Chap III : Une raison de vivre (1/2)
— Je l'observe sortir la tête... Il force sur un cercle noir et caoutchouteux. Libre est-il. Il vient de plonger la tête la première dans un étang. Un arbre aux racines proéminentes se trouve juste derrière lui.
— Il est blessé ?
— Oui, de partout... Il commence à le ressentir aussi. Il a un peu mal à tête... Il se frotte le front. Il ouvre grand ses paupières et examine où il a atterri... C'est un vaste étang avec des arbres le bordant. Le ciel est voilé. Rien à en redire, il est vivant. Un souvenir semble ressurgir... Il cherche ses compagnons, le visage inquiet. Il scande leur nom... Il s'avance de quelques mètres... Cela l'embourbe progressivement dans l'étang. Il s'arrête. Il a du mal à respirer. Son visage scrute sans relâche les alentours. Il lève ses pupilles vers le firmament. Il tonne : « Pourquoi Seigneur... Pourquoi as-tu permis mon retour... si c'est pour ne point les retrouver ? »
» Il baisse sa face et continue à avancer vers un point, non loin de sa sortie. Une dizaine d'acanthacée s'agglutine là. Il voit un arbre aux feuilles violettes qui possède quelques fruits orange. Prêt est-il à sauter quand une douleur l'étreint. Il a mal... Il se crispe, puis se recroqueville. Il reste là... Ah, il se redresse. Il considère ses deux côtés des yeux. Il s'élance vers sa gauche. Il tient le bout d'une tige. Il la coupe et la ramène vers l'arbre — Ah, je vois — Ce sont les palleliassés...
Les palleliassés se rapprochent plus d'une orange au goût et ont la forme d'une papaye, de l'extérieur. L'une d'entre elles vient de tomber. Elle a fini sa course dans l'étang. Ça été rapide. Il se place dans un coin pour manger.
— Je vois... dis-je, comme dévorée par autre chose.
Le paysage face à nous, est totalement différent de celui des autres territoires. J'assiste à un défilé de couleur offert par les plantes alentours : du rose au bleu terne, en passant par du jaune safran. Tout un mélange de propriété m'étant inconnu. Je vois alors apparaître devant nous une horde impressionnante d'infime lumière volant dans le ciel, tels des oiseaux sans ailes. Ce sont des e-motios spirituels, en masse.
— Ce sont mes confrères, intervient Mentio, montant un peu plus en hauteur.
J'ai l'impression qu'il désire les rejoindre. Il me regarde.
— Tu sais, reprend-t-il, ils ne te feront rien. Ce sont des êtres sans vices.
— Désires-tu les rejoindre ?
— Un peu des deux... Je ne veux pas non plus te paraître impoli, mais...
— Raison de plus pour te rapprocher...
Il s'élance. Je le suis à pas régulier et assuré. Je ne me trouve qu'à quelques mètres d'eux, que j'aperçois déjà un être (sept fois plus grand que les autres) qui me parait de la taille d'un phoque terrien.
La créature a une silhouette humaine et le visage de même : un nez écrasé, des yeux marron, des oreilles en pointe, des cheveux bruns et un teint assez pâle. Elle se présente affublée de parures grecques avec une barre en or massif sur le front. Je ne distingue pas ses jambes, cachées sous sa longue robe blanche. Elle m'a l'air transparent à certains moments, lorsqu'elle se déplace. Elle arrive devant moi à douze mètres. Elle m'a remarquée.
— C'est un esprit ? pensé-je, tout haut.
Elle me sourit soudainement, me prenant en considération.
— Tu en as fait du chemin jusqu'ici, Alpha...
— Vous me connaissez ?
— Je suis en connexion avec la Toile. Je savais que tu viendrais. Je sais aussi ce que tu recherches...
— Qu'est-ce que vous êtes ?
— Je suis un e-motio spirituel qui est en charge de l'acheminement des âmes jusqu'au repos éternel.
— Un passeur... Est-ce que vous savez si...
Je la vis lever sa main transparente pour me sommer de ne point continuer.
— Je sais ce que tu voulais me demander... seulement, je ne m'occupe que des humains d'une autre galaxie.
— Une autre ? Il y a donc plus d'un peuple à travers l'espace ?!
Elle me sourit avant de continuer, de sa tendre voix cadencée :
— Étrange que tu dises cela, alors que tu en as la confirmation depuis ton arrivée... Je n'ai malheureusement jamais pu m'occuper de ta famille. Tu m'en vois désolée.
Je l'étudie toujours du regard. Pas si étonnant que le monde soit si envoûtant avec de telles créatures. Elle dégage une aura qui me paraît sortir de tous les recoins de la forêt.
— Ce que tu recherches, reprend-t-elle, se trouve là où peu ont pu avoir accès. Mais, il ne te sera pas donné.
— Comment le sais-tu ? lui demandé-je, étonnée alors qu'un nouveau sourire parsème son visage de poupée.
— L'e-motio de la flamme d'Atlanta n'est pas un être facilement approchable. Beaucoup t'assureront même qu'il s'agit d'une légende. Il n'apparaîtra à aucun humain.
— Merci pour cet échange, dis-je, en forçant sur mon pied droit.
Je n'avais pas l'intention de reculer de toutes les façons. C'est donc un indice crucial qu'elle m'a offert et c'en est fini.
— Attends ! me lance-t-elle.
Je m'arrête sans lui faire face.
— Laisse l'e-motio de la quiétude t'emmener jusqu'à notre frontière. Tu gagneras un temps précieux.
— Tu avoues donc qu'il existe un moyen...
Elle sourit à nouveau.
— Je savais déjà que tu ne ferais pas machine arrière. Le mieux pour te faire entendre raison est que tu ailles voir par toi-même. Tu as tant de choses à découvrir. Tu as un monde plus grand qui s'étend sur des proportions te dépassant. Ce que tu cherches, lui, se situe au-delà du miracle. Si je te donne un levier, c'est pour te voir nous revenir plus vite.
Je n'ai pas changé ma position et ne le ferai pas. Je me décide à poursuivre ma marche. Subitement, quelque chose d'imposant se place devant moi. Je lève les yeux et rencontre la face d'un autre être transparent, mais cette fois, fluorescent. Apparence de panthère et iris doré, je me tiens sur mes gardes. Par endroit, on constate de grosses étoiles brillantes scintiller, près de sa tête. Sa gueule d'un jaune mimosa n'est point édentée. Elle s'abaisse jusqu'à moi et semble me demander quelque chose.
— Il te fait signe de monter... Tu feras mieux de ne pas le contrarier.
Je reste mi perplexe, mi impressionnée par cette bête. Il n'a pas d'yeux, juste une gueule comparable à celle d'un chien, mais sans museau. Il n'a pas non plus d'oreilles, à première vue. Mais pourtant, je suis certain qu'il entend tout ce que je dis. Son immensité est certainement la chose la plus frappante pour moi.
— Impressionnant ! balbutié-je, en fixant la bête tout en percevant l'approche de mon compagnon.
— Eh, Alpha ! Tu ignores qui c'est, c'est logique... C'est le seigneur Célaciel... l'e-motio dévoreur évolué des spirituels. Il s'est déplacé exprès pour t'aider à franchir la frontière, c'est non négligeable...
Je me garde de tout commentaire. L'e-motio spirituel ne tarde pas à revenir à la charge :
— Sois prudente, Alpha... tu nous es précieuse. On te demande de survivre par n'importe quel moyen. Là où tu vas, ils ne seront certainement pas aussi tendres que nous...
— Je te remercie pour tes conseils, Célaciel ! lancé-je, sans détourner les yeux de la bête face à moi.
J'arrive pourtant à l'entendre glousser avant de me répondre distinctement :
— Alpha ! Bienvenue dans la Toile...
Soudain, je vois Mentio gesticuler dans tous les sens, comme inquiété par un danger.
— Qu'y a-t-il, Mentio ?
— C'est le prêtre... Il semble redouter quelque chose... Je suis assez loin de sa position, mais je me rapproche un peu plus.
— Ne perdons pas une seconde et allons à la frontière. Raconte-moi tout en chemin.
Je me rapproche de Célaciel et touche le bout de sa gueule, sans museau. Immédiatement, nous nous retrouvons comme aspiré par lui et volant au-dessus du district. C'est à cet instant que mes yeux contemplent intensément le paysage exotique qui m'est offert.
En chaque partie de la topographie, des arbres agglutinés dessine un ensemble de point, donnant au final une forme logique : Il s'agit de ma tête — je n'en reviens pas — est-ce un mirage ? Ou le fait d'être en synergie avec Célaciel me donne des hallucinations ? Subitement, je comprends que le monde tente de me saluer, à sa manière.
Comme si cela ne suffisait pas pour m'émerveiller, j'aperçois un mouvement inconcevable : les arbres se déplacent à vue d'œil et cela à une vitesse renversante, tel un pâturage en course. La teinte du territoire d'un rose et parsemée de rouge, de bleu et de jaune par endroit, se transforme totalement en orange, puis en vert profond avant d'afficher un blanc immaculé.
Que peut bien signifier tout ceci ?
— Ton ami ne se sent pas tranquille, prononce Mentio.
Je pivote vers mon e-motio. Il ne me regarde pas. Sa face inclinée cherche une pleine concentration.
— Il craint l'arrivée de quelque chose. Il pense à une ombre.
Une ombre ? Serait-ce un e-motio dévoreur ?
— Il grimace... La douleur de sa plaie à la jambe le pousse à placer sa main droite dessus. Cela ne l'empêche pas de surveiller les alentours. Il halète. Il s'arrête de gémir et laisse tomber sa jambe. Il observe un point caché par les feuilles énormes de la forêt. Le prêtre ne réfléchit plus, on dirait... Il est comme perdu dans ses souvenirs. Il commence à courir... Il fait fi de ses douleurs et court plus vite qu'il ne devrait...
— Arrives-tu à déceler ce qui le met en alerte ?
— Non, mais je vois une ombre qui le poursuit. L'homme continue sa course en jetant une ou deux fois un œil derrière lui... Il double la cadence. Il est hors d'atteinte. Il tombe sur une clairière. Le ciel est bleu avec quelques petits nuages... C'est encore le matin.
— Il se situe où par rapport à l'endroit où nous avons cheminé ?
— Cinq kilomètres près du lac où toi et moi avons rencontré l'e-motio de la jalousie... Attends, il a été rattrapé... Il se tient debout... Il s'est retourné... Il attend tout en récupérant son souffle. Il souffre le martyr et n'arrête pas de jeter sa force dans le vide. Il considère le coin de la forêt d'où il est sorti. Quelque chose bouge. Il prête attention... Il n'arrive pas à discerner ce qu'il voit, mais je dirais qu'il s'agit de deux iris rouges qui le scrutent. Son visage déglutit. Il n'attend plus, il replonge dans la course. Il dépasse la clairière. Il arrive sur le terrain des bambous. Il accélère... Son corps ne le supporte clairement plus. Il force sur son cœur et trouve un moyen de garder une allure soutenable. Il se tourne vers la droite... Quelque chose a attiré son attention... puis, sur la gauche... Il y a une créature qui réagit directement à son regard... Il remarque deux yeux orange qui le visent, sur un corps ombragé. Le monstre sort une main distincte que le prêtre reconnaît être celle d'un e-motio dévoreur. Il est arrivé à l'approche d'une nouvelle partie dégagée — Là — Une attaque...
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