5 - Sherlock Holmes
À ma grande surprise, ces paroles me firent mal.
Je fixai un instant cette porte close, d'où il venait de disparaître.
Nous n'avions pas fait l'amour ? Alors c'était quoi, faire l'amour ?
Je me sentis soudain dévoré de curiosité. Enfin, je supposais qu'il s'agissait de curiosité. J'envisageai même un instant la possibilité de me lever et d'aller lui demander, maintenant, ce qu'il entendait par « faire l'amour ».
Mais je laissai tomber cette idée aussitôt. D'abord, parce qu'il avait eu l'air tellement blessé en disant cela. Tellement las. Je pouvais lui demander de s'occuper de mon corps, pas de sentiments. Et puis, c'était quoi, ces pensées sur l'amour ? Moi, Sherlock Holmes, avoir envie d'amour ?
Il faut dire que Watson avait le chic pour bouleverser ma nature profonde. À tant d'égards...
Je me levai, et, toujours nu, pris une cigarette pour fumer, assis dans mon lit. Et laisser mes pensées dériver sur le docteur...
Watson faisait de moi quelqu'un de bien. J'avais fini par m'en rendre compte, lors de mon éloignement. En arrachant le manteau de Moriarty, lorsqu'il est tombé dans les chutes, j'avais récupéré le carnet qu'il gardait dans sa poche. Après, lors de ma fuite, lorsque les souvenirs de Baket Street se faisaient trop présent, je m'étais attelé à son déchiffrage.
C'était un journal.
Et il m'était alors apparu, avec une netteté affreuse, que Moriarty est moi nous ressemblions horriblement. J'aurais pu être Moriarty, si j'avais suivis mes démons. J'ai failli être Moriarty.
La seule différence, entre lui et moi, l'élément perturbateur qui m'avait dévié de cette voie de ténèbre, c'était Watson.
Watson, Watson... Toujours Watson. Comme un point centrale, dans mon existence. Le pilier de tout ce qui était bon et beau sur cette terre.
Et puis, enfin, j'avais pu revenir à Baker Street. J'avais eu peur – si peur ! – qu'il refuse de me revoir, de partager notre vieil appartement...
Mais il avait suivi. Comme toujours. Ce cher bon vieux John Watson.
Ma cigarette était terminée. J'en pris une autre.
Mon regard se posa sur le sol, où gisaient mes vêtements éparpillés. Il faudrait que je les ramasse avant demain matin, ou cette brave madame Hudson finira par se poser des questions.
Les vêtements me ramenèrent à notre activité de tantôt. Une vague de chaleur me submergea.
Je ne savais pas ce qui m'avait pris, la première fois, lorsque j'avais demandé à Watson de coucher avec moi. Une lubie. Une expérience. L'envie de comprendre ce que ça faisait.
J'étais tout à fait incapable de concevoir une telle expérience avec quelqu'un d'autre, bien sûr. En fait, Watson et bel et bien le seul être à avoir su animé mon désir charnel.
Après, il y avait eu Reinchenbach. Loin de lui. Trois ans de suite. Trois ans à me demander ce qu'il faisait. S'il avait reconstruit sa vie. S'il pensait à moi, parfois. Si je le reverrai un jour. Et si c'était le cas, s'il m'accepterait de nouveau. S'il me pardonnerait.
C'est là qu'à ma grande surprise, j'avais redécouvert le désir.
Des fantômes de Watson venaient se glisser dans mon lit, la nuit, pour embrasser ma peau. Au début, je résistai. Puis j'avais fini par les accueillir, en me promettant seulement de ne jamais faillir. Ne jamais avouer la faiblesse de mon cœur.
Et maintenant que je l'avais retrouvé, en chair et en os, je n'avais pas pu m'en empêcher. Cette histoire d'aller plus loin m'avait titillé pendant des années.
Et je n'étais pas déçu !
Quoique...
Je jetai ma cigarette.
Pourquoi mon cœur était-il si plein d'amertume ? Pourquoi ma gorge me démangeait ?
Quelque chose m'échappait. Quelque chose d'énorme, quelque chose d'immense, la chose la plus importante du monde, peut-être.
Et ce n'est pas tant que je ne pouvais pas la voir, mais que je ne voulais pas la voir.
Deux hommes se battaient, en moi, deux versant de ma personnalité. Le duel Holmes-Moriarty, de nouveau.
Mais qui tomberait dans les chutes, cette fois ?
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