Heureusement pour moi, le lendemain, un client amena une nouvelle affaire. Une énigme passionnante qui empêcha Holmes de remarquer mes yeux rougis et ma mine malheureuse. John Watson ne pouvait en aucun cas faire concurrence à un mystère, voyons.

Prétextant une douleur – d'ailleurs pas tout à fait feinte – dans ma jambe, à cause de ma vieille blessure de guerre et de l'humidité ambiante, je restais quelques jours à la maison, et je vis assez peu Holmes, prit par son affaire.

Puis la vie continua, m'emportant avec elle dans son tourbillon d'évènements.

Je m'inventai une femme, pour que les gens ne jasent pas trop. Holmes ne fit jamais aucun commentaires dessus, mises à part les critiques habituelles sur ma prose.

Puis il y eut Reinchenbach.

L'incroyable solitude.

La certitude d'être mort à l'intérieur. De ne plus exister pour rien, ni personne.

Avancer dans le vide, entre des lieux vides.

Sans but. Sans envie. Sans désir.

Rien.

Que la mort.

Le désespoir.

Puis le retour de Holmes.

Il ne m'avait jamais blessé aussi durement que ce jour-là, lorsqu'il réapparut dans mon cabinet de travail pour me dire que tout mon deuil n'avait été qu'une imposture. Ni rendu plus heureux.

Et comme d'habitude, j'enterrai ma peine au plus profond de moi pour me laisser aller au plaisir d'être avec lui.

Je réappris à vivre.

Le monde avait à nouveau un sens. Mon visage se souvint comment rire, comment sourire, comment chanter, mes mains comment écrire, mes pieds comment danser, courir, sauter, se battre...

Oh, Holmes...

Et puis, encore une fois. Un matin innocent. Qui se changea en carnage.

Oui, j'aurais dû le voir venir. Et oui, je suis un fieffé naïf. Penser que les choses en resteraient là, vraiment ! Une erreur de débutant !

C'était quelque chose comme six mois après son retour. Ça paraissait peut-être peu, mais nous avions repris si vite nos habitudes, que ça aurait bien pus être une éternité.

Holmes s'ennuyait. Terriblement.

Je le voyais loucher sur son flacon de cocaïne...

-Holmes, je vous en prie !

-J'ai besoin d'un stimulant, Watson.

-Trouvez autre choses ! S'il vous plaît, Holmes...

Une idée traversa son regard. Il sourit.

-Watson, jusqu'à maintenant, je n'ai expérimenté qu'un seul stimulant capable d'égaler la drogue...

Je me figeai.

-Holmes...

Mais il ne prit pas garde à ma supplique. L'avait-il même entendu ?

-Allez, Watson ! Le sexe ou la cocaïne ?

C'était injuste, et cruel. Mais je doute qu'il s'en soit aperçut, à cet instant-là. C'était un jeu, pour lui. Sans conséquences.

-Vous m'avez dit, il me semble, continua-t-il, mutin, qu'il y avait bien d'autres façon d'expérimenter le plaisir charnel que lors de notre dernière expérience ?

Il voulait que je le pénètre ? J'eus un petit rire. Je ne pense pas qu'il soit conscient de ce qu'il demandait.

Soudain, le souvenir de Holmes, allongé sur les draps, après l'orgasme, me frappa en pleine face.

-Watson ? s'inquiéta-t-il en se levant. Que se passe-t-il ?

-Rien, répondis-je doucement. Mais j'ai peur que cette expérience ne vous plaise pas vraiment.

-Eh bien, en cas, nous arrêterons ! Dit-il en haussant négligemment les épaules.

Puis il me prit par le bras, m'amena dans sa chambre et se planta devant moi.

Je lâchai un soupir immense. Je ne devais pas faire ça. Je ne devais pas. J'allais encore finir blessé, le cœur en petits morceaux impossibles à rafistoler...

Mais il était là, devant moi, il attendait. Et je n'ai jamais pu résister à Sherlock Holmes.

Alors je l'embrassai.