m'avoir prêté ton jean qui me faisait des belles fesses.
Ils se mettent à rire, et les yeux d'Emma pétillent au milieu de ses larmes.
— C'était un plaisir... J'espère que tu ne m'oublieras pas quand ce sera le jour de ton mariage avec H. Je veux être au premier rang.
Elle lui fait un petit clin d'oeil et Louis ne répond pas, se contentant de l'enlacer une dernière fois.
Il ne pleure pas quand il les regarde disparaître dans un couloir menant à leur avion. Il ne pleure pas non plus lorsqu'il se retrouve tout seul au milieu du hall, perdu au milieu des voyageurs traînant leurs valises avec des yeux fatigués ou des visages joyeux. Il ne pleure pas en traversant le parking, le dos seulement un peu courbé à cause de la pluie épaisse et chaude lui tombant dessus.
Il ne pleure que lorsqu'il se retrouve dans le taxi du retour, et qu'il regarde les montagnes défiler le long de la route.
*
*
*
Le taxi l'arrête directement devant l'immeuble d'Harry. Louis descend, les mains enfouies dans la poche avant de son sweat. Il serre la mâchoire en traversant la route, la pluie tombant de plus en plus fort sur le bitume, mouillant le tissu fatigué de ses Vans. Il se réfugie rapidement dans le hall et grimpe les marches trois par trois, pressé de retrouver la chaleur des bras d'Harry. Il sait que le jeune homme doit avoir terminé de travailler maintenant. Il finit toujours vers quatorze heures le samedi.
Il frappe une fois, puis sans attendre de réponse, il pousse la porte. Il sait que Harry la laisse presque toujours ouverte, encore plus depuis que Louis passe régulièrement. Effectivement, la poignée ne lui résiste pas et Louis se glisse dans le couloir, refermant derrière lui tout en ôtant ses chaussures mouillées.
— Harry ?
Il tend l'oreille, l'appartement semblant silencieux. Pourtant, le manteau d'Harry est accroché à une paterne, ainsi que les Converse qu'il met tout le temps pour aller travailler.
— H ? Tu es là ?
Mochi arrive en trottinant, miaulant dès qu'il aperçoit Louis.
— Salut toi... Ton maître est ici ?
Le chat s'entortille autour de ses jambes sans lui donner de réponse, miaulant paresseusement lorsque Louis le prend dans ses bras. Le jeune homme enfouie un instant son nez dans les poils de Mochi, respirant son odeur familière et agréable, jusqu'à ce que le chat se mette à gigoter dans tous le sens et qu'il soit obligé de le lâcher.
— Ingrat... Je te donne tout le temps à manger, marmonne Louis.
Il jette un oeil dans la cuisine mais constate qu'elle est vide. Seule une tasse de thé à moitié pleine et encore fumante, posée sur la table, l'amène à penser que Harry est bel et bien dans l'appartement. Pourquoi ne répond t-il pas ? Soudain, Louis sent une angoisse amère lui tendre l'estomac... La dernière fois que Harry a disparu de cette façon... La dernière fois qu'il ne répondait pas à ses appels... La dernière fois que Louis a crié son prénom au milieu de la nuit noire... La dernière fois...
Malgré lui, il se met à trembler. Il se dirige comme un somnambule vers la salle de bain, une envie de vomir affreuse dans la gorge. Celle-ci est vide aussi. Quelque part, Louis en est un peu soulagé... Au fond de lui, il sait qu'il n'aurait vraiment pas supporté de retrouver Harry dans la baignoire. Dans l'eau.
Il s'arrête au milieu du couloir, le coeur battant trop fort. Le salon est silencieux. La télé est éteinte, et sur la table basse il ne voit que son livre, pages cornées et petite tâche de café sur la couverture. Cela aussi passera. Louis a envie de pleurer.
Il avance jusqu'à la chambre. Il n'ose même plus parler. Et puis, c'est là qu'il entend. Quelqu'un qui renifle. Quelqu'un qui pleure doucement. Louis a entendu Harry pleurer suffisamment de fois pour savoir que c'est lui. Il ouvre la porte de la chambre. Il fait presque noir. Les volets sont fermés, et il aperçoit seulement vaguement la forme du corps d'Harry, sous la couverture.
Louis reste immobile un long moment. Il se sent encore trembler. Pourtant, Harry est là. Il est vivant. Il pleure mais il est là... Ce n'est plus 1993. Il l'a dit. Il a dit, je suis guéri. Louis doit le croire. Il ne doit plus avoir peur comme ça, il ne doit plus paniquer dès que Harry ne lui répond pas immédiatement.
