Memento Mori
« 4 avril 2007.
Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit dans ce journal. Six mois, je crois. A l'heure où j'écris ces lignes, je ne suis pas sûr que j'écrirai jusqu'au bout...
Ce n'est pas la première fois que j'essaie. A chaque fois, c'est pareil. Les mots semblent trop vains, trop limités, trop stupides. Ou alors, je n'aime pas ce qu'ils révèlent de moi. Je n'aime pas ce qu'ils me forcent à affronter. Coucher mes sentiments sur le papier, c'est comme... Ça revient un peu à les rendre réels, non ? Concrets ? Et la mort d'Astoria, je ne veux pas la rendre réelle... Elle l'est, pourtant.
Je vais renoncer à tenter de décrire les étapes du deuil qui m'ont saisi au cours de ces six derniers mois. Même moi, je trouve cela d'un intérêt limité. Qu'y a-t-il à dire, de toute façon ? Elle est morte. Comme tant de gens autour de moi. Elle est morte par ma faute, parce que je l'ai convaincue de revenir à Londres, parce que je n'ai pas su renoncer à la Ronce... Je dois vivre avec cette charge sur les épaules, désormais. Encore une.
Allons, essayons d'éviter l'auto-apitoiement. L'expérience m'a appris que ce n'est jamais très productif. Elle m'a appris aussi que quoi qu'il arrive, quoi que je fasse, je ne semble pas décidé à mourir... Rejoindre Astoria n'est donc pas une option. Même si elle me manque, terriblement. Même si je déteste ma vie et que je me déteste moi-même. Je ne veux pas mourir. C'est comme ça. Pour l'instant, c'est la seule certitude qui me permet d'avancer. Ça, et le coffret, bien sûr. Je suis seul pour le protéger à présent. C'est ce qu'Astoria aurait voulu. C'est elle qui m'a confié cette charge, et aussi longtemps que je vivrai, je dois m'en montrer digne... »
X
« 28 avril 2007.
Il faut quand même que je parle de ce que j'ai appris ces six derniers mois, je suppose. Dans les semaines qui ont suivi la mort d'Astoria, je me suis plongé dans une sorte de frénésie de la traque, comme si ça pouvait me distraire de ma douleur, la faire disparaitre avant qu'elle n'ait le temps de me rattraper...
Ça n'a pas été très productif au final. Qu'est-ce que j'ai appris ? Qu'Astoria a été reconnue par une petite frappe, William D., à la solde des Aurors. Que D. l'a vendue à ceux auxquels il transmet ses informations. Et que ces hommes ont débarqué aussitôt, et qu'ils ont jeté un sortilège mortel à Astoria à vue, sans même chercher à l'interpeler...
Je le sais. J'ai fait mon enquête dans la rue pour savoir exactement comment les choses se sont passées. Les témoins disent tous la même chose : Astoria a été acculée comme un animal, et les Aurors n'ont pas cherché à lui poser de question, pas même à l'arrêter... Ils voulaient la capturer, c'est tout, morte ou vive. Plus morte que vive...
Rapporter la tête d'Astoria Greengrass sur un plateau, quelle récompense cela leur aurait-il valu ?
Malheureusement pour eux, Astoria a eu le temps de transplaner. Je l'ai enterrée à Godric's Hollow, à côté de ma mère, sous son véritable nom. Une personne de plus dont je dois fleurir la tombe... »
X
« 15 mai 2007.
Lorsque je n'ai plus trouvé de témoins à interroger sur les circonstances de l'attaque, je me suis intéressé à W.D. Ça, c'était davantage dans mes cordes. D. est un poisson d'eau trouble, comme moi. Nous fréquentons le même milieu, la même clandestinité, les mêmes personnes. Il sait que je suis une ombre qui plane sur Londres : pas moi, D.M., mais la Ronce. Il sait que je suis un être à plusieurs visages, que personne ne peut approcher. C'est tout ce qu'il sait de moi.
Depuis des années, je dois ma liberté et la réussite de mes crimes à ma totale discrétion. Je ne fais pratiquement jamais rien sous ma véritable apparence. J'ai des dizaines d'identité, à présent, et je les connais toutes parfaitement. Les gens dont j'emprunte l'apparence sont des Moldus, pour la plupart : ainsi, pas de chances qu'ils croisent mes ennemis, qu'ils se mettent à murmurer sur les pratiques de la Ronce, comment elle s'y prend, qui elle pourrait être...
Mes identités ont été particulièrement actives lorsque je posais des questions sur l'attaque d'Astoria. C'était dangereux. Avec le recul, je me rends compte que je n'ai pas été prudent : les Aurors auraient pu remarquer tous ces inconnus étranges qui posaient des questions à leurs témoins, ils auraient pu poser des questions à leur tour... Je me suis conduit comme un chien fou. Mais avec D., c'est différent. Lui, j'ai pu l'observer de loin, et puis l'approcher tout doucement, un masque après l'autre...
D. a une réputation ambigüe, même dans le milieu de la pègre. Beaucoup de gens le soupçonnent de parler aux Aurors, mais il est incrusté dans les bas-fonds depuis si longtemps que cela lui donne une sorte de statut. Personne ne songerait à le déloger. Moi, je voudrais l'ouvrir en deux pour avoir vendu Astoria... Mais je ne peux pas. Pas si je veux savoir à qui il a donné ses informations, et qui sont les Aurors qui ont abattu Astoria sans lui poser aucune question, sans lui donner aucune chance, aucune forme de jugement...
Depuis des années, j'extermine les Mangemorts que le Ministère a laissés filé entre ses doigts. Mais le Ministère me dégoûte tout autant. Son système, ses Aurors qui ont contraint Astoria à la clandestinité alors qu'elle n'avait jamais rien été d'autre qu'une victime... Au final, ce sont eux qui l'ont assassinée. Une innocente. Ce sont eux. »
X
« 31 juillet 2007.
Joyeux anniversaire, H. Ça a été très dur aujourd'hui. Il y a des jours, comme ça, qui sont plus difficiles que d'autres. Sans raison particulière, sans fondement. Je l'ai appris à mes dépends.
Aujourd'hui, parce que je pensais à toi, je suis retourné à Godric's Hollow et j'ai passé un peu de temps sur la tombe de ma mère et d'Astoria. J'ai déposé les habituels narcisses sur la tombe de tes parents, aussi. Je suis resté là au Soleil, à donner des miettes de pain aux oiseaux, sous ma véritable apparence, en songeant que tout ce qui était cher et précieux dans ma vie se trouvait ici, dans ce cimetière. C'est plutôt révélateur, non ? Je n'aime pas la mort, mais la mort est amoureuse de moi... »
X
« 13 octobre 2007.
C'est difficile de décrire à quel point il semble impossible de continuer, quand on a cru au bonheur une fois, une toute dernière fois, pour le perdre à nouveau...
Aujourd'hui, cela fait un an qu'Astoria est morte. Un an, et j'ai toujours l'impression que c'était hier... J'ai cru que la douleur finirait par s'atténuer dans ma poitrine, comme elle l'avait toujours fait pour tout le reste. Mais non, ça n'a pas été le cas. Peut-être parce que dans toutes les autres épreuves que j'ai dû traverser, je défendais ma vie au jour le jour ? Je n'ai plus à faire ça aujourd'hui. Je suis bien installé, je sais comment mener ma vie. Rien ne me menace directement, tant que je reste prudent. Je n'ai rien pour m'occuper l'esprit, et tenir la douleur à distance...
Bien sûr, je dois toujours veiller sur le coffret. Et la Ronce est sortie de son deuil pour continuer à tuer. Le reste du temps, pour m'empêcher de penser, je me consacre à mon enquête sur William D. Mais ça ne suffit pas. Tout me semble vide. Je pense à l'avenir, et je ne vois que mes devoirs, rien d'autre. Je vis par obligation, pour ce que je dois à Astoria, aux victimes des Mangemorts, au coffret... Il y a bien longtemps que je ne vis plus pour moi. »
X
« 1er décembre 2007.
C'est notre anniversaire aujourd'hui, H. C'est plutôt étrange que je pense à ça maintenant, tu ne trouves pas ? Après toutes ces années... Je devrais t'avoir laissé partir. Je devrais avoir accepté que tu vives ta vie, loin de moi, et que nos chemins ne soient plus jamais amenés à se croiser... Nous sommes probablement devenus trop différents à présent, pas vrai ? La vie nous a changés. Si je surgissais devant toi là tout de suite, et que mes mensonges ne nous détruisaient pas, nos changements le feraient sans doute...
Je ne suis plus sûr de vouloir avoir ce que j'ai vécu avec toi. Non pas que j'entretienne le moindre espoir, ce n'est pas ça. Je ne suis plus sûr de vouloir aimer, c'est tout. Je n'en ai plus la force. J'ai tout donné, et deux fois. J'ai trop perdu. J'ai toujours entendu dire que l'amour enrichissait l'âme : plus on aime, plus on est capable d'aimer... Moi c'est l'inverse. Je ne peux plus. Je suis comme un mécanisme grippé auquel on demande d'avancer. »
X
« 6 janvier 2008.
Peut-être qu'en fait, j'aimerais que tu me contredises ? J'aimerais pouvoir te dire toutes ces choses, voir tes sourcils se froncer, l'inquiétude envahir tes yeux verts, supplantée par la colère, et là, tout à coup, tu t'écrirais : « Arrête tes conneries, Noah ! Bien sûr que tu peux aimer à nouveau ! Bien sûr que tu n'es pas grippé ! Tu peux aimer, tu peux ressentir cette étincelle à nouveau, tu peux la ressentir pour moi ! »
C'est étrange, non ? Les tours et les détours que nous inflige notre cerveau... Je voudrais que tu me consoles d'un autre amour. Quelque part, il y a quelque chose de malsain là-dedans. Et par moments, je me dis, pas tellement. Je me suis toujours tourné vers toi par réflexe quand je me sentais mal, H. A travers ces pages, sans que tu le saches... J'ai toujours eu le fantasme de te confier toutes ces choses réellement, librement, sans crainte de ta réaction... Ce journal, c'est le seul moyen pour moi de le faire. »
X
« 18 mars 2008.
Il s'est passé quelque chose il y a une semaine. J'ai déconné. Je suis passé près, très près d'y laisser ma peau...
J'étais sur la piste de ma prochaine victime. Je m'apprêtais à passer à l'action, sauf que cette fois, ma victime s'est défendue. Il a retourné l'une de mes lames contre moi, il savait se battre, et il a bien failli m'avoir, cet enfant de salaud... Au final, il m'a poignardé trois fois en pleine poitrine. Je n'ai dû ma survie qu'à mes réflexes, et à ma connaissance de l'anatomie humaine, depuis le temps... J'ai pu le dévier suffisamment pour éviter les organes vitaux. Ensuite, je lui ai planté une dague dans la tempe, et il n'a plus bougé. Mais je me suis retrouvé là comme un con, baignant dans mon propre sang, incapable de transplaner...
Si j'avais tourné de l'œil, je serais mort. Heureusement, j'ai pu ramper pour récupérer ma baguette et atténuer un peu les dégâts. J'ai ensuite effacé toutes traces de mon passage, et j'ai transplané. Une fois à l'appartement, j'ai pu me soigner : j'ai tout un stock de potions pour ce genre de situations... Il m'a fallu une bonne semaine pour me rétablir...
Mais voilà, je suis passé près. Trop près. L'expérience m'a rendu trop confiant et négligent. En rentrant à la maison, la première chose que j'ai vue, c'est le coffret, et je me suis dit : « Mon Dieu, D. Qu'est-ce que tu aurais fait ? Qu'est-ce qui ce serait passé si tu étais mort dans cette planque miteuse ? Qu'est-ce qu'Astoria penserait de ta conduite ? ».
Je me suis montré stupide, et je voudrais me traiter de tous les noms... J'ai été imprudent. Je n'ai pas pensé à la sécurité du coffret, je n'ai pris aucune disposition au cas où les choses tourneraient mal, pour moi... Dès demain, il faudra que je me mette en quête de solutions. »
X
« 15 mai 2008.
Un de mes contacts m'a rencardé. Cet homme, Henry B., m'a proposé une solution à laquelle je n'avais jamais pensé, même pas dans mes rêves les plus fous...
Il m'a suggéré de créer un Horcruxe.
Dans les premiers instants, j'ai cru que j'avais mal entendu. J'ai cru que j'avais fait une erreur, ce n'était pas possible... Et pourtant, si, H.B. m'a regardé droit dans les yeux, et il m'a réaffirmé que la meilleure protection que je pouvais m'offrir, c'était de me créer un Horcruxe...
Je l'ai approché sous une de mes identités les plus passe-partout. C'est un masque que j'utilise très souvent, à qui j'ai même permis de tisser des relations et de se faire connaitre. Aux yeux du petit monde des bas-fonds londoniens, cette identité est une sorte d'homme à tout faire : un type fiable, mais secret, travaillant pour des maitres inconnus et capable de tout trouver, tout accomplir, tout obtenir. Je me suis présenté à H.B. en prétendant chercher une protection puissante pour l'un de mes maitres.
H.B. n'est pas le premier auquel je m'adresse. Cela fait plusieurs semaines maintenant que je louvoie pour trouver une solution. Mais H.B. est le premier à m'apporter une réponse aussi concrète... J'aurais dû m'en douter en voyant le personnage, en même temps : il a repris la boutique de Barjow & Beurk. Il est trop jeune pour avoir été Mangemort, mais il pue la magie noire à plein nez, et, avec du recul, c'est logique qu'il m'ait fait cette suggestion...
Mais ce n'est pas cela qui m'a le plus choqué. Non, ce qui m'a choqué, c'est que l'espace d'une seconde, j'ai considéré cette solution. Et depuis que je l'ai fait, je n'arrive plus à me la sortir de la tête...
La seule idée d'un Horcruxe me révulse. Elle me rappelle V. et toutes les horreurs qu'il a engendrées. Elle me rappelle toi, H... Et pourtant, une partie de moi ne peut s'empêcher de penser qu'il a raison : un Horcruxe est un acte de magie extrêmement puissant. Avec tous les meurtres que j'ai commis, j'aurais déjà pu m'en créer des dizaines... Un Horcruxe assurerait ma survivance en cas d'accidents comme celui de mars dernier.
Mais je n'arrive pas à m'y résoudre... Je me dégoûte rien que pour le fait d'y avoir pensé, de l'envisager... Une petite voix dans ma tête n'arrête pas de me murmurer : « Ce n'est pas à toi que tu dois penser en priorité. Pense au coffret. Pense à ce que tu dois faire pour le protéger. C'est ton devoir, D. C'est tout ce qui compte. Tu l'as dit toi-même : tu n'espères plus, tu ne ressens plus. Tu n'es plus capable d'aimer. Ta vie ne t'appartient plus, alors autant la sacrifier entièrement à cette chose que tu protèges... ».
Mais il faut croire que j'existe encore un peu, quelque part au fond de moi, sous la surface. Une part d'individualité se bat pour exister... Pour ne pas être fendue en deux, sacrifiée sur l'autel de l'horreur... Je ne veux pas commettre un acte immoral de plus. Je veux rester moi, avec la culpabilité et les souffrances que cela implique. Je suis déchiré, H... Je ne sais pas quel choix faire. »
X
« 31 juillet 2008.
Joyeux anniversaire, H. J'ai l'affreuse impression d'avoir régressé. Aujourd'hui, pour la première fois depuis des années, je suis descendu dans ta rue pour t'espionner.
C'était étrange, de te revoir en vrai... Tu n'as pas tellement changé. Tes cheveux sont plus courts, peut-être, mais ça je l'avais déjà vu grâce aux coupures de journaux que je consulte régulièrement. Tu vis toujours dans notre petit appartement. Quelque part, ça me semble irréel... C'est comme si je pouvais débarquer à nouveau là, tout de suite, ouvrir à nouveau la porte et retrouver notre cuisine... Mais c'est tellement loin tout ça. J'ai du mal à réaliser que cela fait plus de quatre ans que je suis parti maintenant. Il s'est passé tellement de choses, en quatre ans...
Aujourd'hui, je suis en colère contre moi-même, parce que mon comportement trahit ma faiblesse. L'état d'hésitation et de désespoir dans lequel je me trouve... A l'époque où j'étais Noah, je croyais naïvement que ma situation était insoutenable, que je ne pourrais jamais vivre pire...
Comme d'habitude, je me trompais.
Je voudrais revenir à cette époque où tout était plus simple. Je voudrais rentrer dans notre appartement, te dire que j'ai passé une mauvaise journée et te prendre dans mes bras, quitte à endurer tes questions sans y répondre...
J'ai dit que je ne voulais, que je ne pouvais plus aimer, mais en te voyant dans la rue aujourd'hui, j'ai su que c'était faux. Je reste humain, finalement, du moins tant que mon choix vis-à-vis de l'Horcruxe n'est pas arrêté. Je me sens seul, physiquement et moralement. Mais je sais que je n'ai pas le choix... Ma vie est trop dangereuse pour laisser un(e) inconnu(e) entrer dans ma vie. Et mon bref passage à l'Eventail m'a à tout jamais dégoûté des endroits comme celui-ci.
Que penserais-tu de mon projet d'Horcruxe, H. ? Cette fois, je crois que tu serais définitivement incapable de m'aimer... Parfois la nuit, quand je n'arrive pas à dormir, je t'imagine essayant de me dissuader de le faire. C'est comme si j'avais besoin qu'on m'en dissuade, que quelqu'un m'en dissuade, n'importe qui... J'ai besoin d'être sauvé de moi-même parfois. »
X
« 9 septembre 2008.
H. B. m'a parlé d'une autre solution. Il a fait quelques recherches pour moi, et découvert la trace d'un sortilège très ancien. C'est de la vieille magie que l'on n'a plus pratiquée en Europe depuis des siècles... Mais le souvenir s'en est perpétué, de grimoire en grimoire...
C'est un sortilège que l'on appelle « Carpe Noctem ». Est-ce que tu en as déjà entendu parler, H. ? Toi, avec ta formation d'Auror, est-ce que tu sais ce que c'est ?
Ce n'est pas vraiment de la magie noire, mais presque. Ça demande du sang. De la douleur, et de la patience. Cela nécessite de se faire faire un tatouage, sur l'intégralité du corps... Alors, le charme opère. C'est une protection, une armure magique capable de dévier les attaques subites, les coups, les armes... Ça ne marche pas contre les sortilèges puissants. Mais je me dis que ça reste une bonne alternative à l'Horcruxe... Après tout, l'homme qui a failli me tuer en mars l'a fait avec un de mes propres poignards. Au quotidien, ma vie est plus souvent menacée par des coups directs, physiques, que par des sortilèges. Alors oui, je considère la question...
Qu'est-ce que tu en penses, toi, H. ? Cela pourrait être une protection suffisante pour moi. Et puis j'aime cette idée : « Carpe Noctem »...
« Cueille la nuit ». C'est ce que ce sortilège sera chargé de faire : cueillir la nuit, cueillir les ténèbres qui m'attaquent... Je lui souhaite bien du courage. »
X
« 10 octobre 2008.
J'ai choisi. Je ferai le tatouage, je ne ferai pas d'Horcruxe. Etrangement, j'ai eu l'impression de sentir un poids s'ôter de mes épaules, dès que ma décision a été prise... Il ne reste plus qu'un problème à régler maintenant. Pour exécuter le sortilège, je dois le faire sous ma véritable apparence. Or, les sorciers capables de manipuler ce savoir ancestral sont rares, de nos jours... Je répugne à faire confiance à H.B. Je ne sais pas vers qui me tourner. Ce n'est pas un sort que je peux mettre en pratique seul... »
X
« 10 décembre 2008.
William D. a parlé. Depuis des mois maintenant, je me rapproche peu à peu de lui sous l'un de mes masques, je suis devenu son ami, son allié... Il a fini par me parler du marché qu'il a passé avec les Aurors, et il a proposé de m'en faire profiter. J'ai donc obtenu une rencontre avec l'un de ces hommes auxquels il rend des comptes, l'un des hommes qui a assassiné Astoria, sans aucun doute...
Cet homme m'était inconnu. Il a dit s'appeler Robert G. Lorsque nous nous sommes vus, il m'a demandé si j'avais des informations pour lui, et il m'a payé. C'est tout. Mais j'ai son nom et son visage, désormais. »
X
« 14 janvier 2009.
J'ai commencé à enquêter sur R.G. Je le suis lorsqu'il rentre chez lui tard le soir. Après quelques jours de reconnaissance, j'ai même réussi à pénétrer dans son appartement. J'y ai trouvé des dossiers, mais rien qui concerne Astoria. En revanche, j'ai eu le nom de ses coéquipiers...
Ils sont trois. Ce sont tous des hommes que je ne connais pas. Je suppose que je vais devoir leur rendre visite chacun à leur tour... Pour une raison qui m'échappe, je me retiens d'agir. J'aurais eu dix fois l'occasion de trancher la gorge de R.G. dans son sommeil. Mais je ne le fais pas. Pourquoi ?
Cela fait deux ans qu'Astoria est morte maintenant, mais la vengeance ne me quitte pas. Alors pourquoi est-ce que je m'obstine ainsi, pourquoi est-ce que j'attends d'avoir le document sous les yeux, la preuve que l'ordre a été donné de la capturer, morte ou vive ? »
X
« 25 mars 2009.
J'ai remis le tatouage à plus tard. Il me faut tester la fidélité de Henry B. d'abord. Lui aussi je le suis, je l'observe sous d'autres visages, pour voir s'il est digne de confiance... Lorsque j'en serai absolument certain – aussi certain que possible – alors je lui laisserai voir le vrai moi. En attendant, je redouble de prudence, et je fais en sorte que le coffret puisse se défendre lui aussi, au cas où quelqu'un chercherait à le détruire. »
X
« 8 mai 2009.
J'ai découvert un détail affreux aujourd'hui. Brusquement, c'est comme si deux de mes mondes séparés venaient d'entrer en collision...
J'ai fouillé les appartements des trois autres Aurors, et j'ai fini par découvrir qu'ils rendaient tous des comptes au même supérieur. R.W. Un nom sorti du passé, pour me frapper en pleine figure...
R.W. Il m'a toujours détesté, sous l'apparence de Noah, sous ma véritable apparence, dans le rôle de la Ronce... Il m'a toujours détesté, et aujourd'hui, enfin, il se retrouve sur ma route...
Je ne sais plus quoi faire. Je ne sais plus quoi penser. Le nom figurait sur une feuille d'ordre où étaient données pour instructions : « Capturez Astoria Greengrass, de préférence vivante : elle pourrait être en lien avec Drago Malefoy, que nous soupçonnons d'être la Ronce. »
Cette révélation m'a fait un choc. Je croyais que depuis des années, mon nom était mort et enterré. Je croyais que j'avais suffisamment couvert mes traces, que personne ne pouvait avoir le moindre soupçon sur mon identité... Et voilà qu'à présent, je découvre mon nom tracé de la main de R.W., bras droit du Service des Aurors...
Cela m'a tordu le ventre, H. Parce que je sais que si W. envisage cette hypothèse, alors, toi aussi. Toi aussi tu enquêtes probablement sur moi, tu dois avoir des dossiers sur moi...
Ta signature ne figurait pas sur la feuille d'ordres. Cela signifie que l'affaire est uniquement passée aux mains de W., et qu'il n'a pas ordonné la mort d'Astoria : ses hommes ont simplement commis une bavure...
Mais je ne sais plus quoi faire à présent. Je me sens vide. La perspective que tu enquêtes sur moi et que tu me traques comme un criminel me broie le cœur. Découvrir qu'Astoria est morte parce que ces imbéciles d'Aurors n'ont pas su retenir leurs sorts me broie le cœur. C'est une mort stupide, vaine. Comme toutes les morts, finalement...
Et que faire des responsables à présent ? Les tuer ? J'en meurs d'envie, mais cela condamnerait la réputation de la Ronce... Et même si je les tue en usant de la magie, sans associer ces meurtres à la Ronce, les Aurors ouvriront une enquête. Tu ouvriras une enquête, H., avec ton ami W. Et si vous êtes aussi proches de moi que vous semblez l'être...Ça ne parait guère prudent.
Je pourrais dénoncer la bavure dans une de mes lettres. Ou envoyer un courrier anonyme à la presse. Mais qui se soucierait de la mort d'Astoria Greengrass ? Qui cela indignerait-il de savoir qu'on l'a abattue comme un chien au lieu de la capturer vivante ? Personne. Ça ne ferait qu'augmenter les soupçons sur Drago Malefoy, je suppose...
Non, je tiens enfin la preuve entre mes mains, et la vérité me rattrape soudain : je suis dans une impasse, et depuis le tout début, je savais que ça finirait ainsi... Je savais que mon enquête serait vaine. Je me suis lancé dans toutes ces investigations pour quoi ? Je ne peux pas assassiner ces Aurors et clamer mon indignation contre le Ministère de la Magie. Je ne peux pas obtenir justice pour Astoria. Je ne peux rien faire...
A présent, je suis torturé par l'idée de savoir, H., savoir ce que tu sais sur moi... »
X
« 31 juillet 2009.
Tu n'étais pas chez toi pour fêter ton anniversaire aujourd'hui, H. Tu l'as fêté entre amis, au Terrier. Le Terrier... Quand je pense au temps que j'ai passé là-bas avec toi...Ça aussi, ça me semble surréaliste. Comme un rêve que j'aurais fait il y a très, très longtemps...
Bref. Tu n'étais pas là, et j'ai fait quelque chose dont j'ai honte. Cela faisait des semaines que j'essayais de ne pas y penser, des semaines depuis la découverte des ordres de W., mais... Je n'arrivais pas à me le sortir de la tête. Alors, aujourd'hui, en ton absence, je me suis introduit chez toi. Chez nous.
J'ai toujours ma clé, tu sais ? Je l'ai prise avec moi quand je suis parti. Les sortilèges de protection m'ont reconnu, et m'ont laissé passer. Aussitôt, j'ai été saisi par l'odeur, ton odeur. La mienne est partie depuis longtemps...
J'ai regardé autour de moi. C'est fou comme presque rien n'a changé. Comme si nous étions dans un sanctuaire, que tu aurais entretenu depuis des années...
Seules mes affaires étaient manquantes. Mais sinon, c'est toujours le même canapé où nous pliions des chaussettes, toujours les mêmes tasses à thé dans l'armoire de la cuisine, toujours la même parure de lit...
Je n'ai pas pu résister, je te l'avoue. Toutes mes émotions me rattrapaient d'un coup, comme si le passé m'avalait. J'ai ouvert tous les tiroirs, j'ai fouillé dans tes affaires... J'ai trouvé un recoin obscur dans ton armoire, où tu as entassé toutes les petites choses que j'avais laissées derrière moi. Ça m'a bouleversé. Ça, et ma photo dans le tiroir de ton bureau... La photo de Noah. Nous nous sommes regardés sans nous voir, mon reflet et moi...
Au bout d'un moment, il a bien fallu que je me ressaisisse. J'étais venu là pour une raison. J'ai fouillé ton bureau, H., j'espère que tu me pardonneras. Il fallait que je sache où en était ton enquête sur moi. Il fallait que je sache si tu savais pour Astoria...
J'ai parcouru tous tes dossiers, toutes tes notes, tout ce qui pouvait me tomber sous la main. Et je n'ai rien trouvé. Je n'ai rien trouvé, H., Dieu merci...
Je ne peux pas te décrire le soulagement que j'ai ressenti. Tu n'as pas ouvert d'enquête sur moi, et pourtant je sais que tu me suspectes d'être la Ronce : je le sais, parce que W. et toi en avait forcément parlé, c'est obligé... Pourtant, tu n'as pas ouvert d'enquête sur moi. Je ne sais pas vraiment comment l'interpréter : j'ose à peine l'interpréter... J'ai ce pâle et faible espoir que peut-être, loin sous la surface, au fond de toi, tu as compris... Tu as compris qui je suis, et pourquoi j'agis comme je le fais... Tu me soutiens, peut-être ?
Tu es le directeur du service des Aurors, alors tu n'as d'autres choix que d'enquêter sur la Ronce, et tu ne peux certainement pas la soutenir, mais... Si tu penses que la Ronce est Drago Malefoy, et que tu ne l'écris pas dans tes dossiers officiels... Peut-être que quelque part, c'est parce que tu veux me préserver ?
Je crois que malgré moi, j'ai toujours eu cet espoir que tu comprennes qui était la Ronce, H., simplement à travers mes lettres... Je m'adresse à toi comme je le faisais du temps de Poudlard. Serait-il possible qu'aujourd'hui, tu aies effectivement compris... Que tu aies fait part de tes soupçons à W... Dans ce cas, ça ne m'étonne pas que W. ait donné des ordres indépendamment de toi pour me retrouver. Lui n'a jamais pu m'encadrer...
Ça a été dur de partir, H. Je t'ai volé un ou deux pulls, tu m'en excuseras. Ton odeur m'avait trop manqué. J'ai été tenté de te laisser un indice, une trace de mon passage, mais... Je ne l'ai pas fait. Ça aurait été cruel de t'infliger ça. »
X
« 28 septembre 2009
H.B. m'a demandé où j'en étais de l'Horcruxe et du tatouage aujourd'hui. Je lui ai dit que l'Horcruxe n'était toujours pas d'actualité. Pour le tatouage, il m'a affirmé qu'il y travaillait : il faut qu'il apprenne à maitriser le sortilège, et c'est un art plus que délicat... J'ai dit que mon maitre patienterait. Cela me donne encore un peu de temps devant moi pour jauger à qui j'ai affaire. »
X
« 13 octobre 2009.
Cela fait trois ans qu'Astoria est morte aujourd'hui. C'est une sensation étrange. La découverte de mon nom sur ces ordres signés par W. a bouleversé mon existence, bouleversé ma façon de voir les choses... Le fait de retourner dans notre appartement, de goûter à mon ancienne vie pendant quelques heures...
Tous ces évènements ont fini par occulter un tout petit peu le chagrin en moi. Mais à présent, j'éprouve une vague forme de honte. J'ai l'impression d'avoir laissé tomber Astoria. Je n'ai rien fait pour la venger, et sa mort restera inconnue de tous... J'aimerais tellement pouvoir écrire son histoire un jour, la faire lire, révéler la vérité... Mais je ne peux pas. Cela nous compromettrait, le coffret et moi. Et le coffret, à présent, c'est tout ce qui compte... »
X
« 1er décembre 2009.
Joyeux anniversaire, H. Je continue de penser à cette date, tu vois ? Je crois que j'y penserai toute ma vie. Sans regrets j'espère, sans amertume...
Cette année a été étrange à bien des points de vue. Mais je crois que je commence enfin à m'en sortir. Je commence enfin à sentir le deuil glisser de mes épaules... Et j'arrive à me concentrer sur d'autres choses.
C'est grâce à toi, H. Ça m'a fait du bien de revenir chez nous, même un court instant. Ça m'a fait du bien de savoir que tu comprends les actions de la Ronce, que tu protèges ce vieil ennemi que tu appelles Drago Malefoy, sans savoir qu'il a partagé ta vie...
Je ne sais pas si je pourrai à nouveau envisager un avenir comme je l'ai fait lorsque j'ai retrouvé Astoria. Mais au moins, j'ai toujours le coffret. Et H.B. a dit qu'il serait bientôt prêt à exécuter le sortilège. Je pense le connaitre depuis suffisamment longtemps pour pouvoir dire que je lui fais confiance, désormais. Lorsque j'aurai cette protection ancrée dans ma chair, je pourrai dormir plus tranquille. Qu'en est-il de toi, H. ? Il m'apparait de plus en plus évident que nous ne nous retrouverons jamais toi et moi. Mais, pendant ces quelques instants où j'ai redécouvert l'appartement, je me suis senti si proche de toi...
Je t'aime, tu le sais ? Ça fait trop longtemps que je ne l'ai pas écrit entre ces pages. Je t'aime. Toujours. »
XXX
Je referme le carnet doucement. C'était le dernier, le dernier carnet. Et ses dernières lignes sont pour moi...
Bien sûr, il reste le carnet que Ron m'a confisqué quand Drago est mort. La dernière année... Je ne suis pas sûr de pouvoir le lire, parce que je sais ce qu'il contient désormais. Henry B., ce H.B. dont Drago parle dans ses journaux, c'est Henry Boyle. Le deuxième homme qu'il a abattu dans la ruelle, aux côtés de William Duval, juste avant que je ne le tue...
Je regarde le carnet fixement. A l'heure où il écrivait ces lignes, Drago ignorait ce que moi je sais. Il ignorait ce que j'ai découvert dans le dossier consacré aux informateurs des Aurors. Comme William Duval, Henry Boyle était un informateur.
Je caresse les derniers paragraphes, doucement. Je sais ce qu'il y a dans le prochain carnet. Drago s'apprête à accorder sa confiance à Henry Boyle. Il va se montrer à lui sous sa véritable apparence, pour qu'il lui fasse le tatouage... Et dès qu'il aura fini, Boyle le trahira.
J'entends soudain des coups frappés à ma porte. Je sursaute. J'entends la voix de Ron :
- Harry ! s'écrie-t-il. Harry, il faut qu'on parle !
J'inspire à fond. Il semble que l'heure soit venue finalement. Ron semble enfin avoir additionné deux et deux : il a compris que j'avais mené mon enquête indépendamment de lui. Et moi, j'ai compris ce qui s'est passé dans cette ruelle, le 14 décembre dernier.
Tous les nerfs en ébullition, je me lève et j'ouvre la porte.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro