Nous sommes de retour à l'appartement. Rien n'a changé durant notre absence. Je dois avouer que je suis frustré de ne plus avoir accès à l'Extérieur, j'avais à peine commencé à l'explorer lorsque nous somme partis. En revanche la nouvelle vitalité dont mon humaine déborde compense cette frustration : ce séjour lui a fait prendre l'air, lui a rouvert le cœur et l'esprit. Elle semble se réveiller d'un sommeil réparateur, elle est en pleine forme. Ça fait plaisir à voir.

Elle a recommencé à s'absenter durant la journée. Sa présence me manque mais elle paraît heureuse de pouvoir retourner là où elle va chaque jour, son sac sur le dos, celui qui lui arrondit les épaules par son poids trop important.

Ce jour-là elle ne rentre pas seule. Une autre fille à lunettes rondes est avec elle et elles se tiennent la main. Elles filent droit à la chambre de mon humaine et je les suis, mécontent de voir qu'il y a encore une intruse chez moi. Cette manie qu'ont les humains d'être sociables...

Elles s'asseyent côte à côte sur le lit, se regardant dans le blanc des yeux. Je les toise depuis le bureau, en face.

— Iris, il faut que je te parle de quelque chose d'important.

— Tu vas me quitter ?

— Quoi ? Non, bien sûr que non ! proteste-t-elle. Je t'aime.

— L'un n'empêche pas l'autre... bougonne l'autre.

— Enfin, je ne vais pas faire ça. Je voudrais revenir sur la nuit qu'on a passée ensemble, tu sais, chez toi. En fait, je... C'est pas facile de te dire ça, je suis désolée, je bafouille et je suis mal à l'aise. Déjà sache que ce n'est absolument pas ta faute, et ce n'est pas contre toi... Iris, je... Je n'ai pas aimé ce qu'on a fait.

— J'ai fait quelque chose de travers ? Oh, j'aurais dû voir que ça n'allait pas...

— Non, non, ce n'est pas de ta faute. C'est moi qui aurais dû m'exprimer. Bref, je pense que je n'étais pas prête à faire ça, alors ça ne m'a pas vraiment fait de bien.

— Je suis tellement désolée... Je ne pensais pas qu'il y avait un souci, je veux dire, je me suis assurée de te demander si tout allait bien avant de faire quoi que ce soit...

— Iris ! s'écrie mon humaine. Ce n'est pas toi le problème. Je veux juste te dire que, voilà, je ne pense pas vouloir refaire ça avant un bon moment, et peut-être jamais si je suis asexuelle, alors désolée si tu pensais qu'on pourrait le faire, je...

— Hé, tu n'as pas à t'excuser, rétorque l'intruse. C'est moi qui t'ai fait du mal, c'est moi qui te dois des excuses. Alors voilà, je te les présente, je suis horrifiée d'apprendre que je t'ai blessée en faisant ça et j'espère que ça va mieux maintenant. Si tu... Si tu veux me quitter je comprendrai.

— Je ne veux pas te quitter. Je-ne-veux-pas-te-quitter, insiste-t-elle. Je tenais juste à te prévenir. Et, évidemment, j'accepte tes excuses, mais je pense vraiment que tu n'as pas à m'en donner puisque tu ne pouvais pas deviner.

— T'es chou, s'amuse l'autre. Tu veux continuer à sortir avec moi alors ?

— Bien sûr ! Tu es tellement géniale, attentionnée, belle, gentille. Que demander de plus ?

Elles se sourient et mon humaine l'embrasse. Je saute au bas du bureau pour me réfugier dans le salon, épouvanté par les bruits mouillés qu'elle produisent.