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Goodbye Blue Sky - Chapitre 19

(tw : violence verbales et physiques/homophobie/alcool/tentative de suicide)(oui, ce chapitre est assez dur psychologiquement, je suis désolée, j'espère que vous n'allez pas passer un trop mauvais moment quand même :( )

(j'ai mis la chanson goodbye blue sky en média... je l'ai beaucoup écouté en écrivant, et c'est à peu près le mood entier du chapitre. si vous l'écoutiez avant pour vous mettre dans "l'ambiance" (et quelle super ambiance lol), ce serait super... et si vous voulez l'écouter pendant, je vous conseille de le faire vers la fin du chapitre, voilà voilà)


1993 

- H A R R Y - 



« Tu ne m'as rien laissé que ces mots pour me faire mal de toi. »

— Alain Duault

Ce soir, le soleil a une couleur de fin du monde.

Assis par terre sur le trottoir, Harry joue avec les lacets trop longs de ses Converse. Il attend Louis, les yeux fixés sur le ciel qui a cette teinte étrange, entre l'orange et le gris. Harry se sent triste sans vraiment savoir pourquoi. C'est peut-être dans la lourdeur de l'air. Ou dans cette couleur sans nuances, aussi barbouillée que la palette d'un peintre ne sachant plus où il va.

Il appuie ses mains derrière lui, sur le bitume. Dans ses paumes, il sent s'imprimer toutes les aspérités du sol encore chaud de l'après-midi. Il ferme les yeux.

Et puis, il l'entend. Le skate de Louis. Il n'y a que lui pour se déplacer sans arrêt sur sa planche. Il entrouvre à nouveau les paupières, suffisamment pour voir le jeune homme s'approcher, en plein milieu de la route. Il porte un débardeur trop large et un short en jean un peu informe, bras écartés comme s'il cherchait à enlacer le vent. Harry sourit un peu. Le ciel, subitement, ne semble plus si menaçant maintenant que les cheveux de Louis sont auréolés des derniers rayons timides du soleil.

Louis se laisse tomber près de lui. Ses genoux plient sur le sol. Le skate roule quelques mètres plus loin. Il se met à rire, il a l'air heureux, et il attrape Harry par les joues, doucement, et l'embrasse. Juste comme ça. Harry pose sa main sur son bras, surpris. Pourtant, le geste et la douceur des lèvres de Louis sur les siennes font gonfler son coeur un peu trop vite. Quand Louis se recule, Harry cligne des yeux. C'est toujours comme ça. Il se sent mal, parfois, face à la façon dont Louis est lumineux, éblouissant de jeunesse et de joie de vivre. Harry se sent bien trop souvent comme un torchon déjà sale, bon à mettre à la poubelle.

— Salut, murmure Louis, le pouce toujours sur sa joue.

— Salut, répond Harry.

Et ils se sourient.

*

*

*

Harry n'a pas envie d'aller à cette fête. Il n'est pas vraiment intégré au groupe d'amis de Louis. Seules les filles lui adressent régulièrement la parole, même s'il se sent mal à l'aise avec elles aussi. Pourtant, Louis insiste. Et Harry ne veut pas le rendre malheureux. Alors il dit oui. Louis lui explique que c'est Romain qui l'a invité, qu'il a visiblement envie de se racheter. Harry n'y croit pas vraiment, mais il ne dit rien. Parfois, il trouve Louis insupportablement optimiste et naïf. À moins que ce ne soit lui qui soit totalement pourri de l'intérieur, incapable de faire confiance aux autres... Alors, rien que pour ça, il ravale son angoisse au fond de sa gorge et se tait. Il ne veut pas être un problème, surtout pas pour Louis.

Ils sont tous les deux dans la chambre de ce dernier, devant son armoire grande ouverte. Harry est assis sur le lit, un pied sous sa cuisse. Il observe Louis qui tourne en rond, attrape un t-shirt, un autre, puis le jette au sol avec une moue contrariée.

— Tous mes habits sont moches, il soupire pour la énième fois.

La bouche d'Harry se tord en un petit sourire, et il secoue doucement la tête.

— Je croyais que c'était juste une petite soirée... Pas un gala.

Louis lui jette un regard faussement agacé.

— C'est la soirée de l'été. Et puis...

Sa voix baisse de quelques octaves, devenant un murmure quasiment inintelligible.

— C'est une de nos dernières soirées. Je veux que tu aies un beau souvenir de moi.

Harry se sent rougir un peu. Il n'arrive toujours pas à se faire à la façon dont Louis expose ses sentiments, comme s'il n'en avait jamais honte. Harry n'a jamais rencontré quelqu'un qui ose lui dire, je tiens à toi, en le regardant droit dans les yeux comme le fait sans arrêt Louis. Il ne sait pas quoi répondre à ça. Il se met à jouer avec le rebord de la couette, et un petit silence s'installe entre eux. Mais ce n'est pas désagréable, Louis n'attend de toute façon visiblement aucune réponse. Il se remet à chercher dans son armoire, et finit par sortir un jean noir un peu effiloché en bas et un t-shirt à l'effigie d'un obscur groupe de rock.

— C'était à mon père, il explique en souriant un peu.

— Comme le t-shirt des Rolling Stones que tu m'avais prêté la première fois que je suis venu dormir chez toi ?

— Comme celui-là.

