Green Is The Colour - Chapitre 1
« Tu m'as fait ce que je suis aujourd'hui. Où que j'aille, tous ceux que je vois et que je désire, je finis toujours par les mesurer à la lumière de ton rayonnement. »
— A. Aciman, Les Variations Sentimentales.
1993, Louis.
— Je comprends pas pourquoi le jeu crash toujours à cet endroit...
Louis est assis par terre, contre le radiateur froid de la chambre de Romain. Il a mal au dos, à force d'être dans cette position, mais le lit de son meilleur ami est en hauteur — et encombré d'un tas de vêtements qu'il n'a vraiment pas envie de repousser pour s'installer. Et puis, être juste sous la fenêtre lui permet de fumer.
— C'est pas une histoire de codes ?, hasarde t-il.
Romain ne répond pas, déjà absorbé par des lignes de chiffres et de lettres vertes que Louis ne comprend absolument pas. Il ne comprend jamais les trucs de Romain de toute façon.
Il termine sa cigarette, et se lève pour l'écraser dans un pot de fleur vide. Dehors, le jardin de Romain a l'air d'une décharge publique. Un tas de pneus gît sous une vieille cabane au toit défoncé, du linge finit de sécher sur un fil, et dans le fond, des jeux d'enfants, pétés pour la plupart, attendent que quelqu'un les emmènent à la déchetterie. Depuis que Louis connait Romain — depuis sa naissance, en fait — il a toujours connu le jardin dans cet état de désolation et de délabrement. Un peu comme le reste de la maison, d'ailleurs. Surtout depuis que sa mère s'est barrée, épuisée à force de voir son mari affalé sur un fauteuil, une bière sur le ventre, à regarder Inspecteur Derrick, les yeux vides. Louis sait que Romain en veut à sa mère d'avoir refait sa vie loin d'eux. Lui la comprend.
Il referme la fenêtre, et appuie un instant son front sur la vitre, les yeux rivés sur le ciel.
— Ce serait bien que l'orage arrive.
Il n'attend pas la réponse de Romain, seulement un vague grommellement lui indiquant qu'il a entendu. Alors, il reprend :
— Au moins, il se mettrait enfin à pleuvoir. J'en peux plus de cette chaleur.
Derrière lui, Romain tape sur le clavier à toute vitesse.
— En plus, ça fait chier d'être coincé ici...
— Tu peux te barrer si tu t'ennuies avec moi.
Louis sourit. Il finit par se retourner, appuyant les paumes de ses mains sur le radiateur. Romain n'a pas bougé, toujours aussi concentré.
— T'es con. J'veux dire, ça fait chier de pas être avec les autres. Au lac.
— De toute façon, on s'emmerde aussi là-bas, ça change pas grand chose.
Louis acquiesce en silence. C'est vrai que leurs après-midis sont tous identiques. C'est vrai que leurs vies sont plutôt mornes. Mais... Mais Louis à l'impression que c'est moins dur à supporter quand il est entouré d'autres personnes. Que c'est moins dur, parce qu'il lui suffit de lever les yeux pour voir dans ceux des autres le même ennui, la même lassitude. Combien d'étés passeront-ils encore dans ce bled paumé, à faire comme si tout avait un sens ?
Louis se rassoit.
Il tire sur un fil de son t-shirt.
À la rentrée, il passe en terminale. Ensuite, il faudra choisir. Un boulot ou les études ? Cette simple question lui donne envie de chialer. Parce qu'il n'a envie de rien, c'est simple : de rien. Un boulot ? Non merci. Il ne veut pas finir comme ses parents, à trimer comme un chien pour recevoir une paye misérable, être endetté jusqu'au cou et ne même pas pouvoir partir en vacances. Des études ? Il n'est pas doué pour ça... Et ça l'emmerde. Il déteste rester assis sur une chaise, à écouter un professeur parler. Ce n'est pas comme ça qu'on apprend, Louis en est certain. Et puis d'ailleurs, qui a décrété un jour que connaître le théorème de Pythagore, avoir lu tout Émile Zola, savoir parler espagnol, était une chose indispensable pour réussir sa vie ?
