Chap XIV : Ce Qui Donne La Force De Continuer I (2/2)
Je me pousse jusqu'à hurler presque à l'affliction. J'y arrive pourtant et retire l'arme avec violence, m'envoyant de suite sur la neige, à genoux. Je contemple le ciel de son bleu azur. Pour moi, il a toujours été gris. Toutes les choses ont toujours été dépossédées de leurs couleurs.
Je n'ai jamais su ce que cela faisait de supporter un ami ou comprendre l'importance de tout se dire.
Je tremble et j'ai de forts maux de tête. Ma respiration saccadée me coupe presque l'envie de me relever. J'ai le regard perdu dans ce vaste horizon de blanc et de bleu. Ces souvenirs sont de moindre importance pour moi, mais je ne saurai échanger mon identité, avec rien au monde. Je ne suis pas sentimental, en effet. Pourquoi suis-je ici ?
Pourquoi ? Oui, c'est vrai. Ma quête. Mon rêve. Je me figure sans cesse qu'il me faut retrouver l'e-motio patriarche afin de recouvrer, comme par magie, ce qui m'a fait défaut durant ces dernières années — pathétique — Si réellement je tiens à les récupérer, il faudrait déjà que j'accepte cela en moi.
Cette pensée déborde en mon sein comme une bouteille de gaz trop secouée. Je me redresse sur mes pieds. Je lâche une dernière expiration avant de déplier mon arc.
Soudain, l'image du meneur me revient en mémoire, avec sa question : « et toi... quel est ton nom ?... »
— Non mais... pour qui me prenez-vous ? Je ne suis pas une simple aventurière. Je suis la plus puissante des douze plus grands aventuriers de toute l'histoire. Je n'ai besoin que de mon arc allié à mon cœur.
Mon maître me disait souvent qu'une âme se dévore elle-même... dès que ses croyances amplifient ses sentiments... hélant alors l'émotion qui n'aura aucune pitié.
Mais si cette émotion était sommée d'exprimer de la vie, alors un être ne manquerait pas de briller.
Ces deux faces d'une même pièce, m'octroieraient pouvoirs et ténèbres.
— Si le pouvoir pouvait me restituer ce que j'ai jadis perdu... je ne sais... si je saurais faire la différence...
Je me retourne, l'arc positionné dans la direction de mes ennemis. Je calcule la portée de mon tir. Je n'ai raté de cibles que lors de mes trois premiers essais. Depuis, je vibre à travers elle.
— ...entre le bien et le mal.
À ce terme, je vise le premier soldat que je repère au sommet de la falaise. Un relâchement et l'homme me paraissant tituber, reçoit son dû.
Je ne détaille aucune âme sur la falaise. Ils doivent être descendus. Je me souviens des deux ayant échoué au sol. Je les désigne, reprenant de la force. Deux flèches sont lâchées. Le son du projectile déchire l'air ambiant offrant en un quart de seconde, la plus belle des visions pour un archer : sa cible atteinte.
Je suis alertée par mes sens vers ma droite. Je n'avais pas remarqué ce rassemblement de troncs d'arbre noirs avec leurs branches sinistres. Je perçois soudain une lame voler dans ma direction tel un boomerang.
Je lève mon arc, le fait tourner sur elle-même, stoppe l'élan de l'arme en plein vol tandis qu'une une seconde lame tente de m'embrocher la poitrine. J'arrive à attraper le projectile près de moi, grâce à mon gant en fer noir.
— Belle initiative ! félicité-je, le groupe des trois survivants s'étant arrêté à une distance appropriée pour mes tirs. Dommage, les gars ! Je vous ai grillé.
Je reconnais le masqué juste à côté des deux autres encore entrain d'essayer de récupérer leurs souffles.
Nous nous échangeons un regard menaçant le messager et moi.
— Minos, c'est bien cela ? dis-je, en caressant mon arc.
— Finissons-en, toi et moi.
— Alors... ne me déçois pas.
Dans la seconde, je vois arriver l'e-motio de la peur, trois fois plus imposant que la dernière fois, sur la falaise. Il a une tête tel un masque au visage grimaçant. Une tête macrocéphale avec des dents telles des canines de félins, une gueule grande ouverte, formant de ce fait, des rides repoussants, un nez rond et des yeux globuleux, dont deux flammes violettes brûlant tel un feu de camp offrent une vision singulière et tétanisant de ce qui attendent ces victimes.
Son corps ayant triplé de volume, possède une peau recouverte d'un pelage noir fort grisant. On dirait un énorme ours. Cependant, la posture de son corps me précise qu'il a une physionomie s'approchant plus taureau avec ses membres musclés et puissants et son corps renversant.
L'animal est rapide. Encore plus vif que tous les e-motios que j'ai pu rencontrer. Il dévale la pente à une telle vitesse que je le confondrai presque avec un véhicule de course. Sans parler du cri qui l'accompagne. Tel un fauve, son hurlement nous parcourt l'échine et nous place en position de respect vis-à-vis de la force à l'état brute.
Je cligne des paupières et la bête est déjà près de leur position. Les deux autres assassins se retournent pour contempler cette arrivée en grande pompe. Seuls Minos et moi, nous désintéressons à présent du spectacle, considérant, que plus rien autour de nous n'a d'importance, sauf notre règlement de compte.
— Tuez l'e-motio, lance le nouveau maître de la bande.
Les deux ne lui répondent pas, certainement, ayant compris le message. À l'instant où le dévoreur est sur les lieux soulevant avec lui une quantité considérable de neige, nos deux corps s'élancent, afin de sceller ce différend dans le croisement funeste de nos armes.
La rencontre se joue sur le contact de nos lames, tentant de viser nos gorges respectives. Nous nous rapprochons. J'encaisse un violent coup de jambe à la hanche. Je chancelle tout en pivotant mon arc, de sorte à lui trancher une part de sa jambe.
J'atterri sur la neige fine et la lutte reprend de plus belle. Nous sommes tous les deux, d'excellents combattants. Je remplace furtivement mon arc par mes lames en fer noir et l'oblige à reculer face à la brutalité de mes portées.
Il arrive à me trouver une faille. Cela me force à supporter une écorchure sur mon côté droit de l'abdomen. J'y porte une main tout en l'observant s'approcher. Nous nous remettons au jeu, ne baissant point d'intensité.
Le monde semble se résumer à nos deux corps, prêts à infliger le plus de souffrance à l'autre. Je ne sais si cela pourrait finir autrement, mais je suis certaine que je ne veux surtout pas le laisser partir dans la minute. Je suis comme détachée du peu de soucis remplissant mon quotidien. Je ne pense qu'à briser mon ennemi comme lors des entraînements à Éris.
Je détaille à quelques dizaines de mètres, l'e-motio de la peur se jeter en plein sur le premier misérable, tandis que l'autre, lui enroule sa chaîne autour du cou. L'e-motio se débat en doublant ses gesticulations, au point de balancer le reste de la carcasse du premier, sur le corps de l'adepte.
Je décide d'en finir avec mon adversaire, en lui lançant ma lame dans la direction de son cœur. Il esquive le coup, bien entendu, cela me permet de me munir de mon arc et de continuer le croisement. À un moment où je crois glisser et qu'il pointe son arme vers moi, je saute sur moi-même et avant qu'il n'ait compris, je lui tranche la tête dans ce mouvement.
Je me retrouve sur la couche enneigée. Le souffle semble ne plus vouloir m'être accordé. Je vois double. Je n'arrive pas à atténuer la douleur de mes blessures, cette fois moins superficielles. Je distingue que le masqué a tout de même eu le temps de m'entailler à nouveau, rendant ma perte de sang sans précédent.
Pourtant, je me dépêche de chercher dans mes poches, un peu de l'élixir pouvant me permettre d'endiguer la douleur et stopper l'hémorragie. Je la retrouve, la débouche rapidement et avale cul sec, le peu restant. Je laisse tomber le flacon sur la neige teintée de mon sang, certaine de n'en avoir pour quelques heures tout au plus, avant de finir morte d'anémie.
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