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P R O L O G U E

"Les humains ont été créés à l'origine avec quatre bras, quatre jambes et une tête à deux visages. Craignant leur puissance, Zeus les sépara en deux parties distinctes, les condamnant à passer leur vie à la recherche de leur autre moitié."

Platon, Le Banquet

La vie était une chose étrange.

Epona le savait mais s'étonnait toujours de la facilité avec laquelle l'espèce humaine naissait, vivait puis mourrait. C'était un cycle incroyable, inlassable et immuable. Presque comme une roue entrainée par la vitesse dans une descente : si on essayait de l'arrêter, soit on l'évitait, soit on était écrasé. On évitait la mort ou on mourrait. Il n'y avait pas d'autres alternatives. Personne n'arrivait à contrer la mort et c'était une bonne chose de l'avis d'Epona. Elle avait lu suffisamment de rapports de mission de Phastos pour savoir ce qu'une surpopulation pouvait entrainer sur la Terre. Son rôle était justement de jouer avec elle.

La mort.

Une ancienne ennemie qu'elle avait fini par trouver réconfortante avec le temps. La mort ne signifiait rien quand on était un Eternel. Le temps était plus rapide, les années passaient comme des semaines, les siècles comme des mois. Il n'y avait pas de crainte de la mort car le temps n'avait pas d'emprise sur les corps. C'était un sentiment étrange de voir les humains enfants d'hier devenir les vieillards d'aujourd'hui et les cadavres de demain.

Mais la mort ne jouait pas uniquement avec le temps.

Elle jouait aussi avec le sang, la violence et les maladies. Elle jouait avec des outils dangereux et létaux. Des outils qu'Epona connaissait maintenant par cœur. Un couteau coupait mais soignait. Un couteau nourrissait mais tuait. Les outils de la mort étaient toujours à double tranchant.

La mort était le poison de son existence.

La mort était un phármakon. L'équivalent grec pour le poison et le remède.

Et Epona était Méduse. On disait de Méduse qu'une fois sa tête coupée, de sa veine gauche sortait un sang empoisonné et de sa veine droite sortait un remède capable de ressusciter un mort. Epona avait toujours détesté ce mythe mais il lui correspondait plutôt bien en y repensant.

Elle préférait nettement le mythe d'Hélène et de Pâris. Peut-être car elle était triste à en pleurer depuis des années. Peut-être car le mythe des deux amants lui apportait un certain réconfort. Ou peut-être car elle n'avait plus que ça auquel se raccrocher.

Elle avait tout perdu. Mais cette perte avait quelque chose de rassurant. C'était sa décision après tout de choisir de s'isoler, de perdre tout ce en quoi elle croyait. Elle avait choisi la Mongolie, steppes battues par les vents pour exprimer sa tristesse et son dénuement. Le pays le moins peuplé du monde. Celui occupé par moitié par des chevaux sauvages et des tribus nomades. Epona pouvait passer des mois sans croiser le moindre humain et cela lui convenait. Elle était seule mais au moins c'était son choix.

Elle avait choisi une vie d'ermite pour le protéger. Ce Pâris qu'elle n'avait pas revu depuis des années. Elle avait fait le choix le plus cruel de son existence et elle était partie.

Pour le protéger.

Le protéger de quoi ? Le protéger de qui ? Le protéger d'elle. Car c'était elle la cause de tous leurs problèmes. Elle n'était pas faite pour aimer et être aimée en retour. C'était sa punition pour ce qu'elle avait fait il y a des années.

Le noir de la nuit commençait à s'installer sur les steppes mongoles. Une brise se mit à souffler les quelques nuages qui masquaient la voie lactée et les longues mèches blondes d'Epona s'envolèrent avec le vent. Elle se pencha pour allumer un feu de camp avec les maigres réserves de bois qu'elle avait amassées. Elle clopina pendant quelques instants, sa mauvaise jambe la faisant toujours souffrir, même après des millénaires.

Sersi et Ikaris étaient venu la voir il y a quelques heures. Les deux Eternels l'avaient retrouvé au milieu de ces grandes plaines isolées par hasard, tout du moins c'était ce qu'Ikaris avait voulu lui faire croire. Epona savait cependant qu'il n'y avait aucun hasard chez Ikaris. Il avait dû l'observer de loin, au moins pour savoir comment elle allait. C'était bien le genre d'Ikaris : s'occuper de ceux qui en avaient le plus besoin.

La blonde pencha la tête vers les étoiles. Elle se demanda ce que sa vie aurait été si elle avait accepté la demande de Sersi.

La brune lui avait parlé d'Emergence, de devoir, d'un certain Tiamut.

Elle avait fait semblant d'être surprise.

Elle avait jeté un coup d'œil à Ikaris et vu qu'il n'avait toujours rien dit à la brune. Il n'avait rien dit à Sersi car il ne voulait pas lui faire du mal, comme il l'avait dit à Epona cette nuit à Rhodes, il y a tellement longtemps. Cela semblait une éternité.

La blonde avait prétexté une famille imaginaire qu'elle ne pouvait pas quitter. La brune avait acquiescé gentiment, semblant comprendre ses arguments. Ikaris avait immédiatement compris qu'elle mentait en regardant sa tente solitaire et terne mais avait semblé reconnaissant quand elle avait décliné l'offre de Sersi de les accompagner.

Elle était tellement proche du but qu'elle s'était fixée depuis toutes ces années qu'elle n'allait pas intentionnellement tout gâcher en venant avec eux. Même si cela pouvait paraitre suspect. Même si cela signifiait ne pas revoir des membres de sa famille. Même si cela signifiait ne pas le revoir.

Elle en avait tellement envie pourtant. Cela faisait plus de deux cents ans qu'ils ne s'étaient pas vus. Avait-il changé ? Elle savait bien que non. Avait-il toujours ses ridules au coin des yeux quand il riait. Elle espérait que oui.

C'était la chose qui lui plaisait le plus chez lui. Son rire. Ce n'était pas un rire franc, comme le sien pouvait l'être, mais toujours un rire teinté d'ironie. Il était d'autant plus beau qu'il était rare, ce rire.

Si l'éternité avait appris quelque chose à Epona, c'était que la beauté était la cause de tous les maux de l'humanité. Elle engendrait convoitise, jalousie, désirs de pouvoir, conquêtes, guerres. Epona était la cause de tous ces maux. Elle était la Hélène malheureuse de cette Terre. Et son Pâris l'attendait de l'autre côté de l'Atlantique, au fin fond d'une forêt sans fin que les humains s'échinaient pourtant à détruire.

Une flammèche s'envola dans le ciel sombre de la steppe. Une buche craqua dans le feu de camp. Epona sentit une vague de chaleur lui frôler le visage. Elle entra dans sa yourte, regarda les maigres affaires qu'elle possédait. Un vieille paillasse en bois avec quelques couvertures étalées pêle-mêle. Quelques meubles démontables facilement contenant des anciens parchemins millénaires et une carte de la Mongolie. Un petit réchaud qui n'avait pas été utilisé depuis des lustres. Une lampe tempête à huile. Un tourne-disque sur lequel reposait un vinyle ancien. Une pochette élimée permettait de voir les lettres de « Brahms » inscrites dans une écriture manuelle.

Une écriture qui n'était pas celle d'Epona.

La blonde sortit le vinyle de sa pochette et le mit sur la platine. Bientôt l'aiguille du tourne-disque fit craquer l'ancien disque et Epona se mit à siffloter l'air qui sortait de l'appareil. Elle se dirigea en clopinant vers une étagère branlante et en sortit un ancien carnet de croquis avant de ressortir de la yourte.

Elle s'assit par terre, croisant ses pieds sous ses cuisses, le visage tourné vers les flammes. Elle toucha attentivement les pages jaunies du carnet, presque comme si elle craignait que le papier ne s'effrite entre ses doigts. Sur les pages du carnet à dessin s'esquissaient plusieurs figures connues. Dix personnages revenaient le plus souvent, dans des scènes de la vie quotidienne mais aussi au combat, la mine inquiète et concentrée.

Un personnage habillé de noir ressortait le plus souvent, endormi sur l'herbe, mangeant des fruits ou encore avec une ride d'inquiétude sur le front. Les traits étaient esquissés à la va-vite sur les premiers dessins, comme s'ils avaient été réalisés en cachette. Puis les traits se faisaient plus marqués à la mesure des dessins, des détails apparaissant de plus en plus clairement. Un reflet de soleil dans des cheveux noirs, une fossette au coin de la bouche, une veine sur un muscle.

La troisième symphonie de Brahms continuait de se jouer sur le vieux tourne-disque d'Epona et celle-ci sentit une vague d'émotion l'envahir.

C'était son morceau préféré.

Car il lui rappelait tellement lui, plein de changements, d'envolées, de vagues puissantes qui embarquaient tout sur son passage.

Son Pâris était une constante inébranlable dont elle n'arrivait pas à se défaire. Il était son début et sa fin abrupte aussi. Il était son centre de gravité vers lequel elle se précipitait, quels que soient ses efforts pour se débattre.

Cet état la tuait tout autant qu'il le tuait.

Il était son trou noir autant qu'elle l'était pour lui.

Irrémédiablement attirés l'un par l'autre.

Jusqu'à la collision.

Brutale.

Irrémédiable.

Oui, Epona regardait les étoiles et se demandait quelles planètes rentraient en ce moment-même les unes avec les autres, à l'autre bout de l'univers. Elle se demandait quelles planètes, quelles étoiles les Célestes étaient en train de façonner. Elle se demandait aussi ce qu'il était en train de penser en ce moment dans son coin de forêt. S'il pensait à elle en regardant les même étoiles.

Puis elle se dit qu'elle était idiote, car il faisait jour en Amazonie et qu'il ne pouvait donc même pas voir les étoiles.

Il avait toujours été solitaire. Il n'avait jamais eu besoin d'elle pour exister.

Pas autant qu'elle avait besoin de lui depuis qu'elle avait décidé de suivre son chemin en solitaire.

Le sourire en coin de son Pâris lui manquait. Ses taquineries lui manquaient aussi. Lui qui était toujours si agacé quand elle l'embêtait. Lui qui souriait quand elle riait trop fort. Lui qui la prenait dans ses bras le soir, en lui offrant des marguerites trouvées sur le bord de la route, tout simplement car il trouvait que ces fleurs allaient bien dans ses cheveux blonds.

Epona tourna les pages de son carnet de croquis, la gorge nouée. Elle tomba finalement sur les croquis de deux autres hommes. L'un était brun aux cheveux longs et portait une paire de braies à carreaux. Il avait un nez légèrement de travers, comme si celui-ci avait été cassé à de multiples reprises, et un front large, une main serrée autour de sa spatha de cavalerie gauloise. L'autre était blond aux yeux vairons, une cape écarlate de chef de guerre macédonien épinglée à ses épaules par de larges pinces. Il avait dans les yeux un air sérieux mais aussi quelque chose d'enfantin qui le rendait tout de suite sympathique.

Epona tira de son col une fine chaine en bronze sur laquelle étaient suspendus trois pendentifs. Une bague en argent, un cheval en bronze et un soleil en or. Ses doigts s'arrêtèrent pour tâtonner la bague en argent. Les aspérités du métal sous ses doigts traçaient des cercles sur sa peau fine. Machinalement, elle porta la bague à ses lèvres, le regard toujours porté sur le carnet de croquis. Elle retint son souffle en tournant les dernières pages du carnet. Une feuille volante fut expulsée du carnet par le vent de la plaine. On pouvait distinguer trois silhouettes de femmes dans des robes ensanglantées, le visage recouvert par des cheveux en bataille.

La main d'Epona claqua d'elle-même sur la couverture du carnet à dessin, le refermant brutalement. La blonde marcha lentement vers la feuille volante pour la ramasser, ses pensées divaguant dans tous les sens.

Tout avait bien changé depuis qu'elle avait quitté l'espace.

Elle soupira un peu quand le disque se décrocha et attisa le feu de camp devant elle dans le silence. Il illuminait son visage d'une chaleur qui lui faisait du bien dans le vent glacial de la plaine.

Pourtant elle n'avait pas froid. Elle n'avait jamais froid. Sauf quand elle faisait semblant pour obtenir un manteau de lui et qu'elle pouvait sentir son odeur. Elle enfonça son nez dans l'étole qu'elle portait autour du cou. Elle était bleue, légèrement élimée sur les bords par les années. Elle sentait le feu de bois et le crottin de cheval. Son odeur avait disparu depuis longtemps mais elle la conservait tout de même. Le dernier souvenir qu'elle avait de lui. Quand il souriait encore en la voyant au lieu de se mettre à la détester.

C'était une autre époque.

Une autre vie aussi.

Elle se leva pour remettre le disque sur son axe et les violons recommencèrent.

Changements.

Envolées.

Vagues.

Elle sentit une larme dévaler sur sa joue et l'essuya avec étonnement.

Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas pleuré. Depuis qu'Hélène avait rejoint Ménélas pour faire son devoir, en dépit de tout l'amour qu'elle portait à Pâris.

Il ne pourrait jamais lui pardonner, elle le savait.

Elle savait aussi que si Sersi voulait reformer l'équipe, Phastos aurait forcément besoin d'aide. Il avait besoin d'elle pour lui donner l'idée qui lui permettrait de donner sens à ses créations. Epona avait toujours été une muse pour l'Inventeur.

Car c'était en cela que résidait son pouvoir.

Le génie créateur.

L'art.

La beauté artistique.

Elle avait eu un débat avec Baudelaire il y a longtemps car il considérait que la beauté résidait aussi dans la mort et une forme de mocheté. Elle n'avait jamais compris. Jusqu'à maintenant. Maintenant, elle devait donner la mort ou protéger ceux qui ne la méritaient pas. Il y avait effectivement une certaine beauté à tout cela. Une forme d'abnégation totale pour une cause. C'est peut-être poétique finalement.

Mais les pouvoirs d'Epona ne s'arrêtaient pas là. L'essentiel de ses capacités résidait dans sa capacité à influer sur l'amour, le bien-être et les émotions positives.

C'était un paradoxe qu'elle fut incapable de ressentir de l'amour.

Non, elle ressentait cet amour. Mais il faisait si mal qu'elle se demandait parfois si elle devait vraiment qualifier cette émotion de positive.

Car l'amour rimait avec douleur depuis tant d'années pour elle.

Car l'amour signifiait déchirement depuis qu'il n'était plus là.

Elle avait fini sa mission, l'Emergence avait commencé. Son but était atteint, personne ne pourrait empêcher Tiamut de naitre des souffrances de la Terre. Cela voulait donc dire qu'elle pouvait enfin arrêter de souffrir.

Elle arrêta le disque qui dérailla une seconde sur son axe avant de s'arrêter brusquement et rangea le vinyle dans sa pochette.

Ce fut à ce moment-là qu'elle remarqua que la feuille de croquis représentant les trois femmes dans leurs robes ensanglantées était toujours dans sa paume. La feuille semblait presque collée à elle, réminiscence d'un passé ancien.

Un passé pas suffisamment ancien manifestement puisqu'Epona froissa la feuille d'un geste rageur avant de la jeter dans les flammes. Elle regarda le papier se corner et noircir sous la chaleur avec une lenteur calculée. Bientôt le papier ne fut que cendres et la blonde sentit une forme de soulagement l'envahir.

Cela ne soulagerait pas tous ses démons. Mais cela l'aiderait peut-être un peu.

Le regard de la blonde se perdit sur le carnet de croquis, sur la bague qui pendait à son cou et inspira l'odeur de feu de bois qui provenait de l'étole autour d'elle. Il lui manquait. Tellement. Peut-être trop. Elle voulait le revoir. Elle devait le revoir. Au moins une dernière fois. Elle pouvait retrouver son Pâris et assister à la fin du monde à ses côtés. Même si cela signifiait qu'il la haïrait du plus profond de son être, elle préférait le voir la détestant que ne pas le voir du tout. Cela changeait tous ses plans. Son regard se perdit une dernière fois sur les flammes, hésita une ultime fois. Puis elle secoua la tête et se leva. Elle fit rapidement ses affaires et prit le strict minimum en enfournant tout en vrac dans un sac à dos. Elle mit une selle sur le dos de son cheval et éteignit le feu de camp en jetant de la terre dessus avec son pied.

Sersi avait dit qu'ils iraient voir Kingo après elle. Cela signifiait donc qu'il se trouvait forcément dans un autre pays. Et si l'acteur n'avait pas changé de personnalité, elle savait parfaitement où il se trouvait.

En donnant un coup de talon à son cheval pour partir au galop, Epona repensa étrangement à Sprite. Sprite qui créait des mythes pour chacun des Eternels. Epona était-elle Helène de Troie ou Méduse ?

L'étole bleue autour du cou d'Epona se desserra, laissant une bourrasque entrer dans ses vêtements.

Près de la yourte qu'Epona venait de quitter, trois silhouettes de femmes se tenaient debout en silence, leurs longs cheveux masquant leurs visages. Des gouttes de sang tombaient lentement de leurs robes et tachaient l'herbe autour d'elle.

Epona était peut-être Oreste finalement.

L'aventure commence ;)

a.k.a MadBloodd

[Première publication : 30 janvier 2022]

[Republication : 18 juin 2024]

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