Poussière de marbre
Athanasia bondit de son lit bouleversée.
— Pitié ne faites pas ça ! supplia-t-elle à genoux.
Mais son époux la transperça du regard.
— Tu ne peux que t'en prendre à toi-même ! Si tu m'avais donné un fils ou une meilleure dot alors on aurait pu garder cet enfant. Mais puisque c'est une fille elle doit mourir. Elle me coûterait trop chère.
— Je vous en prie Alexandros ! Je vous donnerais un fils ensuite je le sais. Mais laissez-moi ma fille !
— Je consentirais peut-être à vous laissez garder une fille quand vous m'aurez donné un fils !
Avec un regard de mépris il quitta la chambre. Elle voulut le rattraper mais se sentit trop faible pour cela. Écroulée au sol elle pleura, hurla, supplia les dieux. Mais nulle clémence ne lui fut accordée.
Elle entendit de l'autre côté de la porte son époux revenir dans la partie de la maison qui lui était réservée. Alors elle se recroquevilla encore plus. Il l'avait fait. Il lui avait arraché son enfant, assassiné leur bébé, simplement parce que c'était une fille. Jamais elle n'avait pensé pouvoir autant haïr quelqu'un que cet homme qui était pourtant son époux. Les dents serrées de rage elle regagna son lit, où elle ne pouvait que reprendre des forces.
Si seulement elle était morte en donnant naissance. Elle n'aurait pas eu à vivre cela. Peut-être aurait-il épargné l'enfant. Et elle aurait alors rejoint sa première fille, emportée par une fièvre maligne. Son premier époux ne lui avait pas arraché son enfant sous prétexte que c'était une fille lui. Il l'avait même aimé cette petite, qui recevait tous l'amour que ses parents n'avaient jamais été capable de se donner. A sa mort ce fut l'unique fois où elle vit cet homme fort et fier pleurer. Ce fut la seule fois où elle se sentit proche de cet étranger qui passait son temps à la guerre ou qui était trop différent d'elle pour qu'il y ait la moindre affection entre eux. Elle n'avait même pas pleuré quand on lui avait annoncé qu'il ne rentrerait pas d'une énième bataille. Elle aurait dû.
Dire qu'aujourd'hui elle le regrettait. Mais si elle avait su que devenir veuve signifier se remarier peut-être aurait-elle versé quelques larmes. Même si elle n'aurait jamais pu prévoir qu'on la donnerait à un monstre. Son père avait-il donc si peu d'affection pour elle qu'il l'ait offert à cet homme ? Il savait pourtant quel homme c'était. Il s'était retrouvé trop souvent à convoiter leurs biens familiaux, trop souvent il était passé à deux doigt de ruiner son père et racheter tous leurs biens. Sans doute son père avait-il pensé en l'offrant qu'il éloignerait la menace qu'il représenterait. Et pourtant même son sacrifice n'avait pas suffit. Il avait fini par forcé son frère à lui vendre tout ce qu'il possédait pour s'en sortir une fois que leur père était mort dans de mystérieuses circonstances.
Allongé dans son lit encore épuisé de son accouchement elle réfléchit à comment faire payer à cet homme qui lui avait tant pris.
Déambulant parmi les échoppes elle trouva celle de Scamadrius un riche isotèle qui pourrait lui fournir ce qu'elle désirait. C'était un homme à la peau brune et aux cheveux très noirs. Elle lui avait déjà demandé par le passé d'où il gardait le mystère sur ses origines, affirmant avoir voyagé toute sa vie, alors même que de mémoire d'homme lui et sa famille avait toujours vécu à Athènes.
— Athanasia ? s'étonna-t-il.
— Vous semblez surpris de ma venue.
— Eh bien vous êtes passé par de durs épreuves il y a peu. J'imaginais que vous resteriez chez vous, vous remettre un moment. A moins que vous ne veniez cherchiez un remontant ?
— Non. Je viens vous acheter un poison.
Il la dévisagea surpris. Néanmoins elle soutint sans trembler son regard. Alexandros allait payer. Il avait pris la vie de sa fille, elle prendrait la sienne.
— Rentre chez toi. Je ne pense pas que tu ais les idées clair.
— Au contraire. J'ai n'ai jamais était aussi sûre de ce que je devais faire.
Absolument. La solution à tous ses soucis lui était vite apparue. Certes on la remarierait encore sans doute. Probablement à l'oncle d'Alexandros un homme toujours occupé par ses affaires. Au moins il ne lui inspirait pas de répugnance malgré son âge plus si jeune.
— As-tu pensé aux risques que tu encoures ? lui demanda le commercant.
— Je n'ai pas peur. Je suis prête à subir n'importe quel châtiment pour cela.
Elle n'avait plus rien à perdre, elle avait perdue deux enfants. A quoi bon vivre encore ? Dans les yeux si noir face à elle naquit un éclat d'admiration.
— Athanasia vous êtes une femme incroyable. Une vraie battante. Alors rentrez chez vous, ne faites pas ça et vivez une vie encore longue.
— Non !
Ils se dévisagèrent un moment en silence. Puis il inclina la tête.
— Vous ne méritez pas ça en effet Athanasia. Ni même le châtiment qui vous attend si vous assassinez votre époux, un citoyen d'Athènes.
— Il faut pourtant faire un choix. Le mien est fait.
— Suivez-moi !
Elle lui obéit et se rendit compte avec étonnement qu'ils se rendirent chez lui, une demeure bien plus spacieuse et luxueuse que la sienne. Il la mena même dans une aile qui servirait d'extension, encore en construction, les colonnes de marbres n'étaient encore que des blocs de pierres brutes.
— Que fait-on ici ?
— Je viens t'offrir la liberté.
Il l'attira dans ses bras, elle se débattit, tenta de se dégager mais il était aussi résistant que le marbre qui soutenait sa maison. Elle sentit alors sa bouche qui se collait à son cou et la douleur naquit sur cette partie de son corps tandis qu'elle sentait son sang s'échapper.
Elle tentât de se libérer, hurla à l'aide, mais dans cette partie isolée de l'habitation il n'y avait personne et son étreinte était froide et dure comme le marbre. Se sentant faiblir, quand il la lâcha elle s'écroula au sol dans la poussière de marbre.
Il la souleva sans problème et l'allongea dans un lit. Elle s'en rendit à peine compte, se sentant fébrile. Elle frissonnait et avait pourtant si chaud. Tous les sons lui parurent étouffés, sa vue devint floue. Terrifiée elle ignorait ce qui se passait. Allongée chez cet homme elle tenta de se mouvoir, de se sauver, mais elle ne parvenait pas à bouger. Elle se sentait si mal. Les heures ou peut-être les jours s'écoulèrent et elle ne se sentait que de plus en plus mal. Elle finit par fermer les yeux et s'endormir, trop épuisée.
Athanasia ouvrit les yeux allongé sur un lit dans une demeure luxueuse sans se remémorer quoi que ce soit. A part qu'elle haïssait Alexandros. En se redressant elle découvrit qu'un métèque était assis à son chevet.
— Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Que se passe-t-il ?
— Calme-toi Athanasia ! Il y a des choses que je dois t'expliquer.
— Qu'est-ce que vous m'avez fait ? paniqua-t-elle.
— Je t'ai offert une nouvelle vie. Désormais tu es une vampire. Comme moi. Comme mon fils qui est tout autant mon fils que tu es ma fille. Plus personne ne pourra te soumettre, plus personne ne pourra te faire de mal. Tu es libre.
Libre. Elle laissa ce mot l'envahir, la combler. Elle ignorait ce qu'avait était son passé mais elle n'avait probablement jamais connu la liberté. Se levant alors elle se sentit forte.
— Viens !
Elle suivit celui qui lui avait offert cette vie jusqu'à l'aile en construction de sa maison. Un ouvrier y taillait la pierre.
— Prends !
Avec appétit elle se jeta sur cet homme qui tenta de protester mais elle enfonça ses nouveaux crocs dans sa jugulaire. Il se débattit, mais c'était comme un petit animal craintif. Il ne parvint même pas à la faire bouger. Quand elle eut fini il s'écroula mort dans la poussière de marbre.
— Bien. Maintenant revenons dans la partie principale de la maison, j'ai encore beaucoup de choses à t'expliquer.
Avant de lui emboiter le pas elle observa une dernière fois cette salle, observant le corps à ses pieds songeant à quel point elle se sentait forte, maîtresse de son propre destin. Elle aimait cette sensation.
Passant sa main sur les colonnes en sortant de la pièce, elle se les macula de fine poussière blanche. Cela semblait lui évoquer quelque chose. Elle avait déjà connu ça, récemment même. Mais impossible pour elle de se rappeler.
Elle décida que ce n'était pas important. Désormais rien ni personne ne pourrait l'atteindre.
Et quoi que lui ai fait cet Alexandros il allait souffrir.
Prequel à Madison Brown
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