Il relègue son angoisse au fond de son esprit et s'avance. Doucement, il soulève la couette. Harry est roulé en boule. Il ne porte qu'un caleçon. Ses cheveux sont en bataille, ses yeux gonflés de larmes. Il ne sursaute pas en voyant Louis. Il se fige seulement, regard écarquillé, bouche tremblante. Louis s'assoit près de lui, un peu décontenancé.
— Eh, bébé. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Bébé. Louis se mord la lèvre. Le surnom lui a échappé. Mais Harry ne semble même pas y faire attention. Il se redresse seulement, et renifle avant de bafouiller très vite :
— Anata wa koko ni ima-
Il s'arrête, réalisant sûrement qu'il est en train de parler en japonais, et reprend en enroulant sa main autour du bras de Louis :
— Je veux dire, tu es là... Que... Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je venais te voir ?
Louis ne comprend rien. Pourquoi Harry le regarde t-il comme s'il était un miraculé, seul survivant de l'apocalypse ? Pourquoi tend t-il les mains vers lui pour le toucher, avec une timidité qu'il n'avait pas eu depuis le tout début de leur relation ? Pourquoi reste t-il silencieux ? Et pourquoi les larmes font-elles encore briller ses yeux ?
— Harry... Pourquoi est-ce que tu pleurais ?, il demande doucement. Il s'est passé quelque chose ? Tu t'es fait mal ?
Harry prend une petite inspiration. Il secoue lentement la tête, et répond à côté :
— L'avion n'est pas parti ?
Louis fronce les sourcils.
— Si... Il est parti.
— Mais, et toi ? Tu n'es pas monté dedans ?
Il y a un petit silence, et soudain, Louis comprend. Ses épaules se détendent sensiblement et il s'assoit en tailleur dans le lit, attrapant la main libre de Harry pour le tirer vers lui. Il l'enlace doucement, et dépose un baiser sur sa tempe, avant de soupirer :
— H... Tu ne croyais tout de même pas que j'allais partir sans te prévenir ?
— Je ne sais pas... Je pensais... Je ne sais pas.
Sa voix est un peu croassante. Il a l'air honteux, et Louis s'en veut de le faire se sentir mal. Alors il reprend doucement, tout en recoiffant Harry du bout des doigts.
— Comment est-ce que tu sais que j'allais à l'aéroport ?
— Je l'ai lu sur ton carnet. Tu l'avais laissé sur la table basse... Je ne voulais pas lire, c'était juste, sous mes yeux. Tu n'as pas pris l'avion ?
Louis embrasse l'arrière de sa nuque et Harry ferme doucement les yeux. Il le sent se ramollir entre ses bras, toute la tension semblant s'écouler de son corps.
— Bien sûr que non je ne l'ai pas pris. Ce n'était pas mon avion... J'accompagnais seulement Emma et Axel. Ils sont partis pour la Chine... Et je ne t'en ai pas parlé parce que je ne voulais pas t'embêter avec ça. Je savais que tu travaillais.
Harry lève les yeux vers lui. Louis se penche, et embrasse le bout de son nez.
— Ça va mieux ?
— J'ai cru que tu partais sans me dire au-revoir... J'ai cru que tu voulais juste disparaître, murmure Harry, la voix un peu douloureuse.
— Je ne ferais jamais ça.
Ils restent un long moment immobiles, lovés l'un contre l'autre, jusqu'à ce que Harry laisse échapper un petit rire nerveux. Louis frotte son nez contre ses cheveux et demande,
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien... J'ai l'impression qu'on tourne en rond, tous les deux.
— Comment ça ?
— Je me suis caché sous ma couette parce que j'avais peur et tu es venu m'y retrouver. Tu es en train de me bercer comme si j'étais un bébé. Tu sèches mes larmes. Ça ne te rappelle rien ?
Louis sourit un peu.
— Je me rappelle de tout, H.
— Je sais. Tu l'as écrit.
Harry se redresse soudain. Louis le lâche. Il le regarde se retourner, se mettre à genou entre ses jambes, avancer ses mains vers son visage. Ses doigts s'emmêlent dans ses cheveux. Ils s'embrassent longuement. Harry a encore les cils collés de larmes, et un goût de sel dans la bouche. Louis aime chaque infime partie de lui. Puis, Harry se recule à nouveau, et contre les lèvres de Louis il murmure,
— Tu vas partir un jour, n'est-ce pas ?
Les doigts de Louis s'enfoncent un peu dans le creux de ses hanches.
— Oui. Je suis obligé...
— Quand ?
— Bientôt. Il faut que je regarde les vols.
— Est-ce que tu reviendras ?