Louis sourit. Il a l'air touché que Harry se souvienne de ce détail, et soudain, Harry réalise que c'est peut-être comme ça que les choses marchent entre eux. Louis qui ose dire tout ce qu'il pense, tout ce qu'il a sur le coeur. Louis qui n'a pas peur de l'embrasser sur la bouche alors qu'ils se trouvent dans la rue, Louis qui le regarde comme s'il était la plus belle chose du monde. Louis qui se donne sans concession, avec une facilité et une honnêteté déconcertante et vertigineuse. Et Harry, de l'autre côté, tout en retenu et en mots difficiles à prononcer. Harry qui se souvient des petits détails, qui n'ose pas faire les premiers pas, qui tremble un peu en touchant la peau de Louis, comme s'il avait toujours peur de l'abîmer. Harry qui plisse les yeux face au soleil, qui observe Louis de loin, qui n'ose pas l'aimer trop fort de peur de le faire fuir.

Cet équilibre peut sembler fragile, mais Harry ne s'est jamais senti aussi sûr de lui que depuis qu'il a conscience que la main de Louis l'attend toujours, à l'horizon.

Et s'il était aussi sentimental que le jeune homme, il oserait se dire, ce garçon aux cheveux toujours en bataille, aux sourires immenses et aux yeux plus bleus que le ciel d'été, ce garçon de seize ans, aux genoux secs et à l'insolence adorable, je suis persuadé, alors même que j'ai si peu vécu, qu'il est le morceau d'âme qui manque à la mienne.

*

*

*

C'est Agathe qui leur ouvre la porte. En l'embrassant sur la joue, Harry ne peut pas s'empêcher de remarquer qu'elle sent un peu l'alcool et la cigarette. Dans sa main, elle tient un verre de sangria. Ses joues sont plus roses que d'habitude.

— Louis ! Harry ! On attendait plus que vous. Qu'est-ce que vous foutiez ?

Harry s'apprête à bafouiller une excuse mais Louis attrape le bras d'Agathe et lui fait une blague stupide qui la fait rire aux éclats. Elle semble totalement oublier sa question, et ils se rendent tous les trois dans le grand salon. Harry est un peu surpris. Il n'imaginait pas que les parents d'Agathe étaient riches... Ce n'est pas non plus un palace, mais par rapport à la maison de Jim — ou même au petit pavillon de Louis — c'est immense. Il se sent un peu mal à l'aise. Dans les grands canapés, Sam, Romain, Jim, Nour et les autres sont installés, en train de bavarder tranquillement. Les baies vitrées du salon sont ouvertes sur la nuit et le jardin tout aussi immense, et Harry aperçoit une piscine creusée. Pendant un bref instant, il se demande pourquoi Agathe n'autorise pas ses ami.e.s à venir se baigner chez elle pendant l'été, et puis il réalise très vite que tou.te.s doivent sans doute préférer l'écrin de liberté un peu sauvage que représente le lac.

— Eh bah, vous en avez mis du temps, s'exclame Romain en se retournant vers Louis.

Il lui tape nonchalamment dans la main, et Harry serre les dents. Il n'aime pas la façon dont parle Romain, avec cet accent un peu lent, cette façon bizarre de terminer ses phrases en mâchant ses mots. C'est très différent de Louis, qui parle toujours vite, comme s'il avait peur d'oublier ce qu'il voulait dire en chemin. Harry trouve ça très mignon. 

Il s'approche, les mains dans les poches, ne sachant pas trop ce qu'il doit faire. Heureusement, Romain lui fait seulement un petit salut de la main, et Harry se dépêche d'aller s'asseoir près de Louis, qui s'installe sur le canapé aussi facilement que s'il était chez lui. Harry a envie de rire en le voyant poser sa jambe sur le rebord, et quémander une cigarette d'un petit geste pressé de la main.

Parfois, il a mal au coeur tant Louis lui plaît.

— C'est de ma faute, est en train de dire Louis tout en tirant sur la cigarette que vient de lui passer Nour, je trouvais plus le t-shirt que je voulais mettre. Harry m'a attendu vingt ans devant chez moi... Je pensais qu'il serait parti quand j'ai fini par descendre.

Agathe se tourne vers Harry, sourcils un peu froncés :

— Je suis désolée, j'aurai dû t'expliquer où j'habite plutôt que de laisser à Louis la mission de te conduire...

— Oh, c'est pas grave, bafouille doucement Harry.

Encore une fois, il se sent rougir, vaguement honteux. Il se demande comment fait Louis pour mentir aussi effrontément, avec cette nonchalance étudiée. Harry n'a pas attendu Louis en bas de chez lui. Il était dans sa chambre, à genoux devant ses cuisses nues, occupé à embrasser la peau de son ventre jusqu'à ce que Louis le supplie de le prendre dans sa bouche. Et après ça, il était occupé à chercher un autre t-shirt pour Louis dans sa commode, parce que celui qu'il voulait mettre était tâché. Heureusement, la conversation se détourne, et au bout de quelques minutes, Louis pose rapidement sa main derrière son dos. Harry lui jette un regard. Louis lui sourit et lui adresse un petit clin d'oeil rapide. Alors, Harry se détend un peu. La soirée ne va sûrement pas être si terrible que ce qu'il s'imaginait... Il s'autorise même à tirer à son tour sur la cigarette que lui passe Louis, et à se servir un verre de sangria.

*

*

*

Harry est dans la salle de bain du premier étage. Il est presque minuit, la nuit est entièrement tombée sur le jardin. Il entend le rire un peu aiguë d'Agathe, et le bruit d'un plongeon dans la piscine. Il n'y fait pas vraiment attention.

Il n'a pas allumé la lumière. Il entrevoit seulement son visage, un peu pâle dans le reflet du grand miroir. Il a la tête qui tourne légèrement. Il n'aurait pas dû boire autant de verres en si peu de temps... Il sait très bien qu'il ne tient pas l'alcool, en plus. Doucement, il allume le robinet et se passe les mains sous l'eau avant de se frotter le visage. Le liquide froid lui fait du bien. Il se penche davantage et boit.

Le haut de son t-shirt est mouillé. Il s'assoit sur le rebord de la baignoire et ferme les yeux. Il aime bien la façon dont les bruits lui paraissent étouffés, très lointains. Il a l'impression d'être dans un demi coma, dans une autre réalité, beaucoup plus calme que la vraie. Peut-être qu'il devrait rester là pour le restant de ces jours, dans cette salle de bain plongée dans le noir.

Il sursaute un peu en voyant la porte s'ouvrir. Il n'avait pas fermé le verrou ? Heureusement, il reconnaît vite la personne qui s'introduit dans la petite pièce. La silhouette de Louis, même dans l'obscurité la plus totale, n'a aucun secret pour lui.

Il ne parle pas. Louis reste appuyé le dos contre la porte pendant un long moment, et Harry comprend qu'il habitue ses yeux à la pénombre. C'est fou comme Louis le comprend. Au lieu d'allumer la lumière — comme ce que n'importe qui ferait — il entre dans le monde d'Harry sans faire aucun bruit, sans rien déranger.

Il avance à petit pas. Harry sent les terminaisons de ses doigts le brûler un peu, et il tend sa main. Louis n'a plus son t-shirt. Il est déjà en maillot de bain. Son ventre est doux, un peu froid. Il a l'odeur du chlore et de l'herbe coupée.

Harry l'enlace. Louis est debout entre ses jambes, ses bras autour de son cou. Il le laisse faire. Harry respire sa peau, dépose doucement de légers baisers sur le haut de ses hanches.

Il avait tort. Vivre seul dans cette salle de bain silencieuse n'était pas une bonne idée. Vivre pour toujours blotti contre Louis en est une bien meilleure.

— Qu'est-ce que tu fais comme ça dans le noir ?, murmure soudain le jeune homme au-dessus de lui.

Il n'y a jamais de jugement dans sa voix. Harry aime bien ça. Louis est simplement curieux, peut-être un peu inquiet, mais pas d'une mauvaise façon. Harry se sent bien, quand Louis lui pose ce genre de questions.

— J'étais un peu étourdi, il avoue.

Les doigts de Louis glissent dans ses cheveux, caressent doucement sa nuque. Harry adore quand il fait ça. Toute la tension qui subsistait encore dans ses épaules disparait lentement.

— Tu as trop bu ? Tu as envie de vomir ?

— Non. Je voulais juste être un peu seul.

— Je te dérange ?

— Jamais.

Harry n'a pas besoin de lever la tête et d'allumer la lumière pour sentir que Louis sourit.

— Je trouve que la soirée se passe plutôt bien, non ?, il finit par reprendre doucement.

Harry hausse un peu les épaules. Contre son nez, le ventre de Louis frissonne.

— C'est sympa. J'avais peur que Romain... Enfin, tu sais.

— Hm... Je pense qu'il n'a rien dit aux autres.

Il y a un petit silence, puis Harry embrasse lentement le contour du nombril de Louis avant de demander :

— Est-ce que ça te dérangeais, si les autres savaient ?

— Pas tellement. J'aurai juste peur qu'ils te disent des choses idiotes et injustifiées. Je pense qu'ils pourraient avoir des réactions connes.

— Tu as peur pour moi mais pas pour toi ?

Louis ne répond pas tout de suite, et Harry met quelques secondes avant de réaliser que c'est peut-être parce qu'il n'avait jamais pensé à ça. Depuis le début, toutes ses inquiétudes sont dirigées vers Harry. C'est lui qu'il protège. Et Harry se sent à la fois touché et un peu énervé.

— Ce sont mes amis... Je ne pense pas qu'ils me rejetteraient.

Harry se recule un peu. Il tient toujours les hanches de Louis entre ses mains, mais ses doigts se font moins caressants.

— Amis ou pas, s'ils veulent te faire des remarques homophobes, crois-moi qu'ils ne se gêneront pas.

— On se connaît depuis qu'on est gamins, Harry. Regarde, même Romain a finalement plutôt bien assimilé la chose.

— Tu en es certain ?

Il voudrait retenir ses mots. Il se sait acerbe et injustement piquant. Louis ne mérite pas qu'on lui parle de cette façon, il est juste... Tellement naïf. Encore une fois. Harry se mord la langue. Il a un goût amer dans la bouche.

— Pardon, il finit par marmonner devant l'absence de réponse de Louis. Je ne voulais pas être méchant.

Louis soupire un peu. Ses doigts ne cessent pas de caresser doucement la nuque d'Harry, même s'il semble étrangement distant.

— Ce n'est pas grave. Je comprends pourquoi tu dis ça...

Harry en doute, mais il ne rétorque rien. Il finit par reposer simplement sa joue contre le ventre de Louis, et ils restent un long moment ainsi, à s'écouter respirer, seuls au milieu de la salle de bain silencieuse, plongée dans le noir. Ils ne savent pas qu'il s'agit là de la toute dernière fois où ils se retrouvent ensemble. 

*

*

*

Je me souviens de sa voix, de ses yeux qui même dans l'obscurité, avaient la couleur sourde de la mélancolie. Peut-être qu'à cet instant, si je l'avais serré plus longtemps contre moi, rien ne serait arrivé. Peut-être que si j'avais écouté ses angoisses, vraiment écouté, j'aurai compris à quel point il avait raison. Peut-être que si j'avais pris sa main et que nous étions partis, loin, bien loin de la maison et des autres, je ne serai pas en train d'écrire ce livre aujourd'hui. J'aurai toujours, près de moi, son sourire. 

Mais je n'ai rien fait de tout ça.

Mes genoux sur le carrelage froid de la salle de bain, j'ai pris sa nuque entre mes doigts et je l'ai embrassé. C'était la dernière fois. Le baiser avait ce goût rare de désespoir, de tristesse et d'amour infini. Je crois qu'au fond de moi, inconsciemment, je savais qu'il signait la fin de quelque chose. Que le silence paisible qui nous protégeait, n'était fait que pour voler en éclats.

Si seulement j'avais su...

Mais à seize ans, sommes-nous vraiment capables de reconnaître le souffle de la mort sur les lèvres de la personne que l'on aime aveuglément ?

(ndla: c'est grave le louis de 1993) 


Il est une heure. Allongé sur l'herbe humide autour de la piscine, Harry observe la bouteille tourner lentement. Ce jeu est idiot, il le sait. Mais tout le monde participe et il ne voulait pas être le seul hors du groupe. Depuis tout à l'heure, Louis rit comme un idiot. Il a l'air vaguement bourré à présent, un joint entre les doigts. Son deuxième, si Harry a bien compté. Voir Louis comme ça l'amuse et l'inquiète à la fois. Il se sent de plus en plus désarmé, maintenant que Louis semble perdre un peu de sa raison.

— Harry !

Il sursaute. Perdu dans ses pensées, il a totalement oublié de suivre la bouteille des yeux. Maintenant, elle le désigne, et Nour assise en face de lui bat des mains joyeusement.

— Alors, action ou vérité ?

Il fronce les sourcils. Il croise le regard de Louis, un peu flou et brillant à la fois. Il sent sa langue pâteuse lorsqu'il prononce,

— Action.

Il y a un court silence avant que Louis ne s'exclame :

— Saute tout habillé dans la piscine !

C'est facile. Harry s'appuie sur ses mains, prêt à se lever, mais Romain le coupe dans son élan :

— Non, c'est nul et on a déjà donné ce gage à Jim tout à l'heure. Il faudrait un truc plus amusant... Harry, tu n'as presque pas bu depuis le début... Moi je dis, fais un cul-sec et embrasse une des filles. Celle que tu veux.

Harry sent sa gorge se nouer un peu. Louis se redresse, laissant tomber son joint sur le carrelage.

— Pourquoi embrasser une des filles ? Le cul-sec suffit non ?

— C'est trop facile juste un cul-sec, proteste Nour. Et je veux savoir qui il va choisir.

— Mais il ne vous connaît même pas... Il ne va pas-

— C'est bon Louis.

Harry l'a coupé d'une voix ferme. Louis fronce les sourcils mais ferme la bouche, visiblement un peu vexé. Et sincèrement préoccupé. Mais Harry ne veut pas s'attarder là-dessus. Il avale difficilement sa salive avant de tendre la main vers le verre que lui donne Romain, un petit sourire sur les lèvres. Bâtard.

L'alcool lui brûle la gorge. Il reconnaît le goût de la vodka, amer et légèrement salé. Il a immédiatement envie de recracher mais il ne le fait pas, reposant le verre vide, la main un peu tremblante. Les autres l'applaudissent joyeusement et il tourne la tête, observant les filles autour du cercle. Nour, Sam, Agathe.

Louis.

Louis maintenant un peu en retrait, le regard sombre. Est-ce qu'il est en colère ? Harry ne comprend pas vraiment pourquoi. C'est lui qui a voulu participé à ce jeu débile. Il vacille un peu sur ses jambes en se levant.

Nour, Sam, Agathe.

Nour qui lui tournait autour au début de l'été. Agathe qui aurait pu être la petite-amie de Louis. Sam qui sort avec Romain.

Il choisit Sam. Le baiser a le goût étrange d'une vengeance, et Harry se sent encore plus mal qu'en avalant la vodka. Les lèvres de Sam sont plus épaisses que celles de Louis, un peu collantes de Labello. Elles ont le goût des sucettes à la fraise qu'elle ne cesse de mâchouiller. La jeune fille ne semble même pas réaliser son trouble, parce qu'elle se met à rire lorsqu'il se recule. Elle lui caresse doucement la joue et dit,

— Tu embrasses très bien.

Harry lui sourit. Il se sent tellement, tellement idiot. Derrière lui, il entend le bruit d'un plongeon. Lorsqu'il revient à sa place, il réalise que c'est Louis qui est parti nager.

*

*

*

Harry se ressert à boire. Le jeu de la bouteille se termine, et tout le monde saute dans la piscine. Harry les imite. Il se sent nauséeux. Son corps lui semble trop lourd à porter. Quelques fois, il croise le regard de Louis. Celui-ci est retourné sur le bord de la piscine, assis tout seul sur une serviette, cigarette à la main. Harry a envie d'aller attraper ses chevilles et d'embrasser ses genoux. Mais il n'est pas encore assez ivre pour faire une chose pareille.

Il nage sur le dos. Nour vient le voir, s'amuse à l'arroser. Harry se sent toujours aussi mal à l'aise et stupide mais ça va. Il rigole. Tout semble trop facile. Et Louis fait la tête. Est-ce que Louis fait la tête ?

Harry sort de la piscine. Il voudrait aller parler à Louis mais il ne le voit pas. Sa serviette est vide. Peut-être qu'il est parti chercher à boire dans la cuisine ? Ou parti aux toilettes ? Harry hésite à aller voir. Il n'a pas vraiment envie de tremper la maison d'Agathe, mais il veut vraiment embrasser Louis. Pour enlever le goût des lèvres de Sam. Il contourne la piscine, traverse le jardin jusqu'à la baie vitrée du salon. Alors qu'il s'apprête à entrer, une voix l'appelle. Il se retourne, tangue un peu en reconnaissant Romain.

— Je peux te parler deux minutes ? Seul à seul ?

Il hésite. Se retrouver en tête à tête avec Romain ne lui fait vraiment pas envie mais le jeune homme n'a pas particulièrement l'air menaçant. Il a les mains dans les poches de son short de bain, et un petit air contrit sur le visage.

— Ok..., finit par murmurer Harry avant de lui emboîter le pas.

Ils rebroussent chemin. Harry ne voit pas trop où Romain l'emmène, mais il comprend seulement qu'ils font le tour de la maison pour se trouver du côté où la forêt commence. Les arbres semblent immenses dans la nuit. De ce côté là, il y a moins de lumières et Harry ne peut pas s'empêcher de remarquer la multitude d'étoiles qui tapissent le ciel. S'il était avec Louis, ils s'essayeraient dans l'herbe et essayeraient de les compter jusqu'à ce que la nuit laisse place à la blancheur de l'aube.

Romain s'appuie contre le mur de la maison. Il sort une cigarette de sa poche et l'allume, prenant son temps. Harry ne se sent toujours pas très à l'aise, et il se racle la gorge.

— De quoi est-ce que tu voulais me parler ?

— De Louis.

La réponse est claire. Harry soupire un peu. Avec courage, il articule doucement :

— Écoute... Je n'ai vraiment pas envie de, d'avoir cette discussion avec toi. Je pense que je vais retourner avec les autres et-

— Non. Attends.

Romain lui attrape le poignet. Fermement. Ses yeux se verrouillent dans les siens, et Harry, pour la première fois depuis longtemps, sent un frisson de panique lui glisser dans le dos.

— Tu... Lâches-moi s'il te plaît.

— Non, répète Romain. J'ai des choses à dire.

— Et je ne veux pas les écouter...

— On ne t'as pas demandé ton avis je crois.

Harry tourne vivement la tête. Jim vient d'arriver derrière lui, un petit sourire amusé sur le visage.

— Ta gueule Jim, grogne Romain, l'air franchement ennuyé. J'ai dit que c'est moi qui parlais. Tiens-le plutôt.

Jim obéit sans discuter, attrapant à son tour fermement les deux poignets d'Harry.

— Tu ne te débats pas ?, s'étonne alors Romain avec un petit rire moqueur.

Harry ne répond pas. Il se sent déjà au bord des larmes, absolument pétrifié. Il a honte. Il a honte d'être si faible, de n'avoir rien appris de toutes ces années de violence. Il devrait pouvoir se battre, non ? Pourquoi a t-il l'impression que plus il grandit, plus il devient faible ? Et pourquoi cela ne se termine jamais ? Il échappe aux poings de son père pour se laisser avoir par deux adolescents maigres et idiots...

— Bon...

Romain lui tourne autour, et crache à ses pieds. Harry se demande à quoi il joue. Est-ce qu'il imite les caïds qu'il voit dans les films ? Est-ce qu'il pense avoir l'air intelligent ? Il le trouve seulement ridicule. Et pourtant, il est toujours incapable de bouger, le dos collé contre le torse mince de Jim. Il sent l'odeur de son eau de cologne, une odeur écoeurante, encore plus écoeurante que celle de la vodka ou des lèvres de Sam.

— Je ne vais pas parler du fait que tu as embrassé ma copine... Même si tu mériterais mon poing dans ta gueule pour avoir osé faire ça.

C'était le jeu, pense Harry. Mais il reste muet, les jambes tremblantes et les yeux écarquillés.

— Ce dont je veux te parler, c'est ce que tu fais à Louis... Il me semble que je t'avais mis en garde pourtant, non ?

— Je ne fais rien de mal à Louis..., Harry balbutie enfin, la gorge serrée. Et ça ne te regarde pas de toute façon...

— Louis est mon meilleur ami. Depuis que tu as débarqué, il me parle à peine ! Tu es en train de le changer et il ne s'en rend même pas compte...

Harry a envie de rire et de pleurer à la fois. Est-ce que Romain vient vraiment de dire une chose pareille ? Ou est-ce que l'alcool qui coule trop vite dans ses veines lui fait inventer ce qui est en train de passer ?

— Pourquoi tu te marres ?

— Je me marre pas... C'est juste... Louis ne te doit rien. Il fait ses propres choix, ça n'a rien à avoir avec moi.

— Est-ce que tu couches avec lui ?

Harry ferme les yeux, pendant une brève seconde. Il a mal au ventre. Il veut que Jim le lâche, il veut courir et aller se jeter dans la piscine. Il ne veut pas répondre à cette question. Il a déjà entendu trop de fois des choses pareilles. Harry, c'est vrai que tu suces dans les toilettes ? Eh, Harry, t'aimes te faire prendre, hein ? T'es une tapette toi, c'est ça ? Espèce de pédé.

Romain répète sa question. Sa voix est ferme. Harry ne répond pas. Il serre la mâchoire lorsque Romain s'approche et lui attrape le menton, le serrant jusqu'à lui faire mal aux dents.

— Dis-le. Dis que tu couches avec Louis.

— Non...

Il a dû mal à articuler. Romain lui crache au visage et Harry retient difficilement un sanglot. La salive épaisse lui coule sur le menton. Il a peur. Non, il n'a pas peur, il est terrifié. Terrifié par Romain, par Jim qui lui sert si fort les poignets, terrifié par sa propre respiration qu'il entend démultipliée dans son cerveau, terrifié par ce monde qui l'oppresse et ne le laisse jamais être en paix.

— Dis-le.

Cette fois, il sanglote. Il a tellement honte... Peut-être qu'il s'il obéit, Romain le laissera tranquille. Alors, il murmure :

— Oui, je couche avec Louis.

— Souvent ? Depuis quand ? 

Harry écarquille les yeux. Sa vue est embuée de larmes. Il ne comprend pas. Pourquoi Romain pose cette question ? C'est... C'est tellement malsain. Harry a l'habitude de faire face à de l'homophobie, mais jamais de cette façon. Là, c'est comme si Romain, en quelque sorte, était jaloux. Et soudain, il comprend. La voix blanche, il articule lentement :

— Tu es amoureux de Louis. Tu es jaloux parce que tu l'aimes. 

Il y a un silence. Un long silence, pendant lequel Harry entend un petit hoquet de surprise venir de la gorge de Jim. Romain reste immobile. Il n'y a rien dans ses yeux, si ce n'est de la rage qui dégouline de ses pupilles noires.

Et soudain, il s'avance et frappe Harry. Une gifle, qui lui brûle la joue. Sa tête part un peu sur le côté et il sent ses genoux le lâcher. Jim le retient à peine, et il s'écroule à moitié par terre. Il devrait crier. Il devrait alerter les autres. Il devrait se débattre. Mais il en est incapable. Il devrait avoir le dessus, à présent. Relever la tête, braver Romain. Lui dire, tu es peut-être amoureux de Louis, mais je suis le seul à pouvoir le toucher quand vient la nuit. Je suis le seul à qui il tient la main, à qui il dédie tous ses plus beaux sourires. Je suis le seul à savoir le goût qu'a sa langue, le seul à connaître son âme et la couleur de ses yeux les jours d'orage, quand nous restons sous la couette sans bouger. Harry n'est pas comme ça. Il n'est pas un héros. Il n'est pas courageux. Il a seize ans, et la terreur le pétrifie tellement que quand Romain lui attrape le bras et lui écrase sa cigarette dans le creux du coude, il fond en larmes. Il n'arrive même plus à parler. Il n'entend qu'à peine les mots que Romain murmure contre son oreille, hors de portée de Jim.

— Espèce de petit bâtard... T'es même pas capable de te défendre et tu penses vraiment être digne de Louis ? S'il t'as accordé de l'importance, c'est juste parce qu'il a compris que t'étais qu'un minable petit pédé et que tu allais le sucer sans broncher. Dès que tu seras rentré chez toi, il t'oubliera.

Harry n'entend pas la suite. Il comprend vaguement que Jim l'insulte. Quelqu'un lui envoie un coup de pied dans le ventre, et il se plie légèrement en deux. Puis, leurs pas s'éloignent.

Le silence revient, glaçant.

Harry ne voit que l'ombre immense des arbres qui se découpe au milieu du ciel noir. Des nuages épais sont en train de recouvrir le monde. Au milieu de ses sanglots, Harry pense, même les étoiles ne brillent plus pour moi.

*

*

*

Il ne retourne pas au bord de la piscine. Il ne part pas chercher Louis.

Il court.

Ses jambes tremblent, et il perd plusieurs fois l'équilibre, tombe au milieu des branches mortes de la forêt. Il ne sait pas vraiment où il va. Il veut juste fuir, disparaître une bonne fois pour toutes. Sa main gauche est serrée sur son coude, là où la cigarette a rongé la peau. Il pleure en courant, et ses sanglots lui font mal à la gorge.

Lorsqu'il arrive au bord du lac, il s'arrête. Il a le souffle trop court. Son sang résonne jusque dans ses tempes.

Dès que tu seras rentré chez toi, il t'oubliera.

La phrase tourne en boucle dans son esprit. Il se fout du reste. Il se fout des insultes. Mais ça... Il se penche en avant. Son corps est douloureusement plié pendant qu'il vomit. Sa gorge lui fait mal, ses genoux nus aussi.

Dès que tu seras rentré chez toi, il t'oubliera.

Il sait que Romain a raison. Peut-être que Louis l'aime réellement... Mais au bout de deux, trois mois sans se voir ? Harry n'a pas confiance. Il n'a pas confiance en le fil si fragile de l'amour. Il n'a pas confiance en eux, en lui. Harry sait que lui pourra attendre Louis toute sa vie, mais Louis... Louis a seize ans. Il est si beau. Harry ne le mérite pas. Il ne mérite pas quelqu'un d'aussi brillant, lumineux, drôle, adorable, gentil, intelligent. Louis finira par l'oublier. Il en est certain. Et Harry ne veut pas de ça. Il ne pourra jamais s'en remettre.

Il faut... Il faut que ce soit lui, qui mette fin à tout.

À Louis, à ses cauchemars, à la douleur dans ses veines, aux souvenirs qui se fracassent dans sa tête, aux cris de sa mère, à son corps horrible et dégoûtant.

Il faut qu'il disparaisse.

Il se relève. Ses jambes tremblent toujours autant, mais cette fois, il a un but. Il se dirige lentement vers le lac. Dans la nuit, sa surface est plus sombre que jamais. Harry a l'impression de contempler une encre épaisse, une mare immense d'un pétrole gluant. La lune se reflète à peine à la surface. Il n'y a pas un bruit.

Harry y a déjà pensé quelque fois.

En sortant du lycée, en marchant sur ce pont immense où les voitures passaient si vite.

L'été dernier, lorsqu'il était seul dans l'appartement de sa grand-mère paternel, et qu'il passait des heures sur le balcon, à fixer le bitume 15 mètres plus bas, jusqu'à ce qu'il semble si prêt qu'il en devenait attirant.

Il y quelques mois, en attendant le métro, alors qu'il n'y avait personne sur le quai, et qu'il aurait été si facile de descendre sur les rails et de se laisser happer.

Mais jamais, jamais il ne l'a fait.

Quelque chose le retenait. Peut-être un dernier espoir, une dernière petite flamme tremblotante à l'horizon.

Harry sait maintenant que cet espoir était Louis.

Mais ce soir, dans cette nuit sans étoiles et sans vent, dans cette nuit qui ne respire et ne brille pas, il comprend que cet espoir est éteint à son tour. Harry n'a pas été capable de le maintenir. Il n'en a pas la force. Il ne l'aura jamais.

Alors, sans hésiter, il plonge.

L'eau se referme sans un bruit sur son corps, voile de soie noir, d'une douceur terrible. Et les algues tentaculaires s'agrippent à ses jambes ses bras son torse son cou. Il se laisse enserrer. L'air ne lui manquera pas. Il ferme déjà les yeux.

*

*

*

Je fais encore des cauchemars de cette nuit-là. Ce sont toujours les mêmes. Je me revois, dans le jardin d'Agathe. Je suis seul et je l'appelle. Mon coeur bat un peu trop vite. Souvent, les autres ne sont pas là. Je ne sais plus s'ils l'étaient en réalité. Je ne sais plus s'ils cherchaient avec moi. J'ai oublié. Seuls demeurent mes cris qui résonnaient dans le vide.

Je m'enfonce dans la forêt. Elle est immense. Parfois, le cauchemar se finit dans cette forêt. Je passe des heures à m'y débattre, le lierre et les ronces s'enroulent autour de moi, me coupent la respiration. Les arbres sont effrayants. Leurs racines sont des doigts qui attrapent mes chevilles et m'empêchent d'avancer. Il y a des kilomètres et des kilomètres de hautes herbes. Je suis perdu et je ne vois rien.

Dans la réalité... Dans la réalité, la course a été si facile. Si évidente, presque. Je crois qu'à l'instant où j'ai compris qu'il avait disparu, je savais que c'était pour toujours. Je ne le reverrais pas. Je n'avais même pas eu le temps de lui parler. Même pas eu le temps de lui dire à quel point j'avais détesté le voir embrasser quelqu'un d'autre que moi, même pas eu le temps de lui à que point il comptait pour moi, à quel point je voulais qu'il soit l'unique amour de ma vie, à quel point j'avais peur d'être séparé de lui. Maintenant, le silence. Et les autres autour de moi, dans cette forêt à présent sans vie, sans couleurs, qui crient son prénom.

Je me souviens du lac. De sa noirceur étrange, de sa profondeur. Je me souviens m'être dit, c'est là. C'est ce qu'il a choisi. Je me souviens aussi du hurlement d'Agathe, plantée à l'endroit où il avait laissé ses chaussures.

Ensuite... Ensuite, je ne sais plus. Tout est flou. Le temps a laissé sur cette nuit un voile de brouillard. Parfois, j'entrevois dans mes cauchemars les plus sombres mon corps qui plonge à son tour dans le lac. Ma main frôle ses doigts. Je vois son corps, pris dans les tentacules immenses des algues gluantes. Ses yeux sont ouverts et ne me disent plus rien. Le vert de ses pupilles se confond avec celui de la vase. Je n'arrive jamais à l'attraper. Son corps est trop lourd, trop glissant. Il est celui que je tenais tout contre moi pendant nos nuits d'amour, mais dans le fond du lac, il ne m'appartient plus. Je ne le reconnais pas. Il n'est pas le garçon dont je suis amoureux, il est un inconnu qui a voulu mourir. Il me fait peur.

Ce n'est pas moi qui le sauve. Je saute, je saute et je reste pétrifié, les yeux grands ouverts dans l'eau épaisse et curieusement froide. C'est Romain, qui le remonte à la surface. Je me souviens de la façon dont il tirait son bras. Je me souviens de ses mains appuyées sur la poitrine, de ses hurlements vers les filles, pour qu'elles aillent appeler une ambulance. Je me souviens de son visage plein de larmes.

Je me revois, debout devant le corps immobile d'Harry, allongé dans l'herbe. Il a l'air d'une poupée de cire. Il n'a plus rien de vivant. Ses joues n'ont pas leur couleur rose. Il a une algue dans les cheveux et de la terre sur la bouche. Romain est assis par terre, et il me regarde, et il me dit, désolé, je suis tellement tellement désolé.

Et je ne comprends pas. Je ne comprends rien. Je suis hors du monde. Je ne ressens rien. Je contemple Harry comme s'il n'existait pas. Quand l'ambulance arrive, Agathe me ramène dans son salon. Harry est emmené. Je suis assis sur le canapé, les yeux fixés sur le mur. Je suis trempé. La nuit n'en finit pas. Le temps a cessé de couler.

Pendant deux semaines, je ne parle pas. Je reste allongé dans mon lit, dans la même position. Seuls mes doigts tremblent. Et parfois, des larmes coulent de mes yeux grands ouverts.

C'est comme ça que l'été de mes seize ans prend fin.

Dans un silence immense.

Dans une douleur si terrible, que je ne la ressens pas.

*

*

*

Il écrit la lettre alors qu'il est allongé dans son lit d'hôpital. Il ne sait pas combien de jours sont passés. Avant, il n'en avait pas la force.

Il a pleuré en se réveillant. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas que la lumière soit encore là, que tout recommence. Sa mère était à son chevet. Elle ne lui tenait pas la main. Elle le regardait, et Harry a lu dans ses yeux qu'elle avait honte de lui.

Il a changé d'hôpital il n'y a pas longtemps. Maintenant, il est dans un endroit spécialisé. Pour se reconstruire. C'est ce que les gens disent. Lui n'a pas envie de se reconstruire. Il veut tout détruire en lui, d'une façon si silencieuse que personne ne s'en rendra compte. Et tout détruire, ça veut aussi dire détruire Louis, le souvenir qu'il en a dans sa tête.

Alors, il lui écrit. C'est très court. Il n'a pas la force de faire plus. Il écrit à l'encre noire. Les lettres se forment étrangement sous sa main. Il a dû mal à réaliser que c'est lui qui dit ça. Tout sonne faux, tout sonne faux depuis son réveil, rien n'a de sens, et il sait que si Louis était là, dans sa chambre, il redonnerait au monde les couleurs que Harry aime tant. Mais il ne veut pas. Il ne veut plus. Il ne veut plus souffrir ressentir aimer rire. Plus rien. C'est pour ça qu'il enverra la lettre. Pour que Louis ne le cherche pas. Pour que Louis ne veuille jamais jamais le retrouver. Car Louis, il le sait, est le seul à pouvoir l'atteindre.

Il a creusé si profondément dans son coeur, dans sa peau, dans son âme.

Dorénavant, Harry vivra avec ces trous béants de l'absence de Louis. Il ne les remplira jamais. Il s'en fait la promesse.

*

*

*

Louis,

Je pense que tu sais aujourd'hui que je suis toujours en vie. J'ai toujours été honnête avec toi... Tu es la seule personne en qui j'ai eu entièrement confiance, si vite et sans limite. Alors, je te le dis, j'aurai préféré que personne ne me sauve. J'aurai préféré disparaître à tout jamais. Ce n'est pas de ta faute, seulement de la mienne. J'espère que tu comprends.

Ici, ils prétendent que dans quelques mois, j'aurai retrouvé goût à la vie. Moi, je ne crois pas. Je n'en ai pas tellement envie. Je vais laisser le temps passer, comme des gouttes sur ma peau. Il finira par sécher et s'épuiser. Il n'aura plus aucune importance. Rien n'en aura plus.

Si je t'écris, c'est pour te dire adieu. Je ne veux pas te revoir. Je ne veux pas recroiser tes yeux. Je ne veux pas toucher à nouveau ta peau. Je suis désolé. Tu ne mérites pas que quelqu'un te dise ces mots-là, mais je pense que tu trouveras dans ce monde bien mieux que moi. Oublie moi. Recommence tout. Ne perds pas ton temps avec mon souvenir.

Merci de m'avoir aimé pendant cet été. Je n'oublierai jamais le goût qu'avait tes baisers. Le reste, je pense que si. Je veux arracher cette page de ma vie, et tout recommencer dans un monde noir et blanc.

Je n'ai plus la force d'affronter les couleurs.

J'espère que tu comprends, et que tu ne me haïras pas... Ou plutôt, si, fais-le.

S'il-te-plaît, 

Harry. 



_____________

NOTES

Et voilà. Le dernier chapitre de 1993 pour Harry se referme lui aussi. Vous aviez à peu près deviné ce qui allait lui arriver... J'espère que ce n'était pas trop dur à lire ? Je ne me rends pas vraiment compte quand j'écris. :( 

Il ne reste plus que l'épilogue, qui sera donc la partie 1999 d'Harry. Je vous laisse maintenant faire vos paris sur une happy end ou non (lol). Dans tous les cas, j'espère vraiment vous retrouver la semaine prochaine pour la fin de cette histoire (honnêtement, j'ai envie de PLEURER). Merci d'avoir été si fidèles, merci à celles et ceux qui commentent chaque chapitre... Vous m'avez vraiment donné la force d'écrire cette histoire. 

À vendredi, je vous envoie tout plein d'amour. ♡

#CAPfic 


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