Un nouvel empire
Par la fenêtre du château, le seigneur Villaz examinait la ville qui se dressait en contrebas un sourire victorieux aux lèvres. Tout cela était à lui. Qu'on ose maintenant lui affirmer qu'il n'était qu'un bâtard ou un bon à rien. Il avait conquis les terres d'un des plus vieux seigneur du royaume, ce dernier s'était même rendu dès qu'il avait pénétré le château avec son armée et avait fui devant lui.
Il se détourna et se dirigea vers la table derrière laquelle ses hommes les plus fidèles attendaient sans un bruit, pas même celle d'une respiration, sans un mouvement, pas même celui d'un battement de cil.
Il se pencha vers la carte étalée sur la longue table et au fusain noirci toute la seigneurie qui était désormais sienne avant d'observer avec contentement le résultat. Son territoire était bien grand à présent.
Il eut une pensée pour son père qui l'avait toujours considéré comme un ennui. Il avait non seulement rajouter aux terres qu'il lui avait légué, les siennes qui aurait dû lui revenir et maintenant une autre seigneurie. Il était devenu le seigneur le plus puissant du royaume. Il espérait que là où il était, probablement l'enfer, son père verrait cela et qu'il regrettait toutes ces brimades, tous ses coups et même toutes ces pensées négatives à son encontre.
Un homme entra alors, jetant un regard frissonnant aux hommes qui n'avait pas remué, avant de s'incliner. C'était Jocko, son fidèle capitaine.
— Seigneur Villaz nous avons trouvé quelque chose dans les cachots.
Il semblait bien trop hésitant.
— Quelque chose ? C'est-à-dire ?
— Une femme. Solidement attachée. Elle... Le corps du seigneur Kartan est à ses pieds.
Le capitaine patienta la peur au ventre, craignant que son seigneur ne considère qu'il l'ait dérangé pour une broutille. Villaz attendait justement de manière intentionnelle. Il aimait qu'on le craigne lui et sa garde. Néanmoins la curiosité était grande et il lâcha :
— Il faut que je voie ça !
Il suivit donc son capitaine, et ses fidèles gardes lui emboitèrent le pas d'un simple ordre mental. Le fuyard tué par une de ses prisonnières sans qu'elle se détache. Il y avait de quoi rire. Et de quoi intriguer aussi. C'était probablement une magicienne ou une sorcière. Son prédécesseur l'ignorait-il ou au contraire l'avait-il fait enfermer pour cela ? La plupart des gens étaient si ignorant de la magie, ne sachant pas que des chaines ne les empêcheraient probablement pas d'en faire.
Il arriva aux cachots, accordant à peine un regard aux prisonniers, la plupart seraient rejugés en temps voulu. Enfin l'on arriva au cachot de la femme. Elle était probablement encore jeune, il n'aurait su le dire, vêtue de guenilles, couverte de crasse, ses cheveux bruns emmêlés, il était difficile de deviner, mais son visage était encore lisse. Le regard qu'elle jeta sur lui était brillant, volontaire, terrifiant. Il jeta un regard sur le corps. Un air effrayé sur le visage, les yeux écarquillés de terreur, il laissait encore échapper une fumée noire. Un frisson se saisit de Villaz. La magie qu'il sentait sur le cadavre n'était ni de la sorcellerie, ni de la magie de base, mais quelque chose de sombre, de corrompu, du mal à l'état pur.
Il se tourna à nouveau vers la femme qui le dévisageait avec un sourire amusé.
— Seigneur Villaz, prononça-t-elle. Vous êtes voué à un grand avenir.
L'intéressé ne frissonna pas. En réalité il ressentait plutôt une curiosité malsaine. Et puis ce qu'elle venait d'annoncer ne pouvait que lui plaire.
— Comment t'appelles-tu ?
— Je n'ai pas de nom.
L'examinant une dernière fois il ordonna :
— Faites couler un bain ! Et préparez une des robes de l'épouse de Kartan.
Jocko semblait hésiter. Il comprenait que ce dernier avait peur de cette femme maléfique qui avait pu tuer un homme en restant attachée.
— Je l'emmènerais ! De toute façon si elle avait voulu s'échapper, ça aurait déjà était fait.
— Vous êtes plus malin que la plupart Seigneur Villaz ! complimenta-t-elle.
— Moins ignorant nous dirons.
Et il la détacha et d'un signe de la main deux de ses gardes personnels qui n'avaient exprimés aucune émotion l'encadrèrent. Ils remontèrent vers des salles mieux éclairés et d'une température plus agréable.Aux côtés de la cuve remplie d'eau chaude où il l'avait amené attendaient deux servantes qui écarquillèrent les yeux de terreur
— Sortez ! ordonna Villaz.
Il ferma les yeux un moment et appela deux femmes d'un autre temps.Elle apparurent, les yeux vies d'émotions.
— Aidez la demoiselle à prendre un bain et à se vêtir !
Elles obéirent et la prisonnière se laissa faire et alors qu'elle mit un pied dans la cuve il aperçut le volcan noir sur sa cheville. Cela lui était étrangement familier. Il la laissa et remonta à la salle qui était devenu son quartier général. Jocko l'y attendait.
— Qu'on aille me chercher un garde ou n'importe qui qui saurait pourquoi cette femme était dans ce cachot et qu'on me laisse ! ordonna le seigneur pensif.
La salle se vida, laissant Villaz seul avec sa garde rapprochée qui n'avait pas cillée. Le seigneur s'assit pensif. Il savait ce que signifiait la marque sur la cheville. Cette femme venait des terres Carbona puisque ce volcan s'y trouvait mais qu'était-elle ? Car il était évident qu'elle n'était aucune des créatures vivant là-bas. Ni même une humaine conventionnelle. Il l'avait déjà vu pourtant cette marque !Il ne savait plus où.
— Aucun de vous ne sait qui elle est ? demanda-t-il à sa garde en désespoir de cause.
Ils firent signes que non. Comment aurait-il pu ? Ils n'étaient personnes. Et dire que lui savait, il en était certain, mais impossible de se souvenir !
Jocko entra alors avec un homme :
— Sire voici le capitaine de la garde de Kartan ! Il sait d'où viens la femme !
— Je vous écoute ! dit Villaz les bras croisés.
— Ce n'est pas une femme mais un démon ! Il faut l'emprisonner immédiatement avant qu'elle ne fasse encore du mal.
— J'en jugerais selon les informations que vous me donnerez alors parlez !
— Cette femme est... Mon maître ne s'est pas laissé abusé par ses pouvoirs lui, peu importe qu'elle sache l'avenir, qu'elle puisse soumettre ou accomplir tout ce qu'elle veut, elle n'est que destruction. Un des comtes sous l'autorité de mon maître la lui a ramenée. Elle avait été hébergée par un de ses vassaux, à qui elle avait rendu quelques services avant de le détruire lui et de bruler tout son village. Le comte a réussi à l'attraper et cette femme l'a persuadé qu'elle serait une alliée de choix pour mon maître. Sauf que mon maître n'était pas un simplet.
Sans plus écouter l'homme Villaz sortit de la pièce et courut jusqu'à la femme encore dans le bain :
— Tiens le seigneur Villaz a compris ! déclara-t-elle en souriant.
Elle ressemblait vraiment à quelque chose désormais Ses cheveux avait certes encore besoin d'un coup de brosse mais la crasse était partie et la femme sous ses yeux était non seulement désirable mais semblait tout faire pour qu'il la désire. Il se força à ne pas laisser son regard se perdre sur le corps sensuel de la créature, de ne même pas regarder le haut de sa poitrine qui n'était pas immergé et planté son regard dans ses yeux verts.
— Comment s'appelle-t-il ? Le démon qui est en toi ?
— Cela n'a aucune importance Villaz ! Ce qui compte c'est ce que tu comptes faire de moi.
Elle avait un sourire enjôleur. Que faire ? Il ne pourrait pas lutter. Pas contre un démon.
— Savoure ton bain ! Ensuite nous aviserons.
Assis sur son fauteuil, perdu dans ses pensées, il se demandait encore ce qu'il convenait de faire. Si elle pouvait voir l'avenir c'est que le démon en elle était des plus puissants. Il savait tout d'abord qu'il ne pourrait qu'être bon avec elle, sinon elle le détruirait. Mais il était hors de question d'être son esclave. Il ne lui demanderait rien.
Alors il demanda à ce qu'on dresse une table pour lui et son invitée et observa longuement sa carte, se demandant pourquoi cela lui tombait dessus le jour de sa victoire.
Il sentit sa présence avant même qu'elle ne s'approche de lui, frôlant son dos de ses doigts, puis son bras avec ses cheveux désormais propres, avant de se glisser de l'autre côté de la table, face à lui. Il sourit devant ce qu'elle avait fait de la robe, car jamais la veuve de Kastan n'aurait porté une robe si décolletée et fendue. Cette créature voulait l'avoir à ses pieds. Mais il ferma les yeux. Il devait être plus fort.
— Alors Seigneur Villaz ! Que vais-je devenir ?
Elle semblait plus amusée que vexée du contrôle qu'il exerçait sur lui-même.
— J'ai fait dresser une table pour nous. Avez-vous faim ?
— Je mangerais avec plaisir !
Il lui tendit le bras, comme si elle était une dame de haute naissance. Elle le prit et marcha à son bras avec un sourire amusé qui ne quitta pas ses lèvres si tentatrices tandis qu'il la fit prendre place ou alors qu'on lui servit un festin de roi.
— Vos servantes ont peur de moi.
— Ce sont celles du château ! L'ancien propriétaire a dû dire des horreurs à votre sujet. Pourquoi être resté ?
— Pour vous rencontrer, affirma-t-elle.
— J'aimerais la vérité.
— Et pourquoi ne serait-ce pas la vérité ? Vous êtes voué à un grand avenir. Ensemble nous pourrions faire des merveilles.
— Je sais qu'il serait stupide de vous demander quoi que ce soit.
— Pourquoi ne pas juste écouter mes conseils ?
— Pourquoi vous ferais-je confiance ?
— Parce que je veux faire de vous l'empereur des hommes.
Il posa son regard sur la femme. Tout chez elle la tentait, ses mots, son regard, chaque recoin de son corps qu'elle dévoilait ou non. Il allait craquer. Devenir empereur. Se venger de Maïk et de ce qu'il lui avait fait subir enfant. Il n'osait pas même y rêvé avant. Mais maintenant qu'elle avait prononcé ces mots l'idée lui semblait être parfaite.
— Pourquoi ne pas plutôt partir et continuer vos projets ! Je ne vous en empêcherais pas.
— Je sais. Vous savez comment il convient de me traiter. Vous êtes un des rares. Et il est bien plus agréable d'être traité comme une princesse que de semer la terreur aux quatre coins du monde. Je ne serais qu'une conseillère, une très bonne puisque je peux voir le futur. En contrepartie vous continuerez de me traiter et m'entretenir si bien.
Cela semblait si simple. Et pourtant cela ne pouvait qu'être un piège.
— Il faudra que je vous cache aux yeux de tous. Ou l'on vous convoitera.
— Tant que je ne suis pas enfermée faites comme bon vous semble.
— Pourquoi moi ?
C'était trop beau. Il n'était personne.
— Parce que vous êtes un homme comme je les aime, le cœur criant vengeance, mais qui sait réfléchir et se cultiver et puis vous frôlait déjà l'obscure.
Elle posa son regard sur les gardes derrière lui. Il savait très bien à quoi elle faisait référence.
— La nécromancie est un art neutre, se justifia-t-il.
— Oh il n'est ni un art du bien, ni un art du mal mais vous savez comme moi qu'il tend énormément vers ce dernier. Alors pourquoi cela vous embête-t-il de franchir cette ligne ? Ou plutôt de collaborer avec quelqu'un qui la franchit, qui l'a franchi sans en avoir envie en plus ?
— Dites-moi le nom du démon en vous et j'y réfléchirais. Sinon je jurerais que vous ne me ferez pas confiance et donc je n'aurais aucun intérêt à vous offrir la mienne.
— Salaam ! annonça-t-il. De mon vivant je m'appelais Salaam. L'humaine elle, a oublié qui elle était.
Salaam, le roi des démons. Il n'avait aucune chance de lutter. Mais s'allier à lui ?
— Vous est-elle soumise votre porteuse ?
— Non. Elle garde souvent la maîtrise. Demain ce sera probablement elle que vous connaitrez.
— Et elle acceptera notre arrangement.
— Croyez-vous que j'ai choisi la première venue ? Je sais que la femme qui me porte continuera. Elle aimera le luxe que vous lui offrez après des siècles de vagabondages, elle aimera avoir quelqu'un qui ne la regarde pas avec peur, et je ne doute pas qu'elle aimera votre compagnie comme elle aimera être aux côté du futur empereur des hommes.
— Alors je deviendrai empereur. Avec vos conseils. Et vous deviendrez la plus grande dame de la cour.
Allongé sur le lit du Seigneur Kartan, Villaz se demanda s'il n'avait pas fait une erreur. Il avait conclu une alliance avec un monstre. Mais un monstre très puissant. Qui voudrait sans doute faire de lui un allié. Ou pas. De son séjour chez les fées il avait surtout retenu que ces créatures voyait bien plus loin qu'une vie humaine. Peut-être que ce n'était pas avec lui qu'il s'allierait mais avec un de ses descendants, qui l'aurait toujours côtoyé, qui serait bien installé sur son trône. C'était d'ailleurs plus probable. Et cela lui sembla plus facile d'être en paix avec sa conscience. Si son descendant faisait le mal il n'y était pour rien. Et peu lui importait, tant que lui entrait dans l'histoire.
La porte s'ouvrit sur elle, un voile sombre couvrant son visage. Moins de gens la verrait, mieux ce serait. Personne pour pouvoir la décrire et attirer l'attention des fées ou de personnes malveillantes. Devant lui elle fit tomber son voile dévoilant une robe bien plus moulante, en dévoilant encore plus qu'au dîner. Oui c'était probablement sa descendance qu'elle voulait, songea-t-il alors que la femme fit tomber sa robe au sol dévoilant le corps qu'il avait tant tenté de ne pas regarder.
Désormais ils étaient alliés. Il pouvait bien le regarder, ses courbes, son intimité même, qui faisaient monter en lui le désir. Elle grimpa sur le lit, sur lui aussi sans qu'il ne l'en empêcha. Il la laissa aussi l'embrasser savourant ses lèvres si délicieuses, le contact de sa langue. Peut-être faisait-il une erreur mais bon sang qu'elle était agréable. Et elle ne se recula que pour défaire ses vêtements à lui. Leur lèvres se joignirent encore et encore, leurs corps aussi et elle s'endormit contre lui.
Quand elle ouvrit les yeux il était déjà levé, s'habillant en observant cette femme illuminée par la lumière du petit matin, toujours aussi désirable. Elle sembla étonnée, perdue, en croisant son regard, puis en examinant la chambre. Et constatant sa nudité elle se couvrit rapidement de la couverture.
— Où suis-je ? Qui êtes-vous ?
Elle ressemblait à une biche égarée et effrayée. Même ainsi il la trouvait désirable.
— Je suis le Seigneur Villaz. Vous êtes chez moi. Et vous êtes mon invité. Nous avons vous et moi des affairesen commun.
— Vous devriez fuir !
— Ne vous en faites pas pour Salaam. Il ne me fera rien.
— Vous savez ?
— Oui. Tout. C'est pour ça que vous et moi allons devenir de très bons alliés. Quel est votre nom ?
— Je n'en ai pas, confessa-t-elle la tête basse. Ou si j'en possède un je l'ai oublié depuis tout ce temps.
— Alors je vous appellerais Meliana, comme la belle Meliana qui a aidé a fondé le royaume. Parce que vous êtes en passe de devenir ma Meliana, celle qui va m'aider à fonder un nouveau royaume, ou plutôt un empire.
Prequel à l'oracle de Salaam.
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