22 : Thé
Chapitre 22.
Cette nuit-là, Will ne dormit pas bien. Il rêva qu'il se noyait dans le sang. Il revit le visage torturé de Paul Krendler qui se rapprochait et se rapprochait encore, lui murmurant des choses à l'oreille.
« Vous m'avez tué, Will... C'est vous qui l'avez fait... Je le sais... Vous êtes un tueur ! »
Il entendait sa voix de plus en plus grave, de plus en plus insidieuse. Le sang ne voulait plus quitter sa peau et quand il baissa les yeux, il avait une arme dans la main.
— Non, non, non ! cria-t-il en lâchant l'arme.
Il voulut se détourner pour fuir, mais il ne pouvait plus bouger. Ses jambes étaient fixées au sol.
« Vous m'avez tué, tué, Will, tué ! Tout est de votre faute ! »
Et la voix ne voulait plus s'arrêter, devenant de plus en plus forte.
Will ouvrit brusquement les yeux, d'un seul coup. Il avait la gorge sèche à force d'avoir hurler dans son sommeil. Son chandail était mouillé, son front recouvert de sueur. Il laissa lui échapper un lent soupir de soulagement. Rien de tout ça n'avait été réel. Il pinça l'arête de son nez et observa le plafond en silence.
Il ne lui avait fallu qu'un seul jour de travail pour recommencer à faire des cauchemars. Se mettre dans la peau de dangereux psychopathe devenait de plus en plus difficile pour lui. Il avait de plus en plus peur que cela finisse par déteindre sur lui... En vérité, il était effrayé que ce soit déjà le cas... Pourtant, il devait continuer. Le FBI avait besoin de lui et il avait besoin du FBI.
Will jeta un œil au cadran : il était encore tôt. Il devait se rendormir. Il n'en avait pas envie, mais il devait être en forme avant de retourner travailler avec Jack. Une dure journée l'attendait encore pour sûr dès le lever du soleil.
Il ferma les paupières, sachant qu'un autre mauvais rêve l'attendait peut-être encore de l'autre côté du voile...
***
Alana remarqua tout de suite les poches sous ses yeux le lendemain matin.
— Tu n'as pas bien dormi, Will ? lui demanda-t-elle, tandis qu'elle préparait le petit-déjeuner.
— Plus ou moins...
— Encore des cauchemars ?
— Je vais m'y réhabituer. Ça faisait un moment que je n'en avais pas fait, travailler avec Jack à sûrement réveiller certaines choses...
La jeune femme fronça les sourcils.
— Tu penses que ça va aller ? Si ça continue, tu ne devrais pas continuer de travailler comme ça sans consulter...
— Je ne vais pas laisser quelqu'un d'autre jouer dans ma tête. C'est bon, Alana.
Will avait plutôt une mauvaise expérience avec les psychiatres... Il ne voulait plus en entendre parler.
***
Arrivé au bureau de Jack, Will remarqua tout de suite que l'homme paraissait préoccupé.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il. Il s'est passé quelque chose ?
— Un autre meurtre durant la nuit. Il a accéléré le rythme.
Le bouclé, sans trop savoir pourquoi, avait cette étrange impression qui ne le quittait pas :
— Il sait que je suis sur l'enquête, Jack, il cherche à attirer mon attention et à m'impressionner... Il sait qui je suis. Il a peut-être envie de se faire... comprendre.
Il en était ainsi pour beaucoup des criminels que Will avait pu rencontrer dans sa carrière. Même Hannibal avait succombé.
— En plus, ça a sorti dans les médias... ! Je ne sais pas comment Freddie Lounds a eu ces informations, mais elle a écrit un article pour le TattleCrime et notre tueur à désormais un nom : Buffalo Bill !
C'était en référence au chasseur de bisons américain qui avait scalpé un cheyenne dans les années 1910.
— Charmant, fit remarquer Will avec une légère grimace. Freddie ne manque toujours pas d'imagination, à ce que je vois.
— Je dois vous amener sur la nouvelle scène de crime. Vous devez voir ça vous-même.
