Une terre à conquérir
Thorfinn Karlsefni observait les navires qui approchaient avec crainte. Il avait déjà espéré quitter cette terre maudite, rentré chez lui ou au Groenland, il avait d'ailleurs déjà commencé avec sa colonie les préparations, mais les trois snekkar qu'il apercevait étaient des vaisseaux parfaits pour les voyages et la guerre. Thorfinn n'avait plus envie de lutter. Il voulait juste rentrer, vivre une vie paisible. Les bateaux accostèrent et un frisson le prit. Il y avait soixante hommes, lourdement armé, un prêtre, mais aussi cinq femmes, dont certaines aux ventres déjà ronds. Le chef de cette compagnie s'avança vers lui :
— Thorfinn Karlsefni ? demanda-t-il.
— Lui-même.
— Je suis Baldrik Ingvaldsson. Nous sommes venus te rejoindre dans la conquête de cette terre.
— Nous partons mon ami. Les Skraelings nous rendent la vie impossible.
— Alors nous les combattrons. Ne sommes-nous pas de féroces guerriers ? Notre peuple a affronté bien pire. Et j'ai ramené de quoi nous aider !
D'un geste de la main il indiqua les cages renfermant les terribles vouivres qui s'agitaient.
— Fais ce que tu désires mais les miens me suivront au Groenland.
— Les nôtres désertent cette terre là aussi, lui apprit Baldrik. C'est pour cela que nous t'avons rejoint.
— Alors c'est chez nous que nous rentrerons. Sur nos terres d'origines.
— Moi je reste ! affirma le nouvel arrivé. Il ne faut pas abandonner ces terres nouvelles, je le sens. Nous nous battrons. Comme nos ancêtres l'ont fait. Ils ont mis l'Europe à feu et à sang, maintenant c'est au tour du Vineland d'apprendre à nous craindre.
Thorfinn soupira. Lui aussi avait eu tant d'espoir en arrivant ici. Mais ces Skraelings étaient redoutables et avaient miné son moral.
— Nous n'avons pas conquis l'Europe et je doute que tu conquerras cette terre, déclara-t-il calmement.
— Notre peuple a abandonné, il a préféré abjurer la religion de nos pères pour celle du dieu unique, s'installer, renoncer aux conquêtes alors que s'il avait continué de se battre le continent aurait été à nos pieds.
Peut-être disait-il vrai. En partie mais il n'y avait pas que cela. Il fallait reconnaître que leurs ennemis avaient été redoutables et que s'ils avaient adopté leur vie, c'est qu'elle était bien plus agréable que la leur.
— J'en doute, dit-il d'ailleurs.
— En tout cas je continuerais de suivre la voie de nos ancêtres plutôt que celle qu'a choisie mon peuple, s'acharna Baldrik.
— Je ne t'en empêcherais pas.
— Me laisseras-tu parler aux tiens ? Peut-être certains accepteront de me suivre.
— Très bien. Mais laisse-moi parler au tiens aussi.
— Si tu veux. Mais ils m'ont tous suivis pour la même raison. Je doute que tu rallies un seul à ta cause.
— Même le prêtre ?
— Surtout lui. Il n'abandonnera pas des hommes à convertir ou des fidèles.
Thorfinn accompagna le nouveau venu jusqu'à Stromfjörðr, lui présenta son tout jeune fils Snorri né sur ces terres ainsi que le reste du village. Il fit un discours à chacun, expliquant qu'ils partiraient bientôt, qu'il était temps de regagner leurs terres natales, reprendre une vie plus calme et quitter ces terres de malheurs, qui fut acclamé par son camp. Le nouveau venu expliqua ensuite lui son intention de rester, de se battre pour ces terres, de suivre la voie de leurs ancêtres, de rester le peuple qui effrayait tant l'Europe plutôt que de devenir plus qu'un lointain souvenir, une légende, en se mêlant aux autres. Qu'ils allaient vaincre ces Skarelings et s'installer sur ce sol nouveau où l'on apprendrait à les craindre. Thorfinn vit certains des siens rejoindre cet homme, une trentaine d'homme sur les deux cents qu'il avait. Des femmes également, certaines accompagnant leurs époux, mais d'autres désireuses de s'unir à la quête de ces hommes-là.
Et l'homme eut une pensée pour eux en quittant quelques jours plus tard le Vinland. Ils faisaient une erreur. Il le sentait dans ses tripes. Ils le comprendraient très vite. En attendant, lui décidait de rentrer. Il sourit à son petit Snorri qui grandirait dans un monde bien plus paisible.
Baldrik lui sourit à Alfgard, une des jeunes femmesrestées avec eux, persuadé d'être sur le bon chemin. Il avait pitié de ceshommes qui repartaient en Europe, qui allait adopter des coutumes, une vie, unereligion qui n'était pas la leur, jusqu'à se perdre. Lui ne ferait pas rougirses ancêtres. Il conquerrait ces terres. Ses vouivres, ses sorcières, sesguerriers, ses prêtres et ses colons l'y aideraient. Ou alors ils mourraient,mais ils mourraient sans honte, dans la gloire, en s'étant battu pour sescroyances et rejoindraient le Valhalla.
Prequel à L'oeil de la vouivre
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