10 : Hydromel
Chapitre 10.
Jack n'avait pas vu Hannibal. À vrai dire, il n'avait pas cherché non plus. Dès que les rideaux s'étaient ouverts, il avait été aussi happé que toute la salle par le jeu d'acteur de Will et la pièce.
Quand le rideau tomba, il avait la bouche grande ouverte, béat, comme la plupart des gens autour de lui, Hannibal y compris. Il se leva de son siège rouge et applaudit à toute rompre.
Will l'avait surpris. Il n'aurait jamais pensé que ce jeune homme timide et névrosé pourrait, un jour, faire du théâtre. C'était une agréable surprise. Or, si Jack était ici, c'était pour parler de choses plutôt moins agréables...
Après le spectacle, à l'aide de son badge, il se fit admettre dans les loges et put cogner à la porte de celle de Will.
— Oui ? C'est vous, Hanni –... heu... Signore Chiaffredo ?
— Non, c'est Jack. Ouvrez cette porte, Will.
En reconnaissant la voix familière, le cœur du brun fit un bond dans sa poitrine. Comment Jack avait-il pu le retrouver ? Déglutissant, il ouvrit la porte pour tomber sur le grand homme à la peau cacao.
— Que faîtes-vous ici ?
— Je pourrais vous poser la même question. Où est Hannibal ?
— Je l'ignore.
— Vous êtes en danger, Will. Hannibal vous tuera. Dénoncez-le et revenez en Amérique.
— Hannibal ne me tuera pas, le contredit lentement le brun, pour lui, ce serait me manquer de courtoisie.
— Alors vous êtes parti avec lui de votre plein gré ? Vous nous avez tous trahi ? Cela fait de vous son complice. Vous risquez gros, Will.
— Pour capturer un prédateur, on ne peut rester la proie, Jack.
Le policier leva un sourcil.
— Vous bluffez ? Vous êtes de mon côté et pas du sien ? J'ai besoin d'en avoir la confirmation, Will.
— Hannibal pense qu'il a réussi à me changer et que je suis en train de devenir comme lui. Il me fait confiance. Il me laisse l'approcher en baissant tranquillement sa méfiance. Nous pourrons le tuer quand il l'aura entièrement endormie. J'y travaille, promit-il.
— Je n'y crois pas une seconde, Will ! Vous êtes peut-être capable de manipuler Hannibal, mais l'inverse est tout aussi vrai ! Il vous manipule comme un pantin et vous n'y voyez rien !
Énervé, Jack leva le poing et il frappa son vis-à-vis dans la mâchoire.
— Il faut vous réveiller ! Vous être en train de couvrir un meurtrier récidiviste !
Au départ, Will ne bougea pas. Il encaissa le coup du policier sans broncher, portant tout simplement sa main à sa joue pour la masser. Il ne voulait pas réagir parce qu'il ignorait à quel point il allait perdre le contrôle s'il s'autorisait à répondre à Jack.
— Je ne suis pas en train de le couvrir, argumenta-t-il.
— Mais bon sang, vous êtes aveugle !
Jack frappa une nouvelle fois Will, puis une troisième. Sentant la chaleur sur son visage et les hématomes se former sur sa peau, le bouclé fut incapable de se contenir plus longtemps. Son sang bouillonnait dans ses veines. Ses pupilles s'étrécirent et ses muscles se bandèrent. Sans réfléchir, il donna un coup de poing violent directement dans la gorge de Jack, puis un autre dans sa mâchoire et un dernier dans les côtes.
Le grand homme porta les mains à son cou, la respiration brièvement coupée. Il haleta, puis toussa. Will agrippa son propre poignet de sa main opposée. Il était aussi surpris que le policier par son geste. Il ignorait ce qui lui avait pris d'agir de manière aussi impulsive. Il avait perdu tout contrôle.
— Vous devriez partir, dit-il finalement, alors que Jack reprenait toujours son souffle. Hannibal sait que vous êtes ici, c'est vous qui êtes en danger. Il vous tuera.
L'agent du FBI leva ses yeux sur lui.
— À ce rythme, je me demande si c'est lui ou vous qui vous finira par me tuer, Will.
Le brun baissa la tête.
— Partez. Ce vaudra mieux. Pour vous. Et pour moi.
Il était effrayé à l'idée de laisser sa bête intérieure prendre le dessus et de commettre un geste qu'il regretterait par la suite.
— Je partirai, mais à une condition : promettez-moi d'en finir avec Hannibal, finit par consentir le policier.
Will se mordit la lèvre.
— J'en finirai avec Hannibal..., finit-il par dire.
— Très bien, alors prenez ça.
Jack détacha la paire de menotte à sa ceinture et lui la tendit.
— Vous en aurez besoin quand vous essaierez de maîtriser Hannibal, car il ne se laissera pas faire et il est fort.
Il prit les menottes et déglutit.
— J'espère vous revoir en un seul morceau, Will.
— Et moi donc.
***
Hannibal s'était enfui par la porte principale arrière du théâtre, celle qui donnait directement sur les canaux. Maintenant, il attendait Will dans le salon de leur suite privée, tout en savourant une coupe d'hydromel.
Ce dernier arriva une vingtaine de minutes après, avec un peu de retard.
— Avez-vous croisé quelqu'un d'intéressant en route ? demanda-t-il avant même que Will ne mette un pied dans le salon. Ça vous a pris du temps.
Il reconnaissait toujours le profiler à cause de son odeur, cet affreux après-rasage qu'il s'entêtait à porter jour après jour.
— J'ai dû aider à ranger le costumier.
Ce n'était pas un mensonge. Il l'avait vraiment fait après que Jack soit parti. Hannibal était probablement déjà au courant de la venue du policier en Italie, mais il préférait ne pas le mentionner.
— Oh, s'étonna le psychiatre, et je suppose que c'était plutôt bordélique ?
Il ne croyait pas Will une seule seconde. Il savait que Jack avait dû aller le voir après la représentation.
— Assez.
Hannibal se pinça les lèvres.
— Félicitations pour votre première, Will. La pièce était médiocre, mais votre jeu d'acteur m'a étonné, vous étiez bien meilleur que les autres. J'ai même un cadeau pour fêter votre triomphe.
Hannibal se leva et alla chercher son cadeau dans un petit tiroir de son bureau. Il revint vers Will et lui tendit. Alors, que le bouclé prenait le sac avec quelques réticences, le psychiatre observa son visage en plissant les yeux.
— Qu'est-ce qui vous ai arrivé, Will ?
Hannibal agrippa le visage du plus jeune en coupe et le força à pencher la tête pour mieux observer sa peau sous la lumière. Will tenta de lutter, grimaçant, mais il abandonna bien vite sous la poigne bien trop ferme de son vis-à-vis.
— Vous avez été frappé. Est-ce que vous vous êtes défendu ?
Le regard de l'homme descendit et c'est alors qu'il remarqua les jointures rougis du brun qui serrait le sac cadeau entre ses doigts.
— Visiblement oui. Et vous n'y êtes pas allé de main morte. J'aurais aimé vous voir à l'œuvre, enfin relâché cette bête qui sommeille en vous.
Il relâcha finalement la mâchoire de Will.
— Ouvrez votre présent, j'irai chercher de la glace pour cette main et cette mâchoire ensuite.
Le profiler ouvrit le sac et découvrir ce qui s'y cachait : une petite bouteille de verre finement sculptée. En lisant l'étiquette, il comprit ce que c'était.
— Vous m'avez acheté un nouvel après-rasage ?
— Il est plus que temps que vous en ayez un de qualité. L'odeur de celui que vous utilisez est infecte.
Will ignorait s'il devait remercier le cannibale pour ce présent. Il se contenta de remettre la bouteille dans son sac qu'il déposa sur le coin du bureau d'Hannibal.
Pendant ce temps, l'homme plus âgé avait été cherché une bassine remplie d'eau dans laquelle il avait plongé des glaçons. Il avait aussi ramené un sac de glace.
— Approchez.
Le bouclé s'exécuta. Son interlocuteur lui tandis le sac de glace pour qu'il le mette sur sa mâchoire endolorie, alors qu'il lui prenait le poignet et mettait délicatement sa main sous l'eau gelée. Will ne bougea pas, fasciné par toutes les petites attentions du quarantenaire.
Par la suite, Hannibal désinfecta la plaie avec de l'alcool et un coton avant d'enrouler la main blessée dans un bandage noué serré.
— Je suis heureux que vous commenciez enfin à vous accepter, commenta l'homme en terminant sa besogne.
Will demeura silencieux. Contrairement au cannibale, lui, il n'était pas très fier des actes qu'il avait commis aujourd'hui. Cela lui faisait peur, car il réalisait qu'il sombrait petit à petit dans la folie et les ténèbres. Jack avait sûrement raison, Hannibal se servait de lui comme d'une marionnette.
Quant au Lituanien, il se doutait que Jack était la raison des hématomes violacés sur le visage de son compagnon de chambre. Ça le rendait furieux, car quoiqu'il en dise, il préférait demeurer le seul à pouvoir faire du mal à Will Graham.
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