D'hiver et d'ombre
Son regard parcouru les ombres des conifères, y cherchant une silhouette familière. Il était en retard bien sûr, c'était typiquement lui.
Un bruit, une présence venue de l'intérieur la poussa à se cacher dans un coin à l'ombre. Un homme pénétra sur le balcon. Elle maudit intérieurement son contact qui la mettait dans une telle situation tandis qu'elle reconnut l'homme. La soirée battait son plein elle aurait dû penser que celui-ci détestant ce genre d'événement et aimant s'isoler après un moment, finirait ici. Elle aperçut enfin dans l'ombre en contrebas la silhouette familière. Pourvu qu'il ne se fasse pas remarquer, qu'il aperçoive l'autre personne sur le balcon avant de se montrer.
L'homme sur le balcon tendit la main comme un enfant pour sentir la neige tomber dessus. Elle ne put s'empêcher de sourire devant ce geste candide. Puis aperçut son rendez-vous qui observait la scène.
Un regard de connivence et il recula, se faufilant vers la sortie. L'autre dû percevoir un son car il se tourna vers l'ombre du sapin où se cachait l'intrus.
— Vous aimez la neige ? questionna-t-elle alors pour détourner son attention.
Il se retourna vers elle les yeux écarquillé. Elle perçut l'autre qui s'éloignait plus encore jusqu'à disparaitre complètement. Parfait.
— Je vous connais non ? Que faites-vous dans l'ombre ? demanda-t-il sur la défensive.
Il semblait effrayé. Cherchant du regard un garde du corps à l'intérieur.
— Ne paniquez pas ! Je ne vous veux pas de mal ! Je suis en effet au service de votre famille. Je suis désolée de vous avoir effrayée. Seulement je ne devrais pas être ici ce soir, confessa-t-elle. J'espérais qu'ici je passerais inaperçue. Mais puisque vous avez débarqué dans ma cachette et que ce n'était plus qu'une question de temps avant d'être découverte autant me montrer non ?
Elle le dévisagea sans crainte. Lui-même semblait moins affolé.
— Qu'est-ce que vous êtes venu faire à cette soirée si c'est pour vous cacher ?
— Une amie m'a forcée à la suivre, elle préférait ne pas être la seule à s'être incrustée si jamais elle se faisait prendre. Comme elle a trouvé un cavalier et que je n'aime pas vraiment ce genre de réception je me suis réfugiée ici.
Il lui offrit un sourire clément. Elle savait que lui non plus n'aimait pas les mondanités et les grands rassemblements.
— D'habitude c'est moi qui me cache dans les coins et les ombres, murmura-t-il.
— Je sais.
Désarçonné il ne sut quoi lui répondre. Elle savait qu'il n'était guère sociable. Elle non plus à vrai dire. Au point qu'elle ignorait comment relancer cette conversation ou la clore de manière convenable.
— Et donc vous êtes une domestique ? tenta-t-il de deviner.
— Si j'étais une domestique je serais en train de trimer quelque part ou de servir des coupes de sang.
Le silence cueillit sa réponse. Aussi incapable l'un que l'autre de discuter. Elle espérait en finir avec ce moment gênant et demanda alors franchement :
— On ne vous attend pas à l'intérieur ? Peut-être qu'on est encore en train de vous chercher ? Vous devriez rentrer.
— Ma famille me connait. Ils ne doivent pas s'inquiéter. Vous n'allez pas me dire qui vous êtes ?
— Je suis enquêtrice pour votre famille.
Il l'observa sur la défensive, devant s'interroger sur ce qu'elle savait de lui. Elle lui sourit alors.
— Ne vous en faites pas on ne m'a encore jamais chargé d'une enquête qui vous concerne.
Intimidé il baissa les yeux en souriant.
— Tant mieux j'imagine. Vous vous n'allez pas rentrée ?
Évidemment il était aussi mal à l'aise qu'elle soit là que l'inverse, mais elle n'avait pas vraiment envie de bouger.
— Vous non plus, rétorqua-t-elle.
— Puisque vous savez qui je suis...
— Votre famille adore pourtant prétendre que nous autres vampires sommes tous égaux, que contrairement aux Valoris ils ne cherchent aucun privilège. Vous n'allez pas me dire que parce que vous êtes un Ducratel je devrais être celle qui part. Après tout j'ai de bonnes raisons de rester dans l'ombre. Vous par contre on a fait cette soirée pour vous et tous les célibataires de votre famille.
Rougissant il parut d'un coup absorbé par le bout de ses chaussures. Au fond elle trouvait cela plutôt adorable. Les membres de sa famille étaient généralement assez imbus d'eux-mêmes malgré leurs grands discours. Sa timidité avait un côté rafraichissant pour elle qui ne côtoyait que des gens imbus d'eux-mêmes.
