5 : Champagne
Chapitre 5.
Will était sorti sur le balcon de leur luxueuse chambre d'hôtel – une suite royale, pour tout dire – et ses doigts agrippaient les rebords de la balustrade de fer forgé, tandis que son regard scrutait l'horizon. Ils étaient arrivés tôt ce matin à Venise et Hannibal avait déjà réservé l'hôtel. Il n'avait eu qu'à se laisser conduire. Le trajet – autant dans l'avion que dans le taxi – avait été plutôt silencieux. Hannibal s'était parfois adressé à leur chauffeur, mais puisqu'il parlait italien, Will n'y avait rien compris.
Il ne réalisait pas encore tout à fait qu'il se tenait là. Qu'il avait tout abandonné et tout laissé derrière lui pour s'enfuir avec Hannibal. Il hésitait toujours entre dire si ça avait été courageux ou lâche de sa part. Est-ce qu'il fuyait les problèmes ou est-ce qu'il courait à leur suite ?
Pensif, il ne réalisa pas qu'Hannibal était apparu derrière lui jusqu'à ce que l'homme pose une main sur son épaule, le faisant frissonner. La prise du cannibale était ferme, possessive sur sa chair.
— À quoi pensez-vous, Will ?
— À des tas de choses, avoua-t-il.
— J'aurais dû vous demandez ce qui vous tourmentait, alors.
Will esquissa un sourire forcé suivit d'un ricanement nerveux. Hannibal lui désigna alors quelque chose au loin de sa main libre.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda le brun en plissant les yeux pour arriver à distinguer l'infrastructure.
— Il s'agit du Ponte dei sospiri, le Pont des soupirs. Vous savez pourquoi est-ce qu'on le nomme de cette façon ?
Le bouclé dodelina la tête.
— Comment le saurais-je ?
— On l'appelle ainsi à cause des soupirs de détresse et de lamentation que poussaient les prisonniers qui le traversaient pour se rendre devant le jury parce qu'ils savaient qu'ils allaient passer le restant de leur vie en prison ou pire... qu'ils allaient la perdre sur la potence. C'est un bel endroit, l'architecture y est magnifique, je vous y amènerai.
Will tourna la tête pour fixer Hannibal.
— Vous voulez m'y amener pour que je vois la liberté une dernière fois ?
Le cannibale esquissa un sourire, presque amusé.
— Vous n'êtes pas mon prisonnier, Will.
— Il n'y a peut-être pas de chaînes – pas encore – mais vous avez tout fait pour que je me retrouve ici avec vous, seul et sans attache. Vous m'avez amené dans un pays étranger dont je ne connais rien après vous être renseigné sur le fait que je n'y avais jamais mis les pieds. Je ne parle pas un mot italien. Où pourrai-je bien aller ?
Il était bien prisonnier, après tout. Le prisonnier d'Hannibal Lecter. Comme pour le confirmer, le cannibale demeura silencieux. Will savait que son interlocuteur lui mentait par omission. C'était commun entre eux. Quand la réponse à une question ne leur convenait pas, ils se taisaient.
— Je vais nous servir du champagne, finit par dire le chirurgien en tournant les talons.
Will ne le regarda même pas s'éloigner. L'endroit où Hannibal avait posée, puis retirée sa main le brûlait, comme si les doigts de l'homme y avaient laissé une empreinte au fer rouge.
Le Lituanien revint quelques minutes plus tard avec deux flûtes remplies de bulles. Le brun prit la sienne sans grande conviction.
— Habituellement, est-ce que l'on ne sert pas le champagne lorsqu'il y a quelque chose à fêter ? Lors des grandes occasions ?
Hannibal sourit.
— Mais nous avons quelque chose à célébrer, Will, c'est une grande occasion, c'est le début de votre nouvelle vie, vous évoluez enfin.
Il leva sa flûte en l'air et, d'un regard, indiqua à son interlocuteur de l'imiter.
— À votre évolution.
Ils firent un toast, puis burent une première gorgée en se regardant droit dans les yeux. Les prunelles d'Hannibal suivirent le liquide franchir les lèvres de son vis-à-vis, puis descendre lentement dans sa gorge.
— En quoi suis-je supposé... « évoluer » ?
— Ce n'est pas une transformation, Will, il n'y a que l'acceptation de ce que vous êtes vraiment. De ce que nous sommes.
— Et que sommes-nous ?
Hannibal prit une seconde gorgée qu'il fit durer dans sa bouche avant d'avaler et de répondre :
— Des lions dans un monde d'agneaux.
***
Will était épuisé après les presque dix heures qu'avait duré leur vol jusqu'en Italie. C'était donc sans un mot qu'il s'était dirigé dans la chambre, alors qu'Hannibal était encore sous la douche.
Une réalité l'avait néanmoins frappé et l'avait fait resté debout au pied du lit. Quelques minutes plus tard, Hannibal apparut dans le cadre de porte.
— Qu'y a-t-il, Will ?
— Il n'y a qu'un lit.
— Vous avez une bonne vue, se moqua l'homme. Il y a aussi des sofas, si cela vous intéresse.
Le bouclé ne savait pas exactement combien de temps ils demeureraient à Venise, mais sûrement qu'ils y resteraient un bon moment.
— Je ne vais pas dormir sur un fauteuil pour les six prochains mois.
— Quand ai-je mentionné que vous devrez dormir là ? Je ne tiens pas à vous casser le dos, pas encore du moins. La plupart des suites n'ont qu'un seul lit, mais leurs lits sont grands.
C'est à ce moment que Will tourna la tête pour apercevoir Hannibal et qu'il réalisa que ce dernier était complètement nu, une serviette au bras. Il lui sembla que sa mâchoire avait décrochée. Il resta les yeux ronds quelques secondes.
— Cela vous dérangerais d'aller vous habiller ?
— Si vous ne me bloquiez pas la route, cela ferait bien longtemps que je serais en train d'enfiler un survêtement.
Muet de stupeur, Will se décala pour laisser Hannibal passer. Malgré son âge, l'homme possédait encore un corps de marbre, le genre de musculature impressionnante et vigoureuse que l'on retrouverait sur une statue grecque exposée dans la ville.
Tandis que le cannibale enfilait de quoi se couvrir, le bouclé se fit la réflexion que le lit était assez grand pour eux deux et que rien ne les forçait à se toucher. Il pouvait dormir à une extrémité du lit et Hannibal à l'autre sans problème. Il rabattit donc les draps et se glissa sous ceux-ci en ignorant l'homme qui se changeait à deux pas de là.
Hannibal éteignit les lumières de la pièce, les plongeant dans l'obscurité la plus totale, puis il se glissa à son tour sous les draps. Will ferma les yeux, essayant de dormir, mais il était incapable d'ignorer la présence de l'autre homme dans le lit. Il entendait son cœur, puis sa respiration lente et régulière.
Il enfonça sa tête dans l'oreiller pour essayer de les faire taire, mais il ne parvenait toujours pas à s'endormir. Il avait l'impression que sa propre respiration et que son propre cœur ne réussissait pas à se calmer.
La nuit allait être longue.
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