Louis aime écrire. Le seul moment où il se sent à sa place, au lycée, c'est en cours de français, au moment de faire des rédactions. Sa prof le lui dit d'ailleurs, tu écris bien Louis, tu as déjà pensé à t'inscrire dans des cours d'écriture, pour t'améliorer encore plus ? Mais il n'a pas envie qu'on lui apprenne comment faire. Est-ce que ça peut s'apprendre, d'ailleurs, ces choses là ? Est-ce que ce n'est pas quelque chose qu'on porte en soi, qui nous habite ? Qui pourrait lui apprendre à écrire quand lui-même a déjà conscience de la façon dont il peut rendre les mots brûlants, et doux, et sales ? Louis sait quand ce qu'il invente est beau. Et il sait aussi quand il peut tout jeter à la poubelle. Ça ne s'explique pas. Il ne veut pas que quelqu'un vienne mettre des mots savants sur sa façon de faire. Il ne veut pas qu'on lui apprenne. Il veut juste ressentir.
Il soupire.
Romain s'est remis à pianoter sur son clavier, en murmurant des trucs qu'il ne comprend toujours pas. Il pourrait rentrer chez lui, mais il n'a pas envie de se retrouver seul avec ses pensées qui se fracassent et qui tournent et l'étourdissent. Pourtant la chaleur l'écrase. Il a envie de pleurer. Il sait qu'il va falloir partir.
Le fil de son t-shirt s'arrache.
Il faut parler de quelque chose, avant que tout ne se rompe.
— Eh... Tu le trouves pas un peu bizarre le cousin de Jim ?
Romain hausse vaguement les épaules.
— Harry ?
— Mh.
Ses doigts ralentissent sur le clavier.
— Sam m'a dit qu'il était pédé. C'est peut-être pour ça...
Louis entortille le fil autour de son doigt. Il serre, jusqu'à ce que le sang ait du mal à passer. Sa peau se gonfle et devient rouge et blanche.
— Comment elle sait ça ?
— J'sais pas. Il lui a peut-être dit.
Le fil craque. Le sang se remet à circuler. Louis appuie sur son doigt encore gonflé avec l'ongle de son pouce.
— Elle raconte de la merde, quoi.
Romain arrête d'écrire, et se retourne, les sourcils froncés.
— C'est quoi ton problème Louis ?
— Rien.
— T'aimes pas Sam ?
— Si tu savais comme je m'en fous de Sam.
Romain rigole, un peu bizarrement. Il a l'air énervé.
— C'est parce que c'est ma meuf que tu dis ça ?
Louis le fixe un instant, le visage impassible. Puis il murmure, en haussant les épaules :
— Non.
Romain serre légèrement la mâchoire mais ne dit rien, retournant à son écran d'ordinateur. Après quelques secondes de silence, il lâche pourtant :
— Dans tous les cas, moi ça m'étonnerait pas qu'il soit pédé ce mec.
— Pourquoi ?
— T'as vu sa façon de s'habiller ?
Louis hoche vaguement la tête.
— Mieux que nous, quoi. Comme quelqu'un qui habite dans une grande ville.
Romain se met à rire.
— Pas faux... Mais quand même. Je suis sûr que tu le fais bander tiens.
Louis sourit légèrement, et attrape son sweat roulé en boule à côté de lui. Il l'enfile, et se lève.
— Pourquoi moi en particulier ?
— Pourquoi pas toi ? Et... Tu vas où là ?
— Je rentre.
— Déjà ?
— Ouais. J'ai promis à ma mère d'être là pour le repas ce soir.
Romain hoche la tête. Louis s'en veut un peu de le laisser alors il oscille un instant, les yeux rivés sur l'écran d'ordinateur de son ami.
— Tu vas le vendre, quand il sera fini, le jeu ?
— Je sais pas. Je vais essayer, je suppose. Si quelqu'un en veut.
— J'ai hâte de l'essayer en tout cas.
Romain sourit, et fait un geste faussement agacé de la main.
— Je suis sûr que tu feras juste tout planter. T'es pas doué... Barres toi maintenant et laisse moi travailler.
Et Louis quitte sa chambre en riant.
*
*
*
Dehors, la pluie a commencé à tomber. Louis rabat la capuche de son sweat sur son visage, et enfonce ses mains dans ses poches. Les rues sont vides. L'orage qui arrive à fait fuir tout le monde, et Louis traverse la route en courant, sans même vérifier si une voiture arrive. Il marche jusqu'au passage du commerce, contourne l'église. L'orage roule au loin, Louis sent son haleine lourde jusque dans son dos. Il accélère le pas.
Un jour, à la télévision, il est tombé sur l'histoire d'un gosse mordu par un éclair. Le dos déchiré, le bras droit ayant perdu toute sa motricité. Depuis, Louis a mal au ventre quand l'orage menace.
