Tristan n'avait pas ouvert la lettre tout de suite. En rentrant chez lui, il l'avait posée sur sa table de chevet, précieuse, irréelle, mortelle. Il l'oublia, deux jours, trois jours, deux nuits.

Puis une semaine plus tard, il l'ouvrit sur un coup de tête.

Couchées sur ce papier avec ce sang bleuté

Sur un coup de tête, son cœur fut atteint.

Tristan,

« On dirait qu'on est proche ». J'ai honte de ma réflexion – que je ne pensais pas. Si, on est – était – proches. En six mois, on a appris à se connaître suffisamment pour être amis. Et maintenant ? Est-ce qu'on est toujours amis ? Après trois mois sans se parler ? Je l'espère. Tu me manques.

Je n'ai peut-être pas été honnête avec toi, au début, quand on s'est parlé sur le banc. Oui, je t'ai reconnu comme étant l'adolescent du métro. Mais aussi comme le frère d'Antonia. Mes sœurs la connaissaient, et elles t'ont reconnu dans le métro. Elles ont parlé de ta famille, j'ai écouté leur conversation et votre drame m'a... marquée. Je m'en suis souvenue quand je t'ai vu allongé sur le banc. Et j'ai voulu te parler, à cause de – grâce à – ça.

Mais j'ai appris à te connaître, toi. Comme toi, tu as appris à me connaître. On a changé, ensemble.

Avant notre dispute, quand je t'ai parlé du réveillon du jour de l'an, oui j'ai hésité à t'inviter. Tu serais peut-être venu, malgré la dispute. Peut-être n'aurait-on pas perdu tout ce temps... peut-être n'aurait-on pas laissé échapper notre chance. On aurait pu mettre notre orgueil de côté plus tôt et faire comme si de rien n'était. Et maintenant... je ne sais pas. Ça me rend triste. Je culpabilise. Durant tout l'hiver je me suis aussi inquiétée pour toi – je te connais, et je devine certaines de tes pensées.

Tu me manques.

Je ne connais pas ton sentiment sur notre dispute. Tu as dû – dois ? – me détester. Peut-être tu as pensé à d'autres choses. Et maintenant ? Tu en penses quoi, tu penses à quoi ?

Tu me manques.

S'il te plait, reparlons-nous. S'il te plait, Tristan. Tristan.

Ornella.