Chapitre 21
Donna – Étudiante attendue
Mon emploi du temps voulait que je termine les cours avant Dylan le jeudi, ce qui m'obligeait à trouver une occupation en l'attendant – parce que bosser n'était pas une option valable en ce moment. Ce jour-là, je pus compter sur l'aide de Sadia qui me proposa de la rejoindre rue Bayard, artère perpendiculaire au Boulevard de Strasbourg. Ce fut sous un ciel triste et pluviotant que je me rendis à l'adresse indiquée par mon amie. Je trouvai cette dernière immobile sur le trottoir. Elle sourit de toutes ses belles dents blanches en me voyant arriver et me fit une bise chaleureuse lorsque je la rejoignis. Après un court échange de banalités, Sadia m'invita avec une joie non dissimulée à entrer dans un petit local fraîchement rénové. Une fois à l'intérieur, elle écarta les bras en croix et m'annonça fièrement :
— Bienvenue dans mon institut !
— Sérieux ?! Mais c'est génial ! m'extasiai-je. Pourquoi t'as rien dit avant ?
— Je voulais vous faire la surprise.
— Amélie l'a vu ? m'enquis-je. Si elle est venue avant moi je te préviens, je ne te parle plus.
Le rire mélodieux de Sadia éclata en échos dans le local vide. Ça me faisait plaisir de la voir aussi heureuse !
— Amélie ne devrait pas tarder, me confia mon amie. Je voulais attendre que les travaux et la peinture soient finis.
— Tu vas pouvoir attaquer la déco alors ? questionnai-je en balayant les lieux d'un regard curieux.
— Bientôt. J'attends la livraison du matériel avant.
Sadia me fit visiter en m'expliquant où se situerait jusqu'au plus petit présentoir. Elle avait tout prévu, autant pour la décoration que pour la gestion et le moyen de fidéliser ses clientes et ses clients, car certains commerciaux de son entourage s'étaient montrés intéressés par ses prestations.
Alors que nous étions dans la pièce qui accueillerait les soins du corps, une voix féminine héla Sadia depuis l'entrée. Ce n'était pas Amélie, j'en étais certaine. Mon amie m'abandonna pour aller accueillir sa visiteuse. J'écoutais leur conversation d'une oreille distraite, trop occupée que j'étais à imaginer les lieux une fois tout en place, lorsque mon attention fut captée à l'entente de mon prénom. Une seconde après, Sadia m'appela pour que je la rejoigne, ce que je fis. Une grande trentenaire se tenait devant la porte et me fixa sans interruption dès que je fis mon apparition.
— Donna, je te présente Karina, une amie de la famille qui se montre toujours très intéressée par tes travaux.
— Vous me flattez, souris-je en serrant la main de la femme.
Cette dernière grimaça un peu. Je relâchai aussitôt ma prise :
— Pardon, je vous ai fait mal.
— Ce n'est rien, je me suis fait mordre par un chien il n'y a pas longtemps, m'expliqua Karina.
Je fis malgré moi le rapport entre la morsure de l'amie de Sadia et notre nécromancienne, lien que ma raison chassa dans la foulée... jusqu'à ce que je distingue la tête d'Aprilia de l'autre côté de la vitrine : ses yeux étrécis de colère et ses babines relevées sur ses crocs impressionnants confirmèrent ma première impression.
Mon sang ne fit qu'un tour et je sentis toutes mes couleurs s'envoler lorsque je reposais mes yeux sur la visiteuse. Cette dernière me sourit avec amabilité, chamboulant l'image sombre que je m'étais faite de celle qui avait voulu tuer mon petit-ami. Je profitais que Karina porte son attention sur Sadia pour faire signe à Aprilia de se cacher : la nécromancienne ne devait pas se douter que je connaissais sa véritable nature.
— Sadia m'a dit que vous tourniez un court-métrage, c'est ça, Donna ?
Je sursautai un peu à l'entente de mon prénom. Voilà comment elle avait su pour les deux premières fois !
— Oui, d'ailleurs on tourne demain soir au Jardin Japonais, mentis-je.
Je ne pouvais pas laisser passer l'occasion d'amener Karina dans un piège et cela nous laisserait le temps de le mettre au point. J'espérais juste ne pas faire une bêtise. Au pire la nécromancienne se retrouverait seule au rendez-vous.
— Joli décor, approuva Karina. Même s'il le serait plus encore au printemps.
— On tourne un film de zombies, le côté décharné des arbres collera parfaitement, me justifiai-je.
Parfois, j'adorais mon imagination et ma capacité à inventer des excuses. La sorcière ne sembla pas douter de mes propos et se montra toujours aussi agréable.
C'était vraiment elle notre méchante ? J'avais beaucoup de mal à le croire. Elle était si jolie et si agréable que j'en vins à me demander quel malheur avait pu la pousser à faire des choses aussi terribles. Je l'imaginais mal être mauvaise de nature.
Mon smartphone sonna soudain. Je sursautai avant de l'attraper pour voir l'appelant. Je sentis une bulle de protection m'envelopper quand la voix de Dylan enchanta mes oreilles :
— Je croyais que tu devais m'attendre.
— Oui mais Sadia voulait me montrer son futur institut. Je suis juste de l'autre côté de Strasbourg. Tu as fini ?
Bien sûr qu'il avait terminé les cours, sinon il ne m'aurait pas appelée. Mais je préférais en dire le maximum à voix haute pour que la sorcière n'interprète pas mon départ imminent comme une fuite précipitée.
— Oui j'ai fini. On va direct chez Nathan ou on squatte un peu chez toi ?
J'aurais volontiers opté pour chez moi, histoire d'évacuer mon état de stress actuel de manière très intime avec Dylan, mais si la sorcière se mettait en tête de me suivre, je préférai qu'elle me trouve chez mon exorciste. Heureusement que nous avions pris nos affaires ce matin en vue de passer quelques jours chez Nathan.
— Option une ! choisis-je. Tu m'attends sur le boulevard ?
En temps normal j'aurais dit à Dylan de partir de devant, que je le rejoindrais chez Nathan, et ma question proche de la supplique l'inquiéta :
— Tu vas bien mon ange ?
— Oui. J'arrive tout de suite. Je t'aime.
— Je t'aime aussi. Je t'attends vers le kiosque à journaux.
Rassurée, je raccrochai.
— Dylan a fini les cours, devina Sadia.
— Oui. Je vais y aller. Tu feras un bisou à Amélie de ma part.
— J'y manquerai pas, assura-t-elle avant de me faire la bise.
J'abandonnai Sadia, certaine que si Karina avait voulu lui faire du mal, ce serait déjà fait depuis longtemps. Elle avait encore besoin de l'aide involontaire de mon amie pour suivre mes faits et gestes. Je me fis violence pour ne pas sortir en courant et fuir très loin. Je m'apaisai un peu en voyant Aprilia assise à quelques mètres de là. Je me dépêchai de la rejoindre.
— On y va, la pressai-je sans m'arrêter.
La chienne me suivit comme une ombre lorsque je traversai le boulevard encombré de voitures et de piétons, barrières angoissantes sur mon passage. En apercevant Dylan à l'endroit de notre rendez-vous, je courus pour le rejoindre et me blottir dans ses bras. Là, je m'autorisai enfin à me détendre.
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit Dylan.
— Je t'expliquerai sur le chemin, viens.
Je lui pris la main et le tirai derrière moi. Avant que nous nous engouffrions dans l'étroite rue Bellegarde, je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule pour voir le coin de la rue Bayard où il n'y avait aucune trace de Karina.
Une fois en sécurité chez Nathan, je pris réellement conscience de l'état de stress dans lequel j'étais. Je n'arrêtais pas de revoir les images de notre kidnapping, de notre séquestration et de ce poignard sur la gorge de Dylan. Ces souvenirs m'effrayaient encore. Mon petit-ami s'était installé à côté de mon exorciste sur le canapé tandis que je tournais en rond en expliquant ce qu'il venait de se passer.
Lorsque j'eus fini, voyant que je ne me calmais toujours pas, Nathan se leva, prit mon visage en coupe et je sentis une douce chaleur se répandre en moi tandis que sa tête de mort divine brillait faiblement sur sa main droite. Mon angoisse laissa tout de suite place à une agréable sérénité.
— Ça va mieux ? demanda-t-il.
— Oui, affirmai-je.
— Bien, dans ce cas on va pouvoir faire un point sur ce que chacun sait pour pouvoir recouper les informations. OK ?
— D'accord.
Nathan me lâcha pour que je puisse m'asseoir. Tandis qu'il me préparait un chocolat chaud, j'envoyai un texto à Sadia avec l'espoir d'en apprendre plus sur Karina. La réponse ne se fit pas trop attendre : Karina Lejeune, trente-deux ans, était infirmière en gériatrie et habitait du côté de L'Union. Je communiquai les informations à Nathan qui envoya à son tour un SMS avant de m'apporter mon chocolat. Au moment où il allait s'asseoir, la porte d'entrée s'ouvrit sur Michaël et l'instant de flottement entre ce dernier et notre hôte n'échappa à personne. Mon exorciste s'assit finalement sans rien dire, imité dans la foulée par Michaël qui ne le lâchait pas des yeux. Là, Nathan nous expliqua tout ce qu'il s'était passé, peignant devant mes yeux le tableau d'une horreur annoncée.
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