***
Toujours le même mode opératoire. Dans un motel isolé et un peu miteux, ils trouvaient un corps étendu sur le matelas de la chambre, dénudé de sa peau. Il s'agissait d'un homme.
Cette fois, la découpe de la peau avait été faite un peu plus à l'arraché, comme si le tueur avait eu peur de se faire surprendre ou qu'il avait voulu se dépêcher.
— C'était la première fois qu'il tuait quelqu'un sur un coup de tête avec aussi peu de préparation, en conclut Will en faisant le tour de la scène de crime. Il avait peur de se faire attraper. Je crois... sans prétention, qu'il voulait s'assurer que je ne parte pas avant d'avoir pu contempler son œuvre une autre fois. J'en ai l'intime conviction.
— C'est aussi bien comme ça. Votre présence le poussera à se dépêcher et à commettre des erreurs, fit remarquer le policier. Nos analystes n'ont pas terminé leur travail ici, mais je suis persuadé qu'ils trouveront quelque chose.
Will se pencha sur le cadavre et observa le sang qui tâchait les draps.
— Le sang est foncé. Quand le sang est foncé, c'est qu'une artère a été touchée. Il a été vraiment moins méticuleux. Habituellement, il fait attention à chacun de ses coups de couteau. Il fait comme les légistes et commence par découper un Y sur le torse, puis il suit la ligne des bras et des jambes... Et il pèle le corps comme s'il s'agissait d'une vulgaire orange... Or celui-là à l'air d'avoir été charcuté.
Du moins, c'était ainsi qu'il l'aurait fait s'il avait été à la place de Buffalo Bill. D'horribles images emplissaient son esprit. Puis, plus il y pensait, plus les idées affluaient. Il commençait doucement à penser comme le meurtrier, à le devenir pour mieux le comprendre.
— Je crois que cette peau ne lui a pas beaucoup plu. Je crois qu'il l'a kidnappé pour attirer notre attention, mais en vérifiant la peau, il a dû se rendre compte qu'elle était trop rigide ou trop élastique et ça ne lui a pas plu. Mais il n'a pas eu le choix de le tuer et de lui arracher la peau pour ne pas se détourner de son rituel habituel. Faîtes des analyses, je suis persuadé que la victime avait un problème de peau, une maladie ou quelque chose d'inhabituel.
Faisant une pause de quelques secondes, il se tourna vers Jack :
— A-t-on l'identification des victimes ? Et un lien les reliant ?
— Nous avons reçu l'identification du corps d'hier ce matin. Ce sont tous des hommes d'environ 1m80, bruns aux yeux bruns, entre 20 et 30 ans. Ils se ressemblent tous un peu. Les analyses ADN a permis de les identifier. Leur seul point comment est qu'ils avaient tous des emplois de nuit.
— Alors, il attend la nuit pour agir. Il doit les maîtriser, les assommer ou les droguer, les mettre dans le coffre et les amener au motel. Ils sont encore vivants quand il les amène dans des endroits comme ici. Est-ce qu'il y avait des caméras de surveillance ? On peut peut-être relever une plaque d'immatriculation ?
— Il n'y avait pas de caméra... mais une femme prétend avoir entendu un homme monté les escaliers jusqu'à sa chambre, des pas assez lourds, et qu'il avait l'air de transporter quelque chose : sûrement notre victime. Elle dit qu'il faisait noir et qu'elle n'a pas bien vu, mais qu'il était assez grand.
— Il doit ressembler aux victimes.
— Que dîtes-vous ?
— Je pense qu'il s'agit d'un grand brûlé, d'une personne qui vit avec une malformation, quelque chose comme ça. Buffalo Bill a sûrement envie de changer de peau parce qu'il ne se sent pas bien dans la sienne, mais il a besoin pour ça de quelqu'un faisant environ la même taille et corpulence que lui, qui lui ressemble passablement de préférence. Alors chercher un brûlé ou une victime d'accident de 1m80, brun, entre 20 et 30 ans qui vit dans un rayon de 20 kilomètres, vous trouverez sûrement.
***
La nuit suivante fut encore plus terrible que la dernière. Il réussit à peine à dormir quelques heures. Paul Krendler, Hobbs, Abigail, le Dragon Rouge et maintenant Buffalo Bill s'amusaient à venir le tourmenter tour à tour. Le sang coulait partout, il entendait des voix, ne pouvait plus bouger, se coupait sur la porcelaine de la tasse qui se brisait et apercevait un reflet monstrueux de lui-même dans la glace.
Il se réveilla une nouvelle fois en criant et en hurlant, le souffle haché et le cœur rapide, sans aucune envie de faire un quelconque effort pour se rendormir.
Et plus les jours passaient, plus son état de sommeil empirait, au fur et à mesure que l'enquête autour de Buffalo Bill avançait.
— Avec votre aide, Will, nous avons identifié quatre suspects correspondant au profil, lui avait dit Jack avec un air sombre. Le Docteur Chilton est parmi eux...
Sur ces quatre hommes, il était clair pour Will que les deux premiers n'avaient rien à voir avec des meurtriers. Il ne restait donc plus que Chilton... Will se raidit à l'entente de ce nom.
— Vous en êtes certain ? Je savais qu'il était prêt à beaucoup, mais de là à...
Will avait des doutes. Hannibal avait déjà cherché à faire accuser Chilton pour ses meurtres, alors le bouclé avait peur que le FBI fasse une seconde erreur. La dernière fois, cela s'était soldé par une balle dans le crâne qui avait épargné le docteur de justesse.
— Il correspond au profil, mais je n'ai pas de preuve.
— Le dernier est aussi susceptible d'être le tueur que nous recherchons. Sa mère était une prostituée, son père un criminel. Il a été placé en foyer d'accueil durant toute sa jeunesse et on l'a ébouillanté avec du café, un bête accident. Tout comme Chilton, je ne pense pas qu'il soit un tueur né, mais que ce soit venu avec le temps...
Souvent, les tendances meurtrières, la psychopathie et les autres troubles menant à des actes graves, pouvaient souvent être détectés dès l'enfance ou l'adolescence, mais il arrivait aussi parfois qu'ils se développent avec le temps.
— Il faudrait que je parle au Docteur Chilton, rajouta Will, que je le vois. Ensuite, je pourrai vous dire s'il est celui ayant commis ses meurtres.
— Il nous faut un motif valable pour l'arrêter, or nous n'avons aucune preuve tangible pour le moment. Il n'acceptera pas de vous parler.
— Il acceptera peut-être si c'est moi.
— Il refusera peut-être justement parce que c'est vous.
— Essayez quand même.
Will lui avait parlé de nombreuses fois. Il n'avait pas le profil d'un tueur, malgré les doutes qui pouvaient planés au-dessus de sa tête. Mais peut-être se trompait-il, peut-être le docteur avait-il changé depuis ?
En attendant de pouvoir l'interroger, il devait encore retourner au travail. Un travail qui lui semblait de plus en plus difficile... Était-ce donc le prix à payer pour ce qu'il était et ce qu'il avait fait ?
Se mettre dans la peau de cet homme, de ce meurtrier qui qu'il soit, lui causait des cauchemars horribles. Dans les plus récents, il avait l'impression de sentir la peau de son visage se décoller, comme brûlé à l'acide. C'était de plus en plus horrible.
— Ça ne peut plus continuer ainsi, murmura Alana en jetant un regard à Margot. Je suis inquiète pour lui, il se met dans un sale état.
La jeune femme couva sa femme d'un regard compréhensif, tout en soulevant sa tasse de thé.
— Travailler là, alors qu'il n'a plus de soutient et ne voit plus de psychiatre est dangereux pour lui, rajouta Alana. Il ne dort et ne mange presque plus. Il a perdu, au moins, 6 kilos. Il fait des cauchemars tous les soirs... Je ne sais pas ce à quoi Jack pensait en le laissant travailler à nouveau. Ça doit cesser. On doit le sortir de là avant qu'il ne soit trop tard. On est déjà en train de le perdre...
— Et tu as réfléchi à quelque chose ? la questionna Margot, ayant déjà en tête ce à quoi la directrice de l'institut psychiatrique pouvait bien penser.
— J'ai bien une solution..., mais elle ne plaira à personne... moi, la première....
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