— Vous avez raison. Je suis navré, s'excusa-t-il, je ne vous ai même pas demandé votre nom.
— Je suis Ella.
— Moi c'est Rodéric.
— Je sais. Ca ne me dérange pas de partager ce balcon avec vous Roderic. Si cela vous convient nous pouvons y rester tous les deux. En silence même.
Cela semblait lui plaire. Avec un sourire il reprit son observation silencieuse de l'horizon. Se plaçant à ses côtés elle l'imita jusqu'à qu'ils se sentent moins gêné par l'autre et découvrent qu'ils arrivaient très bien à discuter en fait, quand l'autre en face était intéressant.
Elle s'était caché dans l'ombre et lui, lui avait chanté son amour de l'hiver ce soir là mais ils découvrirent très vite qu'il était une réelle ombre : insaisissable, discret, invisible et qu'elle était tel l'hiver : froide, sereine, mystérieuse. Lui ne voulait ni être vu, ni être connu, elle cultivait le mystère sous une apparence glaciale. Dans de tels circonstances il semblait difficile d'imaginer qu'il pouvait se rapprocher et pourtant ce soir là ils eurent l'impression de se connecter à quelqu'un pour la première fois de leur existence. Au point qu'ils recherchèrent par la suite la compagnie de l'autre.
Ella fini par reconnaître ses petites habitudes, ce qu'il ressentait et pensait juste en observant son visage. De son côté elle confia des demi vérités du bout des lèvres, laissant craqueler la glace et lui montrer quelques émotions réelles. Elle n'aurait pas dû, elle aurait dû conter des mensonges crée de toute pièces et ne rien laisser deviner de ce qu'elle pouvait ressentir mais pour la première fois de sa vie elle se sentait en sécurité. Exactement comme lui qui n'avait toujours était que son illustre nom pour tout le monde, un jouet pour toutes les personnes qui l'approchaient, qui pour la première fois avait trouvé chez elle quelqu'un qui ne cherchait pas à le manipuler. Quelqu'un auprès de qui il se sentait en sécurité et prenait plaisir à se dévoiler en sachant que ça ne serait pas utiliser contre lui.
Et étrangement elle ne révéla rien à son maître. Elle était là pour ça. Son objectif était de tout savoir sur les Ducratel et de transmettre ses informations. Et pourtant elle garda chacun de ses secrets pour elle. L'idée de trahir la seule personne qui s'était montré douce et gentil avec elle, de lui infliger ce qu'il redoutait tant des autres, alors même qu'elle le voyait si heureux en sa présence la faisait souffrir à sa plus grande surprise. Et plus elle passait du temps en sa douce compagnie, plus il lui ouvrait les yeux sur les mauvais traitements qu'elle avait subi, moins elle avait envie de révéler ce qu'elle apprenait.
Un jour il l'emmena dans une demeure de sa famille au nord, en pleine nature. Le lieu était charmant et l'hiver recouvrait tout de ce voile blanc sublime. Mais surtout, le plus important, il n'y avait qu'eux deux. Pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Personne pour venir les déranger, personne pour les interrompre. Jamais elle ne s'était sentit si comblée pourtant. Et alors qui la traita le plus humainement qu'on ne l'avait jamais traitée, elle comprit qu'elle était sincère quand elle répondait qu'elle l'aimait. Ce fut blottit dans ses bras qu'elle sut la lettre qu'elle enverrait à son maître.
En effet à leur retour à la civilisation elle envoya une lettre, non pas pleine de secrets confiés mais pour dire qu'elle ne travaillerait plus jamais pour son bourreau, qu'elle n'avait pas besoin de lui. Et elle savoura la fin de l'hiver auprès de son aimé.
Malheureusement tout comme l'hiver ou la nuit tout fini par s'achever. Même quand on est immortel. Un triste soir quand elle arriva pour le retrouver elle découvrit d'abord sa grand-mère, la matriarche des Ducratel en plein milieu de la pièce au milieu de ses affaires à elle. Puis elle l'aperçût froid comme jamais, assis dans l'ombre. Le cœur serré elle tenta de comprendre.
— Que se passe-t-il ?
Il ne pouvait même pas la regarder. Et pas parce qu'il était intimidé. Elle sentait sa douleur.
— Mon petit-fils a émis le souhait de vous épouser.
Elle adopta un visage froid comme l'hiver. Il avait dû demander l'autorisation à sa famille, qui n'accepterait jamais une fille sans passé. Mais il ne pouvait pas la chasser.
— Rodéric ? appella-t-elle.
— Je... Ne dis rien s'il te plait. J'ai entendu assez de tes mensonges.
Cette accusation lui donna l'impression d'une gifle, lui avec qui elle avait été le plus sincère. Mais de quoi parlait-il donc ?
— Je ne comprends pas, dit-elle. Je ne t'ai jamais mentit.
