Chapitre 19
Il faut absolument que j'ai une discussion avec Adrien.
Mais pas en tant que Ladybug, non, en tant que Marinette. Quatre ans se sont écoulés depuis que j'ai rencontré Adrien, depuis que je suis tombée sous son charme. Il est grand temps de mettre un terme à ces enfantillages. Je n'ai plus quinze ans!
- « Alors tu vas réellement lui avouer? » S'étonne Alya à l'autre bout du fil. « Wow, la comète Marinette est sur le point de s'abattre sur Paris! »
Je décèle sans peine l'ironie dans sa voix.
- « Je suis sérieuse Alya. »
Ce qui ne l'empêche pas de pousser un rire moqueur.
- « Je veux bien te croire Mari, tout comme je t'ai crue les cent-soixante-cinq autre fois où tu as tenu le même discours. »
Sa franchise me flanque un petit coup au moral. Ce ne pas faute d'avoir essayé par tous les moyens d'attirer l'attention du mannequin. Lettres d'amour - non signées -, cadeaux en tout genre, sous-entendu, etc...
- « Tu peux le faire Marinette, il faut juste que tu arrêtes de reculer au dernier moment. » Me conseille ma meilleure amie, soudainement plus clémente.
- « De toute façon, je ne pourrai pas lui parler avant la semaine prochaine, il est encore en Italie à cette heure-ci. »
- « Ah oui, j'ai regardé le défilé sur mon téléphone. »
Confortablement installée sur mon lit, je soulève un sourcil à ce qu'elle vient de dire.
- « Tu n'avais pas cours à cette heure? »
- « Parce que tu crois que les cours m'empêchent de rédiger des articles sur le Ladyblog? »
Elle marque un point. C'est à peine si elle ne s'était pas fait renvoyer du collège à force de pianoter sur son téléphone en plein cours.
- « D'ailleurs, je vais devoir te laisser, Nino et moi sortons en amoureux ce week-end. Tu devrais essayer, ça te plairait. »
Même si elle ne peut pas me voir, je tire la langue à son attention.
- « Très drôle...Amusez-vous bien, transmets-lui mon bonjour! »
- « Ca marche, bonne journée Mari! »
Alya raccroche. Je pousse un long soupir et retombe lourdement sur mon matelas, provoquant son grincement. Je ne sais pas si cet appel m'a revigoré ou si, au contraire, je me sens moins d'attaque d'avouer mes sentiments à Adrien. Je sais pertinemment que je me tire une balle dans le pied. Adrien est en couple avec Ladybug. Pourtant, une partie de moi espère qu'il aura su deviner qui se cache en-dessous de ce costume.
- « Puis s'il n'aime pas Marinette, c'est qu'il n'aimait pas Ladybug... » Je souffle, les yeux levés au plafond.
- « Puis ça te permettra enfin d'avancer », ajoute Tikki en se posant sur mon front.
Elle a raison. Je me redresse brusquement, amortissant la chute de mon kwami dans mes mains, et quitte mon lit. Il est hors de question que je patiente dans mon appartement tout le week-end à imaginer ma confession! Je décide d'aller travailler. Je vais prouver que le métier de styliste me passionne suffisamment pour refuser de me reposer. D'ailleurs, j'emporte le carnet comportant les notes de Yan afin de les analyser - et de déchiffrer les petits mots qu'il a semé un peu partout - et d'apprendre.
Alors que je me dirige vers le métro, je ressasse la longue conversation que j'ai eue avec Chat Noir hier. Nous avons discuté une bonne partie de la nuit, de tout et de rien. Je l'apprécie beaucoup, j'aurai clairement du mal à imaginer un autre partenaire que lui. Il a l'air sensible, attentionné, très gentil et serviable. La fille avec qui il sort a beaucoup de chances.
Ladybug: « Coucou chaton, merci beaucoup pour hier. Tu es le meilleur. »
Sans lui, j'aurai pesté toute la nuit sur la présence de Chloé aux côtés d'Adrien. C'était pourtant évident. Elle a calqué toute sa vie sur lui et elle en a les moyens, c'est indéniable. Depuis toujours, je me rassurais sur le fait qu'ils soient amis d'enfance et que, s'il devait y avoir une romance entre eux, elle aurait eu lieu beaucoup plus tôt. Mais maintenant qu'ils sont adultes, je vois la situation sous un angle différent.
Je ne peux pas nier que Chloé était magnifique durant le défilé, élégante, professionnelle, envoûtante. Elle pourrait faire chavirer le cœur de n'importe quel homme avec son physique et ses atouts. Avec quoi est-ce que je peux rivaliser moi? Mon don pour le stylisme? N'importe qui pourrait prendre mes pattes de mouche et les réaliser lui-même. Mes superpouvoirs de coccinelle? Il m'est interdit de révéler quoi que ce soit. Nous ne jouons pas dans la même cour.
Malgré tout, je compte me confesser auprès d'Adrien. Il doit savoir.
Chat Noir: « Je ne suis rien sans toi. »
Le message de Chat Noir me coupe le souffle, mon cœur bondit puis s'accélère brusquement. Pourquoi m'envoie-t-il ça à un tel moment? Je me sentirais presque nulle de ne pas avoir été capable de m'intéresser à un garçon aussi gentil. Lui n'a pas été chanceux avec moi. Je ne réponds pas, de peur d'être maladroite.
L'accueil de l'immeuble est vide, ça n'a rien d'étonnant. En outre, un silence de corbeau s'est installé dans l'ensemble du bâtiment. En gravissant les escaliers jusqu'au deuxième étage, je vérifie que les clés de l'atelier sont bien dans mon sac. Cependant, il semblerait que je n'en ai pas besoin. La porte est ouverte et des bruits de tiroirs qui s'ouvrent et se ferment dans un claquement distinct me parviennent aux oreilles. Un intrus? Je n'ai pas peur, je suis Ladybug après tout. Je m'approche de l'atelier et, adossée au mur, je jette un coup d'œil à l'intérieur. Une tornade blonde inspecte les caisses et autres meubles à disposition. Il est plutôt grand, épaules larges et un fessier plutôt rebondi...Mais je connais ce fessier.
Adrien?!
J'entre en trombe dans l'atelier, omettant de frapper à la porte pour signifier ma présence.
- « Qu-Qu'est-ce que tu fiches ici? » Je demande d'une petite voix.
Il sursaute et se tourne vers moi, les mains remplies de froufrous bleus. Il s'agit bel et bien d'Adrien Agreste, surpris en pleine fouille des affaires de notre amie et collègue Rose. Il est habillé d'une simple chemise blanche et d'un jean conventionnel.
- « Je... »
Il n'est pas supposé être en Italie?
- « Marinette! Quelle surprise de te voir ici! »
- « Je travaille ici », je le corrige, sous le choc.
D'un geste tremblant et peu assuré, il envoie balader les froufrous dans la caisse et s'avance vers moi. Je crois qu'il vient me faire la bise alors que son intention était juste de refermer la porte de l'atelier. Je me sens défaillir, mes membres tremblent, mon dos sue et mon jean taille haute plaque contre mes jambes alors qu'il était à la bonne taille il y a encore cinq minutes.
- « On est samedi. » Dit-il, adossé à la porte.
Je rêve ou c'est à moi de me justifier alors qu'il fouillait dans nos affaires?
- « Je suis venue pour travailler un peu. Et tu n'es pas censé être à Milan? »
Il hausse les épaules nonchalamment. Quelque chose l'aurait poussé à rentrer plus tôt?
- « Mon père m'a demandé de rentrer pour reprendre mon boulot. »
Sa voix hésitante et son incapacité à me regarder dans les yeux me laissent croire qu'il s'agit d'un énorme mensonge.
- « On a regardé le défilé hier à la télévision », j'ajoute, ignorant son manque de sincérité à mon égard.
Adrien a l'air surpris puis se détend progressivement.
- « Vraiment? » Répond-t-il en descendant les yeux sur moi. « J'espère que vous avez apprécié le spectacle. »
J'opine du chef, même si un détail m'a fortement dérangé.
- « Je ne savais pas que Chloé y participait également. »
Mes mots sont plus secs que je ne l'aurai imaginé. Adrien s'en aperçoit et se fige, il me paraît mal à l'aise rien qu'à l'évocation de ce prénom. A-t-il quelque chose à se reprocher vis-à-vis de Chloé?
