Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Echoes - Chapitre 12


1999

- H A R R Y -



Everybody told me love was blind
Then I saw your face and you blew my mind
Finally, you and me are the lucky ones this time. 

- Lana del Rey, Lucky Ones



 Longtemps, lorsqu'il s'endormait le soir après l'été 1993, Harry serrait le médaillon pendant autour de son cou pour s'empêcher de pleurer. Le rond de métal rentrait dans sa paume et lui faisait mal. Il pensait à la façon dont Louis avait de prendre le bijou entre ses dents lorsqu'ils faisaient l'amour, yeux fiévreux, dégoulinants de désir. Le souvenir faisait remonter les sanglots dans sa gorge. Il fermait les paupières. Sa bouche semblait remplie de salive, prête à l'étouffer. Louis était partout, jusque dans l'encre grise de ses cauchemars, toujours plus nombreux.

Puis, Louis avait disparu. Lentement. Il avait disparu avec tout le reste, tout ce qui lui avait fait du mal, tout ce dont il ne voulait plus jamais jamais se souvenir. Les yeux de Louis. Le sourire de Louis. Les mains de Louis. La douceur des cheveux de Louis. Les genoux de Louis. Le goût de sa bouche et de sa peau. Harry avait tout repoussé dans le fond de sa mémoire. Il n'avait plus voulu penser.

C'était assis sur le canapé, le bras d'Elio autour de son cou, confortablement installé contre son épaule, qu'il avait entendu la phrase. Ils regardaient un film, seuls dans la salle télé. Les ombres formaient sur les murs nus des arabesques torturées, et Harry avait dû mal à se concentrer sur l'intrigue. Il avait mal au coeur, un peu, comme toujours à cette époque. Les doigts d'Elio frôlaient son épaule et il se demandait ce qu'il se passerait s'il l'embrassait maintenant. Si dans son estomac exploseraient les mêmes étoiles que les lèvres de Louis avaient fait naître. Et puis, soudain, en noir et blanc, cigarette au coin de la bouche, le héros du film avait murmuré, la voix un peu rauque : « On devrait pouvoir se tuer idéalement. Dans nos têtes. Et puis renaître après, pouvoir parler, se regarder, être ensemble comme si on ne s'était jamais rencontrés. » Harry s'était raidi. Il ne se souvenait pas de la suite du film. Il n'avait plus pensé qu'à ça, qu'à ces quelques phrases, ces mots coupants qui résonnaient en lui et ouvraient une plaie béante le long de son coeur.

La phrase avait flotté pendant des jours dans son esprit. Il ne l'avait entendu qu'une fois mais il la connaissait par coeur. On devrait pouvoir se tuer idéalement... Dans nos têtes... Et puis renaître... Harry ne savait pas encore s'il voulait renaître. Mais se tuer, oui. Dans sa tête. Sans personne pour hurler en retrouvant son corps. Sans personne pour faire de vagues autour de lui. Seul. Sans que personne ne s'en rende compte. Il aimait l'idée. Il aimait penser aux gens le frôlant, lui parlant, lui souriant, sans jamais savoir qu'à l'intérieur de lui, tout était détruit. Il aimait imaginer son corps comme une enveloppe vide, remplie de vent et de quelques larmes amères, ayant laissé la trace blanche de leur sel le long de ses os.

C'est comme ça que Louis avait totalement disparu. C'est comme ça qu'Harry avait réussi à se protéger. Laisser Elio derrière lui n'avait même pas été si difficile, après ça. Harry ne ressentait plus. Ou si peu. Parfois, un rayon de soleil un peu trop brûlant lui faisait mal au coeur. Parfois, le rire d'un enfant dans un parc lui faisait relever les yeux, et il sentait une chaleur diffuse s'installer dans son estomac. Parfois, la poussière devant l'écran d'un cinéma lui rappelait celle qui flottait dans une petite cabane, au fond d'un bois vert, et les larmes qui débordaient de ses yeux pendant le générique lui rappelaient que quelque part, il était toujours vivant.

Malgré tout, Harry pensait avoir réussi. Il avait vécu si silencieusement. Il avait tout fui, pensant que le Japon l'aiderait à ouvrir une nouvelle page du mauvais roman qu'était sa vie. Il avait réappris, petit à petit, à faire confiance aux gens. Il s'était fait des ami.e.s, peut-être pas nombreux, mais des gens sur qui ils pouvaient compter. Il ne réfléchissait plus. Chaque matin avait la même couleur que le précédent. La vie était grise ou blanche, comme la vapeur qui s'échappait de sa tasse de thé au petit déjeuner. Il ne s'autorisait jamais à dépasser les bornes de la routine confortable qu'il avait construit. La seule fois où son coeur avait battu plus vite, c'était sans doute le jour où il avait couru au milieu de la route pour récupérer un petit chaton roulé en boule avant qu'il ne se fasse écraser. Depuis, Mochi était le seul qui s'installait sur sa poitrine, la nuit, et la réchauffait.

Harry ne s'était plus autorisé à remuer le passé. Tout avait disparu, avalé par des kilomètres de distance, par des océans sans fonds. Harry ne parlait pas de ce qui l'avait conduit ici. Personne ne lui posait la question. Harry se construisait seulement un futur, et peut-être que ce futur paraissait bien fade aux gens qu'il croisait, mais lui s'en fichait. Il n'avait pas besoin de plus. Il ne voulait pas plus. Harry préférait vivre sans rien ressentir plutôt que crever de douleur à chaque respiration.