Il la dévisagea blessé.
— Je ne me souviens pas t'avoir entendu dire que tu étais là pour m'espionner. Par contre je me souviens que tu m'aie dit que je pouvais te faire confiance.
Elle garda son masque d'hiver. Elle était découverte. Elle ne pourrait rien dire ou faire pour sa défense. Elle avait bien quitté son pays, s'était fait engagé dans ce seul but, elle avait trahi sa confiance, même si elle n'avait jamais rien dit. Pourtant elle se sentit glacé d'horreur à l'idée qu'il la voit ainsi, qu'il ait découvert cet aspect là. Puis se remémorant toutes ses précautions et celle de son maître elle doutait qu'ils puissent l'avoir découvert. Ou alors pouvait-elle s'en tirer en justifiant cela.
— Je ne suis pas une espionne ! contra-t-elle.
— Enfin mon enfant nous n'allions pas permettre un mariage avec la première venu sans faire des recherches. Et évidemment on n'a trouvé aucune trace de votre existence. Vous n'existez pas. Puis une autre de nos enquêtrices a réussi à trouver vos appels et vos lettres aux Valoris.
Elle ne laissa pas paraitre sa surprise. C'était impossible. Elle n'avait même jamais parlé à un Valoris de sa vie.
— Je n'ai jamais...
— Inutile de nier. Je les ai vus, cracha Rodéric.
Elle observa la matriarche. Celle-ci paraissait satisfaite. Avait-elle inventé ses preuves ? L'idée que son petit-fils n'épousa pas une vampire d'une famille qu'ils connaissaient bien, qu'ils avaient approuvé et choisi ne devait pas l'enchanter. Elle aurait pu voir là une assurance d'être débarrassé d'elle. Parce que ces preuves n'existaient pas. Elle n'avait même jamais rencontré un Valoris de sa vie.
— C'est un coup monté !
— Alors comment justifiez-vous votre passé totalement vide ? Quand j'ai interrogé Rodéric il n'avait aucune réponse à y apporter.
Ils ne pouvaient rien trouver bien sûr, cette identité avait été inventée de toute pièce, son passé précieusement caché, son maître y aurait veillé, il ne fallait pas qu'il soit découvert. Et elle ne pouvait rien expliquer. Qui y croirait ?
La matriarche eut un regard victorieux devant son manque de réponse.
— Partez ! Et ne revenez jamais ! Je crois que c'est mieux pour tout le monde.
Elle ne montra rien de la souffrance qu'elle ressentait. Mais elle espérait encore qu'il la rattraperait. Mais elle lisait en lui toute la trahison qu'il ressentait, elle avec qui pour la première fois il s'était senti en confiance.
Dignement, la tête haute, d'un pas assuré ? elle quitta la pièce alors qu'elle se sentait dévastée intérieurement. Jamais elle n'avait ressentit une telle souffrance elle qui la côtoyait depuis toujours.
Arrivée à l'air libre elle ne sut quoi faire. Il lui avait ouvert les yeux. Elle ne retournerait pas chez celui qui l'avait élevé. Mais que faire alors ?
Elle se sentait furieuse. Pas contre lui. Il lui avait semblait tant souffrir qu'elle ne pouvait que se sentir malheureuse pour lui et elle le revoyait encore cette première nuit tendre sa main sous la neige. Mais sa maudite famille qui avait inventé ces horreurs.
Ah ces hypocrites qui prêchaient que tous vampires, eux compris, étaient égaux, mais ne voulait pas de n'importe qui dans leur famille ! Ils avaient détruit ce qui comptait le plus pour elle, la seule chose qui ait de la valeur à ses yeux. Pire ils avaient détruits l'homme qu'elle aimait, en la faisant passer pour une espionne, en lui faisant croire qu'il avait été trahi alors qu'il avait enfin osé faire confiance il n'oserait plus jamais baisser sa garde avec quelqu'un, se laisser aller.
Ils allaient payer ! Ca oui ! Ils avaient voulut la faire passer pour une espionne Valoris. Alors c'est chez les Valoris qu'elle irait.
Elle arrêta une voiture et donna l'adresse du manoir. Oh qu'ils allaient regretter ce qu'ils venaient de faire quand elle leur révélerait tout ce qu'elle avait appris sur cette famille ces dernières années. Elle conserverait son masque d'hiver à jamais désormais, mais en plus elle se cacherait dans les ombres, observant, espionnant et rapportant aux Valoris tout ce qui pourrait les aider à faire tomber cette famille qui n'avait pas voulut d'elle. Puisqu'ils avaient détruits son cœur elle les détruirait tous. Sauf Rodéric. Les Ducratel tomberaient elle s'en assurerait, même s'il fallait mourir pour cela.
Prologue à la guerre des vampires
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