Dame Livia embrassa sa petite Bianca avant de la reposer dans son petit lit.

— Pourquoi doit-elle déjà retourner au lit ? questionna le jeune Zénon, l'autre enfant de dame Ava.

— Les nourrissons comme votre sœur dorment beaucoup mon seigneur, intervint la nourrice. Alors embrassez-là et laissons-la dormir.

Le petit garçon obéit, comme ses parents il était fou de cette magnifique petite sœur. Puis ils quittèrent la pièce.

Ce soir-là le Seigneur Saturnin donnait une immense réception pour célébrer la naissance de sa fille. Un interminable banquet qui nécessitait la mobilisation de tous les domestiques et que Zénon du haut de ses quatre maigres années de vie trouvait absolument ennuyeux. Il profita du fait que les adultes étaient tous passablement avinés et les domestiques trop occupés à les servir pour s'éclipser vers la petite chambre de sa sœur et la nourrice. Cette dernière dormait à poing fermé. Lui s'avança vers le petit lit où reposait le bébé qui sommeillait.

Avant qu'il ait pu faire un geste la fenêtre s'ouvrit et il se cacha dans un coin, sachant qu'il n'avait pas le droit d'être ici et craignant d'être grondé ou puni. Une femme, un autre bébé dans ses bars entra par cette ouverture. C'était la femme la plus éblouissante que l'enfant ait jamais vu.

Elle déposa son bébé dans le petit lit aux côtés de sa sœur et prit cette dernière dans ses bras. Alors son regard se posa sur lui. La panique le gagna à l'idée qu'elle le réprimande. Toutefois elle lui sourit avec douceur. Il se sentit alors très étrange, comme si il avait de la fièvre.

— Ne t'en fais pas mon enfant il ne va rien arriver de mal. Tu vas oublier m'avoir vu dans cette chambre et aller te coucher.

Sans réussir à penser il obéit et quitta la chambre pour rejoindre son lit. Il ferma les yeux et le souvenir de cette femme s'évapora de sa mémoire. Elle pourtant serrait toujours la petite Bianca contre son cœur en observant le bébé qu'elle venait tout juste de déposer dans son lit avec amour.

— Adieu Saveria. Ces humains prendront soin de toi.

Elle déposa un baiser sur son crâne et partit avec l'enfant humain dans ses bras. Elle avança dans la forêt jusqu'à la frontière entre les mondes. Elle la passa sans hésiter, emportant définitivement Bianca loin de chez elle. Alors elle continua de marcher jusqu'au lever du soleil. Là apparut enfin le temple qu'elle cherchait. De nombreux oiseaux étaient posés sur son toit et sur la statue à l'entrée.

Elle passa à ses côtés en une discrète révérence et rentra dans le temple où de nombreux oiseau se tenaient sur les dossiers des bancs ou sur l'autel. En dehors des oiseaux il n'y avait que deux autres êtres, un homme tenant fermement un bâton et une fée aux longs cheveux dorés. Elle posa le nourrisson sur l'autel et s'inclina :

— Voilà l'enfant d'humain ma dame. Je l'ai échangé comme exigé.

— La dame aux oiseaux te remercie, annonça la fée en tenant la fillette dans ses bras.

— Tu l'as bien échangé contre la fille du Seigneur Saturnin comme notre dame l'exigeait ? questionna l'homme.

— C'est bien ce que j'ai fais.

La fée montra l'enfant à l'humain qui fit un signe d'appréciation. Elle reposa l'enfant sur l'autel et murmura :

— Ma dame voilà la clef de votre prison. Bénissez-la !

De l'autel la fée agenou crut entendre des murmures s'élever. La voix de leur dame parvenait donc jusqu'à ses oreilles ! Elle l'en pensait digne ! Un tel honneur valait bien le sacrifie de son propre enfant.

— La dame nous charge de prendre soin de cet enfant. Toi également ! Lève-toi ma sœur ! Tu es l'une des nôtres désormais, l'invita la fée aux cheveux dorés.

Elle se leva, la tête baissée, avec émotion. Le magicien leva son bâton dans sa direction et elle se transforma en mésange. Elle s'envola dans le temple et se posa sur le lustre au-dessus de l'autel d'où elle pouvait apercevoir l'enfant qui porterait désormais le nom de celle qu'elle avait abandonnée et surtout en dessous le sarcophage de verre fumée qui contenait le corps endormi de la dame aux oiseaux.

La fée aux cheveux dorée prit l'enfant dans ses bras.

— Quand à toi petite fille tu répondras désormais au nom de Saveria et seras une fée parmi les fées. Ce temple sera ta maison et les fidèles de Notre Dame ta famille.

Seul un croassement résonna dans le temple à ses mots tandis qu'une plume bleue tomba en virevoltant et se posa sur le ventre du nourrisson. Signe de chance selon les fidèles de la Dame aux oiseaux.

Prequel à De l'autre côté