*

*

*

Et pourtant... Pourtant ce soir, Harry n'hésite pas une seconde en se décalant pour laisser passer Louis dans son minuscule appartement. Il allume la lumière du couloir, referme la porte derrière eux. Dehors, la pluie tombe toujours, martelant le toit et les vitres dans un bruit sourd, qui semble les couper du reste du monde. Harry aime cette ambiance d'apocalypse, lorsqu'il est seul. Cette fois, il ne sait pas. Il a l'impression que tous ses mouvement sont ralentis, mesurés. Il a peur de respirer trop fort et de briser quelque chose, ou de se mettre soudainement à pleurer. Derrière lui, il entend Louis rire en découvrant Mochi.

— Salut toi... Tu es mignon.

Harry se mord la lèvre pour ne pas sourire. Il enlève son manteau trempé, retire son bonnet et se passe une main dans les cheveux pour les ébouriffer. Tout va bien se passer. Quand il se retourne, Louis a Mochi dans les bras, et est en train de lui gratter la tête. Son chat, ce traître, ronronne s'en accorder un regard à son maître.

— Comment il s'appelle ?

— Mochi.

— C'est marrant comme nom... Ça veut dire quoi ?

Harry regarde Mochi se tortiller pour quitter les bras de Louis, visiblement décidé à réclamer ses croquettes.

— C'est le nom d'une pâtisserie ici... Je te ferais goûter.

Il va dans la cuisine, essayant de ne pas réfléchir à la façon un peu trop spontané qu'il a depuis quelques temps d'inclure Louis dans son futur, et attrape la gamelle de Mochi pour lui servir à manger. Lorsqu'il relève la tête, Louis est appuyé contre la porte, et est en train d'observer la petite pièce. Exactement comme moi, la première fois que je suis entré chez lui, cet été là... Il secoue la tête et se racle la gorge, brusquement gêné :

— Tu... Enfin, tu devrais enlever ton sweat. Tu es trempé... Je peux te prêter autre chose. Tu veux aller dans la salle de bain ?

— S'il-te-plaît.

Louis lui sourit. Harry l'emmène dans la salle de bain, s'excusant qu'elle soit aussi petite. Louis hausse les épaules.

— Je m'en fiche, Harry. C'est gentil de... Me laisser rester ici.

Harry ne répond pas. Il se contente de reculer, avant de marmonner qu'il revient avec des vêtements. Dans sa chambre, il reste un moment immobile devant l'armoire, se fixant dans la glace accrochée à la porte du meuble. Tout son corps lui semble étrangement petit, comme s'il avait à nouveau seize ans, des membres maladroits et cette façon idiote de rentrer ses épaules vers l'avant. Il soupire. Derrière lui, il aperçoit par la fenêtre la pluie qui balaye avec une lenteur terrible les arbres et les toits. Le monde n'a plus aucune couleur, le monde n'est qu'un nuage gris, gonflé d'eau et de vent. C'est son monde, celui-là. Son monde qui cohabite soudain avec un autre, celui de Louis, sûrement nu dans sa douche derrière le mur, un monde de soleil et de peau caramel, d'yeux immenses et aussi bleus que le ciel, de rires et d'existence facile.

Et Harry, après avoir vécu depuis si longtemps dans la lumière rare d'un soir s'essoufflant dans la tempête, brûle à nouveau de voir l'aube, ses doigts roses, ses sourires diaphanes.

Il s'assoit sur son lit et soupire à nouveau. À ses pieds, Mochi tourne en rond, se frottant contre sa jambe en ronronnant.

— Je sais... Je sais, murmure alors Harry en le regardant. J'avais dit que je ne laisserais pas Louis entrer dans ma vie à nouveau mais il est... Tu ne l'as pas vu, toi, quand il s'éloignait sous la pluie.

Son chat s'arrête, le fixant avec ses grands yeux ronds, comme s'il l'écoutait véritablement.

— Je ne pouvais pas le laisser rentrer tout seul jusqu'au ryokan alors qu'il pleuvait autant. Et... Je ne sais pas pourquoi je lui ai fait ce stupide câlin mais c'était agréable, ok ? Et puis c'est Louis, après tout. Toi tu ne le connais pas, mais moi... Moi je sais beaucoup de choses de lui. J'ai vécu le meilleur été de ma vie à ses côtés. Même si tout allait mal en même temps.

Mochi se met à bailler, puis détache ses yeux d'Harry pour sauter sur le lit et s'allonger en boule. Le jeune homme sourit, avance sa main pour le caresser entre ses deux oreilles.

— Tu t'en fous, hein, de ce que je raconte... C'est pas grave. T'as raison, dans le fond. Ce n'est pas très intéressant.

Il reste encore immobile quelques secondes, écoutant le bruit rassurant de la douche dans la pièce d'à côté, puis il finit par se lever et fouiller dans son placard. Louis est plus petit que lui. Il a un peu plus de formes aussi... Harry n'a pas pu s'empêcher de remarquer la courbe généreuse de ses cuisses et de ses fesses, pendant tout le temps qu'ils ont passé ensemble ces dernières semaines. Il attrape un jogging et un sweat remisés au fond des étagères, se rappelant soudain qu'il ne fait que prêter des habits à Louis, peu importe qu'ils soient beaux ou non. Peu importe qu'ils lui aillent bien ou pas. 

Il sort de la chambre, non sans un dernier regard à Mochi qui s'est endormi. Pour la énième fois, Harry se dit qu'il aimerait beaucoup être aussi paisible que ce chat. 

Louis met encore dix minutes à arriver. Harry, après lui avoir déposé des affaires devant la salle de bain, se glisse dans sa cuisine pour faire du thé. Il est tard, peut-être minuit, mais il n'a pas envie de dormir et il est certain qu'il en sera de même pour Louis. Il dépose le plateau sur la petite table plate de son salon et allume la télévision après une hésitation. Il tombe sur un documentaire un peu ennuyeux retraçant l'histoire de Tokyo. Parfait. Il contourne le canapé, nerveux malgré lui. Derrière la fenêtre, il observe son pot de géraniums trempés. Les petites fleurs se balancent au gré du vent, leurs pétales humides, brillants de pluie. Quand il ouvrira les volets demain matin, la terre aura l'odeur agréable qu'elle a toujours à la fin d'une tempête. Il passera une heure accoudée au petit balcon, à respirer en fixant la silhouette brumeuse des montagnes, au loin. Peut-être que Louis sera encore endormi dans son lit, et il pensera à son corps enroulé dans la couette, à ses épaules brunes dépassant du draps blanc, à ses cheveux éparpillés sur l'oreiller. Il n'osera pas aller voir, se contentera d'aller frapper à la porte, et de demander, Louis, tu veux déjeuner ? Et Louis se lèvera, il aura les yeux gonflés de sommeil, la voix rauque. Il sera beau à en mourir. Quand il partira enfin de chez lui, Harry se laissera tomber sur son canapé et se mettra à pleurer.

Il sursaute lorsque la porte de la salle de bain s'ouvre enfin. Sa rêverie lui semble ridicule soudain, et il se détache de la fenêtre, nerveux.

— Ça a été ? Tu avais de l'eau chaude ? Le système est un peu capricieux, parfois.

— Non, c'était très bien. Et les vêtements aussi. Merci.

Ce n'est qu'à ce moment que Harry réalise que Louis porte vraiment les habits qu'il lui a prêté... Des habits à lui. Ayant sans doute son odeur. Il le détaille rapidement de bas en haut, le trouvant affreusement adorable dans le jogging trop grand.

— J'ai dû rouler les manches... Je crois que tu as plus grandi que moi, grimace Louis en tirant un peu sur le sweat.

Harry sourit et hausse les épaules.

— Ça te va bien... D'être petit, je veux dire. Et les habits aussi. Enfin... Oui. C'est bien sur toi.

Louis fronce un peu les sourcils, comme s'il ne comprenait pas vraiment pourquoi Harry balbutiait de cette façon. Cela dit, il a la politesse de ne pas relever et s'assoit sur le canapé, parfaitement à l'aise. Harry l'imite, tendant la main vers sa tasse de thé brûlante. Il a besoin d'avoir quelque chose entre ses mains pour ne pas se mettre à se ronger les ongles. Il ne veut pas que Louis remarque sa nervosité. Il ne veut pas que Louis se rende compte qu'il est toujours ce gamin maladroit et timide de l'été 1993.

— Donc. C'est chez toi ?

— Ouais... Depuis trois ans. C'est petit mais j'aime bien.

— Tu vis tout seul ?

— Oui. Tout seul.

Louis semble analyser la réponse, ses doigts tapotant contre sa propre tasse de thé. Harry se demande s'il est content d'apprendre qu'il n'a personne dans sa vie. Ou si cela lui fait un peu pitié. Sûrement un peu des deux... Louis a dû avoir des tas d'amants, lui, en six ans. Harry a toujours dû mal à comprendre comment il peut être célibataire.

— Tes ami.e.s ne vont pas nous en vouloir d'être partis ?, reprend Louis. 

— De... Oh, non. Ne t'inquiète pas. Ils vont comprendre.

Louis souffle sur son thé et en avale une petite gorgée avant de grimacer.

— C'est chaud.

— Tu n'avais qu'à attendre.

— Tu sais bien que je ne suis pas patient.

Harry sourit légèrement. Un silence confortable s'installe entre eux, et pour la première fois Harry réalise que sa nervosité vient sans doute du fait qu'ils sont totalement seuls dans la même pièce. Pour le moment, leurs rencontres avaient toujours eu lieu dans le konbini, ou dans le jardin du ryokan, ou dans Kyoto. Il y avait des gens autour d'eux. Ils ne pouvaient pas agir totalement familièrement... D'ailleurs, Louis ne s'était pas vraiment permis de faire allusion au passé. Cette fois, l'ambiance est différente. Il fait nuit. La pluie les enferme dans un cocon rassurant. La voix de Louis est douce. Propice aux confidences. Et Harry sent qu'il pourrait se laisser aller... Il pourrait avoir envie de se confier. L'idée ne lui fait même pas si peur que ça.

Il se racle la gorge, et se lance :

— Je voulais m'excuser pour tout à l'heure. Je ne voulais pas t'accuser de quoi que ce soit. Je te crois quand tu dis que c'est le hasard qui t'as amené ici.

Louis l'écoute, la tête légèrement penché vers la droite. Son regard attentif donne à Harry la force suffisante pour continuer.

— D'ailleurs... Je suis content que tu sois là. Ça me fait vraiment plaisir de voir que tu vas bien et que... Que les années n'ont pas changé la personne que tu étais.

Louis se met à sourire, ses yeux pétillants dans l'obscurité. Entre eux, de la vapeur blanche s'échappe des tasses de thé. Harry se sent léger. Courageux. 

— Et je voulais aussi m'excuser pour ce que je t'ai fait. Il y a six ans. Pour... Pour avoir été la personne lâche et stupide dont tu n'avais pas besoin dans ta vie. Je sais que j'ai tout gâché. Tu méritais mieux. Donc. Voilà.

Il émet un rire gêné. Un petit silence passe, et il se demande s'il n'a pas été trop loin en parlant de leur ancienne relation jusqu'à ce que Louis repose doucement sa tasse sur la table basse et ne vienne lui attraper les mains. Ses doigts sont chauds dans ceux de Harry.

— H. Tu n'as jamais jamais été lâche et stupide. Je ne peux pas dire que tu ne m'as pas brisé le coeur mais... On avait seize ans, d'accord ? Ça fait longtemps maintenant. Je m'en suis remis. D'autres garçons sont venus après toi me piétiner le coeur, ne t'inquiète pas.

Il rit à son tour, un peu amer. Harry ouvre la bouche pour bafouiller la prochaine chose lui passant à l'esprit, vraiment gêné d'avoir rappelé à Louis des mauvais souvenirs, mais le jeune homme ne lui en laisse pas le temps. Ses yeux sont remplis d'une tendresse dévorante quand il se remet à parler. 

— Mais tu sais quoi ? Au milieu de toutes ces autres histoires, tu as toujours été le seul que je n'ai pas regretté d'avoir aimé de toute mon âme. Si je devais retourner en arrière en sachant... en sachant ce que tu allais faire, je ferais à nouveau tout pour que tu m'accordes un regard. Pour que tu m'embrasses. Pour que tu poses tes mains sur moi. Absolument tout.

— Je ne comprends pas comment tu peux penser ça...

La voix d'Harry est un peu sourde. Le thé est en train de refroidir dans sa tasse. La vapeur n'est plus si épaisse. Il sent ses mains devenir moites contre celles de Louis. 

— Tu ne comprends pas parce que tu as toujours eu une mauvaise estime de toi. Je sais que tu n'as jamais vraiment cru en moi non plus. Je sais que tu pensais que je jouais, que je n'étais pas sérieux.

— Non, je...

Haz.

Louis lui sourit. Ce n'est plus un sourire aussi lumineux que quelques minutes avant, pourtant, juste un sourire un peu froissé. Harry n'a même pas le temps de réaliser que Louis vient juste d'employer un surnom que plus personne n'a prononcé devant lui depuis six ans. Le surnom qu'il ne murmurait que lorsqu'il gémissait contre son oreille, dans l'ombre moite de la cabane dans les bois. Il ne voit que ce sourire, qui lui fait mal. Parce qu'il sait que Louis raison. Il le laisse continuer, le coeur lourd. 

— J'avais seize ans, c'est vrai. Et je découvrais tout juste ma sexualité... J'étais un gamin stupide et idiot. Peut-être que je n'ai pas été parfait pour toi, j'en ai conscience. Mais quand je te disais que je voulais m'enfuir avec toi... Quand je te disais que je voulais qu'on vive ensemble, plus tard... Quand je te disais que j'allais tout dire aux autres, que je me fichais de ce qu'il penserait de moi, de nous, c'était vrai. Je n'ai jamais eu honte de t'aimer. Je n'ai jamais eu peur. J'aurai été jusqu'au bout du monde pour toi... J'aurai été jusqu'au Japon, si tu l'avais voulu.

Cette dernière phrase fait rire Harry. Un rire humide et brouillé par les larmes qui se sont amoncelées au bord de ses paupières. Il ne sait même pas pourquoi il pleure... Si c'est pour toute cette tendresse sincère qu'il ne mérite pas, ou si c'est pour cet amour perdu par sa faute. Doucement, Louis l'attire contre lui. Harry se met à sangloter contre son épaule sans pouvoir se retenir. Il veut lui dire qu'il est désolé. Qu'il est désolé d'avoir tout gâché ainsi. Qu'il est désolé de les avoir rendu malheureux. Qu'il est désolé de ne pas avoir été assez fort. Qu'il est désolé d'avoir ce cerveau en friche, ce corps tout vide, cet impression de ne pas avoir le droit d'aimer comme les autres, de ne pas mériter ça.

— Je... Je t'aimais Louis... Je t'aimais si fort... Je ne sais pas, je ne sais plus pourquoi... Pourquoi j'ai fait ça... J'avais juste, j'avais juste si m-mal...

Il entend la respiration de Louis s'alourdir dans sa poitrine. Une main vient lui caresser l'arrière de la tête, et ses sanglots redoublent. 

— Je sais Harry, je sais. Je ne t'en veux pas. Je t'en ai jamais voulu. C'est à moi que j'en voulais, de ne pas avoir remarqué avant ce qu'il se passait.

— Tu pouvais p-pas savoir...

— Si. Si j'avais fait un peu plus attention à toi.

— Tu faisais attention à moi... P-personne n'a jamais fait autant attention à moi.

Louis le berce lentement. Harry se sent vide. Les larmes continuent de rouler sur ses joues, mais les sanglots se sont éloignés, remplacés par des hoquets disgracieux qui le font renifler. Il reste la tête appuyée contre la poitrine de Louis, les doigts serrant son sweat. Il ne veut plus voir son visage. Il a honte. Quelque chose serre sa gorge, et enfle, commence à l'étouffer. Il doit parler. Il doit dire à Louis, à quel point tout est de sa faute à lui :

— Tu, tu ne pouvais pas deviner alors que je ne t'en avais jamais, jamais parlé.

— Mais tu étais mon petit-ami !

La main de Louis dans ses cheveux s'est crispée. Harry l'entend prendre une lente respiration, comme s'il cherchait au fond de lui la force nécessaire pour continuer.

— J'aurai dû voir à quel point tu allais mal.

Sa voix s'est brisée. Harry ferme les paupières. Il se sent sur le point de vomir, et pourtant, tout semble soudain très clair dans son esprit. Lentement, il se détache de Louis. La main de celui-ci glisse, vient se poser sur sa cuisse. Et Harry, enfin, lève les yeux vers son visage. Il n'avait pas pensé que Louis pourrait être en train de pleurer, lui aussi, pourtant c'est le cas. Des larmes roulent le long de ses joues, jusque dans sa bouche, jusque dans son cou. Le col du sweat est humide. Harry avance ses doigts vers lui, comme hypnotisé par son visage, par son sourire brisé, par ses yeux brillants et ses cils collés de larmes. Il pose sa main sur sa joue.

— Non, Louis. Ce n'était pas ton rôle. J'étais malade, dans ma tête. Tu ne pouvais rien contre ça.

Sa voix est lente mais claire. Louis l'écoute, et Harry a l'impression qu'il retient son souffle.

— Ce que j'ai fait, je pense que j'aurai fini par le faire à un moment ou à un autre, même sans toi. J'étais trop mal. La personne qui aurait dû m'aider, c'était ma mère. Et elle n'a jamais rien fait, parce qu'elle me haïssait. Comme mon père. Comme un tas d'autres personnes.

Louis ne dit rien. Harry se dit que c'est sans doute la première fois de sa vie que quelqu'un le regarde de cette façon-là, avec autant d'attention. Doucement, il caresse sa joue de son pouce, essuie les larmes qui s'y sont taries. Louis ne lâche pas ses yeux.

— Tu vas peut-être me penser fou mais je ne regrette plus mon geste. C'est la seule chose qui m'a permis d'échapper à toutes ces personnes qui me faisaient du mal. C'est la seule chose qui m'a permis de guérir un peu, d'aller mieux maintenant, de pouvoir vivre seul sans avoir envie de pleurer chaque foutu matin.

— Tu as dit que tu ne pensais plus à moi, murmure soudain, Louis, la voix déchirée. Est-ce que c'était vrai ? Est-ce que tu m'avais vraiment oublié ?

Harry baisse un peu les yeux. Il sent ses joues le brûler, son coeur s'alourdir dans sa poitrine, comme s'il était soudain gonflé de trop sang.

— Je ne sais plus... Je crois... Les premières semaines étaient horribles. Je n'avais que toi en tête, et cette lettre affreuse que j'avais envoyé. J'avais si honte de moi. Je me disais que tu devais me haïr alors j'ai juste... J'ai vraiment voulu t'oublier. Je l'ai voulu si fort que je pense que j'avais presque fini par réussir.

— Est-ce que tu as lu mon livre ? Tu as parlé de la dédicace... Est-ce que tu l'as lu ?

— Non.

Harry n'arrive pas à lire sur le visage de Louis s'il est déçu ou non. Le jeune homme ne dit rien, il se contente d'acquiescer doucement.

— Tu l'as acheté pourtant.

— Oui. L'autre jour.

— Pas avant ?

— Non.

Louis laisse alors échapper un petit rire qui sonne faux, acide et douloureux. Harry fronce les sourcils, et murmure :

— Quoi ?

— Rien j'ai juste... Je me sens si bête.

— Pourquoi ?

Harry laisse retomber sa main et Louis attrape distraitement ses doigts, faisant glisser une de ses bagues.

— Parce que j'ai écrit ce bouquin juste pour que tu réagisses... Je ne sais pas trop ce que j'espérais. Je crois que je me disais que quelque part dans le monde, tu allais passer dans une librairie, voir mon livre et l'acheter. Et qu'en voyant la dédicace, tu allais m'envoyer une lettre à l'adresse de mon éditeur. Je m'imaginais qu'on se retrouveraient à une terrasse à Paris. Ç'aurait été le printemps. Toutes les fontaines auraient été allumées, le ciel aurait été bleu et sans un nuage. On aurait tous les deux été un peu gênés en se serrant la main et puis on aurait parlé de tout et de rien, un peu du passé, sans prononcer de mots qui font mal. Et à la fin, au moment où nos cafés auraient refroidi, tu aurais dit, Louis, j'ai lu ton roman, et je l'ai trouvé si beau. J'ai eu l'impression de nous revoir il y a six ans. J'ai eu l'impression de retomber amoureux de toi. Mais ça n'ait jamais arrivé, parce que tu n'as même pas lu mon livre. Et tous les gens me faisaient des compliments, dans les magazines, dans les journaux, sur les forums, des tas d'inconnus me disaient que j'écrivais terriblement bien, que l'amour que je décrivais, ils mouraient d'envie de le vivre, que j'avais un don ou je ne sais quoi et juste... C'est devenu si absurde. Ces mots-là, je voulais que tu sois le seul à les prononcer. Tout ce travail, c'était pour toi. Quand j'ai réalisé que tu avais définitivement disparu, que tu ne réapparaîtrais pas dans ma vie, j'ai décidé de partir... Je ne voulais plus entendre toutes leurs voix, je ne voulais plus que ma mère agite mon livre devant le nez de toutes ces amies, et qu'elle parle de moi comme si j'étais un petit prodige. Je ne voulais plus que mon éditeur continue de me demander de lui envoyer un nouveau projet. Je ne voulais plus rien écrire, jamais.

— Et c'est pour ça que tu es arrivé au Japon...

— Oui, c'est pour ça... Parfois je me demande si la vie n'aime pas juste se foutre de moi. 

Louis se recule. Il a l'air très jeune, soudain, ses doigts dépassant à peine des manches trop longues de son sweat. Il se recroqueville dans le fond du canapé, sa tasse de thé entre les mains. Harry n'a rien à dire, rien à ajouter. Ils boivent en silence, les yeux rivés sur l'écran de la télévision qui continue de leur montrer des images du vieux Tokyo. Harry n'arrive pas à se concentrer sur ce que le présentateur raconte.

Est-ce que tout a été dit ? Est-ce qu'il fallait crever l'abcès de cette façon-là, pleurer une bonne fois pour toutes puis se dire au revoir en se souriant, un peu gênés ? Rester amis de loin ? S'oublier à nouveau ?

Soudain, Harry est persuadé que demain matin, lorsque Louis partira, il lui dira au-revoir pour la toute dernière fois. Cette soirée signe la fin de son voyage. Louis n'a plus rien à faire ici, au Japon. Pourquoi voudrait-il encore passer du temps avec Harry ? Louis n'arrivait pas à surmonter leur passé, mais maintenant qu'ils en ont parlé, il va pouvoir tourner la page.

— On devrait aller dormir, non ?

Harry n'avait pas remarqué que Louis avait fini son thé. Il le fixe depuis l'autre bout du petit canapé, l'air fatigué et très lasse.

— Oui... Oui, bien sûr. Je vais te laisser mon lit. Tu devras le partager avec Mochi mais il ne prend pas beaucoup de place.

Louis sourit un peu, mais Harry voit bien que c'est surtout pour être poli. Il se lève, à nouveau mal à l'aise, et l'emmène dans sa chambre.

— Voilà... Je peux te prêter un pyjama si tu veux.

— Non, le jogging c'est très bien. Et... Ou est-ce que tu vas ?

Harry fronce les sourcils, la main sur la poignée de la porte.

— Sur le canapé.

— Tu ne dors pas ici ?

Un silence gênant s'installe pendant quelques secondes, jusqu'à ce que Harry lâche la poignée et bafouille :

— Je ne sais pas... Ce n'est pas, enfin, tu seras mieux tout seul.

— J'ai envie de dormir avec toi. S'il-te-plaît.

Et Harry voudrait avoir le courage de dire non. Mais Louis le fixe avec ses yeux immenses et suppliants, d'un bleu sombre au milieu de la nuit, et il en est incapable.

Lorsqu'il se glisse avec lui sous les draps, il réalise que c'est aussi peut-être parce qu'il en mourrait d'envie.

*

*

*

Il est trois heures. Peut-être quatre. Harry n'arrive pas à dormir. Il fixe le ciel qu'il entrevoit à peine entre les rideaux de sa chambre. La pluie s'est calmée dehors, il ne reste plus que le vent, humide et désespérée, qui fait claquer les volets du voisin du premier étage. Derrière lui, il entend la respiration épaisse et régulière de Louis. De temps en temps, le jeune homme sursaute, comme Mochi lorsqu'il rêve. Harry ne peut pas s'empêcher de sourire.

Lentement, il se décide enfin à se retourner. Il est resté en t-shirt et en jogging, comme Louis. D'habitude il ne dort qu'en caleçon, il a l'impression de mourir de chaud sous la couette. À quelques centimètres, le visage à moitié enfoui dans l'oreiller, Louis dort. Harry ne sait pas trop à quoi il s'attendait, en se retournant. Peut-être qu'il aurait aimé ne rien ressentir. Peut-être qu'il aurait aimé regarder Louis et se dire : C'est un garçon comme les autres. Un garçon que j'ai aimé il y a longtemps, et avec qui tout est fini à présent. Cette nuit ne signifie rien, d'ailleurs, nous n'avons pas couché ensemble. Il n'a pas cherché à m'embrasser, ni à prendre ma main. C'est seulement Louis, un vieil ami. Mais Harry n'est pas dupe. Harry sait ce que signifie la façon dont son coeur se serre doucement dans sa poitrine, dont tous ses membres semblent se mettre à flotter. Harry a déjà été amoureux. Deux fois. Et la première fois était de Louis. Il n'a pas oublié ce qu'il ressentait en le regardant. Et ce qu'il ressentait semble s'être démultiplié avec le temps, étrangement. Lentement, il avance sa main. Ses doigts tremblent. Il ne touche pas la peau de Louis. Il repousse seulement doucement une mèche de ses cheveux, lui tombant sur le nez.

Et au milieu de l'aube blanche qui se dessine lentement sur les murs de la chambre, Harry sent son souffle se couper. Parce que Louis, Louis est si beau et semble si jeune endormi ainsi. Louis ressemble au Louis de seize ans. Si Harry fermait les yeux, il serait transporté six ans en arrière. Il serait dans la petite chambre de Louis, dans son lit d'adolescent aux planches qui craquaient lorsqu'ils essayaient d'être discrets. Ce serait un matin comme les autres, l'aube serait fraîche et délicate, annonciatrice d'un soleil brûlant dans l'après-midi. Harry oserait réveiller Louis en déposant de légers baisers le long de son nez. Louis sourirait dans son demi-sommeil, il grommellerait quelque chose de stupide et d'adorable à la fois, et il viendrait se coller contre le corps d'Harry. Ils feraient l'amour comme ça, en se frottant paresseusement l'un contre l'autre, et Harry glisserait ses mains le long du dos de Louis, et viendrait mordre le sommeil de son épaule. Ce serait doux et plein de fièvre, ce serait juste eux gémissant dans les cheveux de l'autre, pensant stupidement que tout ce qui se passait dans cette chambre y resterait à tout jamais.

Oui, Louis ressemble à ce Louis là, ce Louis d'avant, un Louis plein d'optimisme et de rêves naïfs. Mais il y a autre chose, qui se dessine sur ses traits. Quelque chose qui se mélange à l'ombre comme de la craie humide, un peu grasse et brouillonne. Ce sont les petites rides au coin de ses yeux, minuscules mais visibles. C'est sa mâchoire plus droite, plus ferme. C'est sa barbe mal-rasée, qu'il n'avait pas avant. Quand Harry embrassait Louis, il ne sentait sous ses lèvres qu'un duvet doux, qu'une joue d'enfant, délicate et chaude. Maintenant, il sait que s'il passait sa langue contre le menton de Louis, il le piquerait. Et quelque part, au fond de lui, Harry a envie de savoir. Il veut retrouver le goût de la peau de Louis. Il veut toucher ses cuisses nues, ses fesses, son ventre. Est-ce qu'il est toujours aussi doux ? Est-ce qu'il a toujours cette cicatrice en forme de v, derrière le genou ? Est-ce qu'il gémit toujours lorsqu'on lui tire un peu les cheveux ? Est-ce qu'il aime toujours qu'on lui embrasse ses chevilles ?

Soudain, entre le rideau entrouvert, un rayon de soleil filtre timidement et vient caresser la joue de Louis. Harry reste immobile, sa main posée entre eux. Il sent le souffle du jeune homme sur la jointure de ses doigts. Il le voit renifler. Il ne bouge pas lorsque ses paupières papillonnent doucement. Les yeux de Louis sont d'un bleu pâle et limpide lorsqu'il les entrouvrent. Ses cils forment des ombres infinies sur ses pommettes. Harry lui sourit un peu.

Il devrait lui dire bonjour. Il devrait se lever, repousser la couette, même s'il est peut-être cinq heures du matin, et aller leur faire à déjeuner. Il devrait quitter la chaleur de la couette, l'aura solaire de Louis. Mais il en est incapable.

À vrai dire, il sait ce qu'il doit murmurer. Les mots coulent tout seuls, jamais oubliés :

— Est-ce que je peux te serrer contre moi ?

Il n'y a que quelques secondes de flottement, où Louis le dévisage lentement. Puis un sourire se dessine sur son visage encore à moitié endormie, et il chuchote :

— Pour ressentir ?

— Pour ressentir.

Alors, Harry s'approche et l'enlace. C'est aussi tendre que six ans plus tôt, mais plus fort aussi. Harry ferme les yeux. L'odeur du corps de Louis le submerge comme une vague. La fermeté de ses bras autour de sa taille aussi. La façon dont leurs jambes s'emmêlent, comme si elles ne s'était jamais détachées. Il a envie de pleurer, à nouveau. Il avait de dire à Louis, Tu es la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, et je m'en voudrais toute ma vie de t'avoir perdu. Mais il n'ose pas. Le nez dans la nuque du jeune homme, il inspire le parfum de ses cheveux. C'est son shampooing que Louis a utilisé hier soir, et Harry aime savoir son odeur mélangé à la sienne. Ils restent longtemps l'un contre l'autre, dans la lumière pâle du petit matin. Les mains de Louis caressent doucement le dos d'Harry, passant légères le long de sa colonne vertébrale, s'arrêtant au sommet de ses épaules, dévalant jusqu'à ses reins. Le mouvement reste doux, pourtant. Harry sent le sexe de Louis contre sa cuisse, chaud et un peu lourd. C'est intime et agréable, et pour rien au monde il ne voudrait changer de place.

— Est-ce que tu réalises, murmure alors Louis, que la première fois que nous avons fait ça, c'était dans une nuit complète.

Harry ne dit rien. Il attend la suite, ne sachant pas trop où Louis veut en venir, mais voyant que le jeune homme ne continue pas sa phrase, il marmonne contre son cou :

— Oui, et ?