- « E-Elle a sûrement insisté auprès de son agent pour l'envoyer. Ca a été une surprise pour moi aussi en fin de compte. »
Il n'a plus rien de l'Adrien confiant que je connais.
- « Elle est aussi retournée sur Paris? »
Ma question l'intrigue, il me lance un regard interrogateur.
- « Je veux juste savoir si je dois m'attendre à la voir débouler dans mon bureau pour une quelconque raison. »
- « Je ne peux pas te dire à l'heure qu'il est, mais, quand je suis parti, elle était toujours à l'hôtel. »
Il s'est enfui? Non, je dois sûrement divaguer. Je ne devrais pas prendre mes rêves pour la réalité. Bon, assez parlé de cette pimbêche aux jambes interminables, il est temps de remettre sur table le véritable problème.
- « Et c'est pour ça que tu déranges les affaires de Rose? » J'ajoute de manière suspicieuse.
Adrien soupire, sûrement aurait-il préféré que nous ne nous attardions pas sur ce sujet non plus.
- « Je ne dois pas t'en parler parce que tu fais partie de l'équipe, mais il y a des chances que Rose ait un lien avec les anomalies détectées. »
Oh...En effet, ça me donne envie de lui en toucher deux mots. Je ne la vois pas si souvent que ça dans l'atelier donc c'est dur pour moi d'imaginer qu'elle ait pu voler du matériel.
- « Mais j'ai fini », reprend-t-il, « je vais te laisser travailler. »
Soudain, je me remémore mes paroles envers Alya. C'est l'occasion en or de lui parler. Bon, je ne crois pas au destin, mais c'est une étrange coïncidence de le croiser dans un atelier vide alors que tout le monde le croit à l'étranger. Courage Marinette!
- « A-Attends, Adrien. »
Mon timbre est tremblant, je me force à garder le sourire malgré l'intense envie de déguerpir à toute vitesse.
- « Oui? »
Son ton à lui est doux, tentant probablement de me mettre en confiance. Mais rien n'y fait, je ne parviens pas à le regarder dans les yeux.
- « Je voulais te parler de quelque chose. »
Je n'ai pas bafouillé, bonne nouvelle. L'espace d'un instant, j'ose lever mon regard vers son cou, sa peau bronzée m'hypnotise. Adrien esquisse un mouvement vers moi, sa main se dépose sur mon épaule, m'invitant à continuer.
- « Je t'écoute. »
Pourquoi est-ce que j'ai pris cette décision moi, déjà?
Je prends une profonde inspiration. Après tout, qu'est-ce que ça change que je le fasse avec l'apparence de Ladybug ou celle de Marinette? Nous sommes exactement la même personne. Quand Ladybug fait preuve de courage pour purifier les akumas, c'est aussi Marinette qui sauve Paris!
- « Adrien! » Je l'appelle avec un peu plus de conviction.
Ce dernier affiche une mine étonnée, jamais je ne lui avais parlé sur ce ton. Je me redresse, délie mes doigts et plante pour la première fois mon regard dans le sien. Je peux sentir dans la poche de mon sac Tikki s'agiter pour me donner du courage. Je déglutis une dernière fois puis ouvre la bouche:
- « Je dois t'avouer quelque chose qui dure depuis quatre ans. »
C'est à son tour d'être figé. Il est évident qu'il ne s'attendait pas à voir la Marinette courageuse et capable d'aligner trois moi à la suite sans bafouiller.
- « Adrien. Je... »
Allez, tu es si près du but!
- « Je t'aime Adrien. »
Un énorme poids s'abat sur moi quand ces mots, gardés secrets pendant si longtemps, s'échappent enfin de mes lèvres. Je baisse la tête, incapable de tenir le regard que je soutenais jusqu'à présent. Je ne cache pas un long soupir contenu. Les secondes qui suivent sont dures à tenir pour moi. Mes mains tremblent plus que d'habitude, mon cœur est sur le point d'exploser et mes jambes m'alertent qu'elles ne pourront plus supporter mon poids très longtemps. J'ignore tous ces signes et me contente d'attendre la sentence.
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