Il ouvre la petite barrière du parc pour les enfants, et coupe à travers l'aire de jeux. Il n'y a personne là-aussi, tous les gamins étant sûrement déjà rentrés pour prendre leur goûter devant les dessins animés, bien au chaud. Pourtant, Louis ne peut pas s'empêcher de relever la tête en entendant le grincement de la balançoire. Il le connaît trop bien, ce grincement. Il l'entend souvent lorsque la fenêtre de sa chambre est ouverte — sa maison donnant juste sur le parc. Il plisse légèrement les yeux, repoussant sa frange qui était tombée sur son front.
Il y a bien quelqu'un assis sur la balançoire, qui se balance lentement. Quelqu'un dont les pieds touchent le sol. Quelqu'un en t-shirt, le visage levé vers les arbres, un casque audio sur les oreilles.
Harry.
Louis hésite un instant. Son pas ralentit, et il se mordille la lèvre. Il a envie de rentrer se mettre à l'abri — terriblement envie — mais... Harry l'intrigue. Depuis des jours. Et il n'a jamais osé lui parler à cause de tous leurs amis autour mais là... C'est l'occasion idéale. Harry est tout seul.
Alors Louis s'avance. Il passe sous les barrières entourant la balançoire, et s'arrête à quelques pas d'Harry, qui sursaute légèrement en l'entendant arriver. Louis le voit baisser le son de sa musique. Mais le casque reste sur ses oreilles.
— Salut Harry.
Louis a l'air con, maintenant. Parce qu'il ne sait vraiment pas quoi lui dire. Et le jeune homme a toujours ce visage si fermé. Louis ne sait pas s'il est seulement timide ou s'il le fait chier.
— Salut... Qu'est-ce que tu veux ?
— Euh, rien de particulier. J'allais juste rentrer chez moi et je t'ai vu.
Harry hoche la tête. Il n'a pas l'air de comprendre où Louis veut en venir. Ça tombe bien, lui non plus.
— Hm, tu, enfin qu'est-ce que tu fais là toi ?
Harry sourit un peu. Ses doigts sont agrippés à la corde de la balançoire. De son pied, il se balance toujours légèrement.
— Ça ne se voit pas ?
— Pas tellement, répond Louis en haussant les épaules.
— Je fuis la maison de Jim.
Ça les fait sourire, en même temps. Louis connaît assez bien Jim. Il connaît sa famille. Sa mère à moitié folle qui passe son temps à crier sur ses gosses. Son père qui n'ose rien dire, toujours réfugié dans son garage. Ses cinq frères et soeurs tous plus timbrés les uns des autres. Louis a mangé chez lui, une fois. Il se souvient encore de l'odeur de moisie, de l'humidité des murs dans la salle de bain, du bordel dans le salon. Alors, oui, il comprend.
— Pourquoi t'es chez eux ?
Harry hésite un peu. Puis, il retire son casque, le laissant pendre autour de son cou. Alors, Louis sait qu'il a gagné son attention. L'idée lui fait plaisir.
— Je suis venu avec ma mère. Elle a quitté mon père il y a une semaine, et il lui fallait un endroit où passer l'été, le temps de retrouver un appart et tout. J'étais un peu obligé de la suivre.
— Je vois.
Autour d'eux, un vent lourd fait frissonner les feuilles des arbres. L'orage s'approche, de plus en plus. Louis sent les vibrations de son corps énorme sous ses pieds. Il recule légèrement, hésite encore. Il n'est pas sûr que de ce qu'il va proposer, pas sûr que ce soit une bonne idée, ni de la réponse d'Harry. Il repense à ce que vient de lui dire Romain. « Je suis sûr que tu le fais bander. » C'est stupide. Il finit par dire :
— Si tu veux, viens chez-moi. Il va pleuvoir, tu seras à l'abri au moins. J'ai de quoi prendre un goûter.
Harry se balance toujours. Le bout de sa basket soulève un peu de sable. Puis, ses mains se détachent soudain de la corde de la balançoire. Il se lève, repousse une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
— C'est loin ?
— Juste à côté.
— D'accord alors.
*
*
*
Louis se sent toujours un peu mal à l'aise, lorsqu'il invite un étranger chez lui. C'est comme si, soudainement, tous les défauts accumulés par sa maison se trouvaient sous ses yeux, alors qu'il n'y avait jamais fait attention avant.
En entrant, il grimace en voyant le linge empilé sur la table du salon, et la vaisselle toujours dans l'évier. Harry regarde partout autour de lui. Ses yeux immenses semblent retenir tous les détails, analyser chaque recoins. Louis se place devant lui, le guide à travers les pièces, rapidement. Il ne veut pas s'attarder. Il ne veut pas qu'Harry constate les failles, la saleté, la poussière, le bordel. Harry ne s'arrête que devant Kana, leur chatte à moitié sourde, qui lui lèche les doigts lorsqu'il avance sa main pour lui frotter le bout du nez. Louis sourit. Il dit que Kana est vieille, qu'elle n'aime pas trop les étrangers, d'habitude. En réalité, il dit surtout ça pour faire plaisir à Harry, parce que Kana est adorable avec tout le monde.
Quand Harry se redresse, il s'avance vers le meuble du salon, prend une photo encadrée. C'est Louis, à une rentrée des classes quelconque. À l'époque où il avait encore cette mèche à la Tintin, qu'il mettait quinze minutes à faire tenir tous les matins, avec une tonne de gel. Louis grimace. Il dit « oublie cette photo » et Harry rigole un peu.
Comme Harry semble vouloir absolument faire le tour des photos dans le salon, Louis le laisse pour aller chercher des brioches et du jus d'orange dans le frigo. Il met le tout sur un plateau, celui acheté au Mont St-Michel, il y a une éternité de ça. Harry revient vers lui, les mains dans les poches de son short.
— On peut voir ta chambre ?
— On y va.
Louis est content de partir du salon. Dans la maison, il n'aime vraiment que sa chambre. C'est son coin. Son refuge. L'endroit qui connaît tous ses secrets. La première fois qu'il a fumé avec Romain, en riant comme un idiot, accoudé à la fenêtre. La première fois qu'il a bu de l'alcool — c'était une bière au mauvais goût qu'il avait volé à son père et qui lui a filé un mal de ventre horrible. La première fois qu'il a embrassé une fille, un peu maladroitement, avant qu'elle ne reparte en lui plantant un baiser sur la joue et en lui disant « j'ai pas très envie de recommencer, Louis ». Son lit, sa fenêtre, sa bibliothèque pleine à craquer, son bureau avec toutes ses cartes postales ramenées du musée du Louvre accrochées tout autour, sa moquette brûlée à plusieurs endroits, sa peluche ourson offerte par sa grand-mère à sa naissance, toute sa vie tendant dans quelques mètres carrées, toute sa vie sous les yeux d'Harry.
Louis dépose le plateau sur sa couverture, et s'assoit en tailleur. Il regarde Harry déambuler exactement comme il l'a fait dans le salon. Ses mains sont un peu moites, c'est l'angoisse, sûrement, que le jeune homme fasse une remarque qui le mette mal à l'aise. Mais Harry ne dit rien. Il finit par se retourner vers lui, avec son visage impassible, et vient s'asseoir à son tour.
La pluie bat contre la fenêtre, et Louis se sent bizarrement à fleur de peau.
— C'est mieux que chez Jim, finit par dire à Harry en se calant contre l'oreiller.
Ils se sourissent, et Louis lui tend une des deux brioches. Harry le remercie et mord dedans. Sur sa lèvre, un peu de chocolat. Il l'essuie avec son pouce, et le lèche. Louis se racle la gorge, attrapant à son tour son verre de jus d'orange.
L'ambiance est étrange. Pas désagréable mais juste... Étrange. Parce qu'ils ne savent pas vraiment quoi se dire. Et que Louis est sans cesse déconcentré par la façon dont Harry lèche les bords de ses lèvres après chaque bouchée, pour récupérer les petites miettes qui s'y déposent.
Puis, Harry finit de manger et commence à demander à Louis quels sont ses livres préférés. C'est facile de parler de ça. Louis adore lire. Pas forcément ce que ses profs voudraient qu'il lise mais il lit quand même. Des bds, des mangas, des romans d'aventure, des polars, les romans érotiques un peu moisis de sa mère et des thrillers glauques. Harry n'a pas tellement les mêmes goûts. Il dit préférer les classiques, Virginia Woolf, Oscar Wilde, Duras, Flaubert, Hugo... Des noms qui donnent le tournis à Louis, des auteur.e.s qu'il n'a jamais vraiment eu le courage d'aborder. Mais Harry aime aussi les mangas. Ils finissent allongés sur la moquette de la chambre, les tomes d'Akira et de Dragon Ball autour d'eux, à s'inventer des héros venus d'autres planètes.
