Une procession d'enfants et d'adolescents, de tout âge et de toute taille, défilait au centre de la place pavée. C'était une très chaude journée de début d'année, il devait faire au moins une trentaine de degrés, et, vers le début de la longue file, une adolescente d'une quinzaine d'année semblait étouffer sous ses habits en toile de jute.
Elle tira en arrière la capuche qui cachait sa chevelure, et une cascade de mèches brunes dévala ses épaules couvertes de la toge mauve des Enfants de Heiwa.
Une main s'abattit aussitôt sur son épaule, et elle se rigidifia. Son teint légèrement basané devint livide, et, dégageant une main de ses manches amples, elle rassembla ses cheveux mi-longs en chignon, et replaça le capuchon sur sa tête, de manière à ce que l'ombre cache la moitié de son visage.
Les Enfants de Heiwa, anonymes, ne devaient pas se distinguer les uns des autres, afin de conserver l'idée d'un tout, et non de multiples individus.
Ils devaient offrir une façade parfaitement uniforme, symbole de la puissance de Heiwa, et de la bonne éducation que leur prodiguaient les Prêtresses et les Prêtres.
En milieu de file, une main, cachée sous un ourlet de manche, se resserre sur un petit objet doré. Un léger sourire se crée sur le visage de sa propriétaire, bien vite réprimé.
Les Enfants de Heiwa, une dizaine de minutes de marches après, rentrent un à un par une toute petite porte en fer forgé, les menant dans l'enceinte de la cour du Monastère.
La propriétaire du bijou, comme tous ses autres camarades, s'autorise enfin à redresser la tête, et à abaisser sa lourde capuche. Le soleil fait briller l'éclat bleu de ses yeux, et ses rayons se perdent dans les reflets roux de ses mèches blonds vénitien.
Elle a 17 ans, se nomme Eden, et, selon le Prêtre qui l'observe sous le porche, est bien trop confiante pour l'esprit du Monastère.