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Πρὸς ἕω δ᾽ ἐστὶν ὄρος τοῦ Πύλου πλησίον ἐπώνυμον Μίνθης, ἣν μυθεύουσι παλλακὴν τοῦ Ἅιδου γενομένην πατηθεῖσαν ὑπὸ τῆς κόρης εἰς τὴν κηπαίαν μίνθην μεταβαλεῖν, ἥν τινες ἡδύοσμον καλοῦσι. Καὶ δὴ καὶ τέμενός ἐστιν Ἅιδου πρὸς τῷ ὄρει τιμώμενον καὶ ὑπὸ Μακιστίων, καὶ Δήμητρος ἄλσος ὑπερκείμενον τοῦ Πυλιακοῦ πεδίου.
Non loin de Pylos, du côté du levant, est le mont Minthé, ainsi nommé, apparemment, de cette héroïne de la fable, qui, pour avoir été aimée de Pluton, périt écrasée sous les pieds de Proserpine et fut métamorphosée par elle en une plante bien connue de nos jardins, la menthe, ou, comme on l'appelle quelquefois, l'hédyosme.
Strabon, Géographie, VIII, III
Cela faisait plus de mille ans qu'ils étaient arrivés sur Terre. Mille ans qu'Epona s'activait à nommer toute chose qu'elle avait découverte. Mille ans qu'elle clopinait toujours. Ajak avait tenté maintes et maintes fois de la guérir mais son pouvoir ne fonctionnait que pendant quelques semaines, permettant toutefois à la jeune femme de se tenir debout sans trébucher à chaque pas.
Elle n'avançait pas vite, certes, mais elle marchait. Elle était tellement reconnaissante à Ajak de l'avoir aidé qu'elle essayait de compenser son manque de mobilité par un approfondissement de chaque découverte qu'elle faisait. Elle avait rapidement compris que son pouvoir ne résidait pas uniquement dans les langues mais aussi dans sa mémoire. Elle se souvenait de chaque plantes, chaque animal qu'elle nommait.
Elle se souvenait aussi de chaque humain qu'elle croisait.
Au début, elle avait voulu faire comme Sersi, se mêler aux humains, à leurs traditions, leur montrer son art, ce qu'elle pouvait faire. Mais le temps passait tel un souffle de vent et elle voyait les nourrissons se transformer en vieillards en un battement de cil.
Elle avait pleuré au premier humain qu'elle avait vu mourir. Un enfant mort de maladie. Ajak ne pouvait pas le sauver. Arishem n'aurait pas voulu qu'elle use son pouvoir pour sauver les humains. Il était ainsi de la vie des hommes. Vie et mort. Dans un cercle impitoyable.
C'était à ce moment-là qu'elle avait décidé de ne plus se mêler aux hommes. Car elle ne pourrait jamais tous les sauver. Et Ajak non plus, même si elle l'avait voulu.
Elle s'était alors rapprochée de sa mission initiale, passant la majeure partie de ses journées dans la campagne autour du Domo. Pas trop proche pour ne pas que les autres Eternels l'empêchent de travailler, pas trop loin pour pouvoir être de retour au vaisseau rapidement en cas d'attaque de Déviants.
En fait, elle se mettait toujours en lisière de la portée mentale de Druig.
Elle appréciait les pouvoirs de Druig à savoir lire dans les pensées. Cette faculté lui valait des remarques quotidiennes de la part des autres membres de l'équipe, spécialement Kingo, pour qui la faculté du Télépathe était particulièrement insupportable. Epona comprenait que sa facilité de lire en chacun d'eux si aisément pouvait poser un problème. Après tout, chacun avait son jardin secret qu'il n'était pas facile de voir possiblement violé de la sorte. La blonde s'en fichait. Elle n'avait rien à cacher. Et puis, ils étaient une famille.
Elle avait passé la matinée à dessiner dans le Domo pendant que les autres Eternels s'activaient autour d'elle. Le papier était une chose rare et elle voulait l'économiser le plus possible. Epona faisait ses propres feuilles de papier avec les plantes qu'elle trouvait dans le désert et les pressaient avec l'aide de Phastos. Les humains ne connaissaient pas encore l'écriture et les seuls supports disponibles étaient des tablettes d'argiles ce qui ne facilitait pas le dessin. Cependant, Epona avait besoin de papier pour sa classification botanique. Elle dessinait des feuilles, des fruits et écrivaient les périodes de floraison et de germination des fruits. C'était un travail fastidieux mais cela lui convenait.
Druig la suivait parfois dans ses explorations. Le brun était un bon compagnon de recherche. Ce qu'Epona appréciait le plus était son silence. Il ne disait rien la plupart du temps, la regardant classifier les plantes avec un sourire en coin. Le brun lui avait une fois avoué qu'il préférait souvent le silence à l'agitation perpétuelle du Domo.
Druig et Epona passaient du temps ensemble, elle à dessiner et lui à observer les humains à travers leurs esprits. Le pouvoir du Télépathe était un peu particulier. Il avait tenté d'expliquer une fois à Epona ce qu'il pouvait voir dans les esprits des gens mais cela restait très abstrait pour la blonde. Druig parlait constamment de couleurs, d'émotions, de paysages sans jamais réussir à se faire comprendre. Epona peinait à comprendre ce que voulait dire Druig mais essayait de raccrocher ce qu'il disait avec ce qu'elle connaissait. D'une certaine façon, sa mémoire fonctionnait comme un esprit indépendant. Quand elle voulait classer une plante, elle se rendait dans la case qu'elle avait créé dans sa mémoire, refermait le tiroir et reculait pour admirer le reste de son classement.
C'était une sorte d'espace mental inventé.
Une création de sa part en quelque sorte.
Quand Druig lui parlait de couleurs, elle pensait tiroir. C'était la même chose.
Un espace mental différent mais des similitudes.
Druig et Epona avaient des pouvoirs mentaux. Ils se comprenaient. Les autres Eternels n'étant pas forcément un public très attentif, le brun passait le plus clair de son temps à utiliser son pouvoir dans le silence du travail d'Epona. Il lui avait promis un jour qu'il lui montrerait ce qu'il voyait dans l'esprit des humains. La blonde avait juste souri en se remettant à la tâche.
Epona avança en trainant sa jambe sur le sable du désert. Elle avait repéré une plante qu'elle ne connaissait pas plus loin dans le sable et voulait absolument savoir de quelle espèce il s'agissait. Elle avait passé une bonne partie de la matinée à classer mentalement les arbres qu'elle avait vu la veille et une famille manquait dans son classement.
Elle s'agenouilla et posa la main sur la plante. Immédiatement, ses pouvoirs s'activèrent en de multiples cercles dorés qui vinrent s'enrouler autour de ses bras. Elle sourit doucement en sentant la sève couler à travers la plante. Le liquide traversait chaque tige, chaque feuille pour apporter le nutriments nécessaires à la survie du végétal et Epona sentait sous ses doigts ce flux constant.
La vie sur Terre était merveilleuse. Elle avait discuté de son pouvoir avec Ajak pour savoir si l'Eternelle originelle ressentait la même chose que la blonde lorsqu'elle guérissait l'un d'entre eux mais Ajak avait seulement répondu par un de ses demi-sourires énigmatiques qui la caractérisait si bien.
Elle cueillit une feuille de la plante et la mit sous son nez en fermant les yeux. Cela sentait un peu comme les citrons qu'elle avait découvert il y a quelques années. Mais il y avait aussi une odeur plus épicée, plus piquante, plus odorante aussi. Quelque chose dont elle n'arrivait pas entièrement à saisir l'essence.
Quand elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dans le noir. Les étoiles scintillaient dans le ciel du désert où elle se trouvait. Et deux yeux bleus la fixaient en silence.
Elle esquissa un sourire vers Druig et se redressa lentement en enlevant le sable de son pantalon.
- Cela fait plus de deux heures que tu n'as pas bougé, dit le brun en lui tendant la main pour l'aider à se relever, je m'inquiétais pour toi.
Epona accepta la main tendue et massa sa cuisse ankylosée après une telle inactivité.
- Je perds la conscience du temps quand je nomme les choses. J'ai manqué quelque chose ?
- Rien à part les blagues de Kingo sur les humains. Comme elles ne sont pas drôles, tu n'as donc rien raté.
La blonde rit doucement en rebroussant chemin vers le Domo.
- Je sais que tu n'aimes pas vraiment Kingo.
- C'est faux, je l'adore, dit le brun avec sarcasme, nous formons un duo inséparable.
La blonde leva les yeux au ciel et enjamba lentement un rocher qui bloquait sa route.
- Comment vont les autres ?
- Sprite a fait des illusions toute la journée pour embêter Kingo. Sersi a transformé un rocher en eau pour permettre de construire une route. Ikaris l'a surveillé en faisant comme si personne ne voyait son attirance pour elle. Thena et Gilgamesh sont allés à la chasse. Makkari a couru toute la journée en faisant le tour du pays. Elle dit qu'il y a d'autres plantes dans les montagnes que tu devrais classifier.
Le brun se mordit la lèvre en voyant le sourire de la blonde se faner brusquement. Il savait que le handicap d'Epona était un sujet sensible. La vitesse de Makkari était un sujet de fascination autant que de jalousie pour la blonde, bien qu'elle ne l'avouerait jamais. Druig savait que son immobilité forcée peinait grandement la blonde. Elle freinait le développement des humains, un poids lourd et encombrant dont personne n'arrivait à se défaire. Lui comme elle se demandaient souvent pourquoi Arishem l'avait créé comme cela. Car le Céleste ne faisait rien par hasard.
Il se racla la gorge et reprit la discussion comme si de rien n'était.
- Et Phastos a inventé une sorte de lentille permettant de voir plus loin.
- Un télescope, l'interrompit la blonde, cela peut être utile aux humains.
- Ajak dit que c'est trop tôt.
- Phastos doit être fou de joie, répondit joyeusement la blonde et Druig sourit en la voyant faire de l'humour.
Le brun sentait qu'Epona était déjà passée à autre chose et cela lui fit plaisir de la voir sortie de son état de tristesse passager.
- Tu parles, il n'arrête pas de râler.
- Mais chaque chose en son temps, comme dirait Ajak.
Epona s'arrêta un instant pour reprendre son souffle et s'assit sur un rocher. Elle se massa la jambe en silence et le brun comprit qu'elle avait tentée de suivre son rythme de marche pour rester à sa hauteur. Il s'en voulut immédiatement et se projeta rapidement dans l'esprit d'Epona pour tenter d'apaiser sa douleur.
Il faisait souvent cela. Epona était la seule à l'autoriser à entrer dans ses pensées. Au début, Druig n'avait pas compris pourquoi les autres ne voulaient pas qu'il s'immisce dans leur tête. Il pouvait faire sauter quelqu'un plus haut, l'obliger à porter des charges plus lourdes, à pécher plus de poissons. Il pouvait réduire l'effet de la douleur chez quelqu'un en agissant sur le système nerveux. Il était capable de contrôler de plus en plus de monde à mesure qu'il apprenait à maitriser son pouvoir. D'un clignement de cils, il pouvait se projeter dans des centaines, des milliers d'esprits humains pour savoir où ils se situaient et les contrôler.
Il aurait pu contrôler une armée s'il l'avait voulu.
Mais la face cachée de son pouvoir lui était apparue avec d'autant plus de forces. Les humains étaient cupides, portés sur la violence et sur la trahison. Mais ils étaient aussi inventifs et solidaires quand ils le voulaient. Les humains étaient tellement ambivalents qu'il avait décidé de savoir ce que ses compagnons pensaient réellement.
Les pensées des Eternels n'étaient pas originales. C'était métallique, froid, parcouru de temps en temps par des fils de couleurs symbolisant des émotions. Celles d'Epona en comparaison étaient pleines de couleurs en mouvement. Druig avait presque été soulagé quand la blonde lui avait autorisé à entrer dans ses pensées. La tête d'Epona était un refuge.
La blonde soupira de bien-être en fermant les yeux pour profiter de l'effet apaisant de l'esprit du brun sur le sien.
- Tu n'es pas obligé de faire ça tu sais, dit-elle au bout d'un moment.
- Je ne me sens obligé de rien.
- Tu ne fais rien par charité d'habitude.
- Qui te dit que je le fais par charité ?
Epona ouvrit brusquement les yeux pour se retrouver face au sourire moqueur du brun.
- Ma belle Epona, tu penses vraiment je ferais tout cela sans contrepartie ? J'espère bien que tu me redevras tout cela un jour. Et au centuple.
Il s'était approché de la blonde lentement, la fixant de son regard que la blonde trouvait si attrayant, se positionnant seulement à quelques centimètres de son visage. Epona rougit violemment en s'écartant du brun. Elle ne s'était toujours pas habituée aux tentatives de charme du Télépathe.
Elle fixa un instant le sable du désert, essayant de contrôler les battements frénétiques de son cœur.
- J'ai aussi fait une découverte, dit-elle après plusieurs minutes de silence, j'ai trouvé cette plante odorante, mais je n'ai pas encore trouvé de nom.
Epona tendit les feuilles au brun qui les prit en frôlant la peau de sa main. Un long frisson remonta le long du bras de Druig et Epona eut un petit sourire moqueur en voyant son expression troublée. L'Eternel porta la feuille à son nez et huma la senteur délicate de la plante.
- Cette plante est comme toi. Douce et piquante à la fois.
- Et toi tu n'es qu'un beau parleur, dit la blonde en poussant le brun de l'épaule.
- Avoue que tu m'aimes bien quand même.
- Je supportes ta présence.
- Menteuse.
Le brun fit tourner la feuille entre ses doigts.
- Tiens, cela pourrait être son nom à ta plante. Menteuse.
La blonde lui lança un regard scandalisé et l'Eternel rit doucement.
- Bon d'accord pas ce nom si tu veux. Mais je tiens à ma thématique du mensonge, tu n'y échapperas pas. Pourquoi pas ment. Ou menta.
- Mentha longifolia. La menthe. C'est un joli nom, dit en riant la blonde.
Druig regarda les yeux d'Epona briller et se dit qu'il n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Les yeux bruns de la jeune femme ressemblaient à des puits. Des puits où il aurait aimé se perdre pour toujours.
Début d'une petite complicité entre nos deux protagonistes !
Ce que j'adore dans cette republication, c'est de mettre des petits indices de partout et de voir si vous allez arriver à les retrouver ha ha !
Bon courage et on se retrouve dans deux jours pour la suite !
PS : Bisous à nos amis canadiens, belges et suisses ;)
a.k.a MadBloodd
[Première publication : 15 février 2022]
[Republication : 24 juin 2024]
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