Et Louis se sent bien.
Il n'a plus l'impression d'avoir seize ans, d'être mal dans sa peau la moitié du temps, d'avoir ce poids sur la poitrine l'empêchant de respirer dès qu'il pense à l'avenir. Il est juste cet adolescent, riant comme un idiot aux prénoms absurdes que Harry invente, perdu dans l'abime immense de ses yeux, le coeur battant un peut trop vite dès qu'il craque un sourire, celui faisant ressortir sa fossette.
L'orage gronde tout autour de la maison, l'orage les tient au creux de sa paume, ses doigts sont partout, et Louis n'y fait même plus attention. Parce que Harry lui parle, de sa voix lente et apaisante, parce qu'Harry est là à feuilleter les pages de son manga, à lui montrer les dessins, à lui dire pourquoi il n'aime pas tel personnage, et pourquoi il en adore un autre.
L'orage passe comme il était venu, la pluie roule encore, longtemps, sur les carreaux froids. Le soir tombe et la chambre se fige dans une couleur bleutée de soir de fin d'été, un peu chaud, très humide, annonciateur d'une journée brûlante.
Louis et Harry ont arrêtés de parler. Ils sont assis sur le rebord de la fenêtre, ouverte sur le jardin. Ils fument en silence, apaisés. Au loin, ils entendent les rires de quelques enfants qui jouent sûrement sur une place. Dans les arbres, des insectes se sont remis à chanter, malgré la nuit qui tombe.
C'est Harry qui se relève en premier, une fois sa cigarette écrasée contre le bois du volet. Il soupire, passe une main dans ses cheveux, et dit :
— Faut que j'y aille, ma mère va s'inquiéter.
Louis hoche la tête. Il ne veut pas montrer qu'il est déçu, mais il l'est. Alors, il ne dit rien. Il raccompagne seulement le jeune homme jusqu'à la porte, et il lance un « à demain » terriblement vide lorsque Harry s'éloigne.
Quand il remonte dans sa chambre, il la trouve stupidement vide. Les mangas étalés sur la moquette ne comblent rien. Il repousse le plateau repas posé sur le lit, et s'allonge entre les oreillers, en chien de fusil. Il pose une main sur son sternum, et appuie un peu. Parce que ça fait mal. Une douleur sourde, un peu étrange. Il ferme les yeux.
Pendant plusieurs minutes, il s'en empêche. Mais le désir lui écrase le ventre. Alors, lentement, les paupières crispées, il glisse sa main dans son short. Le tissu se détend à son contact, il enroule sa main autour de son sexe déjà dur. Ce n'est pas long. Il tremble, ses dents mordent l'oreiller. Il ne gémit pas son prénom. Ce serait trop brutal, trop vrai. Mais il pense à lui, à sa langue glissante sur ses lèvres, à ses longs doigts frôlant les siens, entre les pages des mangas, à la fumée s'échappant de ses lèvres, de son nez, à son regard, ses pupilles très noires, sa voix lente et rauque, ses cuisses aux poils blonds, la rondeur de ses genoux, l'os de sa cheville. Tous ses détails infimes qu'il ne se souvenait même pas avoir retenu à ce point.
Il pleure ensuite.
Longtemps.
Dehors, il s'est remis à pleuvoir, une pluie lourde et épaisse, qui s'écrase sur la moquette avec un soupir fatigué.
Louis ne bouge pas. Il attend, la main toujours blottie dans le creux de son short, les doigts collants. Il attend. Que le soleil revienne. Que le soleil lui brûle la peau. Que le soleil efface ses souvenirs.
Il sait qu'après la pluie,
Le beau temps sera capable de tout dévorer.
_____________
Notes:
J'espère que ce premier chapitre vous a plu... Je suis vraiment VRAIMENT contente de débuter cette nouvelle aventure. Je ne sais plus si je l'ai dit dans ma note du début mais le personnage de Romain (le meilleur ami de Louis) est vaguement inspiré du personnage principal de Bandersnatch. (Enfin, juste pour le fait qu'il essaye de coder un jeu vidéo quoi :p).
Voilà voilà... N'hésitez pas à me donner vos impressions ou/et à me laisser un petit like pour que je sache que vous êtes là, à lire. <3 Le prochain chapitre se passera au Japon, six ans plus tard. :)
J'espère vous retrouver la semaine prochaine.
♡
#CAPfic
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