Chap VII : Ce Qui Définit Nos Choix (4/4)
Il ressemble à une fée énorme, prenant le volume d'une canette. Il me tend la main, ce qui m'étonne sur le moment.
— Ah, désolé ! Que je suis bête... Je suis vraiment perdu, des fois...
— Tu es un e-motio ?
— Exact, Mademoiselle ! Je suis l'e-motio de l'attachement et de l'abnégation... Celui qu'il faut toujours avoir sur soi.
— Je vois...
— Je sais que je parle trop... C'est normal, la joie est faite pour être partagée et très souvent. Cela se traduit par la parole... Un échange avec un être aimé... en parlant de ça, tu ne parles pas à tes copains de ton propre amoureux, tu sais...
— Tu cries trop fort... t'es sûr que personne ne t'entend ?
— Personne à part toi... Je me suis révélé à ton esprit parce que tu es la seule qui mérite un quelconque intérêt...
— Que veux-tu dire par là ?
— Les autres sont avides de richesse et de pouvoir... et d'autres, ne sont pas sûrs de ce qu'ils veulent... Ils leur faut mûrir... Toi, par contre, tu sais ce que tu veux et tes intentions sont des plus nobles... d'ailleurs, Je ne sais pas pourquoi, mais il m'a été difficile de me relier à toi...
— Quel est ton but ? Pourquoi m'approcher ?
— L'e-motio de la jalousie...
À cet instant, mes yeux s'ouvrent, démontrant mon étonnement.
— Il lui est arrivé quelque chose ? lancé-je, tournant de ma position.
— Il n'est pas en forme... Il s'est enfermé dans un entêtement des plus irascibles... Il est entrain de...
— De s'automutiler... Il cherche à mourir...
Je baisse la tête, pris par un choix imprévu : dois-je continuer avec le groupe alors qu'ils vont à l'opposé du chemin que je m'étais désignée ? Ou aller voir ce qu'il en est avec l'e-motio de la jalousie ?
Si je choisis de partir, je condamne l'équipe à se débrouiller seule, comme à son entrée dans cette forêt. Au vu de ses capacités, ils ne feront pas long feu.
Si je reste, je laisserai un e-motio que j'ai moi-même blessé et qui a attisé ma curiosité et pour moi, la curiosité est tout ce qui reste en partie de mon passé. Et puis, je risque de laisser passer ma chance de pouvoir atteindre plus rapidement mon objectif.
« Que faire ? »
— Ah ! J'ai d'ailleurs un souvenir que j'ai su conserver... dit le petit e-motio.
— Un souvenir ?
— Regarde...
Je me mets à visionner directement dans mon esprit la fameuse image. Je finis par retrouver le panorama quotidien. La bouche légèrement entrouverte et des yeux lancés en direction du groupe.
Je n'ai pas les mots pour traduire la sensation qui me prend dans l'estomac, me montant jusqu'à la gorge.
Les regards froids se fusillant me laissent perplexe. Hormis cette nouvelle, je sentais que quelque chose clochait ici depuis un moment. Je sais à présent qu'une chose va arriver. Une chose terrible.
Ô mon rêve ! Milliers d'étoiles ! L'étoile bleue, symbole de la flamme d'Atlanta !
— La flamme d'Atlanta...
— Hé, Alpha ! me crie l'e-motio.
Je me tourne vers lui.
— Qu'as-tu décidé ? me demande-t-il.
— Où se trouve-t-il ?
*
* *
Je suis encore entrain de descendre la pente bourrée d'arbres bien trop serrées. Je ne suis pas sûre de comprendre de quel côté je dois me diriger. Je me fie à l'e-motio qui me donne les repères de virage, pour ne pas rencontrer un tronc en plein sur le visage.
— Tes amis viennent de remarquer ton déplacement... me signale la petite créature.
— Est-ce qu'ils tentent de me poursuivre ? demandé-je, tout en sautant d'endroit en endroit tout en courant à une vitesse folle.
Encore un bon souvenir de mon temps à Éris où les courses éreintantes, mais surtout dangereuses, prodiguaient une sensation de bien-être pour l'esprit.
— Eh bien, ils disent que tu dois être entrain de prendre l'air...
— Tu arrives à écouter ce qu'ils disent ?
— J'arrive à écouter différentes choses... à la fois...
— Et donc ?
— Ils commencent à se disputer...
— L'homme masqué a compris que tu es parti...
— Tu veux parler de Selfor ?
— Va pour Selfor...
— Il se met à genoux... là où tu étais assis...
Probablement pour étudier mes traces et le chemin que j'ai emprunté. J'en suis pratiquement sûr, à présent. Son expérience est celui d'un traqueur... C'est vraiment un habitué des chasses. Est-il capable qu'il me rattrape à la vitesse où je m'avance ? Ce qui est certain, c'est qu'il trouvera facilement les traces de mon parcours.
— Est-ce qu'il se met à ma poursuite ?
— Non, il vient de dire que tout porte à croire que tu es parti... Ah, oui... Il se redresse et fait face à ses coéquipiers...
C'est bien — Qu'ils se concertent. Cela me donne le temps de creuser l'écart.
À vrai dire, ma démarche est en tout point celle d'un lâche. J'aurai pu rester jusqu'au lendemain et leur faire part de mon départ, mais je n'y ai pas tenue. Je sais que si j'avais opté pour rester, j'aurai été contrainte de me séparer par la force.
Mais mon action aura indubitablement des conséquences. Le groupe va se sentir fragile. Mais, je ne ressens rien pour mon acte égoïste. Et cela concerne toutes les communautés. Comment puis-je ressentir la moindre emphase si je ne suis même pas capable de produire une émotion positive en moi ?
J'ai eu une chance incroyable de vivre dans la ville angélique. Si ça n'avait été leur tendresse mêlée d'une fermenté parentale, j'aurai fini assassin ou autour d'une corde. Les seules créatures ayant une importance capitale à mes yeux, sont les e-motios. Unique créature pouvant m'ouvrir la voie vers la flamme d'Atlanta qui me permettra de récupérer ce que j'ai jadis perdu.
Une petite pensée à mon fiancé me traverse l'esprit — Oui — je ne l'oublie pas, lui... Je ne l'oublie pas.
— Et que font-ils ? questionné-je, en zigzagant d'un côté à un autre.
— Ils se disputent... celui avec la blessure aux côtes dit que tu n'as pas pu faire ça... Que tu reviendras... Et un autre, le prêtre, réagit de même... Selfor tranche en assurant que tu as pris tes jambes à ton cou...
— Le blessé aux côtes, c'est Eskiell... Et le prêtre, Nsenga...
— Si tu y tiens...
— Ah... Celui que tu as appelé Eskiell indexe Selfor et le menace de fermer sa grosse bouche... Selfor le prévient qu'il est en bonne forme pour un petit accrochage, ce qui monte d'un cran la tension... Eskiell s'avance, le visage lançant des éclairs... Ils vont s'empoigner... Ah... non... Le prêtre serre Eskiell contre lui...
— C'est tout droit ?
— Non, tourne à gauche et puis continue tout droit...
Je vire comme indiqué. Je manque de me cogner contre un arbre aux feuilles mauves, se distinguant de son alentour.
— C'est un plizis que tu viens de rencontrer. C'est un arbre rebelle pour ma part... Il change de forme lorsque les autres tout autour prennent la teinture saisonnière... en hiver, elle sera rouge pour se démarquer... Elle produit des fruits qui peuvent soigner les blessures engendrées lors d'un sort maléfique, mais le revers de la médaille, c'est qu'il faudra y laisser quelque chose de précieux... un cœur, un bras... Une personne qui nous est chère... Ce genre de chose...
— Et le plizis en fait quoi ?
— Il le dévore... Et des années plus tard, la forme de la chose correspondra à un nouvel arbre dans la forêt...
J'ai bien envie d'en comprendre les rouages, mais je n'ai pas le temps. Si je veux pouvoir sauver l'e-motio de la jalousie, il m'est essentiel de ne pas m'arrêter en chemin.
— Que se passe-t-il au camp ?
— Ils continuent à échanger... Eskiell accuse le type à la barbe d'être la cause de tout leur malheur...
— Bordos ! Il ne dit rien ?
— Pas vraiment... s'il le fait, c'est par son silence... Ah... Il veut parler... hum... Il dit... que tu as sûrement mûrement réfléchi à la situation et as revu tes priorités... Et... Il baisse sa tête... ou peut-être que c'est autre chose, rétorque-t-il...
— Je crois que tu peux arrêter la vision... Ils ne sont pas prêts à me suivre...
— Attends... Nsenga prend ta défense... Il dit que tu es sensée... Tu as réussi là où eux n'arrivent pas à s'entendre... Il propose qu'ils revoient leur future démarche s'ils ne veulent pas finir dans le même état qu'Oyphul... Eskiell intervient... Il propose qu'ils aillent chacun de leur côté...
— C'est une bonne idée sous un certain angle... Mais, cela va placer chacun d'entre eux sous la menace d'une attaque directe... dans cette forêt, le moindre pépin peut nous mener à la mort... Sans compter qu'ils n'ont pas tous un sens de l'orientation sans carte...
— C'est Nsenga qui reprend la parole... Il assure qu'il y a quelque chose qui cloche et tu dois l'avoir ressenti... Eskiell lui demande de développer... Selfor coupe la réponse en suggérant de nous déplacer après le repas... Ce serait plus judicieux... Bordos acquiesce et se retourne vers le feu où mijote une soupe... C'est bizarre...
— Qu'est-ce que tu veux dire ? lancé-je tout en prenant de l'élan en apercevant le versant.
Un peu et c'est une montagne — Il y a une vaste étendue d'eau au loin. Courir de nuit est une très mauvaise idée, mais cela n'est qu'une prévention pour les novices.
Pour nous, les aventuriers d'argent, nous traversons les bois comme dans une cour de récré, nous nous battons avec le rien qui nous tombe entre les mains et nous nous melons à toute sorte de peuple.
— Eh bien... ils ont une drôle de tête... remarque l'animal.
— Une drôle de tête ?
— Oui... Ils regardent tous devant eux sauf Bordos... d'ailleurs, il vient de s'en apercevoir et il demande ce qu'il y a... Il regarde dans la même direction... Aïe...
Je stoppe mon élan et me tourne vers l'e-motio pour constater ce qu'il y a.
— Tu as mal, quelque part ?
— Non, mais la connexion... Je n'arrive plus à voir quoi que ce soit... Il y a quelque chose qui bloque...
Je reste un moment à le contempler. Je prends finalement la décision de ne plus attendre.
— Allez, on continue...
*
* *
— Les gars ! murmure Nsenga, pétrifié sur place.
« Vous voyez ce que je vois ? »
— Tout le monde... prononce à basse voix le chef.
« Préparez vos armes... nous n'allons pas dîner ce soir... »
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