V. La valse des chemins abattus (2/2)
(Je me rends compte en écrivant la deuxième partie que j'ai cassé le principe d'OS, oupsi XD)
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À la grande surprise d'Aude, la dame de chambre ne revint qu'une heure plus tard.
-Chevalier, la reine n'attendra pas longtemps. Envoyez vos hommes si vous le voulez, mais je peux vous le dire sans avoir besoin de la consulter, jamais Sa Majesté n'acceptera de rebrousser chemin.
-Quand devrons-nous repartir ?
-Elle vous laisse la nuit.
-Au levé du soleil ?
-Avant. Nous devons être arrivés au levé du soleil.
Aude cessa de respirer.
Il calcula très vite: si il comptait deux heures pour trouver la château en plein jour et à vol d'oiseau, il en comptait au moins trois pour que ses éclaireurs ne parviennent à l'atteindre en pleine nuit. Rajouter une et demie en plus à bonne marche pour revenir - ils auront repéré le chemin. Mais combien de plus pour qu'une escorte aussi grande que celle de la reine n'y arrive ?
Il regarda le ciel. Il lui restait quatre heures avant de voir le levant.
Il était fichu.
La dame de chambre avisa son air défait.
-Haut les cœurs chevalier, le bruit court au château que vous êtes d'une ruse sans pareille, même si d'autres rapportent que vous n'êtes qu'un fantôme qui se met en colère quand ça lui chante. Vous allez bien trouver le moyen de nous faire passer un champs.
Aude durcit son regard et le planta dans le sien.
-Les bruits, madame, sont comme les rivières. S'arrêter dedans, c'est se faire emporter par le courant.
-Et bien passez au dessus. D'une rivière ou d'un champs, qu'importe, le point est là; il nous faut aller de l'autre côté.
Elle disparu en pouffant.
Le cavalier fronça les sourcils mais ne dit rien.
D'où vient le destin ?
Fait-il s'entrecroiser les vies avant même qu'elles n'existent, avec des suppositions, ou construit-il la grande Histoire en tenant compte de ce que chacun peut en penser ?
On a tendance à accorder beaucoup d'importance au destin.
Souvent pour mettre de côté qu'on y est pour quelque chose aussi.
Alors que la vérité est sûrement décevante: le destin fait certainement tomber ses fils et ils s'entrecroisent d'eux même; il y a plus de chance pour qu'ils fassent un nœud plutôt qu'ils se retrouvent tous parfaitement droits à ses pieds.
Le destin n'est rien d'autre qu'un maladroit, au contrôle de l'Univers.
Pourquoi aime-t-on ?
D'après Aude; pour passer le temps, certainement.
Comment naissent les idées ?
Pour la plupart des gens, elles naissent quand ils rencontrent un problème
Elles s'extirpent des mots, de ceux qui sont sur le point d'être prononcés avant d'en changer, elles viennent des airs, des mélodies, des images, elles viennent des couleurs et de toutes ces choses qui auraient pu être là.
Elles picotent à l'arrière de la tête, remontent à la surface silencieusement et s'imposent à notre esprit comme si elles avaient toujours été là.
Elles naissent des "et si" inconscients et de ces "pourquoi" qui amènent d'une manière ou d'une autre aux grandes réflexions.
Pour Aude, à cet instant, elles ne naissaient plus.
Le regard perdu vers l'est où le soleil empêchait la nuit d'être complète -comme souvent en été, il ne remarqua pas la chevaleresse qui s'approchait derrière lui, dans la même armure de fer que la sienne.
-Ohé monseigneur, alors, on est perdu ?
-Alix, si jamais tu accoures pour ne rien dire comme à ton habitude, tu peux encore rester à jouer les domestiques pour Sa Majesté, où tu sera bien plus utile d'ailleurs, lança t-il d'un ton sec.
-Monseigneur est perdu et désagréable, donc, répondit-elle en croisant les bras sur sa poitrine et arborant une moue vexée.
Aude soupira et passa une main sur son visage. Il chercha son regard sans qu'elle ne daigne tourner la tête vers lui ; fière comme un paon.
Elle avait arrêté son cheval juste à côté du sien, assez près pour que leurs mollets se frôlent.
-Alix... dit il plus doucement cette fois. Alix ne m'en veux pas, j'ai le sentiment d'être au pied du mur et je ne trouve pas de solution, ce n'est pas contre toi.
Il laissa une pause.
-Ce n'est jamais contre toi.
Elle se retourna en souriant tendrement.
-Qu'est ce qui te contrarie au point de m'envoyer paître ?
-Le château est là-bas.
Il pointa l'ombre du village.
-Ah, tu as donc remarqué qu'il n'y a pas de route. Bien.
-Cela n'est pas le problème.
Elle fronça les sourcils.
-Cela fait beaucoup de problème.
Il ne releva pas.
-Le cortège entier doit être arrivé au levé du soleil.
-Ouille.
Il souffla bruyamment d'un air agacé et se referma.
-Merci de ton aide, chevaleresse.
Il commençait à perdre patience. Il n'avait aucune solution, mis à part supplier la reine de lui accorder plus de temps -ce qui n'allait probablement jamais marcher- et Alix ne lui était d'aucune aide.
-Eh, chevalier. Chevalier ? Sir ?
Aude gardait les yeux fixés sur le champs, sa mâchoire se serrait de plus en plus.
-Hého, Aude !
Il releva la tête mais garda la mâchoire contractée.
-Aude, combien de temps nous reste t-il avant le levé du soleil ?
-Quatre heures.
-Et combien de temps pour aller du village au château ?
-Une ?
-Alors il te reste trois heures pour nous faire parvenir au village.
-Mais Alix, je ne sais comment ! C'est bien le problème ! Je n'en ai fichtrement aucune idée !
-Aude du calme ; on va passer par le champs.
-Pardon ?
Comment naissent les idées ? Les nôtres, elles picotent derrière la tête.
Celle des autres, elles arrivent des folies de ce monde.
Quelques minutes plus tard ; Aude était descendu de son cheval et aplatissait la terre furieusement avec un bâton tandis qu'Alix tapait dans les cailloux du bout des bottes pour les déplacer.
-Es tu sûre que cela ne va pas déranger le paysan ?
-Son champs est enneigé, Aude.
-Je te fais confiance.
Une fois la terre aplanie et assez stable pour faire passer un carrosse dessus en toute sécurité, il restait un dernier problème.
-Comment faire fondre la neige en deux heures et demie ?
-Pas besoin de la faire fondre, dit-elle en vidant la terre de ses bottes, fais seulement en sorte qu'on puisse passer dessus.
Aude commença à sauter vigoureusement sur la neige pour la tasser.
Alix soupira en secouant la tête ; elle le rejoignit.
-Chevalier, il ne te reste qu'une paire d'heure.
Il ne répondit pas, continuant de sauter comme un cabris.
-Aude, tu ne va jamais y arriver comme ça.
Il s'arrêta pour la regarder dans les yeux.
-Il y a une heure tu me disais de passer par là ? Te joues-tu de moi ?
-Viens là.
Elle l'attrapa par les épaules et ramena le chevalier juste en face d'elle. Elle posa sa main gauche dans le creux de son dos et fit glisser la droite sur son bras, puis s'arrêta dans sa main.
Le cœur d'Aude accéléra.
Elle releva la main droite au niveau de leurs épaules, capturant celle de son partenaire au passage. Elle regardait le sol entre eux, l'air de se demander une quelconque marche à suivre.
Aude ne pouvait plus rien penser.
Pourquoi aime t-on ?
Elle recula son pied droit. Voyant qu'Aude ne faisait aucun mouvement -comment aurait-il pu, le pauvre ?- elle releva le menton pour le questionner du regard.
Aude était perdu ; son cœur, la foudre, ne s'arrêtait plus.
Elle eu un sourire tendre.
-Aude, murmura t-elle, danse avec moi.
Au bord de l'évanouissement, son honneur de chevalier refit surface.
Il hocha la tête, et ils commencèrent à se mouvoir lentement dans les bras de l'autre.
La valse fut longue.
Très longue.
Mais à deux, et plus encore pour eux deux, une heure de valse, ça n'est pas le bout du monde.
Et si ça l'était, il l'atteindraient en valsant.
Arrivés à force de pirouettes et avec un peu d'aide des premiers chevaux à aplanir le terrain comme il le fallait, le cortège se remit en branle.
Doucement, temps par temps.
Le chemin ne fut pas droit mais la reine arriva au château tout juste au levé du soleil.
Ils ne s'embrassèrent pas tout de suite ; les froids étaient guérît et les destins noués, ils auraient tout le temps de le faire quand plus personne ne les regarderaient.
Pour Aude, le temps avait bien une odeur cette nuit là ; celle de sa cavalière.
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Média:
- Wicked Game, Ursine Vulpine feat. Annaca, 2016
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