Louis prend une petite inspiration. Il se sent triste. Il se sent triste de penser à la façon dont Harry a paniqué en étant persuadé qu'il aurait pu l'abandonner sans lui dire au-revoir. Il se sent triste de se dire que Harry n'a pas tellement confiance en lui. Il se sent triste d'avoir réalisé que lui aussi, finalement, a perdu son innocence. La peur de perdre Harry sera toujours là, logée sous sa peau. Et il ne veut pas qu'elle resurgisse sans cesse comme ça a été le cas tout à l'heure. Il veut pouvoir être sûr de lui. Il veut une relation stable. Il veut savoir que son petit-ami est amoureux de lui. Il veut entendre les mots que Harry lui avait promis de prononcer. Six ans. Six ans, et Harry a raison, ils tournent en rond. Alors, du plat de la main, il repousse doucement le jeune homme et, les yeux dans les siens, il dit,
— Je reviendrais si tu me le demandes. Je reviendrais si tu m'appelles et que tu me dis que tu m'aimes. Je reviendrais si je sais que toi et moi, ça vaut vraiment le coup.
Harry le fixe en silence. Entre eux quelque chose bourdonne, quelque chose frémit, quelque chose vit. Louis sait ce que c'est. De la même manière qu'il est depuis longtemps persuadé d'avoir vécu pour Harry ce que les gens appellent un coup de foudre, il est conscient que le jeune homme est comme l'autre moitié de son âme. Mais est-ce que Harry le ressent ? Est-ce que Harry serait prêt à mourir pour lui ? Est-ce que Harry aurait sauté dans le lac pour le sauver ? Ou est-ce qu'il aurait fui, trop apeuré ?
Louis ne blâme pas Harry pour être lâche. Il ne le blâme pas pour le silence dont il s'est entouré. Il ne le blâme pas pour cette vie minuscule et tranquille qui est la sienne. Il l'aime pour ça, pour tous ses défauts et ses blessures et ses angoisses. Il l'aime et il est prêt à vivre avec toutes ces choses.
Mais est-ce que Harry, lui, laissera Louis bouleverser son quotidien ? Est-ce qu'il le laissera ouvrir en grand les volets de sa chambre, pour laisser entre le soleil du petit matin ? Est-ce qu'il le laissera mettre le volume de la musique au maximum ? Est-ce qu'il le laissera danser nu dans le salon ? Est-ce qu'il le laissera l'aimer l'aimer l'aimer sans se dire qu'il ne le mérite pas ?
Est-ce qu'il se laissera vivre, enfin, sans laisser les autres entraver ses désirs, sans laisser son passé le ronger, sans laisser ses peurs le faire tomber ?
Louis ne sait pas. De la même manière dont il n'aurait pas pu prévoir ce que Harry allait faire, en 1993, il est incapable de dire ce qui se passe dans son cerveau. Il est incapable de lire dans ses yeux. Il est incapable de sonder son regard. Et quand Harry murmure,
— D'accord.
Il ne sait pas si ce mot annonce une victoire, ou un échec.
*
*
*
Pendant les jours qui suivent, ils continuent de profiter de Kyoto comme si de rien n'était. Ils ne reparlent pas de ce qui s'est passé dans la chambre. Ils passent leur temps à visiter la ville, et Louis remplit des pellicules photos. Il photographie Harry autant qu'il le peut, conscient que si jamais le jeune homme ne lui demande jamais de revenir, il aura au moins un petit morceau de lui sur du papier glacé.
Harry est assez silencieux la plupart du temps. Souvent, Louis le surprend en train de le regarder. Ses yeux ont sans cesse cette profondeur vertigineuse que Louis aime tant, parce qu'il ne la comprend pas. À quoi pense Harry ? Est-il triste, heureux, mélancolique ? Est-ce qu'il est amoureux ? Peut-être.
Car si Louis ne manque pas ses regards, il ne manque pas non plus la façon dont les mains d'Harry le cherchent tout le temps. Quand ils sont seuls, Harry le frôle, Harry arrive derrière son dos et l'enlace, Harry pose ses lèvres contre sa tempe et l'embrasse doucement. Quand ils sont en public, Harry laisse traîner ses doigts sur ses reins, sur ses cuisses, sur ses épaules. Il lui sourit beaucoup, des sourires qui dévoilent sa fossette. Quand ils sont avec ses amis, Harry reste toujours près de Louis. Il lui traduit tout ce que les autres disent, pour que Louis ne soit pas exclu des conversations. Il s'entend très bien avec Rin et Louis voit bien que Harry a l'air content, quand il le voit rire avec elle. Il suppose que c'est important pour lui, qu'il aime ses amis.
— Alors, est-ce que ton roman avance ?
Ils sont tous assis dans un parc, sous un cerisier ayant perdu ses fleurs depuis des mois. Louis est appuyé contre le tronc, une bouteille de Coca aromatisé à la fraise à la main. Rin est penchée vers lui, son sourire mutin sur le visage. Aujourd'hui, elle porte une petite jupe plissée à carreaux qui la fait ressembler à une écolière.
— Pas vraiment, avoue Louis en lui répondant en anglais.
Il est content que Harry soit plus ou moins occupé à discuter d'il ne sait quoi avec Haku. Il n'a pas très envie qu'il entende.
— Pourquoi ? Le Japon ne t'inspire pas ?
Louis se pince un peu les lèvres, puis il hausse les épaules.
— Je ne crois pas que ce soit ça. Je n'ai juste pas la motivation.
— C'est peut-être parce que tu es heureux, dit simplement Rin en souriant.
— Heureux ? Quel est le rapport ?
— Il parait que les écrivains sont plus inspirés quand ils sont tristes. Il te faudrait un chagrin d'amour...
Elle se met à rire et Louis prend une petite gorgée de Coca, soudain pensif. Peut-être que Rin a raison. C'est d'un chagrin d'amour qu'est né son premier roman. Il jette un coup d'oeil à Harry, qui est assis en tailleur à quelques mètres de lui, en train de rire avec Haku. Lui aussi, a l'air heureux aujourd'hui. Heureux et détendu. Et quand il retourne son attention vers Rin, il dit simplement :
— Si pour écrire il faut que je sois triste, alors je préfère changer de métier.
*
*
*
— Watashi wa Louis desu. Watashi wa fransu jin desu. (tr : Je m'appelle Louis. Je suis français.)
— « furansu », pas « fransu ».
— Watashi wa furansu jin desu.
— Voilà, c'est bien. Tu prononces beaucoup mieux.
— C'est vrai ?
— Oui, je t'assure.
Harry lui sourit. Il tient dans sa main un bol de ramen, et dans l'autre des baguettes qu'il agite avec une dextérité qui rend Louis un peu jaloux. Lui se sent malhabile sans fourchette. Ils sont assis dans le salon de l'appartement, par terre autour de la table basse, et depuis tout à l'heure, tout en mangeant leur repas du soir, Harry lui fait un cours de japonais.
— Dis-moi une autre phrase, demande Louis tout en se battant avec une nouille ne voulant pas rester entre ses deux baguettes.
— Hmmm. Ame ga furu kamoshiremasen.
Louis roule des yeux, lui donnant un petit coup de pied dans la cuisse. Harry se met à rire.
— Quoi ?
— C'est trop compliqué ça. Et tu l'as dit super vite... Qu'est-ce que ça voulait dire, déjà ?
— « Il risque de pleuvoir ».
— C'est nul.
— C'est super utile de pouvoir parler de la météo !
— Je trouve pas... Aide-moi à attraper cette nouille.
Harry rit à nouveau, son nez se fronçant adorablement pendant qu'il attrape les baguettes que lui tend Louis et qu'il enroule facilement la nouille récalcitrante autour.
— Ouvre la bouche.
Louis s'exécute. Tout est très... Familier. Domestique. Parfois, Louis oublie qu'il ne sort pas vraiment avec Harry. Qu'ils n'ont toujours pas mis de mots sur leur relation. Parfois, Louis oublie qu'il va devoir rentrer en France dans quelques jours. Cinq, pour être exact. Il a acheté son billet d'avion. Juste un aller.
Il repousse au fond de son esprit cette pensée, et tout en se réinstallant correctement sur le tapis, il cherche le regard d'Harry.
— Dis-moi encore autre chose.
Harry semble hésiter un peu. Il pose son bol vide et avance ses doigts vers le visage de Louis pour le caresser doucement. Louis adore quand il fait ça. Il pourrait se mettre à ronronner, seulement en sentant les doigts de Harry faire le contour de son menton et de sa bouche et de son nez.
— Totemo hansamu, murmure alors Harry, la voix un peu plus basse qu'auparavant.
Louis sent son coeur rater un battement. Il ne sait pas ce que ça veut dire, mais ce qu'il lit dans les yeux d'Harry n'est que tendresse.
— En français ?, il demande doucement.
Harry s'avance un peu. Il l'embrasse, juste sur le coin de sa lèvre. Louis se sent fondre. Il s'agrippe machinalement à son t-shirt, fermant les yeux en sentant le nez de Harry descendre le long de son cou, et son souffle s'échouer sur le côté de sa nuque.
— Tu es très beau, Louis.
Louis a un long frisson.
Il se laisse lentement glisser sur le sol, et sur le tapis doux, Harry le déshabille et embrasse chaque recoin de sa peau.
*
*
*
Harry se met à lui parler en japonais, régulièrement. Le lendemain, ils se baladent dans les rues de Kyoto, et alors que Louis marche un peu en avant, il entend soudain la voix de Harry l'appeler,
— Anata ?
Il se retourne, sourcils froncés. Harry est arrêté, pensif devant la vitrine d'un magasin. Louis s'approche, enroule doucement sa main autour de son bras.
— Qu'est-ce que tu as vu ?
— Ça, regarde. Des Nama Yatsuhashi. Ce sont des pâtisseries typiques de Kyoto, il faut que tu goûtes.
— Ça a l'air bon... Et, hm, qu'est-ce que ça veut dire, Anata ?
Harry fronce immédiatement les sourcils, se décalant un peu.
— Où est-ce que tu as entendu ça ?
— Tu viens de le dire.
— Hein ? Moi ? À qui ?
— ... À moi.
Louis a envie de rire, mais en voyant la façon dont Harry se met soudain à rougir, il se mord la langue :
— Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est un gros mot ?
— Non... C'est rien.
Et Harry tourne les talons, entrant rapidement dans la pâtisserie sans demander son reste. Louis le suit, décontenancé.
Plus tard, profitant de se trouver seul avec Rin, il lui demandera la signification du mot. Avec un petit rire, la jeune fille répondra,
— Ça veut dire « toi/tu » quand il est dans une phrase. Et tout seul, ça veut dire « chéri ». Mais se sont souvent les couples mariés qui utilisent ça... Pourquoi cette question ?
— Oh, comme ça.
*
*
*
La deuxième fois, cela arrive alors que Louis est lové contre Harry, sur le canapé de son salon. Ils sont en train de regarder un film, et les doigts de Louis passent et repassent doucement dans les cheveux du jeune homme. Il le sent s'endormir lentement, sa respiration s'épaississant contre son cou.
— H ? Tu veux aller au lit ?
Harry grogne un peu, sans vraiment répondre, et Louis sourit.
— Je ne vais pas pouvoir te porter, tu sais.
— Hnnn.
Louis lève les yeux au ciel. Il tente doucement de se glisser sous le bras d'Harry, enroulé autour de sa poitrine, mais le jeune homme resserre doucement sa prise. Louis se mordille la lèvre, amusé.
— Harry... On ne va pas dormir sur le canapé.
Harry émet un petit grognement ensommeillé avant de marmonner, la voix très lente, presque sans articuler :
— Neko-chan~... Watashi o hanarenaide kudasai. (tr : S'il-te-plaît, ne me laisse pas.)
Et Louis reste figé. Il n'a pas compris la fin de la phrase, mais le début, si. Neko. Il a appris ce mot lorsqu'il a demandé, il y a quelques jours, comment dire « chat ». Et chan. Il a regardé suffisamment d'animés pour savoir que c'est un petit mot affectif, souvent placé derrière le prénom de quelqu'un que l'on apprécie. Neko-chan. Est-ce que Harry vient de le surnommer... Chaton ? Et que voulait dire la suite ? Est-ce que Harry pense ce qu'il marmonne en japonais ? Est-ce que tout ça n'est qu'un jeu pour lui, un jeu cruel, sachant que Louis ne comprend pas la moitié de ce qu'il raconte ?
Ou est-ce qu'au contraire, Harry parle t-il inconsciemment en japonais car il est plus facile pour lui d'exprimer son affection pour Louis en sachant que celui-ci ne sera pas capable de traduire ?
Louis passe la nuit la joue appuyée contre la poitrine d'Harry, à écouter son coeur battre paisiblement dans sa poitrine. Le sien ne peut pas s'arrêter de s'emballer.
*
*
*
La troisième fois arrive alors qu'ils sont tous les deux au parc. Louis part dans deux jours. Il se sent triste. Triste de quitter Harry, évidemment, mais triste aussi de quitter Kyoto. Il aime cette ville... Il ne pensait pas l'aimer autant. Il pensait, au fond, assez vite en repartir pour retrouver la folie de Tokyo.
Kyoto est silencieuse. Kyoto est humide. Kyoto est vieille, et jeune, et resplendissante. Kyoto est entourée de montagnes millénaires. Kyoto est faites de rues entrelacées. Kyoto est parcourue de petites voitures et de vélos rouillés. Kyoto est remplie de magasins, d'échoppes, de boutiques colorées, de vieux restaurants. Kyoto est belle, et Louis s'imagine bien y vivre.
Kyoto va lui manquer, terriblement.
Il est allongé sur le dos, le nez en l'air. Au-dessus de lui, le soleil filtre doucement entre les feuilles des arbres. Harry est à côté, silencieux depuis un bon moment. Louis pense qu'il dort, jusqu'à ce que le jeune homme se mette à parler :
— Tu sais, il y a un mot pour ça, au Japon.
— Pour ça ?, demande Louis en clignant lentement des paupières.
Le soleil sur son visage est doux. Il repense à l'or qui se déposait sur sa peau, dans la petite cabane, en 1993. Il repense aux doigts de Harry dansant dans la poussière lumineuse.
— Oui...
Harry lève sa main.
— Ça... Les rayons du soleil qui s'infiltrent entre les feuilles des arbres, qui rongent doucement l'ombre pour la faire devenir miel.
Louis sourit.
— C'est quoi, ce mot ?
— Komorebi.
Il le répète doucement. Il aime la façon dont il roule sur sa langue. Komorebi. Le vent dans les arbres fait danser la silhouette pâle du soleil. Ils restent silencieux, et Louis pense à tous ces mots si petits qui disent l'éternité des choses, à tous ces mots qu'il ne connaît pas et qu'il voudrait apprendre par coeur. Et puis, Harry soudain prend sa main dans la sienne, et avoue du bout des lèvres :
— Parfois, dans ma tête, je t'appelle Komorebi.
Louis sent son coeur se mettre à trembler doucement.
— Pourquoi ?
Harry prend un petit moment avant de répondre. Il semble peser ses mots, les choisir avec attention. Louis le laisse faire. Il attend. Il pourrait attendre des heures et des heures, pour Harry. Il pourrait attendre des heures et des heures, les yeux dans les siens, à lui sourire simplement, sans bouger.
— Parce que c'est toujours ce que tu as été, finit par murmurer Harry, un rayon de soleil pénétrant dans l'ombre immense de la forêt où je suis prisonnier. En 1993, près du lac. Quand tu as pris ma main dans la tienne. C'était comme si je voyais la lumière du jour pour la première fois... Tu n'as pas conscience de la façon dont tu es éblouissant.
Il prend une petite inspiration, les joues roses, et continue,
— Quand tu n'es pas là, c'est comme si je retournais dans un brouillard épais. J'aime bien ce brouillard. Je m'y sens protégé. Je ne sais pas si je suis prêt à le quitter totalement mais... Mais j'aime aussi vraiment la façon dont tes rayons s'écoulent sur ma peau. J'aime vraiment que tu me regardes comme tu le fais maintenant, comme si j'étais la personne la plus importante au monde. Alors, voilà, tu es ça pour moi. Komorebi. Le soleil qui se glisse entre les feuilles des arbres, avec délicatesse, et qui fait pâlir l'ombre sans jamais la disperser totalement.
Louis ne répond pas. Entre ses larmes, il sourit.
*
*
*
C'est le dernier soir. La dernière nuit.
Entre les cuisses nues de Louis, les draps glissent doucement. La langue d'Harry retrace son ventre, avec une lenteur presque insupportable.
Dehors, l'haleine lourde de la nuit fait peser sur Kyoto un voile humide et épais. Les suzumushi ne chantent pas. Il n'y a pas un bruit, si ce n'est celui de leurs respirations confondues.
Louis a quitté le ryokan il y a deux heures. Harry l'a aidé à ranger ses affaires, à faire ses valises, à dire au revoir. Puis, tous les deux, ils ont remontés les rues de Kyoto jusqu'à l'appartement d'Harry. Maintenant, les sacs de Louis sont entassés dans l'entrée, prêt pour partir à l'aéroport, le lendemain matin. Et Louis refuse de se dire que dans une poignée d'heures, il sera à des océans du garçon dont il est amoureux depuis qu'il a seize ans.
Il a du mal à se concentrer sur les mains d'Harry qui plongent dans sa chair. Ce n'est pas comme d'habitude. Depuis des semaines, les caresses ne lui font jamais mal. Quand ils font l'amour, il se sent flotter. Ce soir, les doigts d'Harry qui dévalent le long de son corps nu le brûle. Il voudrait bouger, se retourner dans le lit, lui présenter son dos pour qu'il vienne le mordre. Il voudrait ne plus voir son visage, son regard lisse, qui ne dit plus rien. Il voudrait que le silence entre eux ne soit pas si épais, que quelque chose dans leurs murmures se rebelle et explose, comme un fruit trop mûr sur la langue. Il voudrait être barbouillé de sang rouge au goût de framboise, et que Harry cesse d'être si doux avec lui, qu'il cesse de faire semblant, qu'il cesse de le toucher comme si ce n'était pas la dernière fois.
Il pose sa main contre son cou. Ses doigts se referment, il sent les nerfs de sa gorge. Sa paume est chaude, et Harry rougit en le regardant, comme s'il n'osait pas comprendre ce que veut Louis.
— Je peux ?, il murmure.
Ses lèvres semblent plus épaisses dans le noir, et ses cheveux forment un amas de boucles floues. Louis ne veut pas pleurer. Il ne veut plus. Mais sa gorge est si serrée qu'il est incapable d'articuler. Il appuie un peu sur le cou d'Harry, et celui-ci se laisse faire, sa bouche se refermant doucement sur le sexe de Louis.
Alors, Louis ferme les yeux. Il ne veut plus voir. Il veut juste sentir, être recouvert d'une salive épaisse, il veut juste qu'explose dans son ventre tout ce qui lui fait mal. Il veut juste que cette nuit soit un rêve dont il ne se souviendra pas au petit matin. Il veut juste que Harry lui fasse l'amour parce que c'est qu'on doit faire, avant d'être séparé, c'est ce qu'on doit faire pour trancher la douleur.
Son ventre gonfle un peu. Sous son dos arqué, il y a la sueur qui déferle et qui se colle aux draps. Harry lui tient les cuisses, fermement, et Louis espère qu'il aura la trace de ses doigts enfoncées dans sa peau, que ça ne partira jamais. Il respire doucement, par le nez, il se concentre sur tout sauf sur la façon donc c'est bon. Il ne sait pas s'il veut jouir. Il voudrait rester pour toujours dans l'état comateux de l'amour, dans un entre-deux où le temps n'arrive pas à se faufiler, est incapable de passer. Il y a quelque chose dans son cerveau qui résonne très fort, comme si tout le sang de ses veines était monté là-haut, et qu'il gonflait gonflait gonflait. Louis voit flou. Il se sent malheureux, et vide.
Harry se recule. Louis le sent bouger, se pencher vers la table de nuit. Il sait ce qu'il fait. Il entrouvre ses paupières, juste assez pour apercevoir la ligne courbe et blanche de son corps, juste assez pour avoir encore plus mal au coeur.
Harry déchire le sachet du préservatif. Ses gestes sont mécaniques dans le silence, ça n'a aucun sens, Louis ne sait même pas s'il en a vraiment envie. Ça semble trop, soudain. Alors, comme s'il sortait de l'apnée, il se redresse et pose sa main sur le bras de Harry. Le jeune homme s'arrête. Ses yeux sont immenses.
— Pourquoi tu fais ça ?
Harry ouvre la bouche. Il ne dit rien. Louis prend ses doigts entre les siens. Il ne sent plus vide, d'un coup. Juste immensément triste.
— On est pas obligé de coucher ensemble de cette façon là.
— Mais tu pars demain.
— Et alors ? Tu veux me donner un souvenir, c'est ça ? Ton corps n'est pas une putain de carte postale, Harry.
Il se ferme. Ses épaules se tendent, et Louis regrette immédiatement le ton qu'il a employé. Il pose ses mains sur ses cuisses, doucement.
— H... Je ne veux pas faire l'amour pour te dire adieu. Ça me rend triste.
— Alors qu'est-ce que tu veux faire ?
— Rien. T'embrasser. Te serrer contre moi. Respirer ta peau jusqu'à en être recouvert. Regarder tes yeux pendant des heures pour ne pas oublier leur couleur.
Harry détourne le regard. Il sourit un peu, de façon légèrement figé. Et puis, il murmure :
— Je crois que tu es la personne que je préfère au monde.
Louis rit. Il attire Harry contre lui, entre les draps blancs de lin. Le jeune homme se laisse faire, corps pliant. Louis se sent toujours triste, mais d'une façon différente, moins angoissante. Tous ses gestes sont seulement empreints d'une mélancolie lente. Il caresse la joue d'Harry, prend son menton entre ses doigts pour l'embrasser.
— Est-ce que tu regrettes ?, il souffle.
— Quoi ?
— Nous... Est-ce que tu regrettes de m'avoir embrassé, il y a six ans ? Est-ce que tu regrettes d'être encore en train de le faire maintenant ?
Harry prend une petite inspiration, avant de serrer Louis un peu plus contre lui. Leurs hanches nues sont collées, et Louis se sent bien, pris dans la chaleur de leurs deux corps. Il se sent à sa place.
— Non, je ne regrette pas. C'est toi qui devrais le faire.
— Pourquoi ?
— Parce que je gâche toujours tout.
— Ne dis pas ça...
Harry embrasse doucement le cou de Louis. Il se sent brûlant. Ses lèvres ne mordent pas, et pourtant son coeur bat comme si les baisers étaient des blessures laissées à vif.
— Si je ne te rappelle jamais... Est-ce que tu continueras de m'aimer ?
Louis sent leurs cuisses s'entremêler. Il sait qu'ils vont finir par faire l'amour, d'une façon ou d'une autre. Et il sait que cette fois, il n'arrêtera pas Harry. Il le laissera se perdre en lui, il le laissera tout prendre, il le laissera poser ses mains sur sa cage thoracique, l'arracher et laisser toute la lumière s'en échapper. Il le laissera les éclabousser de larmes et de sueur. Il le laissera faire, parce que son coeur résonne trop fort, parce qu'à nouveau, dans les yeux d'Harry, il retrouve le vertige sans fin qui l'obsède depuis toujours.
— Tu connais déjà la réponse.
Et Harry enfouit son visage contre son cou, et se frotte doucement contre lui. Alors, Louis enfonce son bassin dans le sien. Il laisse leurs corps se creuser, il se sent comme une rivière assoiffée, assoiffée d'Harry, de sa langue de ses gémissements de la chaleur moite de son sexe. Leurs respirations s'accélèrent, et Louis aime ce corps contre lequel il est coincé, il aime sa douceur un peu rugueuse par endroit, il aime ses jambes infinies, son odeur, l'éclat mat des muscles roulant entre ses doigts. Il aime sentir Harry trembler, il aime l'entendre gémir tout contre son oreille, il aime la façon dont ses hanches tressautent lorsque Louis le touche là, il aime qu'ils se roulent dans les draps comme des gamins que rien ne saurait arrêter, il aime la timidité et le désir et l'amour jamais vraiment prononcée mais partout partout partout.
Ils s'épuisent. Bientôt, leurs mouvements ne sont plus qu'à peine esquissés. Leurs corps sont collants de transpirations, lasses. La lumière sur eux est triste. Ils n'arrivent plus à raviver les étincelles. Louis a le visage appuyé contre l'épaule d'Harry, les joues rouges et le coeur battant trop lentement. Il y a tous ces mots qui roulent sur sa langue mais n'arrivent pas à sortir, tous ces mots qu'il voudrait dire et qu'il n'ose pas prononcer. Peut-être qu'il a peur des réponses d'Harry.
Il s'endort à moitié. Harry le réveille, ils s'embrassent à nouveau, paresseusement. L'aube est en train de naître, timide et incertaine. Louis somnole. Il se sent sale, ailleurs, très loin de son propre corps. Il entend à peine les murmures que Harry déposent contre son oreille, entre deux baisers,
— Si seulement tu savais...
— Je n'ai pas le courage d'aimer comme le font les autres...
— J'ai peur de te perdre un jour, de plus être assez... j'ai peur de souffrir...
Louis se blottit un peu plus contre lui. Les mots ricochent lentement dans son cerveau, entrent et ressortent. Peut-être que Louis ne veut pas les entendre. Peut-être qu'il a peur que Harry soit en train de lui avouer que tout est déjà fini. Peut-être qu'il n'a plus tellement le courage de se battre. Peut-être que c'est mieux ainsi, que tout se termine dans la lumière calme du petit matin, sans un bruit, sans un heurt...
Il s'endort à nouveau. Dans la chambre silencieuse, Harry le berce doucement. Lui n'arrive pas à fermer les paupières. Contre sa bouche, la tempe de Louis. Contre ses mains, son ventre. Contre ses jambes, ses cuisses. Il sait que Louis dort. Il sait que le drame de leur vie est en train de se jouer là, maintenant. Il sait que c'est pour ce souvenir, qu'il pleurera souvent.
Alors, il appuie une dernière fois ses lèvres contre l'oreille de Louis, et murmure, très doucement, en détachant les syllabes,
— Aishiteru.
Et Louis, dans son sommeil sans rêves, entend mais ne comprend pas.
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Notes :
Chapitre super loooong. J'espère qu'il vous a plu... Il est un peu dramatique ? J'adore quand c'est dramatique. D'ailleurs, je viens de réaliser que c'était le dernier chapitre "Louis"... Ça me fait très bizarre, j'ai adoré écrire ses parties. :(
Concernant ce chapitre, je voulais juste préciser que les japonais sont assez réservés quand il s'agit de parler d'amour. J'ai eu beaucouuuup de mal à trouver des surnoms "mignons". Anata (qui veut dire "chéri") est assez peu employé en réalité, apparement. Aishiteru, comme vous l'avez peut-être deviné veut dire "je t'aime". Mais c'est un "je t'aime" très fort... C'est le "je t'aime" de la passion. :) Les Japonais disent plus facilement des choses comme "je ne te déteste pas" mdrrr (ils ont l'art de la litote) et ils sont d'ailleurs très décontenancés par la facilité qu'ont les occidentaux à dire "je t'aime" très vite. Voilà voilà...
Il n'y aura pas de chapitre la semaine prochaine, comme je l'ai annoncé la dernière fois. Rendez-vous donc le vendredi 2 août, pour la fin de 1993 ! x
Merci pour tout,
#CAPfic ♡
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