— Rien. J'aime bien le symbole. Aujourd'hui, le jour est en train de se lever. C'est comme si nous commencions quelque chose de nouveau.

Harry reste un long moment immobile, avant de se reculer lentement. Face à lui, Louis est souriant, pleinement réveillé à présent.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Rien de plus que ce que je viens de dire.

Louis le dévisage, un peu perdu. Harry se mordille la lèvre, avant de reposer sa tête sur son oreiller. Il ne lâche pas Louis des yeux.

— Je ne comprends pas pourquoi tu parles de « nous ».

Cette fois Louis fronce les sourcils. Il semble hésitant, mais sa voix ne flanche pas :

— Mais... Parce que j'ai envie que tu fasses à nouveau partie de ma vie. J'ai envie d'essayer encore. Pas toi ?

— Tu veux dire... Comme avant ?

— Oui. Comme avant. Mais en mieux.

Harry ne dit rien. Il se contente de le fixer, hébété, incapable de réagir. Il n'arrive pas à comprendre comment Louis peut dire une chose pareille... Comment Louis peut encore avoir envie de partager quelque chose avec lui, Harry, qui lui a fait tant de mal auparavant. Louis pourrait avoir qui il veut. Il est beau, intelligent, drôle, charmant. Harry n'est rien de tout ça. Il n'est qu'une ombre de passage.

Louis semble interpréter son silence comme un refus car il murmure soudain, ce n'est pas grave... j'ai juste cru... je suis désolé...

Harry ne le contredit pas. Il devrait, sûrement, mais il en est incapable. Tout est trop, soudain. Il veut que Louis le laisse. Il veut être seul, pouvoir réfléchir à ce que tout cela signifie.

Ils se lèvent. Harry leur fait à manger, et Louis mastique en silence, avalant son thé si vite qu'il s'est sûrement brûlé la langue. Harry ne dit toujours rien. Le silence entre eux lui fait mal au ventre. Mais il n'arrive plus à suivre. Les choses se sont trop accumulées... Hier soir... Les confidences de Louis... La façon dont ils ont pleuré l'un contre l'autre... Et puis la nuit, et ce matin, la douceur de leur étreinte, leurs corps faits l'un pour l'autre... Harry est mort de peur. Il ne sait même pas pourquoi. Louis n'a jamais été néfaste pour lui. Louis a toujours été le seul point de lumière de sa vie, alors pourquoi le rejette t-il ?

Pourquoi ne le retient-il pas quand Louis, gêné sur le pas de la porte, le remercie une énième fois pour l'avoir accueilli pendant la nuit ?

Pourquoi le laisse t-il partir ? Pourquoi claque t-il la porte derrière son dos ? Pourquoi reste t-il immobile, les yeux rivés sur la poignée qu'il tient encore serrée entre ses doigts ? Pourquoi faut-il toujours qu'il laisse les choses le rendant heureux, s'échapper ?

Il ferme les yeux.

Louis... Louis va partir. Louis va s'être rendu compte que Harry est toujours aussi lâche qu'avant. Louis qui se bat depuis des semaines pour obtenir son attention. Louis qui ne lui en veut même pas. Louis a qui d'autres garçons ont brisé le coeur. Louis qui a écrit un livre pour lui. Pour lui. Parce qu'il voulait... Parce qu'il voulait qu'Harry le lise et lui dise, Je suis à nouveau tombé amoureux de toi, à travers tes mots.

Et soudain, Harry n'a plus peur. Il sait ce qu'il doit faire.

Il lâche la poignée de la porte, retourne comme un somnambule dans le salon. Sur l'étagère de sa minuscule bibliothèque, au milieu de manuels de japonais et des pochettes de cds, il attrape le livre.

Il le tient serré contre sa poitrine jusqu'à ce qu'il se glisse à nouveau dans le lit. Les draps ont l'odeur de Louis. Il prend une longue respiration, et l'ouvre.

Les mots dansent un peu devant ses yeux. Les phrases lui semblent d'abord étrangères, puis tout revient. Harry se laisse engloutir dans le livre. Entre les pages blanches, Louis a glissé tout le soleil, toute la langueur, toute la beauté cruelle de l'été 1993.

Entre les pages blanches, à l'encre noire, Louis a écrit à Harry à quel point il l'aimait. Et à quel point il souffrait de son absence.

« Si cet été — l'été 1993 — devait avoir une couleur, je dirais sûrement : le vert... » 



________

Notes

En relisant le chapitre avant de le poster je viens de me rendre compte qu'il était peut-être un peu ennuyant... Je suis désolée ? Cette discussion - pleine de non-dits - était nécessaire à un moment ou à un autre. Je n'avais pas prévu que ce soit maintenant, mais ça fait un moment que mes personnages ont pris le dessus sur moi (lol) 

J'espère donc qu'il vous a plu quand même... Je me demande si vous vous doutez de ce qu'a fait Harry ? 

En tout cas je vous dis à vendredi... Merci pour vos messages et votre soutien, comme toujours. Ça me touche beaucoup beaucoup. ♡

ps : si vous n'aviez pas la référence, le film dont parle Harry au début du chapitre est (l'excellent) J'ai tué ma mère de Xavier Dolan. 

#CAPfic 

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro