1 : Truffe sous la cendre
Chapitre 1.
Will avait amené Francis Dolarhyde jusqu'ici. Il l'avait prévenu pour le convoi de voitures. Il l'avait fait pour libérer... ou tuer Hannibal Lecter. Mais quand il avait vu Hannibal blessé gisant sur le sol, une balle dans le flanc, son instinct de prédateur avait ressurgi et il avait foncé tête baissée sur le Grand Dragon Rouge... jusqu'à ce que Hannibal et lui ne parviennent à le tuer au prix de multiple entailles. Enfin, Will les avait précipité au bas de la falaise : on devait les croire morts.
L'eau du précipice avait lavé le sang qui paraissait noir à la lumière de la lune de sur leurs vêtements et leur corp. Ils avaient rampé jusque sur le rivage, haletants. L'un comme l'autre, ils avaient besoin de soins, leur chair entaillée en avait besoin. Ils avaient le regard rivé sur l'Atlantique qui s'étendait longtemps au loin.
— Vous avez aimé le tuer, Will.
Incertain de savoir si c'était une question, Will se retourna néanmoins vers Hannibal qui lui faisait face, la respiration tout aussi irrégulière que la sienne.
— Il le méritait, se contenta-t-il de répondre de sa voix tremblante habituelle.
— Parce qu'il avait tenté de s'en prendre à votre famille ou parce qu'il a cherché à me tuer ?
Il y avait un accord entre eux : pas de mensonge, jamais. Will était contraint à l'honnêteté ou l'omission.
— Un peu des deux, je suppose.
Hannibal esquissa un sourire à faire froid dans le dos.
— Je suis content de voir que je vous inspire de tels actes. Vous n'y avez pas été de main morte, vous lui avez fait bien plus d'entailles que nécessaire. C'était personnel, cette fois. Vous vouliez qu'il meure. Ça a été... intime.
— Ce n'était pas intime. Je n'étais pas seul.
— C'est justement parce que nous l'avons fait ensembles que ce fut intime, Will. Je suis heureux d'avoir partagé cela avec vous.
Will ne dit rien, prenant le temps d'assimiler les paroles d'Hannibal.
— Nous devrions remonter et faire honneur à sa dépouille. Comment voudriez-vous lui rendre hommage, Will ? Pensez-vous toujours que les porcs doivent servir à faire le bacon ? Que diriez-vous d'une poularde truffée en marmite pour le souper ?
Mais bien sûr, avant toutes choses, ils devaient se soigner. Will sentait qu'il allait perdre connaissance d'une seconde à l'autre à cause du coup de couteau qu'il avait reçu dans la tête. Il commençait déjà à voir des points blancs danser devant ses yeux.
— Ça me paraît bien..., souffla-t-il avant de vaciller et de devoir poser une main sur un rocher pour s'empêcher de tomber.
— Remontons là-haut.
Hannibal se retourna juste à temps pour voir Will perdre l'équilibre. Il parvint néanmoins à le rattraper et à le ramener contre son corps avant que sa tête heurte une nouvelle roche.
— Faîtes attention, Will ; votre tête est déjà bien assez blessée comme cela. Vous ne voudriez tout de même pas que d'autres monstres viennent vous tourmenter.
— Vous êtes le seul à sans cesse tourner autour de moi, gémit faiblement le jeune homme.
— Si vous saviez, Will ; il y a bien plus de monstres que vous le pensez qui rôdent...
Le brun n'entendit pas, car il avait déjà perdu conscience sur l'épaule du cannibale. Hannibal le regarda sous toute les coutures en lui relevant le menton, puis il finit par soulever Will dans ses bras en poussant un grognement.
***
Lorsque Will reprit conscience, il avait l'impression d'avoir la tête dans du coton. Il émit un gémissement, puis ouvrit péniblement les yeux. Il réalisa alors qu'il était nu et que son torse ainsi que sa tête avaient été bandés.
Hannibal appréciait de voir Will nu. Non pas qu'il en ait besoin pour voir sa vulnérabilité, mais plutôt qu'ainsi, il pouvait voir la longue cicatrice – le sourire – qui barrait le ventre du jeune homme. C'était lui qui lui avait fait et il n'en était pas peu fier. Ainsi, Will aurait toujours un souvenir de lui. Partout où il irait, il aurait une petite partie d'Hannibal avec lui.
Une fois que les pupilles du brun furent habituées à la lumière des ampoules, il distingua Hannibal qui se tenait près de lui, une seringue en main.
— Je dois renouveler votre dose de morphine, Will.
— Quoi ? Vous me droguez ?
— Il le faut bien. Croyez-vous que votre blessure à la tête ou même à l'abdomen soient indolores ?
— La douleur m'aide à me sentir vivant.
Mais il était trop tard, sans tenir compte de ses protestations, Hannibal avait enfoncé l'aiguille dans sa veine et Will sentait la drogue couler dans son sang. Il laissa sa tête basculer en arrière.
— Moi aussi, Will, nous sommes pareils, mais pour le moment, vous n'êtes pas en état de la supporter. Il va vous falloir devenir plus forts... évoluer. Je vous montrerai.
Le bouclé devait se concentrer pour écouter Hannibal parler, car à chaque seconde qui passait, il se sentait plus fatigué, comme si son corps pesait une tonne.
***
La deuxième fois qu'il se réveilla, un fumet appétissant circulait dans toute la maison.
— Le souper est prêt, Will. Vous venez manger ?
Il fronça les sourcils. Il avait la gorge et la bouche sèche.
— Qu'avez-vous fait de mes vêtements ?
— Jetés. Ils n'étaient plus mettables. Mais je vous passe volontiers un de mes complets.
Will jeta un coup d'œil au veston, à la chemise et au pantalon qui avaient été pliés sur une chaise non-loin du lit dans lequel il était étendu. Le tout était de bon goût. Évidemment puisque c'était Hannibal qui avait choisi et que sa vanité était son point faible.
***
Will arriva dans la salle à manger en ajustant les manches du veston emprunté à Hannibal. Ce dernier l'observa avec une satisfaction évidente.
— Vous êtes séduisant, Will.
— Combien de personnes avez-vous tuées en portant ce complet ?
— Ne vous inquiétez pas, je porte toujours une combinaison pour ne pas tâcher les vêtements.
— Ce n'était pas ce qui m'inquiétait..., grinça le brun.
Hannibal haussa les épaules.
— De toute façon, c'est à votre peau que colle les meurtres, pas à ce que vous portez. Prenez donc place à table, dit-il sans se soucier de Will, tout en désignant ladite table dressée avec de belles nappes et une argenterie de luxe. J'ai fait des truffes sous la cendre en entrée. Pour ce faire, il faut faire cuire les champignons sous les cendres encore chaudes du foyer, préférablement après y avoir fait brûler du bois de pommier ou d'érable.
L'homme déposa une assiette de grande gastronomie devant son invité, puis s'installa en face de celui-ci. Will hésita, mais finit par prendre une bouchée. Il fut forcé de se rendre à l'évidence que la nourriture d'Hannibal était aussi délicieusement savoureuse qu'à l'habitude. Il avait l'impression que la truffe fondait sous son palet.
— Comment trouvez-vous la nourriture, Will ?
Cela lui faisait mal de le dire :
— C'est très bon.
— Allez-vous être prêt pour le plat de consistance ?
— Quand vous le voudrez.
Le Lituanien esquissa un sourire, puis se leva pour aller chercher le plat principal.
— Voici votre poularde truffée en marmite enroulée dans son bacon.
Il déposa au centre de la table le grand plateau dans lequel était posé le morceau de viande dans un lit de fines herbes. Hannibal prit un grand couteau et découpa une tranche qu'il mit dans l'assiette de Will, puis dans la sienne.
— Bon appétit, très cher.
Le bouclé fixa le bout de viande dans son assiette, puis saisit lentement sa coutellerie. Il n'était pas sot, il savait que ce n'était pas vraiment du poulet, ni même du porc... Néanmoins, Will se força à en prendre une bouchée. Il mastiqua lentement sous le regard scrutateur d'Hannibal.
— Vous savez quelle est la meilleure pièce de viande sur un porc, Will ?
Le brun s'arrêta un instant de manger après avoir avalé.
— Ce sont les joues, répondit-il calmement.
— Tendres et savoureuses à la fois, compléta le cannibale. C'est dommage qu'il n'y en ait que deux.
— Qu'avez-vous fait du reste ?
— Parfois il n'y a qu'une bonne chose par porc et s'est très bien ainsi, ça rend les choses plus... exclusives.
Sans parler que l'homme était tatoué des pieds à la tête. Le dragon rouge n'aurait pas fait une bonne viande. Trop sèche et trop toxique.
— Vous ne me répondez pas à ma question, fit remarquez Will.
— Je l'ai mis à la mer, on ne le retrouvera pas de sitôt.
— Est-ce que c'est pour ça que vous avez achetez cette maison ? Parce qu'elle était sur le bord de la mer.
Et qu'elle lui permettait de se débarrasser facilement de ce qui restait et demeurait inconsommable après une boucherie.
— Vous ne trouvez pas que la vue y est magnifique ?
— J'ai eu l'occasion de la voir de très près...
— La mer ou la mort ?
— Les deux.
— Et vous appréciez cette adrénaline, Will ? Vous l'avez embrassée comme vous embrassez la douleur ?
— Ça a été satisfaisant. Un moment, avoua-t-il en prenant une nouvelle bouchée.
— Est-ce que ce l'était parce que vous rêviez de me tuer depuis longtemps et que vous pensiez que j'allais mourir avec vous ?
— Qu'est-ce que vous en pensez, Hannibal ?
— Je pense que vous étiez content parce que vous pensiez avoir trouvé la solution, nous deux, mourants et partants pour un autre monde où il n'y aurait plus de dilemme, plus de problème, où vous n'auriez plus à réfléchir et où vous pourriez laisser libre-cours à vos instincts les plus primitifs. Ce n'était pas un acte de vengeance, c'était un acte de tendresse, d'amour. Si vous aviez uniquement voulu me tuer, vous ne l'auriez pas fait ainsi.
Will se mordit la lèvre. Admettre qu'Hannibal avait raison, c'était comme s'enfoncer soi-même un pieu dans le cœur.
— Et comment pensez-vous que je vous aurais tué si je l'avais voulu ? Tout aurait été plus simple si je vous avais poussé seul en bas de cette falaise. J'aurais pu faire passer ça pour un suicide.
— Personne ne vous aurait cru. Même s'ils ne vous l'avouent pas, tout votre entourage – même après que vous ayez été innocenté des meurtres de l'Éventreur de Chesapeak – a encore des doutes sur vous, Will. C'est sans compter que ce n'aurait pas été la première fois que vous auriez voulu me tuer. Vous êtes le seul à vous voiler encore la face : vous êtes un prédateur, Will. Tout comme moi. Nous en avons déjà parlé, vous et moi, si vous aviez vraiment voulu me tuer, vous l'auriez fait à mains nues, vous auriez essayez de m'étrangler, puis vous auriez été tenté de casser tous mes os un à un simplement pour satisfaire votre hargne et votre rage. Quand vous auriez eu fini, vous auriez pensé être satisfait, vous auriez tôt fait de vous rendre compte que ce n'était que le début et que vous aviez besoin de plus, de toujours plus de sang.
— À vous entendre, malgré la grande empathie que l'on me prête, je ne suis vraiment pas un ange, docteur, vous avez une vision de moi bien étroite et sombre.
— Il ne vous faut jamais oublier que Lucifer était aussi un ange, Will. Mettez-vous à ma place comme vous savez si bien le faire et tentez de vous voir en-travers de mes yeux, vous verrez que je n'ai pas tort et que vous êtes bien le seul à ne pas partager ma vision des choses. Vous êtes-vous déjà regardez dans une glace ?
— Quand je regarde dans un miroir, je vois un homme, brun, bouclé, avec des yeux marrons, une barbe de quelques jours et parfois des lunettes. Mais cet homme, je n'ai pas l'impression qu'il est moi. J'ai l'impression de voir un autre.
Sans parler de cette lueur noire, malsaine qu'il lui arrivait de percevoir dans les grands yeux expressifs de cet inconnu.
— C'est parce que vous n'acceptez pas encore ce que vous y voyez. Ça viendra, je vous apprendrai.
— Je ne suis pas certain de vouloir ressembler à l'homme que je vois dans la glace.
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Alors ? Des avis sur cette première fic. Hannigram ?
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